10.072 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la Convention du 26 avril 1966 entre la Suisse et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 23 novembre 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation du protocole du 27 juillet 2011 modifiant la Convention entre la Suisse et l'Espagne du 26 avril 1966 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 novembre 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2119

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Condensé La Suisse et l'Espagne sont liées par une convention en vue d'éviter les doubles impositions dans le domaine des impôts sur le revenu et sur la fortune. Cette convention conclue le 26 avril 1966 a été révisée par le protocole du 29 juin 2006.1 Conformément à la politique conventionnelle suisse suivie jusqu'en mars 2009, ce protocole prévoit une assistance administrative élargie aux cas de fraude fiscale et d'infractions équivalentes ainsi qu'aux cas concernant des sociétés holdings. Par ailleurs, une clause de la nation la plus favorisée avait dû être alors introduite afin de garantir à l'Espagne qu'elle se verrait octroyer automatiquement le même niveau d'assistance administrative en matière fiscale, que celui dont la Suisse pourrait convenir avec un autre Etat membre de l'Union européenne.

La décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009 de retirer la réserve de la Suisse à l'échange de renseignements selon le Modèle de convention de l'OCDE, et l'adoption de la clause correspondante dans un certain nombre de conventions révisées depuis lors entre la Suisse et des Etats européens ont rendu nécessaire une nouvelle révision afin de clarifier la portée de l'assistance administrative en reprenant les solutions préconisées par la Suisse et en éliminant la clause automatique de la nation la plus favorisée, qui n'a plus lieu d'être dans le contexte d'une standardisation internationale, dont bénéficie actuellement l'Espagne.

Le 1er juillet 2010, les paraphes ont été apposés sur le protocole de modification qui a été signé à Madrid le 27 juillet 2011.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de ce protocole.

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RS 0.672.933.21 et 211

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Message 1

Considérations générales sur l'évolution de la politique conventionnelle suisse contre les doubles impositions

Les conventions contre les doubles impositions constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent l'activité de l'économie suisse d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et des personnes morales, à un impôt résiduel aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et de manière générale, à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

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Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Convention entre la Suisse et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ci après CDI-E; RS 0.672.933.21) a été signée le 26 avril 1966. Elle a été révisée par le protocole de modification du 29 juin 2006 (RS 0.672.933.211). Conformément à la politique conventionnelle suisse suivie avant mars 2009 (décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009 de retirer la réserve de la Suisse à l'échange de renseignements selon le Modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune), ce protocole avait introduit une assistance administrative élargie aux cas de fraude fiscale et d'infractions équivalentes ainsi qu'aux cas concernant des sociétés holdings. Par ailleurs, la révision de 2006 était alors une condition sine qua non pour l'application entre la Suisse et l'Espagne de l'art. 15 de l'accord sur la fiscalité de l'épargne (RS 0.641.926.81) en ce qui concerne les paiements de dividendes, d'intérêts et de redevances entre sociétés mère et fille. La révision de 2006 a également introduit une clause de la nation la plus favorisée qui garantit que l'Espagne se verra octroyer automatiquement le même niveau d'assistance administrative en matière fiscale, que celui dont la Suisse pourrait convenir avec un autre Etat membre de l'Union européenne.

Depuis la réorientation politique de mars 2009 en matière d'assistance administrative fiscale internationale, la Suisse a conclu des conventions contre les doubles impositions reprenant le standard de l'art. 26 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après Modèle OCDE) avec un certain nombre d'Etats européens (notamment Luxembourg, Pays-Bas, France, GrandeBretagne). Ces conventions ont été approuvées par les Chambres fédérales et sont entrées en vigueur. L'Espagne est depuis lors en droit d'invoquer les solutions 8393

prévues pour l'assistance administrative dans ces conventions, s'agissant des impôts visés par l'art. 2 de la CDI-E, pour les demandes concernées par la date de première application des dispositions en la matière de l'une quelconque de ces conventions.

Il résulte de cette situation que, selon la CDI-E en vigueur dont la mise en oeuvre est régie par une ordonnance spécifique, les demandes d'assistance peuvent porter non seulement sur des cas d'application régulière, des cas de fraude fiscale et d'infractions équivalentes ou des cas concernant les sociétés holding, mais encore sur des cas qui devraient être réglés, au choix de l'Espagne, selon la solution retenue dans chacune de ces conventions entre la Suisse et un Etat membre de l'Union Européenne.

Afin d'éviter une application complexe de l'échange de renseignements sur la base de la CDI-E, la Suisse a décidé de proposer une révision de celle-ci aux autorités espagnoles, lesquelles ont donné une suite favorable à cette proposition.

Après une ronde de négociations, les paraphes ont pu être apposés le 1er juillet 2010 sur un protocole modifiant la convention (ci-après «protocole de modification») lequel met à jour le système d'assistance administrative entre les deux pays et d'autres dispositions conventionnelles. Le protocole de modification a été signé à Madrid le 27 juillet 2011.

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Appréciation

Le protocole de modification correspond dans ses grandes lignes à la politique conventionnelle suisse et constitue une amélioration par rapport à la convention en vigueur.

Pour les dividendes provenant de source espagnole, les conditions posées pour la réduction du montant de l'impôt à la source résiduel à 0 %, c'est-à-dire dans le cas de participations de 25 % détenues pendant au moins deux ans ont été assouplies: désormais, le taux 0 % pourra être obtenu dès une participation de 10 % détenue pendant un an. En outre, l'exemption des dividendes encaissés par des institutions de prévoyance a pu être également introduite dans la convention. L'imputation de l'impôt fictif que la Suisse devait accorder pour les intérêts a été supprimée. Une clause d'arbitrage a pu être insérée, ce qui représente un objectif important de la politique conventionnelle suisse en matière fiscale. Enfin, le nouvel accord clarifie la portée de l'assistance administrative hispano-suisse en reprenant les solutions préconisées sur le plan international et élimine la clause automatique de la nation la plus favorisée dont bénéficie actuellement l'Espagne.

Les solutions du présent protocole de modification sont équilibrées et contribueront au maintien et au bon développement des relations économiques bilatérales avec un Etat membre important de l'Union européenne.

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Commentaire des dispositions du protocole de modification

Le protocole modifiant la convention prévoit les solutions suivantes.

Art. 1 du protocole de modification relatif à l'art. 2 (Impôts visés) de la convention Le catalogue des impôts espagnols sur le revenu et la fortune figurant dans la convention date de 1966. Il ne reflète plus l'état actuel des impôts espagnols sur le revenu et sur la fortune. L'occasion de la présente révision a été saisie pour effectuer une mise à jour correspondant à la politique conventionnelle espagnole récente (art. 2, par. 3, a).

Art. 2 du protocole de modification relatif à l'art. 3 (Définitions) de la convention La définition de l'Espagne prévue dans la convention ne correspond plus au territoire espagnol actuel. La définition a donc été adaptée. Elle ne fait notamment plus référence aux anciennes colonies espagnoles en Guinée équatoriale (art. 3, par. 1, let. a).

Art. 3 du protocole de modification relatif à l'art. 5 (Etablissement stable) de la convention La formulation du présent art. 5 de la convention, reprise du Modèle OCDE de 1963, ne contient ni la disposition concernant les activités auxiliaires dont la combinaison n'est pas constitutive d'un établissement stable (art. 5, par. 4, let. f, Modèle OCDE) ni le libellé modernisé de l'actuel par. 5 de l'art. 5 du Modèle OCDE s'agissant des «agents dépendants». Ces deux dispositions seront reprises dans une nouvelle let. f du par. 3 de l'art. 5 de la convention, respectivement en remplacement du par. 4 du même article. Ces adaptations reflètent, quant au fond, les solutions prévues actuellement en matière d'établissement stable.

Art. 4 du protocole de modification relatif à l'art. 9 (Entreprises associées) de la convention La convention ne contient que le premier paragraphe de l'art. 9 du Modèle OCDE, lequel permet un ajustement initial lorsque les prix fixés entre entreprises associées ne respectent pas le principe de pleine concurrence. Désormais, il sera complété par un second paragraphe qui prévoit que le second Etat ne procèdera à des ajustements de bénéfices que s'il reconnaît le bien-fondé du redressement de bénéfices opéré par le premier Etat contractant. Ces ajustements ne peuvent avoir lieu en cas de fraude ou d'omission volontaire (par. 3).

Art. 5 du protocole de modification relatif à l'art. 10 (Dividendes) de la convention La let. b du par. 2 de
l'art. 10 a été modifiée en vue d'assouplir les conditions donnant droit au taux 0 % dans les relations entre sociétés mère et fille. Désormais, une participation d'au moins 10 % (contre 25 % actuellement) détenue pendant au moins 8395

un an (contre deux ans actuellement) permettra d'obtenir un dégrèvement total de l'impôt à la source sur les dividendes.

Les institutions de prévoyance (1er et 2e piliers et pilier 3a) pourront également bénéficier à l'avenir d'un dégrèvement total de l'impôt à la source sur les dividendes (art. 10, par. 2, nouvelle let. c).

Art. 6 du protocole de modification relatif à l'art. 13 (Gains en capital) de la convention Un nouveau par. 3 a été introduit dans cet article. Il prévoit, à l'instar d'autres conventions suisses contre les doubles impositions, que les gains provenant de l'aliénation de participations dans une société dont la fortune est, directement ou indirectement, composée pour plus de 50 % de biens immobiliers situés dans un Etat contractant sont imposables dans cet Etat. Deux exceptions à cette règle sont toutefois prévues: ­

lorsque les gains proviennent de l'aliénation d'actions de sociétés cotées sur un marché boursier d'un des Etats contractants ou reconnu par les autorités compétentes des Etats contractants,

­

lorsque les biens immobiliers sont utilisés par la société pour ses propres activités industrielles.

Dans ces deux cas, l'imposition des gains revient alors à l'Etat de résidence du bénéficiaire.

Art. 7 du protocole de modification relatif à l'art. 23 (Méthodes pour éliminer les doubles impositions) de la convention La méthode espagnole d'élimination de la double imposition est devenue obsolète et elle a été adaptée à la pratique conventionnelle actuelle de l'Espagne dans ce domaine. La méthode du crédit d'impôt est introduite. Toutefois, la méthode de l'exonération avec progressivité reste applicable dans les cas où la convention attribue un droit d'imposition exclusif à l'Etat de la source. Par ailleurs, les résidents d'Espagne peuvent opter pour une exemption pour participation ou pour établissement stable aux conditions du droit interne espagnol (cf. nouveau par. IIIbis du protocole, introduit par l'art. 11 du protocole de modification).

La demande suisse visant la suppression de l'imputation de l'impôt fictif, unilatéralement à la charge des fiscs suisses, concernant les intérêts a pu être satisfaite. Ce type d'incitation visant le développement économique n'a en effet pas lieu d'être entre Etats membres de l'OCDE et se révèle en règle générale d'application difficile dans la pratique. Le par. 5 de l'art. 23 est donc supprimé.

L'art. 23 relatif à la méthode suisse utilisée pour éviter les doubles impositions précise que, dans les cas relevant du nouveau par. 3 de l'art. 13, la Suisse n'exonère ces gains que s'il est prouvé qu'ils ont été imposés en Espagne (par. 2, let. a, de l'art. 23).

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Art. 8 du protocole de modification relatif à l'art. 25 (Procédure amiable) de la convention Le par.1 de l'art. 25 a été adapté pour introduire le délai d'ordre de trois ans après la première notification pour présenter aux autorités compétentes une demande d'ouverture de procédure amiable. Le par. 2 a également été modifié en vue de limiter à 7 ans après la date de première notification, l'obligation d'appliquer la solution amiable. Cette modification était nécessaire en raison du délai espagnol de prescription de quatre ans. Pour cette raison, l'Espagne réclamait initialement de reprendre l'exception au délai de droit interne du Modèle OCDE afin d'éviter, en faveur du contribuable, cette limite de quatre ans. Les deux parties sont convenues par conséquent d'un délai de 7 ans, lequel devrait également préserver le délai de prescription de dix ans du droit interne suisse.

Cet article prévoit en outre l'introduction dans la convention d'une clause d'arbitrage inspirée du Modèle de convention de l'OCDE. Cette disposition est conforme à la pratique conventionnelle de la Suisse. Pour plus de précisions concernant la procédure d'arbitrage on se réfèrera au message du 5 septembre 2007 concernant une nouvelle convention de double imposition avec l'Afrique du Sud (FF 2007 6225).

Une procédure d'arbitrage est ouverte à la demande du contribuable concerné si les autorités compétentes des deux Etats contractants n'ont pas réussi à s'entendre après 3 ans de procédure amiable, à condition que la voie contentieuse ne soit pas encore ouverte ou qu'aucun tribunal des Etats contractants n'ait tranché le cas. La sentence de la commission d'arbitrage est contraignante pour les Etats contractants dans la mesure où aucun contribuable directement concerné ne s'oppose à elle. Les autorités compétentes règlent les questions de procédure d'un commun accord. Les informations communiquées dans le cadre de la procédure par les autorités compétentes à la commission d'arbitrage sont soumises aux règles de confidentialité du par. 2 de l'art. 25bis (Echange de renseignements).

Cette disposition d'arbitrage sera applicable aux procédures amiables introduites dès l'entrée en vigueur du protocole de modification.

Art. 9 et 12 du protocole de modification relatifs à l'art. 25bis (Echange de renseignements) de la convention La
révision de 2006 a introduit, outre l'assistance dans les cas de fraude fiscale et d'infractions équivalentes ainsi que pour les cas concernant des sociétés holding, une clause de la nation la plus favorisée qui garantit que l'Espagne se voit octroyer automatiquement le même niveau d'assistance administrative en matière fiscale que celui dont la Suisse pourrait convenir avec un autre Etat membre de l'Union européenne.

En retirant sa réserve concernant l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE, le 13 mars 2009, la Suisse s'est engagée politiquement à reprendre la norme de cet article telle qu'elle est précisée dans son commentaire.

Depuis cette réorientation politique, la Suisse a conclu des conventions contre les doubles impositions reprenant le standard de l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE avec un certain nombre d'Etats européens (notamment Luxembourg, PaysBas, France, Grande-Bretagne). Certaines de ces conventions ont été approuvées par les Chambres fédérales et sont entrées en vigueur. L'Espagne est dès lors en droit 8397

d'invoquer les solutions prévues pour l'assistance administrative dans l'une quelconque de ces conventions, s'agissant des impôts visés par l'art. 2 de la CDI-E, dès leur entrée en vigueur pour les demandes couvertes par la date de première application des dispositions en la matière.

Il résulte de cette situation que des demandes d'assistance pourront porter non seulement sur des cas d'application régulière, des cas de fraude fiscale et d'infractions équivalentes ou concernant les sociétés holding selon la CDI-E en vigueur, dont la mise en oeuvre est régie par une ordonnance spécifique, mais encore pour des cas qui devraient être réglés, au choix de l'Espagne, selon la solution retenue dans chacune de ces conventions avec des Etats membres de l'Union Européenne.

Afin d'éviter une application complexe de l'échange de renseignements sur la base de la CDI-E, une révision de la situation était donc nécessaire.

Le nouvel art. 25bis reprend, dans les grandes lignes, le texte de l'art. 26 du Modèle de convention OCDE. Certaines variations par rapport à celui-ci ont été prévues en ce qui concerne la possibilité d'utiliser des renseignements à d'autres fins sous réserve de l'accord des deux Etats et de donner les pouvoirs nécessaires aux autorités fiscales des Etats contractants pour obtenir les renseignements requis de la part des banques, d'un autre établissement financier, d'un mandataire ou d'une personne agissant en tant que fiduciaire et pour déterminer les droits de propriété dans une personne. Les modifications apportées aux dispositions sur l'échange de renseignements correspondent à la norme internationale en la matière.

Le premier paragraphe consacre le principe de l'échange de renseignements. Il prévoit l'échange des renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination. Comme les renseignements sont limités à ceux qui sont vraisemblablement pertinents, la «pêche aux renseignements» est exclue. Pour appliquer cette disposition, il n'est pas nécessaire que le contribuable concerné soit un résident de Suisse ou d'Espagne pour autant qu'il y ait un rattachement économique dans l'un des Etats contractants.

L'application de l'échange de
renseignements aux impôts de toute nature était une condition sine qua non de la révision et a permis d'atteindre un compromis dans lequel la partie espagnole a abandonné, notamment, une série de propositions de nature contraignante qui auraient dû, de son point de vue, figurer dans le protocole.

Le deuxième paragraphe est consacré au principe de confidentialité. Cette disposition déclare applicables les règles de confidentialité de l'Etat qui a reçu les renseignements. Elle vise l'Etat requérant et prévoit que les renseignements obtenus ne peuvent être communiqués qu'aux personnes ou autorités concernées par l'établissement, le recouvrement des impôts visés par cette disposition ou par les procédures et poursuites concernant ces impôts ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il s'ensuit que ces renseignements peuvent aussi être communiqués au contribuable ou à son représentant. La dernière phrase prévoit que les renseignements reçus ne peuvent être utilisés à d'autres fins sauf si cette possibilité est prévue par les lois des deux Etats contractants et si l'Etat qui fournit les renseignements donne son consentement. Ainsi, cette disposition permet d'utiliser les renseignements obtenus dans le cadre d'une procédure pénale, tout en respectant les droits de procédure de la personne concernée. Elle permet d'éviter de devoir transmettre les mêmes informations en donnant suite à des demandes de renseignements réitérées à

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des fins différentes. Dans tous les cas, le consentement de l'Etat qui fournit les renseignements est requis.

Le troisième paragraphe contient certaines limitations à l'échange de renseignements en faveur de l'Etat requis. Celui-ci n'est pas tenu de prendre des mesures administratives allant au-delà des limites prescrites par sa propre législation ou par sa pratique administrative ni n'est obligé de prendre des mesures administratives qui s'écartent de la législation ou de la pratique administrative de l'Etat requérant. L'Etat requis n'est en outre pas tenu de transmettre des renseignements qui ne peuvent être obtenus selon sa propre législation ou selon sa pratique administrative ou selon le droit et la pratique administrative de l'Etat requérant. Enfin, l'Etat requis peut refuser de fournir des renseignements qui seraient contraires ou heurteraient l'ordre public ou qui révélerait un secret commercial, ce qui pourrait être le cas lorsque les renseignements transmis ne sont pas tenus effectivement secrets dans l'Etat requérant.

Le quatrième paragraphe prévoit que l'Etat requis a l'obligation de se procurer et de communiquer des renseignements même dans le cas où il n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa propre législation fiscale. Ainsi, l'échange de renseignements n'est pas limité aux seuls renseignements qui présentent un intérêt pour les autorités fiscales de l'Etat requis.

Le cinquième paragraphe contient des dispositions particulières concernant les renseignements qui sont détenus pas des banques, d'autres intermédiaires ou qui concernent les droits de propriété dans une personne. De tels renseignements doivent être échangés nonobstant les limitations prévues au par. 3. L'Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même lorsque ces renseignements ne sont pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire suisse. Cette disposition implique cependant que les renseignements requis existent effectivement.

Dans les cas de fraude fiscale, la Suisse possède, en vertu de sa procédure pénale interne, les moyens nécessaires pour obtenir les renseignements visés par le par. 5.
L'échange de renseignements selon le protocole de modification ne présuppose toutefois plus l'existence d'une fraude fiscale. Afin de permettre aux Etats contractants d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles obligations conventionnelles, la dernière phrase du par. 5 constitue la base légale nécessaire leur permettant d'obtenir les renseignements demandés.

Dans un premier temps, la procédure à appliquer fait l'objet de l'ordonnance du 1er septembre 2010 relative à l'assistance administrative d'après les conventions contre les doubles impositions (OACDI: RS 672.204), entrée en vigueur le 1er octobre 2010. Cette ordonnance sera remplacée par la loi fédérale sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF). Le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à cette loi le 6 juillet 2011 (FF 2011 5771). En vertu de l'art. 5, al. 2, let. c, OACDI, la Suisse n'accordera pas l'assistance administrative à l'Espagne si la demande se fonde sur des données acquises de manière illégale. Elle l'a fait savoir aux autorités espagnoles.

La demande d'échange de renseignements devra être soumise par écrit (de simples demandes par téléphone sont donc exclues), conformément aux prescriptions du standard international dans ce domaine, en particulier au Module 1 concernant l'échange de renseignements sur demande du Manuel de l'OCDE de mise en oeuvre des dispositions concernant l'échange de renseignements à des fins fiscales.

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Les dispositions de l'art. 25bis sont encore précisées dans le nouveau ch. IV du protocole de la convention.

Le par. 1 du ch. IV confirme le principe de la subsidiarité. Les Etats contractants sont tenus d'épuiser leurs moyens d'enquête nationaux, sauf si ces mesures devaient donner lieu à des difficultés disproportionnées, avant de soumettre une demande de renseignements à l'autre Etat contractant.

Les conditions auxquelles une demande de renseignements doit répondre sont déterminées en détail (ch. IV, par. 2 et 3). Elles visent à éviter que des pêches aux renseignements, c'est-à-dire des requêtes présentées sans objet précis dans l'espoir de recevoir des renseignements fiscalement pertinents. Au reste, ces exigences doivent cependant être interprétées de manière à ne pas faire obstacle à un échange effectif des renseignements (par. 3).

En accord avec la norme internationale actuellement en vigueur, l'Etat requérant doit identifier le contribuable concerné de manière indubitable, cette identification pouvant être établie par d'autres moyens que le nom et l'adresse. La demande doit également comporter, dans la mesure où ils sont connus, l'indication du nom et de l'adresse du détenteur de renseignements (par exemple une banque) que l'Etat requérant présume être en possession des renseignements demandés. La norme internationale prévoit l'obligation pour l'Etat requis de satisfaire également aux demandes dont les éléments ne permettent pas d'identifier le détenteur présumé des renseignements. Dans la mesure où la recherche des renseignements se révèle difficile sans ces données, la norme admet le rejet de telles demandes pour des raisons de proportionnalité et de praticabilité. Par conséquent, l'Administration fédérale des contributions (AFC), en tant qu'autorité administrative compétente, n'a pas l'obligation d'exiger la remise des renseignements aux plus de 300 banques au total menant leurs activités en Suisse pour satisfaire à une demande d'assistance administrative. Si, en revanche, seules quelques banques sont présumées détenir les renseignements, l'AFC a l'obligation d'exiger d'elles la remise des renseignements, même si elle n'a pas reçu l'indication du nom ni de l'adresse de la personne concernée, pour autant que les faits soient exposés de manière probante dans la demande, de manière à
exclure la pêche aux renseignements. Pour assurer une mise en oeuvre efficace de l'échange de renseignements, l'Etat requérant doit en outre mentionner les renseignements qui lui sont nécessaires pour telle période fiscale et pour tel but fiscal.

Conformément aux exigences de la norme internationale en vigueur actuellement concernant les demandes de renseignements, l'échange de renseignements est limité aux demandes concrètes sur demande dans des cas particuliers. Sur le plan international, des discussions sont menées en vue d'élargir la norme et d'admettre également des demandes concrètes visant un groupe défini précisément de contribuables, lorsqu'on peut présumer, sur la base de nombreux indices, qu'ils n'ont pas rempli correctement leurs obligations fiscales dans l'Etat requérant. Le ch. 1.2.1 du message concernant la LAAF (FF 2011 5771) contient des explications supplémentaires à ce sujet.

L'obligation d'un Etat contractant d'échanger des renseignements spontanément ou automatiquement est expressément exclue (ch. IV, par.4). Enfin, les droits de procédure des contribuables sont garantis (ch. IV, par. 5). En Suisse, le contribuable concerné peut attaquer la décision finale de l'AFC concernant l'échange de renseignements en formant un recours devant le Tribunal administratif fédéral, lequel 8400

tranche définitivement la cause. Le recours a un effet suspensif: les renseignements ne peuvent donc être communiqués que si le recours est rejeté et une fois que la décision de rejet est entrée en force.

Les par. 6 et 7 du ch. IV du protocole précisent que les retards pris dans l'exécution de la demande par l'Etat requis, y compris en cas de recours du contribuable, ne peuvent être invoqués pour le calcul du délai de prescription espagnol. Cette règle doit être considérée comme la contrepartie de la garantie des droits du contribuable du par. 5 mentionné ci-dessus. Par ailleurs, comme dans la convention actuelle, la personne concernée en Espagne ne peut invoquer dans sa propre procédure espagnole que la procédure d'assistance administrative ne s'est pas déroulée correctement en Suisse.

Art. 10 et 11 du protocole de modification relatifs au protocole de la convention Le nouveau ch. Ibis du protocole clarifie la qualité de résident dans un Etat contractant en ce qui concerne les institutions de prévoyance.

Le nouveau ch. IIIbis du protocole confirme le principe d'option pour le contribuable concernant l'élimination de la double imposition soit selon le droit interne espagnol, soit selon la méthode conventionnelle (cf. nos explications sous art. 7 du protocole de modification).

Art. 13 du protocole de modification relatif à son entrée en vigueur Par le biais de l'application automatique de la nation la plus favorisée par rapport à des Etats membres de l'Union européenne auxquels la Suisse accorderait un niveau d'assistance plus étendu (y compris sur le plan temporel) s'agissant des impôts visés par la CDI-E, l'Espagne bénéficie des solutions déjà prévues avec la France ou les Pays-Bas (échange de renseignement étendu applicable dès le 1er janvier, respectivement le 1er mars 2010).

Il s'ensuit que le nouvel art. 25bis s'applique pour les impôts visés par la convention dès le 1er janvier 2010. Pour les autres impôts, cette disposition sur l'échange de renseignements s'appliquera aux périodes fiscales commençant le 1er janvier de l'année suivant l'année de l'entrée en vigueur du protocole de modification ou après cette date, ou aux montants payés ou crédités après cette date. Le par. 3 de l'art. 13 précise que les solutions introduites par le protocole du 29 juin 2006 continuent d'être applicables
transitoirement aux fraudes fiscales et aux infractions équivalentes commises dès le 29 juin 2006 et jusqu'à ce que le présent protocole de modification soit applicable.

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Conséquences financières

Dans toute convention contre les doubles impositions, les deux Etats contractants renoncent à certaines recettes fiscales. La présente modification abroge la disposition concernant l'imputation de l'impôt fictif sur les intérêts, accordée jusqu'à présent unilatéralement par la Suisse, ce qui aura un effet positif sur les recettes des fiscs suisses. Par ailleurs, les conditions posées aux sociétés de participation pour obtenir un dégrèvement total de l'impôt à la source sur les dividendes ont été allégées et le droit au dégrèvement total de cet impôt a été introduit pour les fonds de 8401

prévoyance. Ces mesures renforcent les conditions fiscales cadres et exercent par conséquent un effet positif pour l'économie suisse.

En outre le protocole qui prévoit, d'une part, une assistance administrative pour appliquer le droit national de l'Etat requérant et, d'autre part, un accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales, l'une et l'autre sur demande, pourrait être considéré d'une certaine manière comme préjudiciable pour la place économique suisse et, indirectement, pour les recettes fiscales du pays. Cependant, au vu des efforts internationaux pour uniformiser les conditions de l'assistance administrative dans l'ensemble des Etats («global level playing field») et pour assurer l'application effective de l'échange de renseignements au moyen d'un mécanisme de contrôle adéquat, la nouvelle situation ne devrait pas avoir d'incidence particulière sur la Suisse.

Les cantons et les milieux économiques intéressés se sont prononcés en faveur du protocole. Dans l'ensemble, celui-ci contribue de manière bénéfique au maintien et au développement des relations économiques bilatérales, ce qui s'inscrit dans le cadre des buts principaux de la politique suisse en matière de commerce extérieur.

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Constitutionnalité

Le protocole de modification avec l'Espagne se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.; RS 101), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver ce protocole en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst.. La convention est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les conventions qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujettes au référendum facultatif en matière de traités internationaux à partir du 1er août 2003. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10), sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Afin d'assurer l'uniformité de l'application de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., et pour éviter de soumettre au référendum plusieurs traités d'une portée semblable, le Conseil fédéral a précisé, dans son message du 19 septembre 2003 sur la convention contre les doubles impositions avec Israël (FF 2003 5903), qu'il proposerait au Parlement de ne pas soumettre au référendum les traités qui ne contiennent pas d'engagements supplémentaires importants pour la Suisse par rapport à des conventions antérieures.

L'adoption de la norme internationale en matière d'échange de renseignements et la clause d'arbitrage constituent deux nouveautés importantes dans la pratique conventionnelle de la Suisse en matière fiscale.

La présente convention contient donc de nouvelles dispositions importantes au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation du protocole de modification de la convention en vue d'éviter les doubles impositions entre la Suisse et l'Espagne signé le 27 juillet 2011 est sujet au référendum conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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