10.440 Initiative parlementaire Améliorer l'organisation et les procédures du Parlement Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 29 août 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons des projets de modification de la loi sur le Parlement et du règlement du Conseil des Etats, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter les projets d'acte ci-joints.

29 août 2011

Pour la commission: Le président, Alain Berset

2011-1803

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Condensé Par le présent projet, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) soumet à l'Assemblée fédérale 15 modifications de la loi sur le Parlement (LParl) et du règlement du Conseil des Etats (RCE). La plupart des modifications sont mineures; elles visent à combler certaines lacunes et à apporter certaines précisions dans la LParl, dont l'application a parfois suscité quelques incertitudes.

Trois des modifications sont toutefois de plus grande ampleur: 1.

Les initiatives parlementaires et les initiatives des cantons ne doivent plus être déposées sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux, mais uniquement sous la forme d'un avant-projet d'acte de l'Assemblée fédérale. Actuellement, les demandes des députés ou des cantons sont souvent rédigées en termes tellement généraux que leur mise en oeuvre ultérieure offre une très grande latitude. En exigeant des auteurs d'une initiative qu'ils présentent un avant-projet d'acte, on leur enjoint également de se pencher plus précisément sur la manière dont leurs objectifs pourront être mis en oeuvre. Il est vrai que leur charge de travail augmentera en conséquence; toutefois, il en ira de même des chances que leurs objectifs ­ s'ils réunissent une majorité en leur faveur ­ soient efficacement mis en oeuvre.

Pour les autres déclarations d'intention formulées de manière plus vague, il existe d'autres instruments (notamment la motion). De plus, les députés ont comme auparavant le droit de demander à une commission, sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux, d'élaborer une initiative parlementaire de la commission. Par ailleurs, il s'agit de revaloriser l'instrument de l'initiative parlementaire et de l'initiative des cantons en réintroduisant des délais pour l'examen préalable de ces initiatives par les commissions. Ces dernières années, il est en effet arrivé que les commissions repoussent l'examen préalable de certaines initiatives; or, la décision de principe concernant la nécessité de légiférer peut et doit être prise rapidement, indépendamment de l'état d'avancement des éventuels autres travaux législatifs portant sur le même sujet.

2.

Toute demande de convocation des conseils en session extraordinaire doit indiquer précisément quels objets pendants devant les deux conseils doivent être examinés. En règle générale, la session doit avoir lieu aux deux conseils au cours de la même semaine, laquelle doit être déterminée conjointement par les bureaux du Conseil national et du Conseil des Etats. Actuellement, la convocation des Chambres fédérales à une session extraordinaire consacrée à un thème particulier peut être demandée sans que les objets concernés soient prêts à être traités par l'autre conseil. Il n'y a aucune coordination entre les deux conseils. Par ses propositions, la CIP-E souhaite rétablir un état de fait exigé par la Constitution: aux termes de cette dernière, un quart des membres de l'un des conseils ou le Conseil fédéral peuvent demander la convocation des deux conseils en session extraordinaire. Le but d'une session extraordinaire n'est pas qu'un conseil mène une discussion générale,

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mais que les deux conseils puissent prendre des décisions concordantes. Une modification du règlement du Conseil national pourrait permettre de répondre au besoin régulièrement exprimé par une minorité qualifiée du Conseil national de mener une discussion sur un certain sujet.

3.

Il convient d'inscrire dans la loi le droit de demander la parole sur des interventions controversées. Lorsqu'une motion combattue par certains députés est adoptée par un conseil, elle est transmise à l'autre conseil; or, si aucun débat oral n'a eu lieu au sein du conseil prioritaire, le second conseil (et sa commission chargée de l'examen préalable) ne dispose pas de certains éléments essentiels pour prendre sa décision. En d'autres termes, si une décision controversée est prise sans qu'aucun débat n'ait eu lieu au préalable, il est difficile de comprendre les arguments ayant mené à cette décision. Les développements écrits ne sauraient remplacer efficacement les débats oraux, car ils ne permettent pas de saisir directement le rapport entre la décision et les différents arguments sur lesquels elle repose. Par la présente proposition, la CIP-E réagit à la tendance actuelle au sein du Conseil national de ne pas débattre oralement sur certains sujets, pratique qui a eu des conséquences pour le moins fâcheuses sur le travail du Conseil des Etats. Par exemple, lorsque le Conseil national examine un grand nombre d'interventions dans le cadre d'un «débat organisé» consacré à un sujet déterminé, il ne prend généralement pas position sur chacune des interventions; par conséquent, on ne connaît pas les raisons qui l'ont conduit à adopter telle motion alors que cette dernière était controversée. Cette pratique ne permet pas aux motions d'être examinées par le Conseil des Etats avec toute l'attention qu'elles requièrent. Inévitablement, la disposition proposée par la CIP-E réduira le nombre de motions examinées et, le cas échéant, adoptées par le Conseil national; en compensation, les motions adoptées gagneront en importance d'abord au Conseil des Etats, puis ­ si ce dernier les adopte à son tour ­ au Conseil fédéral, qui est chargé de les mettre en oeuvre.

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Table des matières Condensé

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1 Genèse du projet 1.1 La loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement et ses modifications antérieures 1.2 09.3896 Mo. (Stadler Hansruedi) Briner. Armer le Parlement fédéral pour l'avenir 1.3 Travaux de la CIP-E

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2 Grandes lignes du projet 2.1 Améliorations ponctuelles ou réforme de fond?

2.2 Les principales propositions de réforme 2.2.1 Examen des initiatives parlementaires et des initiatives des cantons 2.2.1.1 Les lacunes actuelles 2.2.1.2 Forme de l'initiative parlementaire 2.2.1.3 Délais de traitement applicables à l'examen préalable d'une initiative parlementaire 2.2.1.4 Analogie des initiatives des cantons et des initiatives parlementaires 2.2.2 Sessions extraordinaires 2.2.2.1 Droit en vigueur 2.2.2.2 Pratique actuelle 2.2.2.3 Propositions de réformes 2.2.2.4 Autre possibilité 2.2.3 Obligation de débattre oralement 2.2.3.1 Droit en vigueur et pratique 2.2.3.2 Proposition de réforme 2.3 Propositions de réforme rejetées 2.3.1 Rythme des sessions ordinaires 2.3.2 Contingentement des interventions 2.3.3 Limitation du temps de parole accordé aux députés 2.3.4 Coordination des travaux des Commissions de gestion et des Commissions des finances 2.3.5 Institution d'une délégation de politique extérieure

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3 Commentaire par article 3.1 Modification de la loi sur le Parlement (LParl) 3.2 Modification du règlement du Conseil des Etats (RCE)

6284 6284 6289

4 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

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5 Bases légales

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A

Loi fédérale sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl) (Améliorations de l'organisation et des procédures du Parlement) (Projet)

B. Règlement du Conseil des Etats (RCE) (Améliorations de l'organisation et des procédures du Parlement) (Projet)

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

La loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement et ses modifications antérieures

Par son rapport du 1er mars 2001 (01.401), la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a soumis un projet de loi sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10), appelé à se substituer à la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (LREC). En procédant à cette refonte, la commission visait trois objectifs: 1.

concrétiser les nouvelles perspectives ouvertes par la Constitution fédérale (RS 101) dans le domaine du droit parlementaire;

2.

traduire dans les textes les réformes indispensables du droit parlementaire;

3.

présenter le droit parlementaire selon une systématique claire et reformuler les dispositions désuètes du point de vue rédactionnel.

Après adoption par les deux chambres au vote final le 13 décembre 2002, la nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er décembre 2003, soit au début de la 47e législature, de même que les nouveaux règlements des conseils, refondus en conséquence.

Si cette réforme en profondeur a permis d'atteindre les objectifs précités, il était clair d'emblée que le droit parlementaire n'était pas pour autant gravé dans le marbre pour les prochaines décennies. La variété des objets soumis à délibération, le nombre élevé des droits individuels des parlementaires et la complexité du système bicaméral ne cessent en effet de soulever des questions toujours nouvelles, qui obligent à remettre en permanence l'ouvrage sur le métier. Depuis son entrée en vigueur le 1er décembre 2003, la LParl a déjà été modifiée seize fois.

1.2

09.3896 Mo. (Stadler Hansruedi) Briner.

Armer le Parlement fédéral pour l'avenir

Dans sa motion du 24 septembre 2009, le conseiller aux Etats Hansruedi Stadler (C, UR) se demandait «comment faire pour améliorer l'organisation et le fonctionnement et des conseils et des commissions, en s'assurant que ces améliorations seront suffisantes pour permettre au Parlement de relever les défis de l'avenir», et proposait de charger les organes compétents de l'Assemblée fédérale non seulement de répondre à cette question, mais aussi de proposer au Parlement les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre ces améliorations. Il présentait ensuite une liste non exhaustive de questions concrètes.

Le 6 novembre 2009, le Bureau du Conseil des Etats a décidé de proposer à son conseil d'adopter la motion; parallèlement, il a invité la CIP-E ­ en sa qualité de commission chargée du droit parlementaire ­ à procéder à l'examen préalable de la motion, conformément à l'art. 17, al. 3, RCE (RS 171.14), ce qu'elle a accepté le 12 novembre 2009.

6266

M. Stadler ayant quitté ses fonctions de conseiller aux Etats, la motion a été reprise par le conseiller aux Etats Peter Briner (RL, SH) le 3 septembre 2010.

1.3

Travaux de la CIP-E

Le 1er février 2010, la CIP-E a auditionné l'auteur de la motion et s'est penchée sur la suite de la procédure. Elle est arrivée à la conclusion qu'il serait préférable qu'elle dépose sa propre initiative parlementaire en lieu et place de la motion. En effet, l'art. 110, al. 2, let. a, LParl prévoit expressément que la forme de l'initiative parlementaire est jugée appropriée si l'initiative vise à élaborer un projet d'acte relatif à l'organisation ou au fonctionnement de l'Assemblée fédérale. Une motion devrait d'abord être adoptée par les deux conseils afin que le Bureau du Conseil des Etats soit chargé d'élaborer un projet: non seulement cette procédure serait trop longue, mais il paraissait peu approprié de confier ce mandat au bureau, vu que ce dernier compte un nombre restreint de membres et doit assumer d'autres tâches importantes.

En déposant sa propre initiative, la CIP-E s'est donné la possibilité d'entamer ses travaux sans délai une fois que son homologue du Conseil national lui aurait donné son feu vert.

Le 22 mars 2010, la CIP-E a déposé l'initiative parlementaire suivante: «La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats décide d'élaborer des modifications du droit parlementaire visant à améliorer l'efficacité de l'action du Parlement d'une part, et la qualité du travail parlementaire d'autre part. L'exécution par le Parlement des tâches qui lui sont fixées par la Constitution, la garantie des droits du Parlement et de ses membres ainsi que le maintien du caractère de milice du Parlement constitueront le cadre général à respecter.» Le 21 mai 2010, la CIP-N a donné son accord par 16 voix contre 3 et 5 abstentions, permettant ainsi à la CIP-E d'élaborer un projet.

Le 30 août 2010, la CIP-E s'est fondée sur un document de travail de son secrétariat pour mener une première discussion et prendre certaines décisions de principe concernant les domaines qui devraient être approfondis dans le cadre du projet. Ces décisions ont permis au secrétariat d'élaborer des avants-projets de modification de la LParl et du RCE, que la commission a examinés à ses séances du 20 janvier et du 21 février 2011. Le 24 mars 2011, la commission a décidé d'inviter le Bureau du Conseil des Etats à rédiger un co-rapport et de soumettre à l'avis des cantons les dispositions qui les concernent directement
(forme de l'initiative d'un canton, objet de la procédure de consultation). Le 27 juin 2011, la commission a en outre procédé à l'audition d'un représentant de la Conférence des gouvernements cantonaux.

Le 29 août 2011, la commission a pris acte du co-rapport établi par le bureau, puis elle a procédé à d'ultimes modifications du projet et a approuvé, au vote sur l'ensemble, les deux projets d'acte à l'intention de son conseil (le projet LParl à l'unanimité; le projet RCE par 9 voix contre 0 et 2 abstentions).

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2

Grandes lignes du projet

2.1

Améliorations ponctuelles ou réforme de fond?

Au moment d'entamer ses discussions, la commission s'est demandé s'il n'y aurait pas lieu d'examiner aussi les attributions et compétences actuelles du Parlement.

Pour ce faire, elle s'est fondée sur les réflexions ­ toujours d'actualité ­ contenues dans le rapport du 1er mars 2001 relatif au projet de loi sur le Parlement (FF 2001 3312): «Toute réforme d'organes étatiques devrait débuter par une réflexion sur la question de savoir quelles sont les tâches qui doivent incomber à ces différents organes et à leurs membres respectifs. S'agissant de l'Assemblée fédérale, c'est essentiellement dans la Constitution fédérale que figurent les dispositions régissant ses attributions.

La révision totale de la Constitution a permis de définir, dans le nouveau texte en date du 18 avril 1999, les attributions de l'Assemblée fédérale de manière beaucoup plus complète et précise que la Constitution du 29 mai 1874. Rappelons à cet égard que ce sont en premier lieu les CIP qui ont pris les choses en main en soumettant leur rapport complémentaire du 6 mars 1997 relatif à la réforme de la Constitution (FF 1997 III 243). Il résulte de ces nouvelles dispositions constitutionnelles qu'au niveau de la loi, il n'y a plus que des précisions minimes à apporter aux attributions de l'Assemblée fédérale, et que les possibilités de réforme de ces attributions sont limitées.

Si l'on désirait procéder à une réforme approfondie des attributions du Parlement, il faudrait ainsi commencer par modifier la Constitution. Toutefois, comme la nouvelle Constitution de 1999 précise, et par là confirme, d'une part, les vastes attributions de l'Assemblée fédérale en tant qu'autorité suprême, et, d'autre part, les droits étendus dévolus à ses membres, une telle réforme ne pourrait se faire que dans le sens d'une réduction de ces attributions et droits, ce que, actuellement, rien ne justifierait.» Ne pas modifier les attributions et les droits constitutionnels dévolus au Parlement et à ses membres signifie également qu'il ne faut pas s'attendre à une réduction substantielle du nombre important d'objets à traiter. Certes, il est nécessaire ­ et c'est d'ailleurs possible ­ d'améliorer l'organisation et les procédures du Parlement, mais les mesures proposées ne peuvent produire que des améliorations ponctuelles et ne sauraient constituer une «réforme de fond» de l'institution parlementaire.

2.2

Les principales propositions de réforme

2.2.1

Examen des initiatives parlementaires et des initiatives des cantons

2.2.1.1

Les lacunes actuelles

La motion Stadler (cf. ch. 1.2) pose la question suivante: «L'inflation du nombre des initiatives parlementaires, par exemple, ne se traduit-elle pas par un déplacement vers le Parlement des travaux qui incomberaient plutôt au gouvernement? Cette évolution est-elle souhaitable? Peut-on corriger le tir, et si oui, comment?»

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Dans son rapport du 1er mars 2001 sur la LParl, la CIP-N dressait ce bilan au sujet de l'instrument qu'est l'initiative parlementaire: «Aujourd'hui, l'initiative parlementaire remplit trois fonctions principales: a.

Elle est l'instrument indispensable à l'activité normative dans le domaine du droit parlementaire.

b.

Elle permet de mener à chef, avec une grande efficacité, des projets législatifs simples (par ex. modification d'un article d'un acte).

c.

Elle sert au Parlement d'outil de remplacement chaque fois que la procédure , déclenchée par la motion, ne conduit pas au résultat désiré.

C'est surtout cette troisième fonction qui revêt de l'importance sur le plan de la politique générale de l'Etat: dans le principal domaine d'activité de son ressort, la législation, l'Assemblée fédérale doit pouvoir également imposer sa volonté dans l'hypothèse où le Conseil fédéral ne concrétiserait pas, dans des délais utiles et de manière idoine, les motions qui lui ont été transmises. L'organe de l'Etat auquel appartient la compétence de légiférer doit aussi pouvoir, en dernier ressort, garder le contrôle du processus législatif» (FF 2001 3343).

Les trois fonctions susmentionnées ont été intégrées, en tant que critères de l'examen préalable, à l'art. 110, al. 2, LParl: l'un de ces critères doit être rempli pour que, au cours de l'examen en question, la commission puisse juger appropriée la forme de l'initiative parlementaire et donner suite à l'initiative concernée.

Pourtant, au cours de la discussion qu'elle a menée le 30 août 2010, la CIP-E a constaté les dysfonctionnements suivants: 1.

En pratique, les critères visés à l'art. 110, al. 2, ne sont souvent pas pris en considération.

2.

Les initiatives parlementaires sont souvent formulées de façon très générale, de manière à obtenir un large soutien. Or, plus la formulation d'une initiative est vague, plus les difficultés sont importantes lors de l'élaboration du projet qui en découle. Il est alors nécessaire d'instituer une sous-commission chargée de s'atteler, au prix d'un travail fastidieux, à la concrétisation des objectifs visés par l'initiative concernée.

2.2.1.2

Forme de l'initiative parlementaire

Dans son rapport du 1er mars 2001 relatif au projet de LParl, la CIP du Conseil national avait présenté une analyse très pertinente de ce problème (FF 2001 3346): «Dans la pratique, les initiatives parlementaires sont déposées pour la plupart sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux. Il est fréquent que lesdits soient tellement que leur possible mise en oeuvre offre une très grande latitude. Il existe des initiatives qui contiennent au fond un simple mandat d'examen de telle ou telle question sans aucun élément concret de réglementation nouvelle. Une telle initiative trouvera plus facilement, lors de l'examen préalable, l'adhésion d'une majorité; c'est alors au stade de la mise en oeuvre que deux situations se présentent: soit aucune proposition concrète ne se présente, soit les idées quant à la mise en oeuvre sont tellement divergentes qu'aucune solution susceptible de rallier une majorité de voix ne peut être trouvée.

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L'initiative parlementaire n'est pas l'instrument approprié pour ce type de propositions. Pour formuler des desiderata moins axés et à des fins tenant davantage de la représentation d'options politiques, les parlementaires disposent d'autres formes d'interventions. L'instrument que constitue l'initiative parlementaire devrait être circonscrit de manière plus nette par rapport aux interventions personnelles. Si de simples propositions conçues en termes généraux ne sont plus admises, les efforts que demandera à tout parlementaire le dépôt d'une initiative seront plus importants. On peut raisonnablement l'exiger, si l'on songe au notable volume de travail qu'induit une initiative lorsque les conseils ont décidé d'y donner suite. Si, en effet, pour un projet d'une certaine complexité, la commission doit faire tout le travail, on ne voit pas pourquoi le projet qu'elle a élaboré devrait être considéré comme le résultat de l'initiative parlementaire d'un seul député qui, en une phrase, n'a fait que demander l'élaboration du projet. Aussi importe-t-il que l'on sache d'emblée que de telles exigences passent par la voie de la motion, du postulat ou de l'initiative de commission. Ainsi tout député pourra continuer de les faire valoir, mais en proposant au sein d'une commission que celle-ci élabore une initiative en son propre nom (cf. art. 76, al. 1)» (FF 2001 3346).

La CIP-N et, par la suite, les deux conseils, n'ont cependant pas retenu la conclusion à laquelle était parvenue la sous-commission des deux CIP, à savoir qu'il fallait admettre uniquement les initiatives présentées sous la forme de projets d'acte rédigés. Certes, la notion d'initiative rédigée «sous la forme d'une demande conçue en termes généraux» a été remplacée dans la loi par l'énoncé actuel, selon lequel une initiative devrait au moins comporter les «grandes lignes» d'un acte. Cette mesure n'a toutefois pas abouti, dans les faits, à une formulation plus précise et plus concrète des initiatives parlementaires.

Lors des discussions qui ont eu lieu aux alentours de l'an 2000, l'idée d'imposer la forme du projet d'acte rédigé pour les initiatives parlementaires s'est heurtée à l'argument selon lequel «bon nombre de parlementaires risqu[ai]ent d'être dépassés par cette exigence quant à la forme» (FF 2001 3347). Il est incontestable
que, si l'on introduit une telle modification, l'exercice du droit d'initiative sera plus compliqué pour les députés.

Une analyse édifiante des initiatives déposées au cours de la première année de la 47e législature montre qu'environ 40 % d'entre elles ont été déposées sous la forme d'un projet rédigé ou auraient pu être concrétisées sous cette forme sans difficulté majeure. Pour les autres initiatives, soit quelque 60 %, se pose la question suivante: faut-il privilégier un exercice le plus simple possible du droit d'initiative ou une utilisation efficace de cette pièce maîtresse du dispositif parlementaire?

Il n'est pas inutile de rappeler, à cet égard, que les députés désireux de déposer une initiative peuvent se faire aider dans leur entreprise par: ­

des collaborateurs personnels (art. 3a LMAP: «Les députés perçoivent un montant annuel de 31 750 francs à titre de contribution aux dépenses de personnel et de matériel liées à l'exercice de leur mandat parlementaire»);

­

les secrétariats de groupe;

­

les organes compétents au sein des Services du Parlement (en particulier les secrétariats de commission), sachant que, en l'occurrence, le soutien doit se limiter à des aspects formels et que les contenus doivent être définis par les députés eux-mêmes;

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­

des infrastructures financées par des tiers (groupes d'intérêts, par exemple), bien que le soutien dont peuvent bénéficier les députés soit très variable.

Par ailleurs, les exigences en matière de forme (transcription correcte d'un objectif dans la loi, respect de la cohérence légistique) ne sont pas les mêmes, pour un projet de ce type, que pour un projet du Conseil fédéral ou d'une commission parlementaire. Le projet d'acte déposé par un député doit présenter les objectifs de ce dernier de la manière la plus précise et la plus complète possible en termes de contenu.

Néanmoins, comme par le passé, un tel projet sert uniquement de base de discussion permettant de prendre une décision de principe sur la nécessité de donner suite ou non à l'initiative concernée; il n'est donc pas destiné à servir de base à une discussion par article, par exemple. Si la nécessité de légiférer est confirmée et que la forme de l'initiative parlementaire est jugée appropriée, le rejet d'un détail du projet ou une imperfection formelle ne sauraient en aucun cas constituer, à eux seuls, une raison justifiant de ne pas donner suite à une initiative. La commission demeure libre, lors de la mise en oeuvre juridique des objectifs de l'initiative, d'élever une disposition légale au niveau constitutionnel, de supprimer du projet certaines dispositions mineures ou au contraire d'en ajouter, etc.

Par ailleurs, les députés ont toujours la possibilité de déposer auprès d'une commission une proposition formulée en termes généraux chargeant la commission d'élaborer une initiative en son propre nom. Ce droit de proposition n'est pas restreint aux membres de la commission concernée: tout député peut en faire usage (cf.

art. 76, al. 1, LParl). Si la commission approuve une telle proposition, cela ne veut pas pour autant dire qu'elle dépose une initiative parlementaire et que cette dernière est pendante devant le conseil: par conséquent, l'art. 107 LParl n'est pas encore applicable. L'initiative parlementaire d'une commission n'est déposée au conseil que lorsque la commission ­ qui a obtenu l'accord de son homologue de l'autre conseil ­ a élaboré un projet d'acte.

2.2.1.3

Délais de traitement applicables à l'examen préalable d'une initiative parlementaire

L'art. 21ter de la loi sur les rapports entre les conseils, qui fut en vigueur de 1985 à 2003, prévoyait un délai de trois trimestres pour l'examen préalable des initiatives parlementaires par les commissions; en pratique, ce délai de traitement était largement respecté. Son but était double. Il s'agissait, premièrement, de protéger le droit d'initiative dont les députés jouissent en vertu de la Constitution, en évitant qu'une initiative ne reste trop longtemps «au fond d'un tiroir». Deuxièmement, le délai en question devait contribuer à l'efficacité du travail des conseils et des commissions: la décision de principe sur la nécessité de légiférer et sur l'opportunité de la forme choisie est une décision simple, qui peut être prise rapidement.

Le délai de traitement a été aboli dans la LParl. Non que les deux principes qui soustendaient la procédure d'examen préalable, cités ci-dessus, parussent caducs; au contraire, cette procédure s'était si bien imposée que la mention du délai de traitement ne semblait plus nécessaire. Par ailleurs, l'obligation de demander l'approbation de la commission compétente de l'autre conseil avait notablement compliqué la procédure; or, prévoir des dispositions instaurant plusieurs délais différents n'aurait fait que renforcer ce phénomène.

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Pourtant, depuis que la LParl est entrée en vigueur, les commissions ­ en particulier au Conseil des Etats ­ ont de plus en plus tendance à ajourner l'examen préalable d'initiatives parlementaires ou d'initiatives déposées par les cantons, dans l'attente d'une certaine évolution de la situation (la publication d'un message annoncé par le Conseil fédéral, notamment). Or, de tels ajournements vont à l'encontre de la volonté susmentionnée qui animait le législateur en 1984 et qui est encore fondée à l'heure actuelle.

Les commissions justifient fréquemment cette démarche en indiquant qu'il serait inefficace que le Parlement lance ses propres travaux législatifs quand, par exemple, le Conseil fédéral est déjà à l'oeuvre. Du point de vue du droit de la procédure, cet argument n'est pas probant. En effet, une situation de ce genre peut parfaitement amener une commission, malgré son adhésion générale au contenu d'une initiative, à juger que sa forme (l'initiative parlementaire) n'est pas appropriée et à proposer de ne pas y donner suite. Parfois, les commissions semblent avoir peur de «donner un signal trompeur». Elles peuvent pourtant facilement l'éviter en motivant leur décision de manière idoine. La situation mentionnée plus haut ­ la nécessité de légiférer est confirmée, mais des travaux sont déjà en cours au sein d'un autre organe ­ peut également inciter une commission à donner suite à une initiative. Une décision dans ce sens peut se révéler indiquée si la commission a de bonnes raisons de douter de la pertinence des travaux concernés eu égard au but visé. Dans ce cas, la commission a toujours la possibilité de suspendre provisoirement, mais en deuxième phase de traitement, une initiative parlementaire à laquelle il a été donné suite, puis de la classer éventuellement plus tard en considérant que l'objectif visé a été atteint.

Ainsi, la commission garde un atout en main: elle peut reprendre les rênes du processus législatif si le Conseil fédéral ne concrétise pas ses intentions ou s'il ne le fait qu'avec beaucoup de retard.

Du point de vue du respect des principes propres au système bicaméral, l'ajournement d'une décision est particulièrement problématique lorsqu'une commission est invitée à approuver la décision favorable de son homologue du conseil où l'initiative a été déposée. Une initiative
parlementaire est pendante uniquement au conseil où elle a été déposée; elle devient pendante à l'autre conseil seulement après que le conseil prioritaire a adopté un projet d'acte au vote sur l'ensemble. Dans ce contexte, la concertation entre commissions au stade de l'examen préalable vise à éviter qu'un conseil ne mette sur pied à grands frais un projet d'acte s'il apparaît d'emblée que l'autre conseil ne voit aucune nécessité de légiférer. Par contre, cette procédure ne doit en aucun cas servir à bloquer les décisions de principe sur le fond et la forme de l'initiative; autrement dit, elle ne saurait faire obstacle au droit d'initiative dont jouit, en vertu de la Constitution, le conseil où a été déposée l'initiative concernée.

Par une modification de son règlement en date du 3 octobre 2008, le Conseil national a réintroduit un délai de traitement, d'un an en l'occurrence, applicable à l'examen préalable au sein de ses commissions (RO 2009 733). Ce délai doit être inscrit à l'art. 109, al. 2 et 3bis, LParl, de sorte qu'il vaille également pour le Conseil des Etats.

Ces délais de traitement sont des délais d'ordre: cela signifie qu'une violation de ces derniers n'aurait aucune conséquence juridique. L'expérience montre que ces délais d'ordre sont généralement respectés; ils présentent l'avantage de rappeler quel est l'objectif de l'examen préalable des initiatives parlementaires et des initiatives des cantons.

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2.2.1.4

Analogie des initiatives des cantons et des initiatives parlementaires

Après avoir élaboré une proposition visant à modifier la procédure applicable au traitement des initiatives parlementaires, la commission s'est en effet demandé si une modification similaire ne devrait pas être envisagée pour les initiatives déposées par un canton.

La modification de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC) effectuée le 17 juin 1994 a permis d'asseoir sur une base légale la procédure applicable au traitement des initiatives déposées par un canton (art. 21septies à novies LREC; RO 1994 2147). La CIP-E, qui avait élaboré le projet en question, relevait notamment dans son rapport du 4 mai 1993: «L'art. 93 de la constitution traite expressément sur un pied d'égalité l'initiative parlementaire et l'initiative des cantons. L'initiative des cantons devrait donc suivre une procédure analogue à celle de l'initiative parlementaire [...]» (FF 1993 III 326).

La Constitution fédérale (Cst.) de 1999 n'a rien changé à la base constitutionnelle concernée, ainsi que l'atteste la teneur de l'art. 160, al. 1, Cst.: «Tout membre de l'Assemblée fédérale [...] et tout canton peuvent soumettre une initiative à l'Assemblée fédérale» (cf. St. Galler Kommentar zu Art. 160 BV; Aubert, Petit commentaire de la Cst., pp. 1210 ss).

Par ailleurs, la CIP-E note que les difficultés rencontrées lors de l'examen de certaines initiatives parlementaires (cf. ch. 2.2.1.2 et 2.2.1.3) sont identiques à celles qui existent dans le cas des initiatives déposées par un canton.

Eu égard à cette base constitutionnelle et à la pratique en vigueur, la CIP-E propose d'appliquer aux initiatives déposées par un canton les mêmes modifications que celles qui ont été apportées à la procédure régissant les initiatives parlementaires.

Etant donné que les cantons sont directement concernés par ces modifications, ils ont été consultés. La Conférence des gouvernements cantonaux et tous les cantons qui se sont exprimés sur l'introduction de délais applicables à l'examen préalable des initiatives des cantons sont favorables à cette mesure. Par contre, seuls huit cantons (SZ, NW, OW, AI, TI, VS, GE, JU) se sont prononcés en faveur de la modification visant à ce que les initiatives des cantons soient obligatoirement déposées sous la forme d'un avant-projet d'acte; la Conférence des gouvernements cantonaux et douze cantons (BE,
LU, UR, ZG, SO, BS, BL, SH, SG, AG, TG, VD) ont rejeté cette proposition, estimant qu'elle constituait une entrave considérable à l'exercice du droit d'initiative des cantons. Certains ont même relevé que cette proposition pourrait être contraire à la Constitution, rappelant que même les initiatives populaires pouvaient être rédigées en termes généraux. Par ailleurs, les cantons ont considéré que la charge supplémentaire que cette nouvelle disposition représenterait pour eux serait disproportionnée, estimant que l'avant-projet d'acte constituait uniquement une base de discussion sur laquelle la commission se fonde pour déterminer si elle souhaite élaborer de son côté un projet d'acte.

La CIP-E maintient sa proposition: s'il est vrai que cette dernière implique une augmentation de la charge de travail des cantons et restreint leur droit d'initiative, il s'agit ­ à l'instar des initiatives parlementaires ­ de trouver un compromis entre, d'une part, la nécessité d'assurer une utilisation efficace de l'instrument de l'initiative d'un canton et, d'autre part, celle de restreindre le moins possible l'exercice du 6273

droit d'initiative. La CIP-E est convaincue que la restriction proposée renforcera l'instrument de l'initiative déposée par un canton: il est probable que le nombre d'initiatives déposées baisse, mais ces dernières viseront en contrepartie davantage d'efficacité. Aux yeux de la commission, il ne fait en outre aucun doute que les administrations cantonales sont parfaitement à même de seconder les parlements cantonaux ­ qui sont les principaux auteurs d'initiatives des cantons ­ en ce qui concerne la formulation de ces dernières. Par ailleurs, les considérations d'ordre constitutionnel exprimées par certains cantons sont sans fondement: le droit d'initiative visé à l'art. 160 Cst. est et a historiquement toujours été le droit de soumettre au Parlement un projet d'acte de l'Assemblée fédérale; aucun droit de proposition générale, qui peut revenir en pratique à déposer une simple résolution, ne découle de cet article. Enfin, l'initiative déposée par un canton se distingue fondamentalement de l'initiative populaire, laquelle s'adresse non seulement au Parlement, mais également au peuple.

2.2.2

Sessions extraordinaires

2.2.2.1

Droit en vigueur

L'art. 151, al. 1, Cst. dispose en effet que «les conseils se réunissent» en session. Il ressort ainsi clairement de cette formulation que les conseils se réunissent à la même période, que ce soit pour des délibérations communes (Assemblée fédérale [Chambres réunies]; art. 157 Cst.) ou pour des délibérations séparées (art. 156 Cst.). Aux termes de l'art. 151, al. 2, Cst., «un quart des membres de l'un des conseils ou le Conseil fédéral peuvent demander la convocation des conseils à une session extraordinaire». Ce sont donc bien les deux conseils qui doivent être convoqués, et ce, afin qu'ils se réunissent à la même période, conformément à l'al. 1 susvisé.

Pour sa part, l'art. 2, al. 2, LParl mentionne expressément l'exception que constitue la session spéciale en précisant que «chaque conseil peut décider de se réunir en session spéciale». Cette disposition implique sans ambiguïté que la session extraordinaire, dont il est question à l'al. 3 du même article, est soumise quant à elle au principe applicable à la session ordinaire (al. 1), selon lequel «le Conseil national et le Conseil des Etats se réunissent».

Les conseils siègent en principe simultanément parce que toute décision de l'Assemblée fédérale nécessite une décision de chacun des conseils. Lors de l'introduction dans la LREC, en 1991, de la possibilité pour un seul conseil de se réunir en session spéciale, il n'aurait pas été spécifié «si les sessions ordinaires ne lui permettent pas de traiter tous les objets prêts à être traités» (art. 2, al. 2, LParl) si l'objectif général des sessions ordinaires et des sessions extraordinaires n'avait pas été que les conseils prennent des décisions conjointes1.

1

Cf. Jean-François Aubert: «La session extraordinaire est demandée pour les deux chambres. La Constitution le dit en termes exprès (, ) et la règle s'explique aisément: il ne s'agit pas de rattraper un retard, qui pourrait être le fait d'un seul conseil, mais de mettre le Parlement tout entier en mesure de réagir à une situation nouvelle» (Petit commentaire de la Constitution fédérale, Zurich/ Bâle/Genève 2003, p. 1173).

6274

Jadis, la simultanéité des sessions des deux conseils se comprenait de façon très rigoureuse, même si des exceptions étaient possibles, moyennant le consentement de l'autre conseil (art. 10 LREC du 22 décembre 1849). Au fil du temps, la LREC a toutefois été appliquée avec davantage de souplesse, en ce sens qu'un conseil ­ concrètement le Conseil des Etats ­ a été autorisé à prévoir, pendant une session, d'abord deux, puis trois jours de pause tandis que l'autre conseil siégeait. Dans la version de la LREC du 14 mars 1974, l'art. 3 abrogeait ces clauses limitatives, mais indiquait clairement: «Chaque conseil doit siéger le jour de l'ouverture et le dernier jour de la session.» Cette disposition, qui était aussi valable pour les sessions extraordinaires, a toutefois été purement et simplement abrogée par la révision de la LREC du 4 octobre 1991, au motif que ces anciennes réglementations ne revêtaient «plus d'importance pratique» et qu'il incombait à la Conférence de coordination d'harmoniser le calendrier des sessions des deux chambres (FF 1991 III 733). Cette abrogation ne visait nullement à supprimer le principe de la simultanéité des sessions (sauf de menus écarts) et permettre qu'elles aient lieu avec un décalage indéterminé.

Le principe de la simultanéité des sessions des deux conseils découlait aussi, jusqu'en 1991, de l'art. 1 LREC, qui fixait le début des sessions ordinaires. Si la LParl ne contient pas de disposition à ce sujet, ce n'est pas pour que les conseils soient libres de choisir, chacun de leur côté, la date du début des sessions, mais uniquement pour que celle-ci puisse être fixée avec une marge de manoeuvre accrue, tout en considérant que les sessions débutent conjointement et sont en principe simultanées.

Cette simultanéité n'a pas été inscrite dans la loi, car elle allait de soi. Cette optique reste valable en ce qui concerne les sessions ordinaires ­ il ne viendrait à personne l'idée de convoquer, pour la session d'été, le Conseil national en mai et le Conseil des Etats en juin. Du point de vue juridique, rien ne justifie qu'une session extraordinaire soit traitée différemment d'une session ordinaire sur ce plan.

Aux termes de l'art. 33, al. 1, LParl, le Conseil national et le Conseil des Etats sont convoqués par leurs bureaux respectifs. Quant à l'art. 37, al. 2, let. a,
LParl, il charge la Conférence de coordination, autrement dit les deux bureaux, de coordonner la planification des sessions. Cette attribution exige au moins des bureaux qu'ils ne convoquent pas leur conseil en session extraordinaire sans avoir d'abord pris connaissance des intentions de leur homologue de l'autre conseil. Pour ce qui est de la date de la convocation, la disposition laisse une certaine latitude aux bureaux.

Cette liberté ne va toutefois pas jusqu'à permettre de faire abstraction du fait que «les conseils se réunissent», au sens indiqué plus haut en lien avec l'art. 151, al. 1, Cst.

2.2.2.2

Pratique actuelle

Depuis 1848, 17 sessions extraordinaires ont eu lieu à la demande d'au moins un quart des membres d'un conseil (en l'occurrence, cela a toujours été le Conseil national): une au XIXe siècle, deux au cours de la législature 1983 à 1987, quatre entre 1995 et 2007 et dix au cours de la législature actuelle.

Depuis quelques années, la convocation des Chambres fédérales en session extraordinaire ne repose plus sur la volonté de permettre aux Chambres fédérales de réagir à une situation nouvelle et, le cas échéant, de prendre des décisions concordantes: aujourd'hui, la demande de convocation a plutôt pour objectif de permettre à une 6275

minorité qualifiée du Conseil national de mettre une question d'actualité à l'ordre du jour du Conseil national. En clair, une telle demande est similaire au dépôt d'une interpellation urgente, à la différence que l'urgence d'une interpellation doit être décidée par la majorité du bureau ou du conseil, alors que la convocation en session extraordinaire requiert l'approbation de 50 membres du Conseil national. La demande de convocation ne fait que mentionner un sujet à traiter, sans citer d'objets précis pendants devant les deux conseils. Lorsque le Conseil national demande l'organisation d'une session extraordinaire, il ne tient pas compte du fait que le Conseil des Etats sera lui aussi automatiquement convoqué. L'exemple le plus marquant est la session extraordinaire du 2 mars 2010 consacrée au chômage: la présidente du Conseil des Etats a dû constater, après avoir ouvert la session, qu'aucun objet visé à l'art. 71 LParl et concernant le chômage n'était pendant devant le conseil; par conséquent, elle a directement clos la session (BO 2010 E 21).

Contraindre un conseil de se réunir en session extraordinaire alors qu'aucun objet n'est pendant constitue une atteinte difficilement justifiable aux droits de ce même conseil. Parfois il arrive que, par hasard, un objet pendant devant le Conseil des Etats porte sur le sujet de la session extraordinaire demandée par le Conseil national, alors qu'il paraît évident que le but de l'auteur de cet objet n'était pas que son objet soit traité dans le cadre d'une session extraordinaire. Le 3 juin 2009, le président du Conseil des Etats a ouvert la session extraordinaire consacrée à la problématique de la criminalité et au renforcement du droit pénal comme suit: «Selon notre programme, je dois interrompre ici notre session ordinaire pour passer à la session extraordinaire. Je vous rappelle que c'est la Constitution fédérale qui nous impose de faire ainsi et vous comprendrez que, comme président du Conseil des Etats, j'ai particulièrement à coeur de respecter la Constitution fédérale. (Cloche du président) La session extraordinaire est ouverte. (Hilarité) Nous renonçons à l'appel. (Hilarité) Cette session extraordinaire compte un seul objet à l'ordre du jour. Il s'agit de la motion Luginbühl 09.3158» (BO 2009 E 721 s.). Le traitement de cette motion se limitait à
attribuer cette dernière à une commission pour examen préalable, en accord avec son auteur.

Depuis plusieurs années, il est d'usage qu'aucune coordination n'ait lieu entre les bureaux, contrairement aux dispositions de l'art. 37, al. 2, let. a, LParl: c'est le Bureau du Conseil national qui décide, seul, de convoquer son conseil en session extraordinaire, mettant ainsi le Bureau du Conseil des Etats devant le fait accompli.

En raison de ce procédé, il n'était plus possible de garantir que les conseils se réunissent en session extraordinaire en même temps. Le 14 mars 2011, le Bureau du Conseil national a décidé de convoquer son conseil à une session extraordinaire consacrée à la deuxième réforme de l'imposition des entreprises et aux effets du principe de l'apport de capital, pour le 12 avril 2011, soit pendant la session spéciale qui était programmée du 11 au 14 avril 2011. Puis, le 25 mars 2011, il a décidé, par 7 voix contre 6, d'organiser pendant la session d'été une session extraordinaire consacrée à l'énergie nucléaire; une minorité souhaitait que cette session extraordinaire ait déjà lieu pendant la session spéciale, en avril. Le Bureau du Conseil des Etats, quant à lui, a décidé le 16 mars 2011 d'organiser ces deux sessions extraordinaires pendant la session d'été 2011, c'est-à-dire entre le 30 mai et le 17 juin 2011, la date définitive ayant été fixé le 13 mai 2011. La session extraordinaire du Conseil des Etats consacrée à la deuxième réforme de l'imposition des entreprises et aux effets du principe de l'apport de capital a eu lieu le 9 juin 2011, soit huit semaines après celle du Conseil national.

6276

2.2.2.3

Propositions de réformes

La commission propose trois modifications: 1.

La demande de convocation de l'Assemblée fédérale en session extraordinaire doit porter sur des objets pendants devant les deux conseils (art. 2, al. 3, LParl).

2.

En règle générale, une session doit avoir lieu au sein des deux conseils au cours de la même semaine (art. 2, al. 4, LParl).

3.

La Conférence de coordination (c'est-à-dire la réunion des bureaux des deux conseils) fixe les semaines au cours desquelles se déroulent les sessions.

Ad 1: objets examinés en session extraordinaire (art. 2, al. 3, LParl): En comparaison avec la pratique actuelle, l'obligation faite aux requérants de désigner un objet soumis à délibération pour convoquer une session extraordinaire constitue déjà une restriction: actuellement, il suffit de désigner le thème à traiter.

Dans les faits, les conseils ne débattent toutefois jamais de manière informelle d'un thème général, mais ils traitent expressément certains objets précis et définis de manière formelle. La nécessité de désigner l'objet qui sera soumis à délibération dans le cadre d'une session extraordinaire va donc de soi. On ne saurait considérer comme une restriction des droits constitutionnels le fait de conférer aux requérants, et non plus aux bureaux des conseils, la tâche de désigner cet objet. Dans bien d'autres cas, la loi est nécessaire pour concrétiser une disposition constitutionnelle.

Par exemple, le droit d'initiative et le droit de proposition des députés (art. 160 Cst.)

ne signifient pas que tout député peut formuler des suggestions à tout moment, à n'importe quel sujet et sans tenir compte de la forme: il doit respecter la procédure définie de manière détaillée dans la loi.

Les bureaux des conseils sont libres de compléter la liste des objets désignés par les requérants; ils restent également libres de fixer la date de la session extraordinaire.

La réglementation proposée permet l'organisation d'une session extraordinaire dans les cas suivants: a.

Examen par les deux conseils de projets d'actes de l'Assemblée fédérale émanant d'une commission ou du Conseil fédéral (art. 71, let. a, LParl). Par exemple, le Conseil fédéral peut demander la convocation d'une session extraordinaire pour que les deux conseils examinent un projet d'acte qu'il a élaboré. Par contre, et contrairement au Conseil fédéral, la commission qui souhaite que soit examiné en session extraordinaire un projet d'acte qu'elle a élaboré ne peut pas déposer elle-même une demande de convocation d'une session extraordinaire: cette demande doit être déposée par un quart au moins des députés d'un conseil. La demande de convocation des conseils à une session extraordinaire pour l'examen d'un projet d'acte a en outre pour effet que le projet en question doit être examiné par les deux conseils pendant la même session: il n'est donc pas nécessaire de déposer une proposition en ce sens (cf. art. 85, al. 2). Dans la pratique, cela signifie que la commission du second conseil procède à examen préalable provisoire du projet d'acte en même temps que la commission du conseil prioritaire, sous réserve des décisions du conseil prioritaire.

6277

b.

Examen d'interventions (art. 71, let. b, LParl) en session extraordinaire uniquement lorsque des motions de teneur identique ont été déposées aux deux conseils. Au contraire, il n'est pas possible de convoquer une session extraordinaire pour l'examen d'une intervention déposée à un seul conseil.

Cette restriction est non seulement conforme à la Constitution, mais elle est même prévue par cette dernière: en vertu de l'art. 151 Cst., les deux conseils doivent se réunir lorsqu'une session extraordinaire est convoquée. Si une session extraordinaire est convoquée pour l'examen d'objets prêts à être traités par un seul des conseils, l'autre conseil devra lui aussi se réunir alors qu'aucun objet n'est prêt à y être examiné.

c.

Elections par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) (art. 71, let. d, LParl). En 1914 et 1939, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) a élu le général lors d'une session extraordinaire convoquée par le Conseil fédéral.

d.

Examen d'une déclaration des conseils ou du Conseil fédéral par les deux conseils ou (dans le cas d'une déclaration du Conseil fédéral) par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) (art. 71, let. f, LParl). Conformément aux art. 33 RCN et 28 RCE, le Conseil fédéral peut «faire devant le conseil une déclaration sur un événement ou un problème important de politique extérieure ou intérieure»; conformément à l'art. 157, al. 2, Cst., le Conseil fédéral peut également faire une telle déclaration devant l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). Le Conseil fédéral pourrait demander la convocation des conseils ou de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) en session extraordinaire lorsqu'il a une déclaration à faire. En vertu des art. 32 RCN et 27 RCE, «[sur] proposition de la majorité d'une commission [ou, pour le Conseil des Etats, d'un député], le conseil peut faire une déclaration sur un événement ou un problème important de politique extérieure ou intérieure».

Lorsque de telles propositions sont déposées aux deux conseils, un quart des membres d'un conseil pourraient saisir l'occasion de déposer une demande de convocation à une session extraordinaire.

L'Assemblée fédérale doit également être convoquée en session extraordinaire lorsque les conditions visées à l'art. 28, al. 3, ou à l'art. 34, al. 4, de la loi sur les finances (LFC; RS 611.0) sont remplies (approbation ultérieure de crédits urgents supérieurs à 500 millions de francs).

ad 2: réunion des deux conseils en session au cours des mêmes semaines (art. 2, al. 4, LParl): Il s'agit d'un principe essentiel du système bicaméral: en règle générale, les deux conseils se réunissent à la même période pour qu'il puisse y avoir décision de l'Assemblée fédérale. Cette disposition correspond aux règles analogues qui figuraient de 1849 à 1991 dans la LREC, à la différence près que la nouvelle formulation offre davantage de marge de manoeuvre puisqu'elle n'exige pas que chaque conseil siège le jour de l'ouverture et le dernier jour de la session. Les sessions, qu'elles soient ordinaires ou extraordinaires, ont lieu en règle générale au cours des mêmes semaines au sein des deux conseils. Toute exception doit être dûment justifiée: par exemple, un conseil pourrait se réunir en session extraordinaire un jeudi et l'autre conseil se réunir le mercredi de la semaine suivante en raison de la disponibilité d'un membre du Conseil fédéral.

6278

ad 3: établissement du calendrier des sessions par la Conférence de coordination (art. 37, al. 2, let. a, LParl): L'actuelle mission de coordination, dont la portée est assez vague, confiée à la Conférence de coordination au sujet de la planification des sessions est remplacée par une attribution clairement définie. Cette réglementation découle en toute logique de l'art. 151 Cst.: si les deux conseils se réunissent en session, un organe propre aux deux conseils doit déterminer la période au cours de laquelle se déroule cette session, qu'elle soit ordinaire ou extraordinaire.

En tout état de cause, il y a lieu d'opérer une distinction entre, d'une part, la détermination des semaines au cours desquelles se déroulent les sessions au sens de l'art. 37, al. 2, let. a, et, d'autre part, la convocation des conseils en session par leurs bureaux respectifs au sens de l'art. 33. La date exacte du début de la session et l'établissement de son programme doivent rester du ressort de chaque bureau (sous réserve du délai prévu en cas de session extraordinaire à l'art. 28 ou à l'art. 34 LFC).

2.2.2.4

Autre possibilité

L'instrument qu'est la session extraordinaire fait partie des droits garantis aux minorités parlementaires par la Constitution: une minorité qualifiée peut obtenir que les deux conseils examinent un objet pendant.

Ces dernières années, il est régulièrement arrivé que des minorités du Conseil national veuillent susciter un débat au sein de leur conseil en demandant la tenue d'une session extraordinaire. La question se pose de savoir si cette démarche, qui traduit manifestement un besoin, ne pourrait pas être remplacée par le recours à un instrument plus adéquat, qui n'engagerait pas le Conseil des Etats. L'interpellation urgente, pour prendre un instrument existant, ne saurait jouer ce rôle, car le caractère d'urgence doit être décidé par la majorité du bureau ou du conseil. Une possibilité serait de prévoir dans le règlement du Conseil national par exemple une nouvelle forme d'interpellation urgente, dont l'examen pourrait être obtenu par une minorité qualifiée. Comme le temps disponible serait limité, il faudrait organiser un roulement pour que tous les auteurs potentiels de telles «interpellations urgentes» puissent s'exprimer chacun à leur tour une session sur deux ou sur trois.

2.2.3

Obligation de débattre oralement

2.2.3.1

Droit en vigueur et pratique

L'une des caractéristiques essentielles de tout parlement est de présenter oralement et publiquement les arguments pour et contre une proposition avant de prendre une décision. Il existe donc un lien étroit entre une décision et les arguments qui la soustendent. Le débat oral est nécessaire à une communication immédiate; il permet la réplique et la duplique. Le partisan d'une proposition doit défendre sa position devant les autres participants au débat et aux yeux du public. Cette procédure permet de présenter clairement au public quels intérêts sont défendus par quels groupes et députés. Les «députés du peuple» (art. 149 Cst.) et les «députés des cantons» (art. 150 Cst.) ne peuvent pas assumer leur fonction de représentation sans débat oral; par ailleurs, la disposition constitutionnelle selon laquelle les séances des 6279

conseils sont publiques (art. 158 Cst.) ne serait pas respectée si les conseils ne délibéraient plus oralement et rendaient leurs décisions uniquement sur la base de documents écrits.

Cependant, il est impossible, en pratique, de garantir un débat totalement libre lorsque le nombre des objets à traiter ou des députés souhaitant s'exprimer est trop élevé. Sans mesures de rationnalisation des débats, le Parlement perdrait sa capacité d'action. L'art. 6, al. 3, LParl habilite les conseils à restreindre, dans leurs règlements respectifs, le droit de demander la parole et le temps de parole. Jusqu'à présent, le Conseil des Etats n'a jamais fait usage de cette possibilité. Au contraire, il y a déjà longtemps que le Conseil national, en raison du nombre quatre fois plus élevé de ses membres, a été contraint de limiter le temps de parole; en outre, en 1990, il a introduit un système de catégories de traitement qui limite sensiblement le droit de demander la parole. Ainsi, «il n'y a pas de droit à la parole en procédure écrite» (catégorie V) [art. 49 RCN]; est toutefois réservé le droit à la parole des rapporteurs de la commission chargée de l'examen préalable, des représentants du Conseil fédéral et des auteurs des initiatives parlementaires ou des interventions (art. 46, al. 3 et 4, RCN). En outre, en ce qui concerne les interventions controversées, la révision du RCN du 3 octobre 2008 a introduit un droit à la parole pour le «premier député qui a proposé le rejet de l'intervention» (art. 48, al. 2bis, RCN; RO 2009 733).

Jusqu'à récemment, le Conseil national s'en était lui aussi tenu au principe selon lequel, lorsqu'une intervention est combattue par certains députés, des arguments pour et contre pouvaient être avancés au cours d'un bref débat. Cependant, ce principe a dernièrement été remis en question: ­

2

Les interventions sont parfois examinées au cours de débats organisés, pour lesquels l'art. 47 RCN prévoit non pas d'attribuer individuellement la parole aux députés (auteurs d'interventions, parlementaires s'y opposant), mais de répartir le temps de parole entre les différents groupes. Conformément à l'art. 47 RCN, peuvent notamment faire l'objet d'un débat organisé les débats d'entrée en matière et l'examen d'une interpellation ou d'un rapport; en d'autres termes, les débats précédant une décision de principe ou ne donnant lieu à aucune décision. Si un nombre élevé d'objets sont examinés en débat organisé, lesdits objets ne sont discutés que brièvement, voire pas du tout: il manque donc un rapport direct entre le débat et la prise de décision.

Le 3 mars 2010 par exemple, lors de la session extraordinaire consacrée à la migration, 132 interventions ont été examinées en l'espace de 90 minutes.

Les députés ont ainsi consacré en moyenne 41 secondes à chaque intervention. Ils ont adopté de la sorte 22 motions, qui ont été transmises au Conseil des Etats sans qu'il soit possible de comprendre le fondement des décisions concernées2. Au mois de mai 2010, le Bureau du Conseil national a fait part de son intention de ne plus admettre que soit examiné de cette façon un si grand nombre d'interventions. Les 8 et 9 juin 2011, au cours de la session extraordinaire consacrée aux énergies nucléaire et renouvelables, le Conseil national a traité 136 interventions en l'espace de 120 minutes dans le cadre d'un «débat organisé»; il a notamment adopté 26 motions.

Cf. critiques exprimées lors de la séance du Conseil des Etats du 1er juin 2010 (BO 2010 E p. 397 et 399).

6280

­

Les nouvelles dispositions de l'art. 28a, al. 2, RCN (RO 2011 637) et de l'art. 28b, al. 4, RCN (RO 2009 733) prévoient que, dans certaines situations, les députés doivent voter sur des initiatives parlementaires et des interventions contestées sans avoir droit à la parole. L'art. 28a, al. 2, RCN, qui est entré en vigueur le 28 février 2011, a notamment eu les conséquences suivantes: à partir de la session d'été 2011, un certain nombre de motions contestées ­ elles étaient au nombre de 26 pour les quatre sessions de l'année parlementaire 2009 à 2010 ­ sont transmises au Conseil des Etats à la fin de chaque session sans avoir été discutées au sein du Conseil national.

Comme indiqué précédemment, cette nouvelle pratique du Conseil national a des conséquences considérables sur le travail du Conseil des Etats et de ses commissions: le Conseil des Etats se voit contraint de traiter un nombre important de motions adoptées par le Conseil national sans connaître les raisons exactes de l'adoption de ces motions. En quelque sorte, le Conseil national délègue à la commission compétente du Conseil des Etats l'examen des motions déposées par des conseillers nationaux. Ce n'est pas en procédant de la sorte que le Conseil national permettra aux commissions concernées d'accorder l'attention qui s'impose aux motions qu'il a adoptées. Ce modus operandi conduit à une dépréciation des décisions des conseils auprès des organes auxquels s'adressent ces décisions ­ qu'il s'agisse de l'autre conseil, appelé à se prononcer sur l'objet en question, ou du Conseil fédéral, chargé de mettre en oeuvre la décision concernée.

2.2.3.2

Proposition de réforme

La disposition proposée à l'art. 6, al. 4, LParl fixe des exigences minimales applicables à l'exercice, par chaque député, du droit de demander la parole. Le droit de motiver oralement une proposition doit être accordé au moins à l'auteur de l'intervention ainsi qu'à quiconque (député, commission parlementaire, Conseil fédéral) a été le premier à proposer le rejet du texte en question. Le débat, à savoir l'échange d'arguments entre partisans d'un objet et opposants, est en effet un élément fondamental de la vie parlementaire. Procéder à des votes sans que cet échange ait eu lieu au préalable signifie en fin de compte que les arguments ne jouent plus un grand rôle dans le processus décisionnel; autrement dit, les votes des députés dépendraient en l'occurrence largement de l'appartenance de l'auteur d'une intervention à tel ou tel groupe parlementaire ou des consignes de vote émanant de la direction des groupes.

Par ailleurs, la pratique du développement écrit ne saurait remplacer de façon équivalente celle du développement verbal. Le Parlement est précisément un lieu «où l'on parle»: le caractère public des débats parlementaires, prévu par la Constitution, appelle la tenue d'échanges verbaux, seuls à même de garantir la possibilité, pour les députés, de réagir immédiatement à ce qui est proposé. Plus le nombre de textes augmente, plus l'exposition orale des arguments se révèle nécessaire: les développements écrits des différentes interventions et propositions risquent d'être noyés au milieu du flot de textes et, partant, d'être ignorés des députés.

La modification proposée à l'art. 6 LParl comporte néanmoins un inconvénient. Le Conseil national ne pourrait plus examiner un aussi grand nombre de motions qu'à l'heure actuelle, ce qui conduirait à l'augmentation du nombre de motions devant être classées sans examen deux ans après leur dépôt. Sur cette question, il s'agit au fond d'effectuer une soigneuse pesée des intérêts: le Parlement doit-il préférer la 6281

productivité immédiate à l'efficacité sur le long terme, autrement dit la quantité à la qualité? Au Conseil national, la tendance actuelle est plutôt de privilégier systématiquement la quantité lors du traitement des interventions. Par conséquent, fixer dans la loi des exigences minimales en matière de qualité des débats parlementaires non seulement est dans l'intérêt suprême du Parlement ­ qui, rappelons-le, est constitué du Conseil national et du Conseil des Etats ­, mais permet également de respecter les droits individuels des députés.

2.3

Propositions de réforme rejetées

2.3.1

Rythme des sessions ordinaires

La motion Stadler (cf ch. 1.2) pose entre autres la question suivante: «Faut-il prévoir davantage de sessions parlementaires qu'aujourd'hui, quitte à les raccourcir?» ­ ellemême découlant d'une autre question: «Comment améliorer la procédure d'examen ordinaire des textes urgents par le Parlement?» Ces questions avaient déjà été posées en 2004, par le biais de deux initiatives parlementaires aux teneurs identiques, déposées respectivement par le conseiller national John Dupraz et le conseiller aux Etats Pierre-Alain Gentil (04.483/04.491 Pour l'efficacité du travail parlementaire, vive la session unique!). Alors que la CIP-E et le Conseil des Etats avaient approuvé ces initiatives en première lecture, la CIP-N et le Conseil national n'y avaient pas donné suite, décision à laquelle s'était finalement rallié le Conseil des Etats.

Par 8 voix contre 2, la CIP-E a pris la décision de principe de ne pas remettre cette proposition sur le tapis. Augmenter le nombre des sessions parlementaires aurait pour conséquence d'accroître l'influence, déjà considérable, de l'actualité sur le fonctionnement du Parlement; partant, davantage d'interventions seraient déposées.

Actuellement, le Conseil des Etats dispose d'une certaine flexibilité en ce qui concerne l'organisation de ses séances et de celles de ses commissions; cette flexibilité serait remise en question par un raccourcissement de la durée des sessions et des intersessions. Prévoir des séances des chambres et des commissions plus courtes mais plus nombreuses ne prolongerait certes pas la durée totale des séances; toutefois, cela affecterait la disponibilité des députés, pour lesquels il deviendrait encore plus difficile de concilier mandat parlementaire et autres engagements, privés ou professionnels. Une telle mesure risquerait de renforcer l'actuelle tendance ­ que la commission juge fâcheuse ­ à la professionnalisation du Parlement.

2.3.2

Contingentement des interventions

La motion 10.3465 (Stopper le déferlement d'interventions parlementaires personnelles), déposée par le conseiller aux Etats This Jenny, visait notamment à limiter le nombre d'interventions à deux par membre et par session. Le 28 février 2011, le bureau a proposé au Conseil des Etats de rejeter cette motion, proposition que le conseil a suivi le 6 juin 2011 par 24 voix contre 11. Dans sa réponse à la motion, le bureau recommandait que «les propositions de l'auteur de la motion soient étudiées dans le cadre des travaux de la Commission des institutions politiques destinés à mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 10.440 (Améliorer l'organisation et les 6282

procédures du Parlement)». La CIP-E arrive à la même conclusion que le bureau.

Selon elle, l'objectif visant à «stopper le déferlement d'interventions parlementaires personnelles» ne saurait être atteint par une limitation du nombre d'interventions à deux par député et par session: de la session d'hiver 2007 à la session d'hiver 2010, une moyenne de 0,7 intervention a été déposée par conseiller aux Etats et par session. Par ailleurs, contingenter le nombre d'interventions pourrait être contreproductif, car les députés seraient tentés d'épuiser le contingent qui leur est octroyé.

Au contraire, viser davantage d'efficacité en prévoyant une limite beaucoup plus basse (1 à 2 interventions par député et par an) reviendrait à restreindre de manière drastique l'un des droits fondamentaux de tout député. Le Conseil national est du reste arrivé aux mêmes conclusions lorsque, le 15 décembre 2010, il a rejeté une initiative parlementaire allant dans ce sens (09.529 Iv.pa. Theiler. Intervention pour endiguer le flot d'interventions parlementaires).

2.3.3

Limitation du temps de parole accordé aux députés

La motion Jenny (cf. ch. 2.3.2) vise également une limitation à cinq minutes du temps de parole accordé aux députés lors du traitement des interventions. A l'instar du bureau, la CIP-E rejette aussi cette mesure qu'elle juge inutile: un examen des temps de parole effectué par le bureau a montré que les parlementaires s'exprimaient rarement plus de trois minutes sur une intervention. Cette mesure pourrait même, elle aussi, provoquer l'effet inverse et allonger la durée des débats, chaque député ayant à coeur d'utiliser tout son temps de parole.

2.3.4

Coordination des travaux des Commissions de gestion et des Commissions des finances

Autre question posée dans la motion Stadler (cf. ch. 1.2): «Comment éviter que la haute surveillance parlementaire exercée par les Commissions de gestion et les Commissions des finances n'entraîne inutilement des doublons?» Le développement de ladite motion précise qu'«il n'est pas rare qu'une même unité administrative doive s'exprimer sur un même sujet devant quatre sous-commissions ou commissions législatives, ou davantage». De fait, il est permis de se demander si de tels doublons pourraient être évités grâce à une meilleure coordination dans la pratique, ou s'il conviendrait de modifier la législation.

Lors de l'élaboration de la LParl, la possibilité d'une fusion des organes de la haute surveillance avait été examinée, avec le concours des Commissions de gestion et des Commissions des finances. Concrètement, cette démarche avait seulement débouché sur l'institution légale de la «Conférence des collèges présidentiels des commissions et délégations de surveillance», qui a toutefois été dissoute depuis.

La CIP-E ne voit aucune raison de légiférer. Une coordination efficace ne se commande pas, elle doit s'imposer de manière naturelle. Secondés par les secrétariats, les présidents des différentes commissions concernées doivent se consulter mutuellement afin de se répartir le travail de la manière la plus judicieuse qui soit.

6283

2.3.5

Institution d'une délégation de politique extérieure

Le texte de la motion Stadler évoque notamment l'idée d'instituer une délégation de politique extérieure, qui serait composée, comme la DélFin et la DélCdG, d'un nombre limité de députés, issus des deux conseils.

La CIP-E ne souhaite pas donner suite à cette idée, qui présente plus d'inconvénients que d'avantages (accélération de la procédure de consultation sur des projets de mandats de négociation, confidentialité des documents relatifs à la consultation).

Cela reviendrait à créer deux catégories de membres des Commissions de politique extérieure, dont l'une ­ celle composée d'un nombre restreint de membres ­ assumerait les tâches les plus importantes.

3

Commentaire par article

3.1

Modification de la loi sur le Parlement

L'application de la procédure parlementaire soulève régulièrement des questions auxquelles le droit en vigueur ne permet pas de répondre clairement. La CIP-E souhaite saisir l'occasion des réformes visées au ch. 2.2 pour apporter quelques précisions à la LParl et combler certaines lacunes.

Art. 2, al. 3 et 4 (nouveau) Cf. ch. 2.2.2 Art. 6, al. 4 (nouveau) Cf. ch. 2.2.3 Art. 37, al. 2, let. a Cf. ch. 2.2.2 Art. 74, al. 6 (nouveau) Un projet d'acte peut être rejeté en bloc dans quatre cas de figure: premièrement, par une décision de non-entrée en matière; deuxièmement, après la discussion par article par un rejet au vote final; troisièmement, après la procédure d'élimination des divergences par le rejet de la proposition de conciliation; quatrièmement, au vote final.

Il existe cependant des situations dans lesquelles il n'est absolument pas judicieux d'entamer ou de poursuivre la discussion par article même si l'entrée en matière a déjà eu lieu; c'est en particulier le cas si le Conseil fédéral soumet au Parlement un nouveau projet d'acte au lieu d'amender le projet qui lui a été renvoyé (ex.: 01.080 Réforme de la direction de l'Etat. Après que les Chambres fédérales avaient renvoyé au Conseil fédéral les projets d'acte qu'il leur avait soumis le 19 décembre 2001, le Conseil fédéral a présenté de nouveaux projets par son message additionnel du 13 octobre 2010). Le premier projet reste alors pendant devant le conseil. Or, dans le droit en vigueur, il n'existe aucune disposition définissant la suite de la procédure pour ce type de projet. En théorie, le conseil devrait procéder à la discussion par article et rejeter le projet au vote sur l'ensemble. En pratique, toutefois, ce type de 6284

projet est classé sur décision du conseil; il s'agit maintenant d'asseoir cette pratique sur une base légale. Pour que les procédures au sein des conseils ne soient pas ralenties par des propositions de classement qui constituent des manoeuvres politiciennes, il importe que seuls la commission chargée de l'examen préalable et le Conseil fédéral jouissent alors du droit de proposition.

Art. 76, al. 1bis (nouveau) La distinction entre droit d'initiative et droit de proposition revêt une importance majeure, tant d'un point de vue juridique que d'un point de vue pratique. La voie de la proposition permet d'atteindre un objectif bien plus rapidement et facilement que celle de l'initiative parlementaire. En effet, dans le cas d'une proposition, il n'y a pas d'examen préalable et de demande d'approbation par la commission compétente de l'autre conseil, pas de rapport de commission ­ qui doit satisfaire aux critères d'un message du Conseil fédéral ­, voire pas de consultation ni de prise de position du Conseil fédéral.

Cette distinction peut toutefois poser des problèmes dans les situations suivantes: 1.

Lors de l'examen d'un projet, constatation est faite qu'il est nécessaire de légiférer dans un domaine que le projet d'acte n'aborde pas et, partant, d'établir un projet séparé ad hoc.

2.

Dans le cadre de l'examen d'une initiative populaire, «un projet d'acte en rapport étroit avec l'initiative populaire» (art. 105, al. 1, LParl) ­ autrement dit un contre-projet indirect ­ est élaboré, généralement au niveau de la loi.

Opter alors pour le droit de proposition revient à contourner les dispositions applicables aux initiatives parlementaires et, partant, à saper d'importantes garanties de procédure qui visent à assurer la qualité de la législation.

La proposition de compléter l'art. 76 LParl vise à consacrer dans la loi la pratique habituelle: il s'agit de clarifier une situation juridique et une pratique complexes qui sont parfois contestées.

Art. 79, al. 4 (nouveau) Jusqu'ici, ni la loi sur le Parlement ni les règlements des conseils ne contenaient de disposition relative aux propositions subsidiaires, malgré le recours fréquent à cet instrument. Il faut dire qu'aucun problème ne se pose lorsque les propositions principales et les propositions subsidiaires portent sur des questions différentes (ex.: 10.459 Iv. pa. Contre-projet indirect aux initiatives populaires «Accéder à la propriété grâce à l'épargne-logement» et «Pour un traitement fiscal privilégié de l'épargne-logement destinée à l'acquisition d'une habitation à usage personnel ou au financement de travaux visant à économiser l'énergie ou à préserver l'environnement (Initiative sur l'épargne-logement)»: dans son avis du 23 février 2011, le Conseil fédéral a proposé de ne pas entrer en matière sur le contre-projet; il a toutefois formulé des propositions subsidiaires pour la discussion par article au cas où le Parlement déciderait d'entrer en matière).

Cependant, le dépôt de propositions subsidiaires vise parfois à modifier l'ordre des votes tel qu'il est défini à l'art. 79 LParl lorsque plusieurs propositions portent sur la même question. Par exemple, certains députés peuvent essayer d'améliorer les chances de succès d'une proposition en faisant en sorte qu'elle soit mise aux voix en 6285

dernier; dans ce cas, un seul député pourrait contourner l'ordre prévu par la loi. Le caractère contestable de ce procédé est particulièrement flagrant lorsque la proposition subsidiaire porte sur une proposition sur laquelle le vote a déjà eu lieu. Or, seule la majorité d'un conseil peut décider, sur la base d'une proposition de réexamen, de voter une nouvelle fois sur un sujet.

Bien qu'elles soient essentielles pour permettre au conseil de se prononcer en bonne et due forme et en toute transparence, les dispositions fixées à l'art. 79 LParl se sont révélées difficilement applicables ces derniers temps dans divers dossiers. D'où la nécessité de régler explicitement la recevabilité des propositions subsidiaires.

Art. 90 Si un projet d'acte devient sans objet au cours de la procédure d'élimination des divergences, il peut être classé conformément à l'art. 90 LParl. Un projet pourrait cependant devenir sans objet alors que la procédure d'élimination des divergences est déjà achevée: il ne serait alors plus judicieux de le soumettre au vote final. Il s'agit par conséquent de modifier l'art. 90 afin de tenir compte de ce cas de figure.

Par exemple, quand un article constitutionnel et ses dispositions d'exécution sont élaborés en parallèle, le projet de loi peut échouer lors de la procédure d'élimination des divergences alors que les divergences concernant l'article constitutionnel ont déjà été éliminées (ex.: 05.453 Iv. pa. Interdiction des pitbulls en Suisse. La Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national a présenté un projet de loi sur les chiens ainsi qu'un projet d'article constitutionnel y afférent); dans ce cas, les commissions chargées de l'examen préalable devraient pouvoir demander le classement du projet d'article constitutionnel.

Art. 92, al. 2bis (nouveau) La voix prépondérante du président lors d'une conférence de conciliation a une portée considérable, sachant que les chambres sont tenues d'adopter ou de rejeter la proposition de conciliation dans sa globalité.

Aujourd'hui, le flou subsiste pour ce qui est de la suppléance éventuelle du président, qui peut être assurée soit par le président de la commission du second conseil, soit par le vice-président de la commission du conseil prioritaire. Au premier abord, il semblerait que l'art. 43, al. 2,
LParl, qui dispose que le président et le viceprésident des «commissions communes aux deux conseils» ne peuvent pas être membres du même conseil, règle la question; cependant, l'art. 84 LParl, qui prévoit que les présidents des conseils désignent le conseil prioritaire, ne saurait être contourné en cas d'absence inopinée du président de la commission du conseil prioritaire. De plus, la loi ne dispose pas que les présidents des commissions appartiennent obligatoirement à la conférence de conciliation. Ainsi, tant pour des raisons de fond que pour des considérations pratiques, ce doit être à un membre de la délégation du conseil prioritaire d'assurer la présidence de la conférence de conciliation; en cas d'absence du président, c'est au vice-président ­ le cas échéant au doyen de fonction ou à un prédécesseur de l'actuel président ­ à prendre le relais (art. 16, al. 2 en relation avec art. 7, al. 2 et 3, RCN; art. 12, al. 2 en relation avec art. 4, al. 2 et 3, RCE).

6286

Art. 107 Cf. ch. 2.2.1.1 et 2.2.1.2 Art. 109, al. 2 et 3bis Cf. ch. 2.2.1.3 Art. 112, al. 3 Les règlements des conseils, l'ordonnance sur l'administration du Parlement (RS 171.115) ou d'autres ordonnances du Parlement subissent régulièrement des adaptations mineures qui ne concernent pas directement le Conseil fédéral. Toutefois, comme l'art. 112, al. 3, LParl en vigueur dispose que le gouvernement est dans tous les cas consulté, le Conseil fédéral se borne généralement à souligner que les adaptations sur lesquelles il doit se prononcer ne le concernent pas. Il est possible d'apporter un bref complément à l'art. 112, al. 3, LParl afin de supprimer cette procédure inutile tout en maintenant le droit de proposition que la Constitution garantit au Conseil fédéral. Si ce dernier n'était, par erreur, pas invité à donner son avis sur un projet précis, il pourrait donc quand même se prononcer.

Art. 114, al. 1 et 1bis (nouveau) Après son dépôt, une initiative parlementaire n'est pendante que devant le conseil auquel appartient son auteur (député, groupe parlementaire ou commission). C'est seulement lorsque le conseil a adopté au vote sur l'ensemble le projet d'acte élaboré par sa commission que l'initiative devient pendante devant l'autre conseil. Par conséquent, l'initiative n'est pas transmise à l'autre conseil et est réputée liquidée si le conseil n'entre pas en matière sur le projet d'acte de sa commission ou s'il le rejette au vote sur l'ensemble.

Le droit en vigueur n'est pas modifié sur le fond, mais uniquement sur la forme: en d'autres termes, étant donné que la formulation actuelle de l'art. 114 a déjà été source d'incertitude, il paraît judicieux de clarifier la situation.

Art. 115 et 116, al. 3bis (nouveau) Concernant la forme des initiatives déposées par un canton, qui est définie à l'art. 115, voir le ch. 2.2.1.4 en relation avec le ch. 2.2.1.2 (Forme de l'initiative parlementaire); concernant les délais impartis pour traiter les initiatives déposées par un canton, dont il est question à l'art. 116, al. 3bis, voir le ch. 2.2.1.4 en relation avec le ch. 2.2.1.3 (Délais de traitement applicables à l'examen préalable d'une initiative parlementaire).

Art. 118, al. 4bis (nouveau) Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP; RS 173.71)
le 1er janvier 2011, le Ministère public de la Confédération est une autorité indépendante de l'exécutif et du législatif dotée de sa propre autorité de surveillance. La LParl avait été adaptée de sorte que le Ministère public de la Confédération et son autorité de surveillance soient assimilés aux tribunaux fédéraux en ce qui concerne les relations avec l'Assemblée fédérale. Toutefois, 6287

le législateur avait omis de prévoir une disposition applicable aux interventions qui se rapportent à la gestion des affaires ou à la gestion financière du Ministère public de la Confédération et de son autorité de surveillance.

II Disposition transitoire Les nouveaux délais prévus aux art. 109 et 116 LParl concernant l'examen préalable d'initiatives parlementaires et d'initiatives des cantons ne doivent pas s'appliquer aux initiatives ayant été attribuées à une commission avant l'entrée en vigueur de la présente modification de la LParl. La disposition transitoire vise à supprimer tout risque de conflit juridique, étant donné que, dans certains cas, les nouveaux délais auraient déjà expiré au moment où la modification entrera en vigueur.

III Modification du droit en vigueur Loi sur la consultation, art. 3, al. 1bis (nouveau) Les deux CIP, en particulier, n'organisent habituellement pas de consultation sur leurs projets d'acte relevant du droit parlementaire ou de la réglementation des relations entre le Parlement et le gouvernement. Le Conseil fédéral lui-même a jugé par exemple qu'il n'était pas indispensable de lancer une consultation sur son projet visant à modifier l'art. 14, let. c, LParl (incompatibilité avec un mandat parlementaire pour les membres de commissions extra-parlementaires; FF 2006 7598). Toutefois, cette pratique va manifestement à l'encontre des dispositions de l'art. 3 de la loi sur la consultation, en vertu duquel une consultation est organisée lors des travaux préparatoires concernant «des dispositions légales visées à l'art. 164, al. 1, let. a à g, de la Constitution» (dispositions fondamentales qui sont encore dépourvues de base légale). Dans de tels cas, il n'y a cependant, en règle générale, aucun intérêt à organiser une consultation qui, d'une part, demanderait trop de travail de la part des participants et, d'autre part, prolongerait le processus législatif d'environ six mois.

De surcroît, les projets de ce type ne touchent pas les intérêts directs des cantons et des groupes d'intérêt; quant aux partis politiques, ils peuvent toujours défendre leur position auprès de l'Assemblée fédérale par l'intermédiaire des groupes.

La proposition prévoit d'adapter la loi à la pratique habituelle.

Au cours de la procédure de consultation, neuf cantons (LU, UR, SZ, NW, OW, BS,
AG, VS, JU) se sont prononcés en faveur de la modification de la loi sur la consultation, alors que dix cantons (BE, ZG, SO, BL, SH, SG, TG, TI, VD, GE) et la Conférence des gouvernements cantonaux l'ont rejetée. De manière générale, les cantons opposés à cette modification souhaitent déterminer eux-mêmes s'ils s'estiment concernés ou non par un projet. Ils considèrent en effet que la répartition des compétences entre les autorités fédérales peut avoir une certaine importance pour eux. En outre, ils considèrent que le régime dérogatoire proposé est formulé de manière trop vague et laisse une trop grande latitude à l'auteur d'un projet.

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La commission maintient que, dans les cas visés par le régime dérogatoire, la charge de travail que représente l'organisation d'une procédure de consultation n'est pas justifiée. Généralement, les cantons ne sont en rien concernés par la réglementation interne des autorités fédérales; s'ils étaient toutefois concernés, il serait alors de la responsabilité politique de l'auteur d'un projet de faire un usage approprié de la marge de manoeuvre que lui offre la nouvelle disposition et, partant, de consulter les cantons.

IV Entrée en vigueur Comme il est d'usage concernant les actes portant sur le droit parlementaire, la Conférence de coordination doit fixer la date de l'entrée en vigueur. Les nouvelles dispositions peuvent être mises en vigueur immédiatement après l'expiration du délai référendaire, à l'exception de la disposition concernant la forme des initiatives des cantons (art. 115), laquelle doit entrer en vigueur un an après les autres modifications. Ainsi, les cantons disposent de suffisamment de temps pour adapter, si nécessaire, leurs dispositions relatives à la procédure applicable aux initiatives qu'ils déposent.

3.2

Modification du règlement du Conseil des Etats

Art. 22, al. 2 Jusqu'ici facultative, la rédaction d'un développement séparé pour les motions et les postulats devient obligatoire. La nouvelle formulation précise toutefois que cette obligation ne s'applique qu'aux interventions déposées par les députés. S'agissant des interventions des commissions, l'adjonction d'un développement écrit reste facultative: en principe, la discussion menée par la commission avant le dépôt de l'intervention en question peut amplement faire office de développement.

La rédaction d'un développement est cependant une pratique largement répandue à ce jour: parmi les motions et postulats déposés au Conseil des Etats en 2010, seuls une motion (celle qui demandait au bureau d'examiner notamment la possibilité d'instaurer l'obligation de rédiger un développement, à savoir la motion 10.3465 [Stopper le déferlement d'interventions parlementaires], déposée par le conseiller aux Etats This Jenny) et trois postulats ne comportaient pas de développement.

Art. 26, al. 3 et 4 (nouveau) Selon le droit en vigueur, une interpellation ou une question peuvent, à la demande de leur auteur, être déclarées urgentes par le bureau. Une interpellation déclarée urgente présente deux avantages pour son auteur: non seulement le Conseil fédéral doit y répondre au cours de la même session, mais la discussion concernant l'interpellation doit elle aussi avoir lieu au cours de cette session. Par contre, en ce qui concerne les questions déclarées urgentes, le Conseil fédéral y répond par écrit sans qu'il y ait discussion au conseil ­ comme c'est le cas pour une question ordinaire ­, et ce dans les trois semaines suivant leur dépôt. L'instrument de la question urgente étant manifestement moins attrayant, cela fait déjà un certain temps qu'il n'a 6289

plus été utilisé. Afin de remédier à cette situation, le règlement est modifié de sorte que le Conseil fédéral soit tenu de répondre aux questions urgentes au cours de la même session, à l'instar des interpellations urgentes.

S'il est proposé de déclarer une interpellation urgente, le bureau, qui peut déjà accepter ou rejeter une telle proposition (dans ce dernier cas, cela revient à transformer une interpellation urgente en une interpellation «normale») doit également avoir la possibilité de transformer ladite interpellation urgente en une question urgente.

Pour cela, il doit avoir l'accord de son auteur: ce dernier a donc le choix entre voir son interpellation urgente transformée en une interpellation «normale» (discussion au conseil, mais seulement à la session suivante) ou la voir transformée en une question urgente (aucune discussion au conseil, mais réponse du Conseil fédéral au cours de la même session).

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Il se peut que les nouvelles dispositions relatives à la forme des initiatives parlementaires et des initiatives des cantons aient pour conséquence une diminution du nombre desdites initiatives, ce qui pourrait permettre de réaliser des économies. Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de déterminer précisément les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel des différentes modifications proposées; toutefois, ces derniers ne devraient pas être considérables.

5

Bases légales

La loi sur le Parlement et ses présentes modifications se fondent sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., aux termes duquel les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le règlement du Conseil des Etats et ses présentes modifications se fondent sur l'art. 36 LParl, aux termes duquel «chaque conseil se donne un règlement qui précise son organisation et les règles de procédure».

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