11.075 Message concernant l'approbation du protocole modifiant la convention en vue d'éviter les doubles impositions entre la Suisse et la Russie du 23 novembre 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la Convention du 15 novembre 1995 entre la Confédération suisse et la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 novembre 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2116

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Condensé Le protocole à la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la Russie prévoit d'inscrire dans la convention une disposition sur l'échange de renseignements conforme à la norme internationale. En outre, il prévoit d'exonérer les dividendes versés à des institutions de prévoyance, aux Etats contractants et à leurs banques nationales. La nouvelle réglementation concernant les intérêts prévoit leur exonération générale. Enfin, la compétence d'imposer les gains qui proviennent de l'aliénation de parts dans une société immobilière est attribuée à l'Etat du lieu de situation de l'immeuble.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de ce protocole.

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Message 1

Considérations générales sur l'évolution de la politique conventionnelle contre les doubles impositions

Les conventions contre les doubles impositions constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent les activités de notre économie d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et morales, à un impôt résiduel aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et d'une manière générale à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a décidé que la Suisse reprendrait la norme internationale développée par l'OCDE en matière d'échange de renseignements à des fins fiscales.

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Contexte, déroulement et résultat des négociations

La Convention entre la Confédération suisse et la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (RS 0.672.966.51, ci-après «CDI-RUS») a été conclue le 15 novembre 1995 et n'a jamais été révisée depuis lors.

Alors que la CDI-RUS ne contient pas de disposition particulière sur l'échange de renseignements, il est précisé dans l'échange de lettres du 15 novembre 1995 qui y est attaché que l'assistance administrative est limitée aux renseignements nécessaires à la bonne application de la convention. Après la décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009 de retirer la réserve de la Suisse concernant l'échange de renseignements selon le Modèle de convention de l'OCDE, la Russie a demandé à la Suisse d'ouvrir des négociations en vue de compléter la CDI-RUS par une disposition sur l'échange de renseignements selon la norme internationale. Conformément aux directives du Conseil fédéral, la Suisse a accédé à cette demande et saisi l'occasion de cette révision pour actualiser certains points de la convention et obtenir plusieurs améliorations. Parmi celles-ci, l'exonération des dividendes versés à des institutions de prévoyance, l'exonération générale des intérêts et l'inscription d'une disposition en faveur de la Suisse pour l'adoption d'une procédure d'arbitrage.

Les négociations ont eu lieu en novembre 2009 à Berne et en mai 2010 à Moscou.

Après consultation interne de part et d'autre, les paraphes ont été apposés sur le protocole modifiant la convention (ci-après «protocole de modification») le 25 jan8217

vier 2011, lors d'une séance du Comité des affaires fiscales de l'OCDE à Paris. Les deux Etats ayant souhaité y apporter quelques adaptations linguistiques, le protocole de modification a été paraphé une nouvelle fois le 6 avril 2011 par voie de correspondance. La signature du protocole de modification a eu lieu le 24 septembre 2011, à l'occasion de l'Assemblée annuelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la présente révision de la convention.

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Appréciation

L'introduction de l'exonération générale des intérêts encourage les investissements étrangers et renforce la place financière et économique suisse. La suppression de l'impôt résiduel sur les dividendes versés à des institutions de prévoyance facilite les investissements étrangers de ces investisseurs institutionnels. La nouvelle disposition sur l'échange de renseignements est conforme à la norme internationale; elle limite l'échange de renseignements qu'elle n'autorise que sur demande concrète. La clause accordée par la Russie en matière de procédure d'arbitrage garantit que la Suisse pourra bénéficier rapidement du changement de la politique conventionnelle de la Russie dans ce domaine, le cas échéant. L'accord sur les exigences formelles en matière d'attestations de résidence augmente la sécurité juridique pour les investisseurs suisses en Russie et réduit leurs charges administratives. Dans le présent protocole, il a été possible d'atteindre une solution équilibrée qui contribuera à l'évolution positive des relations économiques bilatérales.

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Commentaire des articles du protocole de modification

Le protocole de modification modifie et complète certaines dispositions de la CDIRUS. Voici un bref commentaire de ces modifications.

Art. II du protocole de modification relatif à l'art. 4 de la convention (Résident) La révision a été l'occasion de mettre à jour le premier paragraphe de l'article relatif à la résidence d'après l'actuel Modèle de convention de l'OCDE. Désormais, il est mentionné expressément que la notion de résidence s'étend également aux Etats contractants, à leurs subdivisions politiques et à leurs collectivités locales.

Concernant la disposition relative à la résidence des personnes autres que les personnes physiques (art. 4, par. 3), la Russie a demandé qu'une définition plus précise soit donnée à l'attention de ses fonctionnaires fiscaux. A ses yeux, la réglementation existante, d'après laquelle une personne autre qu'une personne physique est résidente de l'Etat où est situé son siège de direction effective, est en effet trop vague.

Comme une définition plus précise a l'avantage d'accroître la sécurité juridique, la Suisse a accédé à cette demande. Néanmoins, elle a tenu à ce que la définition figurant dans le commentaire du Modèle de convention de l'OCDE de 2008 soit reprise dans le protocole de modification. De cette manière, la Suisse a pu s'assurer que les dispositions relatives à la résidence seraient interprétées de la même façon pour la 8218

CDI-RUS que pour les autres conventions contre les doubles impositions qu'elle a conclues selon la norme de l'OCDE. Conformément au ch. 2 du protocole inscrit en annexe au protocole de modification («protocole annexé à la convention»), le siège de la direction effective d'une personne autre qu'une personne physique se trouve là où sont prises les décisions de politique générale et où sont faits la plupart des choix commerciaux qui, pris ensemble, se révèlent d'une grande importance pour l'exercice de l'activité commerciale d'une entité juridique. Pour que ce lieu puisse être déterminé, tous les principaux faits et circonstances doivent être examinés.

Art. III du protocole de modification relatif à l'art. 10 de la convention (Dividendes) La disposition en vigueur prévoit un droit d'imposition de l'Etat de la source de 15 % sur les dividendes (par. 2, let. b). Si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société détenant au moins 20 % du capital de la société distributrice et que le capital investi dans le cadre de la participation excède (200 000 francs suisses ou l'équivalent dans une autre monnaie au moment où les dividendes sont échus, le droit d'imposition de l'Etat de la source est réduit à 5 % (par. 2, let. a).

La proposition de la Suisse comprenait l'exonération des dividendes provenant de certaines participations (participations au capital de 10 % et plus) et des dividendes versés à des institutions de prévoyance, aux Etats contractants et à leurs banques nationales. La Russie n'était cependant pas disposée à convenir d'une exonération des dividendes provenant de ces participations. Outre l'argument des conséquences financières, la Russie a insisté sur le fait qu'aucune de ses conventions contre les doubles impositions ne prévoit un impôt résiduel inférieur à 5 % pour les dividendes provenant de participations et que la réglementation de la CDI-RUS est, par conséquent, déjà très avantageuse. La Russie était en revanche prête à accepter la proposition d'exonérer de l'impôt à la source les dividendes versés à des institutions de prévoyance, aux Etats contractants et à leurs banques nationales. Les institutions de prévoyance avantagées sont définies au ch. 3 du protocole annexé à la convention.

En Suisse, il s'agit des institutions du 1er pilier et du 2e pilier et de celles du pilier
3a. Les placements collectifs de capitaux dans lesquels seules des institutions de prévoyance investissent sont traités de la même manière que les investissements directs des institutions de prévoyance.

Les milieux de l'économie suisse ont demandé une réglementation concernant le champ d'application des dispositions russes relatives à la sous-capitalisation. La Russie applique des prescriptions moins sévères lorsqu'elle examine la recevabilité des paiements d'intérêts à l'intérieur de son pays qu'au niveau international, ce qui n'est pas sans désavantager les grands groupes internationaux. Bien que l'art. 24, par. 3, CDI-RUS n'autorise pas une telle discrimination et que les tribunaux russes aient admis la recevabilité de plaintes en ce sens déposées par des entreprises, la Suisse a insisté pour que l'interdiction explicite de cette forme de discrimination soit inscrite au protocole de modification. Elle proposait que les dispositions de souscapitalisation internes à un Etat s'appliquent aussi dans le cadre de la CDI-RUS.

Après quelques concessions faites par la Suisse dans d'autres domaines, la Russie s'est finalement dite prête à introduire une telle disposition dans le protocole annexé à la convention (ch. 4, let. a).

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Les fonds de placement, qu'il s'agisse de fonds immobiliers ou d'autres fonds, sont traités de façon fiscalement transparente en Russie. Ce qui signifie que la distribution d'un fonds de placement au détenteur des parts se fait ­ en fonction de l'origine du revenu distribué ­ sous forme de dividendes, d'intérêts ou de gains en capital.

Toutefois, si la distribution est destinée à un détenteur de parts de fonds de placement qui peut faire valoir une convention contre les doubles impositions (p. ex. la CDI-RUS), les revenus ne sont pas considérés par la jurisprudence russe comme des dividendes, des intérêts ou des gains en capital, mais comme «d'autres revenus», conformément à l'art. 21 CDI-RUS. Ces autres revenus ne pouvant être imposés que par l'Etat de résidence du détenteur des parts de fonds de placement, la Russie n'est pas autorisée, conformément à ce que préconise sa jurisprudence, à prélever un impôt à la source sur de tels versements. Au cours des négociations, la Russie a demandé qu'une précision soit apportée à la convention afin de remédier à l'application «incorrecte» de la CDI-RUS. La Suisse a d'abord rejeté cette demande en indiquant que le problème devait être réglé dans le cadre du droit interne russe et a renvoyé à la réglementation qui a été adoptée en droit suisse. Etant donné que la Russie tenait à ce que ce problème soit aussi abordé dans le protocole de modification et qu'elle refusait de faire des concessions dans d'autres domaines, la Suisse a finalement accepté d'y remédier. L'expression «dividendes» s'applique dès à présent également aux revenus issus de parts de fonds immobiliers et d'autres fonds de placement dont les revenus proviennent pour plus de 50 % d'actions (art. 10, par. 4, CDI-RUS). Les versements issus de parts d'autres fonds de placement (fonds autres que les fonds immobiliers) dont le revenu provient pour moins de 50 % d'actions sont par contre considérés comme des intérêts (ch. 4, let. b, du protocole annexé à la convention).

Art. IV du protocole de modification relatif à l'art. 11 de la convention (Intérêts) La disposition en vigueur limite à 10 % le droit de l'Etat de la source d'imposer les intérêts. Pour les intérêts bancaires, l'impôt résiduel est limité à 5 %. Pour certains crédits en lien avec les ventes de marchandises et d'équipement, la convention
prévoit l'exonération des intérêts.

Comme de nombreux Etats disposent déjà, dans leurs conventions contre les doubles impositions avec la Russie, de réglementations prévoyant l'exonération générale des intérêts, les représentants de l'économie suisse et en particulier de la place financière ont émis le souhait qu'une telle réglementation soit inscrite également dans le protocole de modification. La Russie ne s'est pas tout de suite montrée prête à accorder à la Suisse l'exonération générale des intérêts. Elle a avancé en particulier qu'elle s'efforçait de renforcer ses propres banques et qu'elle s'appliquait par conséquent, dans le cadre de protocoles de modification, à abroger les réglementations convenues avec d'autres Etats contractants prévoyant cette exonération. La Suisse est finalement parvenue, après d'âpres négociations, à abolir ce préjudice porté aux multinationales suisses et à sa place financière par rapport à leurs concurrentes.

Art. V et VI du protocole de modification relatif aux art. 13 (Gains en capital), et 23 de la convention (Elimination des doubles impositions) La convention en vigueur prévoit que les gains provenant de l'aliénation de parts de sociétés ne peuvent être imposés que dans l'Etat du cédant. La Russie désirait à ce sujet une adaptation à la norme de l'OCDE, cette dernière préconisant que les gains 8220

qui proviennent de l'aliénation de parts de sociétés immobilières soient imposés par l'Etat du lieu de situation des biens immobiliers. On considère comme société immobilière une société dont plus de 50 % de la valeur consiste en biens immobiliers.

Certains cantons étant favorables à l'adaptation à la norme de l'OCDE, la Suisse ne s'y est pas opposée fondamentalement. Toutefois, deux exceptions à l'imposition de ces gains dans l'Etat du lieu de situation de l'immeuble ont été inscrites dans la convention à sa demande. La première exception, qui a vu le jour pour des raisons pratiques, prévoit que les gains résultant de l'aliénation de parts de sociétés immobilières cotées à une bourse reconnue située dans l'un des Etats contractants ou à une autre bourse dont les autorités compétentes des Etats contractants sont convenues ne peuvent être imposés que dans l'Etat du cédant. La taxation des transactions boursières n'étant pas des plus aisées, les deux Etats contractants ont considéré comme pertinent d'imposer de tels revenus dans l'Etat de résidence du cédant. La deuxième exception donne une définition plus précise du terme «société immobilière». Si une société utilise ses biens immobiliers pour son activité commerciale, elle ne constitue pas une société immobilière, mais une société d'exploitation. Cette limitation réduit le champ d'application de la disposition aux sociétés immobilières au sens où on l'entend en Suisse, autrement dit aux sociétés qui ont pour objet la gestion et le commerce de biens immobiliers. Les gains provenant de l'aliénation de parts de sociétés d'exploitation, y compris lorsque leur fortune est constituée en grande partie de biens immobiliers, ne sont par conséquent imposés que dans l'Etat de résidence du cédant.

Conformément à la pratique conventionnelle de la Suisse, un gain en capital en lien avec la vente de participations à une société immobilière établie en Suisse n'est exonéré de l'impôt que dans le cas où le cédant, résident de la Suisse, est en mesure de prouver que le gain a été imposé en Russie (art. 23, let. a, dernière phrase, CDI-RUS).

Art. VII du protocole de modification relatif à l'art. 25a de la convention (Echange de renseignements) Dans un contexte de mondialisation des marchés financiers et surtout de crise financière, la coopération internationale en
matière fiscale revêt une importance accrue.

Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a décidé que la Suisse adopterait la norme internationale en ce qui concerne l'assistance administrative en matière fiscale. Il a fait des éléments suivants les principaux axes de cette nouvelle politique: protection des droits de procédure, assistance limitée au cas par cas, solutions transitoires équitables, application limitée aux impôts visés par la convention, respect du principe de subsidiarité et élimination de toute discrimination. Ces éléments sont commentés ci-après.

La disposition paraphée reprend dans les grandes lignes le texte de l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE. Toutefois, certaines modifications du texte du Modèle de convention de l'OCDE ont été prévues pour limiter l'échange de renseignements aux impôts couverts par la convention et à la taxe sur la valeur ajoutée, pour exclure la transmission des renseignements aux autorités de contrôle, pour rendre possible l'utilisation des renseignements à d'autres fins sous réserve de l'accord des deux Etats, et pour donner les pouvoirs nécessaires aux autorités fiscales des Etats contractants pour, d'une part, obtenir les renseignements requis de la 8221

part des banques, d'un autre établissement financier, d'un mandataire ou une d'une personne agissant en tant que fiduciaire, et d'autre part, déterminer les droits de propriété dans une personne. Ces modifications sont conformes à la norme internationale.

Le par. 1 consacre le principe de l'échange de renseignements. Il prévoit l'échange des renseignements vraisemblablement pertinents pour l'application des dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts visés par la convention et à la taxe sur la valeur ajoutée. La limitation aux renseignements vraisemblablement pertinents a pour but d'empêcher la «pêche aux renseignements». Pour appliquer cette disposition, il n'est pas nécessaire que les contribuables concernés soient des résidents de Suisse ou de Russie, pour autant qu'il y ait un rattachement économique à l'un des Etats contractants.

Conformément à sa politique actuelle, la Suisse prévoyait de limiter l'échange de renseignements aux impôts visés par la convention. La lutte contre les abus dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée revêtant une grande importance à ses yeux, la Russie a demandé, en contrepartie de l'exonération générale des intérêts, que l'assistance administrative soit étendue au domaine de la TVA. Après avoir consulté de façon informelle d'importantes associations faîtières de l'économie suisse, la Suisse a répondu favorablement à la demande de la Russie.

Le par. 2 est consacré au principe de confidentialité. Cette disposition vise l'Etat requérant et prévoit que les renseignements obtenus ne peuvent être communiqués qu'aux personnes et aux autorités concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts visés par la convention, par les procédures et poursuites concernant ces impôts, ou encore par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il s'ensuit que ces renseignements peuvent également être communiqués au contribuable ou à son représentant. La dernière phrase de ce paragraphe prévoit la possibilité d'utiliser les renseignements à d'autres fins, non fiscales, si la législation des deux Etats contractants le permet et si l'Etat requis en donne l'autorisation. Ainsi, cette disposition permet d'utiliser les renseignements obtenus dans le cadre d'une autre procédure pénale, tout en
respectant les droits de procédure distincts de la personne concernée en Suisse. Elle permet aussi d'éviter de devoir transmettre les mêmes informations en donnant suite à plusieurs demandes de renseignements réitérées à des fins différentes. Dans tous les cas, le consentement de l'Etat qui fournit les renseignements est requis.

Le par. 3 prévoit certaines limitations à l'échange de renseignements en faveur de l'Etat requis. Ce dernier n'est tenu ni de prendre des mesures administratives allant au-delà des limites prescrites par sa propre législation ou par sa pratique administrative, ni de prendre des mesures administratives qui ne seraient pas autorisées par la législation ou par la pratique administrative de l'Etat requérant. En outre, l'Etat requis n'est pas obligé de fournir des renseignements qui ne peuvent être obtenus selon sa propre législation ou sa propre pratique administrative ou qui ne peuvent être obtenus selon celles de l'Etat requérant. Enfin, l'Etat requis peut refuser de communiquer des renseignements qui seraient contraires à l'ordre public ou qui révéleraient un secret commercial, ce qui pourrait être le cas, si l'Etat requérant ne prenait pas toutes les mesures propres à garantir que les renseignements concernés seront effectivement tenus secrets.

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Le par. 4 dispose que l'Etat requis a l'obligation de se procurer et de communiquer les renseignements même dans le cas où il n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa propre législation fiscale. Ainsi, l'échange de renseignements n'est pas limité aux seuls renseignements qui présentent un intérêt pour les autorités fiscales de l'Etat requis.

Le par. 5 contient des dispositions particulières concernant les renseignements détenus par des banques ou d'autres intermédiaires et les renseignements relatifs à des droits de propriété sur une personne. Ces renseignements doivent être échangés nonobstant les limitations prévues au par. 3. L'Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même lorsque ces renseignements ne sont pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire. Toutefois, cette disposition suppose que les renseignements demandés existent.

Dans les cas de fraude fiscale, la Suisse possède, en vertu de sa procédure pénale interne, les moyens nécessaires pour obtenir les renseignements visés au par. 5.

L'échange de renseignements prévu par les nouvelles dispositions ne présuppose plus toutefois l'existence d'une fraude fiscale. Afin de permettre aux Etats contractants d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles obligations conventionnelles, la dernière phrase du par. 5 constitue la base légale nécessaire pour leur donner les pouvoirs de procédure dont ils ont besoin pour obtenir les renseignements demandés.

La procédure applicable est réglée dans un premier temps par l'ordonnance du 1er septembre 2010 relative à l'assistance administrative d'après les conventions contre les doubles impositions (OACDI; RS 672.204), qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2010. La future loi sur l'assistance administrative remplacera par la suite cette ordonnance. Le Conseil fédéral a approuvé le message correspondant le 6 juillet 2011 (FF 2011 5771). Conformément à l'art. 5, al. 2, let. c, OACDI, la Suisse n'accordera pas l'assistance administrative en matière fiscale à la Russie si la demande se fonde sur des données obtenues illégalement. Cette position a été communiquée à la délégation russe
en marge des négociations, laquelle en a pris acte.

La demande d'échange de renseignements devra être soumise par écrit (les demandes par téléphone sont donc exclues), conformément aux prescriptions de l'OCDE dans ce domaine, en particulier au module 1 (L'échange de renseignements sur demande) du anuel de mise en oeuvre des dispositions concernant l'échange de renseignements à des fins fiscales.

Des précisions concernant l'art. 25a sont données au ch. 7 du protocole annexé à la convention.

Le principe de subsidiarité est inscrit à la let. a. Les Etats contractants sont tenus d'épuiser tous les moyens d'investigation nationaux avant de soumettre une demande de renseignements à l'autre Etat contractant.

Les let. b et c règlent en détail les exigences auxquelles doit satisfaire toute demande de renseignements (ch. 2, let. b). Ces exigences servent à empêcher la pêche aux renseignements, c'est-à-dire les requêtes présentées sans objet d'investigation précis dans l'espoir d'obtenir des renseignements fiscalement pertinents. Elles ne doivent cependant pas être interprétés de manière à faire obstacle à un échange efficace de

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renseignements (ch. 7, let. c). Les demandes de renseignements doivent donc être traitées selon le principe de la bonne foi.

Conformément à la norme internationale en vigueur, l'Etat requérant doit identifier le contribuable concerné de manière indubitable, cette identification pouvant s'effectuer par d'autres moyens que le nom et l'adresse. Le nom et l'adresse du détenteur présumé des informations (p. ex. une banque) doivent en outre être fournis dans la demande d'assistance administrative, s'ils sont connus. Néanmoins, la norme internationale prévoit l'obligation pour l'Etat requis de satisfaire également aux demandes dont les éléments ne permettent pas d'identifier le détenteur présumé des renseignements. Dans la mesure où la recherche des renseignements se révèle difficile sans ces données, la norme admet le rejet de ces demandes pour des raisons de proportionnalité et de praticabilité. Par conséquent, l'Administration fédérale des contributions (AFC), en tant qu'autorité fiscale compétente, n'a pas l'obligation, pour satisfaire à une demande d'assistance administrative n'indiquant aucune banque comme détenteur présumé des renseignements, d'interroger les plus de 300 banques actives en Suisse sur les données bancaires d'une personne déterminée.

En revanche, si seules quelques banques sont susceptibles de détenir les renseignements, l'AFC est tenue, même sans indication de l'adresse ni du nom de la banque, de les interroger, si les faits ont été exposés de façon probante dans la demande et que la «pêche aux renseignements» est par conséquent exclue. Afin de garantir un échange de renseignements efficace, l'Etat requérant doit en outre préciser de quels renseignements il a besoin, à quelles fins et pour quelle période fiscales.

Etant données les exigences qu'impose la norme internationale en matière de demandes de renseignements, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. D'après la norme encore en vigueur, il est également limité à des demandes au cas par cas. Cependant, à l'échelle internationale, des efforts sont entrepris pour étendre cette norme et admettre les demandes concrètes, même lorsque celles-ci visent un groupe précisément défini de contribuables, dont il faut supposer, en raison de nombreux indices, qu'ils ne se sont pas conformés à leurs obligations fiscales
dans l'Etat requérant. Des précisions sur ce thème se trouvent au ch. 1.2.1 du message du 6 juillet 2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale (FF 2011 5771).

Le protocole annexé à la convention exclut expressément l'obligation pour l'un ou l'autre des Etats contractants d'échanger des renseignements spontanément ou automatiquement (ch. 7, let. d). Enfin, la let. e du ch. 7 garantit les droits de procédure des contribuables. En Suisse, le contribuable concerné peut recourir contre la décision finale de l'Administration fédérale des contributions devant le Tribunal administratif fédéral, lequel tranchera en dernier lieu. Le recours a un effet suspensif: les renseignements ne pourront donc être communiqués que si le recours est rejeté et une fois que la décision de rejet est entrée en force.

Art. VIII du protocole de modification relatif à l'art. 25b de la convention (Relais) La Russie souhaitait inscrire une disposition exhaustive contre les abus. Estimant que cette demande allait trop loin, la Suisse a proposé une disposition se limitant aux systèmes de relais en lien avec les dividendes, les intérêts et les redevances à laquelle la Russie a finalement donné son accord.

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Cette solution reprend en substance la disposition de la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la Grande-Bretagne. Elle est conforme au développement de la politique et de la pratique de la Suisse contre l'utilisation abusive des conventions contre les doubles impositions.

Cette solution vise à empêcher qu'un résident d'un Etat tiers non contractant puisse bénéficier des avantages d'une convention contre les doubles impositions en utilisant comme relais une personne (le plus souvent une société) qui est un résident d'un Etat contractant, précisément dans l'intention de bénéficier des avantages fiscaux découlant de cette convention. Un système de relais existe lorsqu'un résident d'un Etat contractant organise une opération commerciale dans le but principal d'obtenir des avantages fiscaux auxquels il ne pourrait prétendre en relation avec une convention en vue d'éviter les doubles impositions. L'interprétation du but principal peut faire l'objet d'une procédure amiable au sens de l'art. 25 de la convention.

Art. X du protocole de modification relatif au protocole annexé à la convention En ce qui concerne l'application de la convention, des contribuables suisses ont fait remarquer que les autorités russes n'acceptent parfois les attestations de résidence émises par la Suisse que si elles sont accompagnées d'une attestation et d'une apostille. Au ch. 1 du protocole annexé à la convention, les deux Etats contractants sont convenus de renoncer aux apostilles et autres attestations afin de faciliter l'application de la convention, tant dans le cadre de la disposition sur l'échange de renseignements qu'en ce qui concerne les attestations de résidence. D'autres documents peuvent également bénéficier de cet allègement, s'ils ils ont été émis par les autorités compétentes prévues par la convention (cf. art. 3, par. 1, let. h, CDI-RUS).

Au ch. 5 du protocole annexé à la convention, des précisions sont données sur les prestations en capital du 2e pilier. Celles-ci doivent être traitées de la même manière que les pensions du 2e pilier des Etats contractants d'après les règles établies aux art. 18 (Pensions) et 19 (Fonctions publiques).

La Suisse souhaitait introduire une clause d'arbitrage dans la convention, mais la Russie a émis de nombreuses objections. En dépit des efforts qu'elle
a déployés, la Suisse n'a pas réussi à convaincre la Russie des avantages d'une telle d'arbitrage. La Russie s'est par ailleurs déclarée prête à ouvrir aussitôt des négociations en vue d'inscrire une clause d'arbitrage dans sa convention contre les doubles impositions avec la Suisse, si elle vient à inscrire une telle clause dans une convention contre les doubles impositions avec un Etats tiers. Le cas échéant, la Russie informera la Suisse de la conclusion d'une telle clause dans une de ses conventions contre les doubles impositions, afin que les autorités compétentes des deux Etats contractants procèdent le plus rapidement possible aux négociations concernant l'adaptation de la CDI-RUS (voir le ch. 6 du protocole annexé à la convention).

Art. XI du protocole de modification (sur l'entrée en vigueur et l'applicabilité) Le protocole de modification entre la Suisse et la Fédération de Russie entre en vigueur le jour de la réception de la dernière des deux notifications qui annoncent la fin de la procédure d'approbation interne.

Les dispositions du protocole de modification s'appliquent à partir du 1er janvier de l'année suivant son entrée en vigueur.

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La disposition révisée sur l'échange de renseignements s'appliquera aux années fiscales commençant le 1er janvier de l'année suivant celle de l'entrée en vigueur ou après cette date. Elle s'applique donc exclusivement aux renseignements relatifs à des revenus que le contribuable concerné a réalisés à cette date ou après cette date ou à l'état de sa fortune à cette date ou après cette date. Pour les années précédentes, l'assistance administrative est limitée aux renseignements nécessaires à la bonne application de la convention.

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Conséquences financières

Des pertes de recettes fiscales résultent en principe de l'exonération générale des intérêts. Cependant, elles devraient être modérées car des emprunts élevés ont souvent été conclus par l'intermédiaire d'Etats tiers à des conditions plus avantageuses, en raison de la réglementation défavorable de la CDI-RUS. Des pertes résultent également de l'exonération des dividendes versés à des institutions de prévoyance, aux Etats contractants et à leurs banques nationales. Par ailleurs, la réduction des taux de l'impôt résiduel rehaussera l'attrait de la Suisse et pourra donc apporter des recettes supplémentaires.

L'obligation de fournir une assistance administrative pour appliquer le droit national de l'Etat requérant, d'une part, et d'autoriser l'accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales d'autre part, l'une et l'autre sur demande, pourrait être considérée d'une certaine manière comme préjudiciable à la place économique et indirectement aux recettes fiscales suisses. Vu les efforts internationaux pour uniformiser les conditions de l'assistance administrative dans l'ensemble des Etats («global level playing field») et pour assurer l'efficacité de l'échange de renseignements au moyen d'un mécanisme de contrôle adéquat, la nouvelle situation ne devrait toutefois pas avoir de répercussion particulière sur la Suisse.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé le protocole de modification. Globalement, il contribuera au bon développement des relations économiques entre les deux pays et, par-là même, à permettre à la Suisse d'atteindre ses principaux objectifs en matière de commerce extérieur.

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Constitutionnalité

La présente convention est fondée sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.; RS 101) qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour approuver le protocole de modification. Soumis à l'approbation des Chambres celui-ci deviendra partie intégrante de la convention de 1995. Conclue pour une durée indéterminée, celle-ci peut néanmoins être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un délai de six mois. Il est à noter que la convention ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale. Cependant, depuis le 1er août 2003, les traités qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre nécessite l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10), sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent 8226

des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Afin d'assurer l'uniformité de l'application de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., et pour éviter de soumettre au référendum plusieurs traités d'une portée semblable, le Conseil fédéral a précisé, dans son message du 19 septembre 2003 sur la convention contre les doubles impositions avec Israël, qu'il proposerait au Parlement de renoncer au référendum pour les traités qui ne contiennent pas d'engagements supplémentaires importants pour la Suisse par rapport à des conventions antérieures.

L'adoption de la norme internationale en matière d'échange de renseignements constitue une importante nouveauté dans la politique conventionnelle de la Suisse en matière de double imposition. Le protocole de modification contient donc de nouveaux engagements importants pour la Suisse. En conséquence, l'arrêté fédéral portant approbation du protocole de modification de la convention en vue d'éviter les doubles impositions entre la Suisse et la Russie est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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