10.404 Initiative parlementaire Précision du droit à l'information des commissions de surveillance Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 3 décembre 2010

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur le Parlement, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

3 décembre 2010

Pour la commission: Le président, Claude Janiak

2010-3289

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Condensé Au cours des dernières années, la pratique du Conseil fédéral relative au droit à l'information des commissions de surveillance ancré dans la loi sur le Parlement (LParl) s'est révélée de plus en plus restrictive en ce qui concerne la mise à disposition de documents du gouvernement. Ceci a eu pour effet que le Conseil fédéral a refusé de remettre, ou n'a remis qu'après de longues négociations, certains documents dont les Commissions de gestion (CdG) avaient besoin dans le cadre de leurs enquêtes. Les CdG sont parvenues à la conclusion que la pratique adoptée par le Conseil fédéral ne leur permet plus de remplir la mission qui leur est impartie de manière adéquate. Par conséquent, elles ont décidé, lors de leur séance commune du 22 janvier 2010, de déposer une initiative parlementaire visant à clarifier la situation relative au droit à l'information des commissions de surveillance.

La Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) propose donc de modifier la LParl sur la base des considérations suivantes: ­

Pour exercer leur fonction de haute surveillance, les CdG doivent obtenir un meilleur accès aux documents du Conseil fédéral. Il s'agit notamment de remplacer la notion vague de «documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision» par une définition plus précise. Si, afin de préserver le principe de collégialité, il convient que les CdG n'aient pas accès aux procès-verbaux des séances du Conseil fédéral, conformément à la pratique en vigueur jusqu'à ce jour, elles doivent toutefois pouvoir accéder aux propositions formelles et aux co-rapports des différents départements.

La classification par échelons des droits à l'information reste inchangée.

Par souci d'homogénéité, il y a lieu d'aligner la terminologie utilisée pour les domaines d'exclusion des droits à l'information des députés et des commissions en général à celle utilisée pour les commissions de surveillance, sans pour autant modifier l'étendue des droits dont ils disposent actuellement.

­

L'obligation d'informer les commissions de surveillance et leurs délégations ainsi que les commissions d'enquête parlementaires (CEP) ne doit pas seulement concerner les personnes actuellement au service de la Confédération, mais doit également être étendue, pour ce qui concerne la période de leur activité au sein de la Confédération, aux personnes qui ne sont plus au service de celle-ci. Les commissions de surveillance, les délégations et les CEP doivent en outre avoir la possibilité de citer à comparaître les personnes tenues de fournir des renseignements ou les personnes tenues de témoigner et, en cas de besoin, de les faire amener.

­

A ce jour déjà, l'activité de la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) ne se limite pas au contrôle des activités des organes chargés de la protection de l'Etat et du renseignement au sens étroit du terme, mais

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s'étend régulièrementà d'autres domaines qui relèvent de la sécurité intérieure et extérieureet, dans des cas particuliers, des événements ne relevant pas du domaine de la sécurité tel que l'on l'entend traditionnellement, mais qui sont susceptibles de porter un grave préjudice aux intérêts du pays (par ex. affaire Tinner, non-prolifération). La DélCdG est ainsi responsable, avec la Délégation des finances (DélFin), de la haute surveillance de tous les domaines secrets relevant de l'Etat. Il s'agit donc de combler cette lacune dans le système de la haute surveillance parlementaire.

Ceci présuppose que la DélCdG soit mise formellement sur un pied d'égalité avec la DélFin en ce qui concerne l'accès aux informations et surtout les flux d'informations. Il y a donc lieu d'adapter la notion de domaine secret, pour lequel le droit de consultation est restreint, dans les articles relatifs aux droits à l'information des députés et des commissions.

­

Etant donné que des mesures efficaces au maintien du secret constituent le pendant au droit étendu à l'information, les commissions de surveillance sont dès à présent tenues de prendre des mesures appropriées pour garantir le maintien du secret. Il convient donc d'accorder de l'importance à cette obligation, en prévoyant que les commissions de surveillance émettent des directives relatives au maintien du secret dans leur domaine de compétence.

­

La loi doit prévoir en outre des règles sur la récusation des membres des CdG et de la DélCdG.

Les Commissions des finances (CdF) étant également concernées par ces modifications, la CdG-E a demandé à la Commission des finances du Conseil des Etats (CdF-E) de se prononcer sur les propositions ci-dessus.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Rappel des faits

Au cours des dernières années, la pratique du Conseil fédéral relative au droit à l'information des commissions de surveillance ancré dans la loi sur le Parlement (LParl) s'est révélée de plus en plus restrictive en ce qui concerne la mise à disposition de documents du gouvernement. Ceci a eu pour effet que le Conseil fédéral a refusé de remettre ou n'a remis qu'après de longues négociations certains documents dont les CdGavaient besoin dans le cadre de leurs enquêtes1. Les CdG sont parvenues à la conclusion que la pratique adoptée par le Conseil fédéral, qui s'est consolidée au fil du temps et qui ne laisse à ce jour pratiquement plus de marge de manoeuvre, ne leur permet pas d'accomplir la mission qui leur est impartie de manière adéquate. Par conséquent, elles ont décidé, lors de leur séance commune du 22 janvier 2010, de déposer une initiative parlementaire visant à clarifier la situation relative au droit à l'information des commissions de surveillance. Le 26 février 2010, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a donc approuvé, à l'unanimité, l'initiative suivante: «Les droits à l'information des commissions de surveillance inscrits dans la loi sur le Parlement doivent être précisés de manière à ce que les Commissions de gestion puissent effectivement et efficacement exercer la haute surveillance sur le Conseil fédéral.» Le 30 mars 2010, la CdG-N approuvait l'initiative, elle aussi à l'unanimité.

Le passage de l'art. 153, al. 4, LParl2 selon lequel les commissions de surveillance ne peuvent consulter les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision a notamment posé des problèmes d'application.

Selon l'interprétation du Conseil fédéral, cette restriction porte sur tous les documents de la procédure de co-rapport (propositions du département compétent, co-rapports et annexes) ainsi que sur les notes de discussion et les notes d'information3. Les CdG considèrent, quant à elles, que cette restriction à l'accès aux documents est destinée avant tout à protéger le principe de collégialité et ne porte par conséquent que sur les co-rapports des autres départements relatifs aux propositions des départements compétents. Selon elles, le législateur n'avait aucunement l'intention d'interdire aux CdG, dont la fonction est de surveiller la
manière dont le Conseil fédéral et les différents conseillers fédéraux gèrent les affaires de l'Etat, l'accès à l'ensemble des documents formant la base de décision du Conseil fédéral et relevant de la responsabilité des différents chefs de départements. C'est pourquoi elles sont toujours parties du principe que l'accès aux propositions des départements et aux documents de base y afférents ne pouvaient leur être refusé. En outre, lors des discussions menées lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution fédérale et de la

1 2 3

Cf. Rapport annuel 2009 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales, du 22.1.2010, FF 2010 2429, 2447 s.

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (RS 171.10).

Thomas Sägesser, «Die Informationsrechte der Ratsmitglieder und der parlamentarischen Kommissionen im neuen Parlamentsgesetz», Leges 2003/2, pp. 67 à 78 (en allemand).

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LParl, il n'avait été question, la plupart du temps, que des co-rapports des départements4.

1.2

Dispositions actuelles de la loi sur le Parlement relatives au droit à l'information des députés et des commissions

L'art. 153, al. 4 de la Constitution fédérale suisse5 prescrit que les commissions ont le droit, dans les limites définies par la loi, d'obtenir des renseignements, de consulter des documents et de mener des enquêtes afin de pouvoir accomplir leurs tâches. C'est sur cette base que les droits à l'information des députés, des commissions et de leurs délégations ont été inscrits dans la LParl du 13 décembre 2002. Les droits en matière d'information sont structurés selon un système à échelons, où l'étendue des droits à l'information croît en fonction des devoirs et des fonctions à exercer6. L'échelon le plus bas est constitué par le droit à l'information des parlementaires (art. 7), le deuxième échelon par le droit à l'information des commissions législatives et d'autres commissions (art. 150), le troisième échelon par le droit à l'information des commissions de surveillance (CdF et CdG; art. 153) et le quatrième échelon par le droit à l'information des délégations des commissions de surveillance (DélFin et DélCdG; art. 154) et des commissions d'enquête parlementaires (CEP; art. 166). Du point de vue de la technique législative, les droits à l'information d'une commission sont définis par référence aux droits accordés à la commission de l'échelon immédiatement inférieur auxquels s'ajoutent des droits supplémentaires et spécifiques à cette commission.

Les demandes d'information du Parlement et de ses organes s'opposent aux intérêts justifiés des autorités et également des particuliers à ne pas voir divulguées certaines informations. Afin d'établir un équilibre entre ces intérêts, la LParl énumère, à chaque échelon du système, les domaines particuliers pour lesquels il n'y a pas de droit à l'information. Toutefois, en vertu de la Constitution, le secret de fonction ne constitue pas un motif qui peut être opposé aux délégations; celles-ci ont un droit d'accès à toutes les informations (art. 169, al. 2, Cst.). Les CEP disposent elles aussi d'un accès à toutes les informations.

La LParl repose sur le principe selon lequel le secret de fonction ne suffit pas, à lui seul, à restreindre l'accès aux informations des commissions. Cet accès ne peut leur être refusé que si les informations demandées ne sont pas destinées à l'accomplissement des tâches des commissions ou si elles entrent dans l'une des catégories
d'exceptions prévues par la LParl. En revanche, les députés sont, eux, liés par le secret de fonction (art. 8) et peuvent, en cas de violation de ce secret, se voir infliger une sanction pénale ou disciplinaire (art. 13, al. 2). Par ailleurs, la LParl prévoit que les commissions prennent toutes les mesures appropriées pour garantir le maintien du secret (art. 150, al. 3 et art. 153, al. 5).

4 5 6

Cf. Initiative parlementaire, Loi sur le Parlement, rapport de la CIP-N du 1.3.2001, FF 2001 3298, 3319.

Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18.4.1999 (Cst.; RS 101).

Initiative parlementaire, Loi sur le Parlement, rapport de la CIP-N du 1.3.2001, FF 2001 3298, 3319.

1731

1.3

Interdiction d'accès aux informations ayant été directement à la base d'une décision du Conseil fédéral

Déjà lors de la création de la DélCdG en 1991, le Conseil fédéral s'était investi avec force afin que les droits à l'information de celle-ci soient restreints de manière à garantir la libre formation de l'opinion des membres du Conseil fédéral. C'est ainsi que l'art. 47quinquies, al. 5 a été ajouté à la loi sur les rapports entre les conseils7. Il prévoit que «les droits de la Délégation des Commissions de gestion ne s'appliquent pas aux documents relatifs aux affaires pendantes qui sont destinés à forger l'avis du Conseil fédéral». Le Conseil fédéral craignait surtout un contrôle suivi et détaillé de l'activité de l'exécutif et exigeait donc qu'on exclue tout contrôle sur le processus de formation d'opinion du Conseil fédéral8.

Une discussion semblable s'est tenue dans le cadre de la révision totale de la Constitution fédérale, lors de laquelle le droit des commissions de surveillance d'obtenir des renseignements et de consulter des documents a été discuté. En réponse à la proposition des CdG d'accorder un accès illimité aux informations aux commissions de surveillance, la conférence de conciliation a finalement décidé de n'accorder ce droit qu'aux seules délégations des commissions de surveillance. L'étendue des restrictions à l'accès aux informations des commissions de surveillance n'a toutefois pas été prévue au niveau constitutionnel. Au cours des débats parlementaires, le Conseil fédéral a dit que parmi les documents sur lesquels il se fondait directement pour prendre sa décision figuraient les documents afférents à la procédure de corapport qu'il convenait de protéger, afin de garantir que le Conseil fédéral puisse continuer à se forger une opinion de façon transparente et efficace9.

Dans cette discussion, il s'est agi principalement de protéger la libre formation de l'opinion du Conseil fédéral. Ce dernier craignait avant tout un contrôle suivi de ses affaires pendantes, et de ce fait l'influence exercée par une commission parlementaire sur les décisions du gouvernement, laquelle violerait le principe de la séparation des pouvoirs. Toutefois, au cours des discussions parlementaires, l'opinion selon laquelle l'on ne pouvait distinguer clairement, dans le cadre de la haute surveillance, entre un contrôle suivi et un contrôle subséquent s'est imposée, et l'on a considéré que le contrôle
suivi exceptionnnel exercé par les commissions de surveillance dans des affaires pendantes ne signifiait pas qu'il y eût codécision. Par la suite, l'on a renoncé au niveau de la loi à distinguer entre contrôle suivi et subséquent.

La notion de «dossiers sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre sa décision» a été introduite en 2000 lorsque les commissions parlementaires ont obtenu le droit de consulter certaines ordonnances du Conseil fédéral10.

L'art. 47a, al. 3, LREC prévoyait que «les commissions ont le droit de consulter les dossiers essentiels, à l'exception de ceux sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre sa décision». La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) explicitait cette disposition dans son rapport: «le 7

8 9 10

Loi fédérale du 23.3.1962 sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils, LREC ; RO 1962 811), modification du 13.12.1991, RO 1992 641.

Bulletin officiel 1991 E, p. 462.

Bulletin officiel 1998 N 491, tiré à part, Constitution fédérale. Réforme.

Loi sur les rapports entre les conseils. Amélioration de la capacité d'exécution des mesures de la Confédération, modification du 22.12.1999, RO 2000 2093.

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Conseil fédéral fonctionnant selon le principe de la collégialité, il est impossible de consulter les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre sa décision, comme notamment les co-rapports émanant des départements» 11. Dans sa prise de position relative à ce rapport, le Conseil fédéral a défini les documetns à exclure du droit à l'information comme étant «ceux sur lesquels [il] s'est directement appuyé pour prendre sa décision interne»12.

Le droit de consultation selon l'art. 47a LREC était avant tout conçu pour les activités des commissions législatives et non pour celles des commissions de surveillance. Le droit de consultation des dossiers prévu par cet article et ses limitations ne tenaient donc pas compte des fonctions et des besoins des commissions de surveillance.

La notion de «documents sur lesquels le Conseil fédéral s'appuie directement pour prendre sa décision» a été reprise dans le projet de loi sur le Parlement à l'art. 7 (droit à l'information des députés) et à l'art. 150 (droit à l'information des commissions). A l'art. 153 (droit à l'information des commissions de surveillance), le législateur renvoie à l'art. 150 et y ajoute les droits supplémentaires des commissions de surveillance. A la demande du Conseil fédéral, les restrictions du droit à l'information des commissions de surveillance ont finalement été répétées à l'art. 153, al. 4, pour des raisons purement rédactionnelles13; toutefois, la question de savoir si l'exclusion du droit de consulter de tels documents était adaptée à l'exercice de la haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral n'a pas été abordée. En outre, la question de savoir quels documents sont visés est restée confuse: alors que le Conseil fédéral inclut les documents utilisés dans le cadre de la procédure de co-rapport, le rapport de la CIP-E tout comme les rapporteurs des commissions devant les conseils se réfèrent avant tout aux co-rapports des départements.

1.4

Exercice par les Commissions de gestion de leur droit à l'information

Lors de leurs enquêtes et de leurs inspections, les CdG se penchent régulièrement sur des questions relatives à la gestion du Conseil fédéral en tant qu'organe gouvernemental ou la gestion de certains conseillers fédéraux en particulier. Les CdG procèdent en principe à ces évaluations a posteriori et uniquement sur certains dossiers. L'objectif des CdG est d'exercer la surveillance de l'action du Conseil fédéral sous l'angle de la légalité, de l'opportunité et de l'efficacité (art. 52, al. 2, LParl) et d'établir la transparence à l'égard du Parlement et du public, dans la mesure où cela correspond à un intérêt public (art. 48 LParl). Les CdG ne mènent de telles enquêtes que sporadiquement, mais leur nombre a eu tendance à augmenter ces dernières années. En règle générale, les enquêtes portent sur des dossiers d'une certaine portée politique.

11 12

13

96.456 Initiative parlementaire. Amélioration de la capacité d'exécution des mesures de la Confédération, rapport de la CIP-E du 15.2.1999, FF 1999 2527 2533.

Avis du Conseil fédéral du 31.3.1999 relatif au rapport de la CIP-E sur l'initiative parlementaire Rhinow «Amélioration de la capacité d'exécution des mesures de la Confédération», FF 1999 3115 3119 s.

Bulletin officiel 2002 E 224, concernant l'art. 152, al. 4, du projet de loi sur le Parlement.

1733

Dans le cadre de ces enquêtes, il est la plupart du temps indispensable de consulter les propositions contenant les bases décisionnelles que le département compétent soumet au Conseil fédéral. C'est la seule façon pour les CdG d'examiner comment et quand le gouvernement a été informé d'un certain objet et a été intégré à la procédure, s'il disposait des bases décisionnelles nécessaires et si ses décisions étaient logiques et fondées. Dans certains cas, les co-rapports des autres départements relatifs aux propositions du département compétent peuvent aussi avoir leur importance, notamment lorsque d'autres départements fournissent des informations techniques nécessaires à la préparation d'une décision.

Depuis l'entrée en vigueur de la LParl, les CdG ont souvent reçu, de la part des chefs de département, les propositions, avec documents de base, relatives aux affaires du Conseil fédéral, que ce soit dû à l'esprit de conciliance des intéressés ou à une interprétation restrictive des exceptions au droit à l'information des CdG prévues à l'art. 153, al. 4, LParl (documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision).

Entre-temps, le Conseil fédéral a défini de manière plus précise la notion de «documents afférents à la procédure de co-rapport» dans des réglementations récentes. Conformément à l'art. 8, al. 1, de la loi sur la transparence14, «le droit d'accès n'est pas reconnu pour les documents officiels afférents à la procédure de co-rapport». En arrêtant l'ordonnance sur la transparence15, le Conseil fédéral a ajouté une nouvelle disposition à l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration16, selon laquelle «la procédure de co-rapport commence le jour où le département compétent signe sa proposition» (art. 5, al. 1bis, OLOGA).

Ces dernières années, le Conseil fédéral s'est appuyé sur cette définition pour refuser systématiquement aux CdG l'accès à l'ensemble des propositions des départements compétents, y compris les annexes, les notes de discussion et les notes d'informations.

Au contraire, les CdG, auxquelles on ne peut opposer la loi sur la transparence, ont restreint la notion de «documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision» aux co-rapports et aux procès-verbaux du Conseil fédéral
conformément au but de l'art. 153, al. 4, LParl qui vise à garantir le principe de la collégialité. Elles ont de ce fait toujours tenu à ce que les propositions qui leur sont indispensables pour exercer leur contrôle leur soient remises. Par ses refus systématiques, le Conseil fédéral a agi de manière contraire à la loi, car l'art. 153, al. 4, première phrase, LParl prévoit que les commissions de surveillance statuent définitivement sur l'exercice de leur droit à l'information.

Il convient enfin de remarquer que le Tribunal fédéral (TF) a jugé dans un arrêt de principe du 19 mai 2010 que les éventuels documents relatifs aux propositions soumises au Conseil fédéral qui sont élaborés avant lesdites propositions ne faisaient pas partie de la procédure de co-rapport au sens de la LTrans17. Il faut toutefois rappeler à cet égard que le droit à l'information des commissions parlementaires ne 14 15 16 17

Loi fédérale du 17.12.2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (loi sur la transparence, LTrans; RS 152.3).

Ordonnance du 24.5.2006 sur le principe de la transparence dans l'administration (ordonnance sur la transparence, OTrans; RS 152.31).

Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Cf. Neue Zürcher Zeitung du 20.05.2010 concernant le jugement 1C 522/2009 du 19.05.2010; les considérants du jugement ne sont pas encore disponibles par écrit.

1734

dépend pas de la LTrans et ne peut être mesuré à cette aune, car les députés et les commissions ne font pas partie du public, étant eux-mêmes soumis au secret de fonction (cf. ch. 1.2).

2

Grandes lignes du projet

La présente révision de loi vise les objectifs suivants: 1.

Pour exercer leur fonction de haute surveillance, les CdG doivent obtenir un meilleur accès aux documents du Conseil fédéral. Il s'agit notamment de remplacer la notion vague de «documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision» par une définition plus précise. Afin de préserver le principe de collégialité, il convient que les CdG n'aient pas accès aux procès-verbaux des séances du Conseil fédéral, conformément à la pratique en vigueur jusqu'à ce jour. Elles doivent toutefois pouvoir accéder aux propositions formelles et aux co-rapports des différents départements.

La classification par échelons des droits à l'information reste inchangée. Par souci d'homogénéité, il y a lieu d'aligner la terminologie utilisée pour les domaines d'exclusion des droits à l'information des députés et des commissions en général à celle utilisée pour les commissions de surveillance, sans pour autant modifier l'étendue des droits dont ils disposent actuellement.

2.

L'obligation d'informer les commissions de surveillance et leurs délégations ainsi que les CEP ne doit pas seulement concerner les personnes actuellement au service de la Confédération, mais doit également être étendue, pour ce qui concerne la période de leur activité au sein de la Confédération, aux personnes qui ne sont plus au service de celle-ci. Les commissions de surveillance, les délégations et les CEP doivent en outre avoir la possibilité de citer à comparaître les personnes tenues de fournir des renseignements ou les personnes tenues de témoigner et, en cas de besoin, de les faire amener.

3.

A ce jour déjà, l'activité de la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) ne se limite pas au contrôle des activités des organes chargés de la protection de l'Etat et du renseignement au sens étroit du terme, mais s'étend régulièrementà d'autres domaines qui relèvent de la sécurité intérieure et extérieureet, dans des cas particuliers, des événements ne relevant pas du domaine de la sécurité tel que l'on l'entend traditionnellement, mais qui sont susceptibles de porter un grave préjudice aux intérêts du pays (par ex. affaire Tinner, non-prolifération). La DélCdG est ainsi responsable, avec la Délégation des finances (DélFin), de la haute surveillance de tous les domaines secrets relevant de l'Etat. Il s'agit donc de combler cette lacune dans le système de la haute surveillance parlementaire. Ceci présuppose que la DélCdG soit mise formellement sur un pied d'égalité avec la DélFin en ce qui concerne l'accès aux informations et surtout les flux d'informations. Il y a donc lieu d'adapter la notion de domaine secret, pour lequel le droit de consultation est restreint, dans les articles relatifs aux droits à l'information des députés et des commissions.

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4.

Etant donné que des mesures aptes à garantir le maintien du secret constituent le pendant au droit étendu à l'information, les commissions de surveillance sont dès à présent tenues de prendre des mesures appropriées pour garantir le maintien du secret. Il convient donc d'accorder de l'importance à cette obligation, en prévoyant que les commissions de surveillance émettent des directives relatives au maintien du secret dans leur domaine de compétence.

5.

La loi doit prévoir en outre des règles sur la récusation des membres des CdG et de la DélCdG.

3

Commentaire par article

Art. 7, al. 2, let. a et b L'art. 7, al. 2, let. a subit une modification d'ordre rédactionnel afin d'être adapté à la nouvelle réglementation prévue à l'art. 153, al. 6. Son contenu est conforme au domaine d'exclusion qui prévaut à ce jour tel qu'il est interprété par le Conseil fédéral (actuel al. 4). La let. b correspond à la nouvelle formulation du domaine secret de l'art. 53, al. 2, duquel les droits à l'information sont exclus18. Il s'entend que l'exclusion reste limitée aux seules informations pour lesquelles il existe matériellement un intérêt de maintenir le secret. Les critères de classification des informations sont énumérés aux art. 5 à 7 de l'ordonnance concernant la protection des informations19.

Art. 53, al. 2 Actuellement, la formulation adoptée dans la loi limite la compétence de la DélCdG à la surveillance des activités relevant de la sécurité de l'Etat et du renseignement, ce qui n'est plus en adéquation avec notre époque. Ces notions renvoient d'une part aux unités d'organisation concernées (renseignement) et d'autre part aux tâches de l'Etat (sécurité de l'Etat).

La notion de renseignement a entre-temps été fortement limitée par la loi sur le renseignement civil20 et par la modification de l'art. 99 de la loi sur l'armée21 qui en a découlé. Les services de renseignement doivent, au moyen d'instruments préventifs, recueillir et évaluer des informations signifiantes en matière de politique de sécurité (cf. art. 1 LFRC et art. 99, al. 1, LAAM).

D'après une conception traditionnelle, la mission de sécurité de l'Etat comprend aussi bien des éléments non répressifs relevant du renseignement que des éléments répressifs relevant de la police de sécurité. Elle doit notamment servir «la protection de l'ordre constitutionnel [...], de la sécurité publique [...] et l'existence et la 18

19 20 21

Le terme «la prise de connaissance par des personnes non autorisées» reprend la terminologie de l'art. 5 de l'Ordonnance du 4.7.2007 concernant la protection des informations de la Confédération (OPrl; RS 510.411).

Ordonnance du 4.7.2007 concernant la protection des informations de la Confédération (OPrl; RS 510.411).

Loi fédérale du 3.10.2008 sur le renseignement civil (LFRC; RS 121).

Loi fédérale du 3.2.1995 sur l'armée et l'administration militaire (loi sur l'armée, LAAM; RS 510.10).

1736

sécurité de l'Etat à l'extérieur [...]»22; le «maintien de la sécurité intérieure et extérieure» est, en effet, considéré depuis longtemps comme un terme générique global pour désigner de tels devoirs étatiques23. Si la sécurité de l'Etat est mentionnée dans la LParl ainsi que, de manière plutôt vague, dans plusieurs ordonnances, elle ne figure toutefois plus dans la loi servant principalement de référence à ce jour, à savoir la loi instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure24. La LMSI fait, au lieu de cela, référence au maintien de la «sûreté intérieure et extérieure» (cf. art. 2, al. 4, let. b et art. 11, al. 2, let. b, de même que art. 12 LMSI). On peut au demeurant concevoir que certaines missions relèvent de la sûreté intérieure ou extérieure sans a priori être couvertes par la notion traditionnelle de sécurité de l'Etat (par ex., l'application d'accords internationaux de nonprolifération ou les mesures visant à empêcher la violence lors de manifestations sportives, mentionnées à l'art. 2, al. 4, let. f, LMSI).

Pour le domaine d'activité de la DélCdG, il est proposé d'intégrer à la loi la notion générale de «sûreté intérieure et extérieure» déjà utilisée dans la LMSI et de la compléter par la mention non exhaustive des organes compétents.

En outre, le champ d'activité de la DélCdG ne doit pas être limité à certaines unités d'organisation ou à un domaine défini de manière restreinte, mais doit se rapporter à l'ensemble des domaines secrets relevant de l'activité de l'Etat. La délégation doit notamment pouvoir enquêter sur des faits qui, pour l'essentiel, se situent hors du domaine traditionnel de la sécurité intérieure et extérieure et du domaine d'activité des organes chargés de la protection de l'Etat et du renseignement, mais qui exigent malgré tout une intervention de l'Etat, car ils sont susceptibles (par ex. dans le domaine des relations internationales ou de la politique financière) de porter un grave préjudice aux intérêts du pays (sur cette notion voir notamment art. 5, al. 1, OPrl25).

Cette modification entraîne une réactualisation de la définition des compétences de la DélCdG. Une clause générale doit permettre à celle-ci d'ouvrir, de sa propre 22 23

24 25

Cf. Staatsschutz in der Schweiz, Bundespolizei 1995, p. 3.

Cf. notamment Rainer J. Schweizer/Gabriela Küpfer, in St.Galler Kommentar, Bernhard Ehrenzeller/Philippe Mastronardi/Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender, Zurich/StGall. 2008, Vorbemerkung zur Sicherheitsverfassung, ch. marg. 2 ss.; Alexander Ruch, Sécurité extérieure et sécurité intérieure, in Droit constitutionnel suisse, Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Müller, Zürich 2001, ch. marg. 1 à 5 et 8 s.

Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120).

L'art. 5, al. 1, OPrl a la teneur suivante : «1 Sont classifiées «SECRET» les informations dont la prise de connaissance par des personnes non autorisées peut porter un grave préjudice aux intérêts du pays. Il s'agit notamment d'informations dont la divulgation peut : a. compromettre gravement la liberté d'action de l'Assemblée fédérale ou du Conseil fédéral; b. compromettre gravement la sécurité de la population; c. compromettre gravement l'approvisionnement économique du pays ou la sécurité d'installations de conduite et d'infrastructures d'intérêt national; d. compromettre gravement l'accomplissement de la mission de l'administration fédérale, de l'armée ou de parties essentielles de celle-ci; e. compromettre gravement les intérêts en matière de politique extérieure ou les relations internationales de la Suisse; f. compromettre gravement soit la protection des sources ou des personnes, soit le maintien du secret quant aux moyens et aux méthodes opératifs des services de renseignements».

1737

initiative, une enquête sur l'action de l'Etat relevant du domaine secret dans son ensemble, c'est-à-dire lors d'événements susceptibles de porter un grave préjudice aux intérêts du pays.

Art. 53a (nouveau) Actuellement, la LParl ne contient aucune disposition sur l'obligation de se récuser; elle oblige seulement les députés dont les intérêts personnels sont directement concernés par un objet en délibération à le signaler lorsqu'ils s'expriment sur cet objet au conseil ou en commission (art. 11, al. 3). Il incombe notamment aux CdG, d'une part, de contrôler la légalité et l'opportunité de l'action du gouvernement et, d'autre part, de procéder à des investigations approfondies qui peuvent porter sur le comportement personnel de magistrats ou de hauts fonctionnaires. Dans ce contexte, l'impartialité des membres des CdG ainsi qu'un niveau élevé de crédibilité sont d'une importance majeure.

Ces dernières années, il est régulièrement arrivé que des membres des CdG se récusent volontairement dans certaines enquêtes, le plus souvent même dans des cas où ils ne pouvaient être soupçonnés de partialité, mais simplement parce qu'ils tenaient à écarter d'emblée tout risque de parti pris. Par ailleurs, le public a parfois douté de l'impartialité de certains membres des CdG. Il apparaît donc opportun, notamment au regard des réalités actuelles, d'inscrire dans la loi des règles claires sur la récusation des membres des CdG et de leur délégation.

La teneur de l'al. 1 s'inspire des règles sur la récusation applicables au Conseil fédéral, selon lesquelles ses membres se récusent lorsqu'ils ont un intérêt personnel direct dans une affaire (art. 20, al. 1, LOGA26). Par intérêt personnel direct, on entend ici un intérêt de nature économique ou une partialité manifeste du fait de liens personnels ou familiaux. Sur le modèle des dispositions relatives à la récusation que connaissent le nouveau code de procédure pénale27 et la loi sur le Tribunal fédéral28, il est indiqué en outre, sous la forme d'une clause générale, que les membres des CdG et de leur délégation doivent aussi se récuser lorsque leur impartialité risque d'être mise en doute pour d'autres raisons. En revanche, le texte précise bien que la défense d'intérêts politiques, notamment au nom de communautés, de partis ou d'associations, n'est pas un motif de
récusation, étant entendu que tout mandat parlementaire comprend par nature la défense d'intérêts de ce type.

L'al. 2 règle la procédure à suivre dans les cas litigieux: la commission concernée ou la délégation statue définitivement sur la récusation.

Art. 150, al. 2 L'art. 150, al. 2, let. a, subit une modification d'ordre rédactionnel afin d'être adapté à la nouvelle réglementation prévue à l'art. 153, al. 6. Son contenu est conforme au domaine d'exclusion qui prévaut à ce jour tel qu'il est interprété par le Conseil fédéral. La let. b correspond à la nouvelle formulation du domaine secret prévue par l'art. 53, al. 2, domaine duquel les droits à l'information restent exclus. Comme dans

26 27 28

Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010).

Code de procédure pénale suisse du 5.10.2007 (code de procédure pénale, CPP ; RO 2010 1881).

Loi du 17.6.2005 sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110).

1738

le droit en vigueur actuellement, l'exclusion du droit à l'information est plus mesurée qu'à l'art. 7, al. 2, let. b.

Art. 153 Al. 1: la teneur actuelle est complétée sur deux points.

Un renvoi à l'art. 156 est ajouté concernant les rapports directs avec les autorités, les services et les autres personnes au service de la Confédération. Il s'agit ainsi d'expliciter que l'ensemble des droits et obligations qu'ont les personnes au service de la Confédération vis-à-vis des commissions valent également dans les rapports avec les commissions de surveillance. Ceci est d'importance, car la modification de l'al. 2 a pour conséquence que les personnes qui étaient au service de la Confédération, mais qui ont quitté leurs fonctions, doivent aussi être prises en compte.

Par ailleurs, cet alinéa est complété par une phrase habilitant les commissions de surveillance à charger leur secrétariat d'éclaircir certains faits et de procéder à des auditions. Il est évident qu'il s'agit ici avant tout de clarifications spécifiques et complémentaires en vue d'alléger la commission dans des cas d'enquêtes volumineuses et que ces clairifications devront systématiquement être effectuées conformément aux instructions et à la volonté des commissions. Les auditions de magistrats seront dans tous les cas menées par les commissions elles-mêmes, comme c'est le cas actuellement. Le complément susmentionné correspond à la pratique déjà en vigueur fondée sur l'art. 67 LParl, mais il est souhaitable de mentionner explicitement cette pratique des commissions de surveillance parce qu'elle a été remise en question à plusieurs reprises ces derniers temps.

Al. 2: dans sa version actuelle, l'art. 156 règle le statut des «personnes au service de la Confédération» vis-à-vis des commissions parlementaires (c'est-à-dire les droits et obligations du personnel de la Confédération, notamment des employés de la Confédération et des personnes chargées d'exécuter des tâches de droit public pour le compte de la Confédération telles que les magistrats). La réglementation actuelle ne s'applique pas aux personnes dont les rapports de travail ou les fonctions au sein de la Confédération ont cessé suite à un départ ou à la retraite. Or, dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire d'astreindre ces personnes à collaborer et à fournir des renseignements
aux commissions de surveillance parlementaire s'agissant de leurs activités antérieures au service de la Confédération (cf. commentaire de l'al. 3). Par le complément proposé de l'al. 2, les droits et obligations de l'art. 156 doivent également être applicables aux personnes extérieures à l'administration fédérale pour autant qu'elles aient travaillé préalablement au service de la Confédération. Il va sans dire que l'obligation de renseigner et de collaborer de ces personnes doit se limiter tant du point de vue factuel que du point de vue temporel aux activités que ces personnes ont exercées pour la Confédération.

Al. 3 (nouveau): au cours de certaines enquêtes, il est arrivé que des personnes anciennement au service de la Confédération aient refusé catégoriquement de collaborer avec les commissions de surveillance parlementaires. Si l'art. 156 en vigueur actuellement oblige les personnes au service de la Confédération à collaborer, la loi ne prévoit pour l'heure aucune obligation semblable pour les personnes qui ne travaillent plus au service de la Confédération, ou qui n'assument plus de tâches de droit public pour le compte de la Confédération. Partant, en plus de l'extension de l'obligation générale de renseigner visée à l'art. 156 (cf. commentaire de l'al. 2), il y a lieu de prévoir la possibilité pour les commissions de surveillance, par le biais de 1739

leur présidente ou de leur président, de citer à comparaître les personnes soumises à l'obligation de renseigner et, en cas de besoin, de les faire amener. Il convient de rappeler que, par ailleurs, dans l'ensemble du droit de procédure et du droit judiciaire de la Confédération, les autorités d'enquête et les autorités judiciaires sont titulaires de telles compétences (cf. par ex. art. 205 ss du nouveau code de procédure pénale [CPP]29; art. 44, al. 2, de la procédure civile fédérale [PCF]30; art. 19 de la loi sur la procédure administrative [PA]31; art. 42 de la loi sur le droit pénal administratif [DPA]32). Il ne paraît donc pas disproportionné de conférer des moyens de contrainte comparables à la plus haute autorité de surveillance de la Confédération pour qu'elle puisse remplir sa mission. En ce qui concerne les détails de la procédure, il convient d'appliquer par analogie la nouvelle réglementation, par ailleurs très équilibrée, prévue aux art. 49 et 50 ainsi que 201 ss CPP. En vertu de l'art. 49 CPP, un éventuel mandat d'amener peut être confié aux organes de police de la Confédération et des cantons. Dans la pratique, cela devrait se dérouler en concertation avec les organes de police de la Confédération. L'art. 49, al. 2, CPP indique la voie de droit à suivre lors d'éventuels abus par les organes de police chargés de l'exécution.

Par les renvois prévus aux art. 154, al. 2, et 166, al. 1, LParl, les délégations des commissions de surveillance et les CEP ont elles aussi le droit de citer à comparaître et, en cas de besoin, de délivrer un mandat d'amener, comme elles disposent de tous les autres droits conformément à l'art. 153.

Al. 4 (nouveau): la citation à comparaître et, en particulier, le mandat d'amener constituent une atteinte à la liberté individuelle de la personne concernée. Celle-ci aurait le droit d'exiger, en vertu de la garantie de l'accès au juge prévue par l'art. 29a Cst., que cette atteinte à sa liberté individuelle soit soumise à un contrôle judiciaire. Cependant, l'art. 29a Cst. permet au législateur de prévoir des exceptions.

Or, la citation à comparaître comme le mandat d'amener sont des décisions d'ordonnancement de la procédure qui n'entraînent pas de préjudice durable majeur pour la personne concernée. Par ailleurs, le mandat d'amener ­ mesure plus incisive que la
citation à comparaître ­ ne doit être prononcé qu'en dernier recours, lorsque l'établissement des faits concerne des inspections importantes et que la personne concernée a refusé de coopérer pour fixer une date d'audition. Il paraît ainsi indiqué de prévoir une exception au contrôle judiciaire pour le présent cas. L'intervention d'un juge dans une enquête parlementaire peut en outre considérablement élargir ou retarder la procédure d'enquête. Toutefois, afin de protéger la personne concernée de toute citation à comparaître et de tout mandat d'amener qui serait arbitraire ou excessif, il convient de lui accorder, au lieu de la possibilité d'engager une procédure judiciaire, celle de déposer un recours, qui n'aurait pas d'effet suspensif, auprès du président ou de la présidente du conseil dont fait partie le président ou la présidente de la commission ayant pris la décision en question. La décision sur recours est définitive; le président ou la présidente du conseil peut constater qu'une citation à comparaître ou un mandat d'amener est illégal ou excessif et accorder le cas échéant une réparation à la personne concernée. Cette disposition n'entraînera pas de charge supplémentaire pour les présidents, puisqu'il est très peu probable en

29 30 31 32

Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (RO 2010 1881; entrée en vigueur fixée le 1er janvier 2011).

Loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 (PCF ; RS 273).

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA ; RS 172.021).

Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0).

1740

l'occurrence que des citations à comparaître fassent l'objet d'une contestation, voire qu'un mandat d'amener soit confié à un organe de police.

Al. 5: l'al. 3 actuellement en vigueur doit être adapté à la modification apportée à l'al. 2. La nouvelle formulation précise que les personnes qui ont antérieurement travaillé au service de la Confédération sont elles aussi tenues de collaborer et de fournir des renseignements. Il est clair que le Conseil fédéral doit être informé au préalable des auditions de ces personnes et doit avoir la possibilité de prendre position.

Al. 6: selon les termes de l'al. 4 actuellement en vigueur, les commissions de surveillance n'ont pas le droit de consulter les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision. D'après le Conseil fédéral, cette catégorie de documents comprend les propositions des départements compétents et de la Chancellerie fédérale et leurs annexes ainsi que les co-rapports. La pratique a toutefois montré que les CdG, qui exercent la haute surveillance sur la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale conformément à l'art. 52 LParl ne pouvaient guère, lors de certaines enquêtes, émettre un jugement probant de l'activité du Conseil fédéral sans consulter les propositions et leurs annexes soumises au Conseil fédéral ainsi que les co-rapports (cf. ch. 1.4).

Les restrictions au droit à l'information visent incontestablement à protéger le principe de collégialité et la confidentialité des débats tenus lors des séances du Conseil fédéral. C'est pour cette raison que les procès-verbaux bénéficient de la confidentialité. Toutefois, pour permettre aux CdG d'évaluer l'activité du gouvernement de manière probante conformément à leurs attributions, il est proposé que seuls les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral soient refusés aux commissions de surveillance, et non les documents de la procédure de co-rapport, i.e. les propositions formelles, annexes et co-rapports. Pour ce qui est du processus décisionnel du Conseil fédéral, les CdG devront, comme auparavant, se contenter d'éventuels renseignements donnés oralement par des Conseillers fédéraux ou d'un rapport écrit du Conseil fédéral. Le Conseil national avait du reste opté pour une réglementation comparable lors de la création de la DélCdG
en 1991, dans le cadre de la révision de la loi sur les rapports entre les conseils; cette réglementation avait toutefois été remplacée par la formulation actuelle33 en raison de la forte résistance opposée par le Conseil fédéral lors de l'élimination des divergences. Il faut préciser que les documents de la procédure de co-rapport ne doivent être remis que dans des cas particuliers, à la demande des CdG, et seulement une fois que le Conseil fédéral a pris une décision. On exclut ainsi que soit exercée une influence sur une décision imminente du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral peut alors proposer des mesures adaptées aux circonstances pour garantir le maintien du secret (al. 7).

Pour des raisons de clarté, l'al. 6 est subdivisé en deux lettres. La let. a prévoit uniquement que les commissions de surveillance n'ont pas de droit à ce que les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral leur soient remis. Par souci de cohérence, le verbe «remettre» utilisé à l'art. 154, al. 2, let. a, est repris.

La let. b correspond à la nouvelle délimitation du domaine secret visé à l'art. 53, al. 2, domaine duquel le droit à l'information est exclu.

33

Cf. Bulletin officiel 1991 N 1550 s. et Rapport complémentaire de la commission du Conseil national, FF 1992 6 447 s.; Bulletin officiel 1993 N 465 s., E 728 s.

1741

Al. 7: eu égard à l'extension des droits à l'information des commissions de surveillance, la question se pose de savoir s'il y a lieu de renforcer la protection du secret au sein de ces commissions. Dans ce contexte, il convient de relever que, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire sur la garantie de la confidentialité des délibérations des commissions34, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a déjà élaboré un projet de rapport visant à réorganiser le droit disciplinaire parlementaire et l'immunité dite relative des députés. Il est notamment proposé de créer une commission permanente compétente en matière de sanctions disciplinaires et de prévoir un nouvel art. 13a LParl qui charge les conseils de régler la procédure en cas d'infraction aux prescriptions en matière d'ordre ou de procédure et en cas de violation des prescriptions relatives au maintien du secret.

Ces propositions rejoignent les intentions de la CdG-E. Vu les problèmes de confidentialité récurrents qui sont survenus au sein d'une des commissions de surveillance, il paraît justifié de faire respecter les mesures de maintien du secret dans les domaines d'activité des commissions de surveillance. C'est pourquoi, en complétant l'al. 7 (actuel al. 5) par une phrase, l'on propose que les commissions de surveillance émettent des directives relatives aux mesures nécessaires au maintien du secret.

Art. 154, al. 2, let. a, et al. 3 Al. 2, let. a: l'actuel al. 2 énonce, de manière positive, les droits à l'information des délégations des commissions de surveillance, droits dont les commissions de surveillance ne bénéficient pas aux termes de l'art. 153, al. 4, actuellement en vigueur. Par souci de cohérence, l'al. 2, let. a, doit être adapté à la nouvelle teneur de l'art. 153, al. 6.

La notion de «consultation» de l'actuel art. 154, al. 2, let. a, a elle aussi donné lieu à des divergences avec le Conseil fédéral et l'administration. Dans certains cas, des départements ont interprété cette notion de manière très restrictive et ont voulu fixer des modalités de consultation à la DélCdG (par ex. interdiction de photocopier).

L'actuel art. 153, al. 4, parle lui aussi de «consultation» (en relation avec l'exclusion du droit à l'information), alors que l'al. 3 parle de «fournir des
documents». Enfin, l'actuel art. 150, al. 1, let. b, habilite l'ensemble des commissions à «obtenir des documents du Conseil fédéral».

Il ne peut pas être dans l'intérêt de la surveillance que l'autorité faisant l'objet d'une surveillance puisse compliquer ou ralentir de facto l'accès des autorités de surveillance aux documents concernés en fixant elle-même des modalités de consultation.

C'est pourquoi il est proposé, en particulier à l'art. 154, al. 2, let. a, de reprendre la notion de «remettre les documents» précédemment utilisée dans la loi sur les rapports entre les conseils35, qui laisse moins de marge d'interprétation. S'agissant de la nature des documents accessibles, il s'agit d'une codification de la pratique.

Al. 3: la modification proposée doit permettre de mettre formellement sur un pied d'égalité la DélCdG et la DélFin, comme le prévoit déjà l'art. 169, al. 2, Cst. A l'avenir, toutes les décisions du Conseil fédéral, y compris les co-rapports y afférents, devront également être communiquées à la DélCdG. Ceci s'impose au vu de la 34 35

08.447 Iv. pa. Rapport de la CIP-N du 19 août 2010, FF 2010 6719.

Cf. art 47quater, al. 1, 2 et 3bis de la loi sur les rapports entre les conseils du 23 mars 1962 (RO 1966 1375 et 1994 360) et art. 47quinquies, al. 4 de la version du 13 décembre 1991 (RO 1992 641).

1742

clarification des compétences de contrôle de la DélCdG prévue à l'art. 53, al. 2. Il convient de signaler qu'en tant que telle la DélFin dispose elle aussi d'un domaine de contrôle matériellement limité. Toutefois, elle décide elle-même, sur la base des documents dont elle dispose, si l'objet concerné relève ou non de son domaine de compétence. Ceci doit également valoir pour la DélCdG. En outre, conformément à la pratique actuelle de la DélFin, en règle générale, les documents ne sont remis qu'après avoir été traités au sein du Conseil fédéral. Cette disposition permettrait aux deux délégations de recevoir conjointement les documents du Conseil fédéral et de déterminer, par exemple à l'aide d'une convention commune ou d'une directive adressée à leurs secrétariats respectifs la manière de gérer ces documents. Ainsi, tant la DélFin que la DélCdG auraient accès aux documents du Conseil fédéral selon le «principe de l'information passive» (Bringprinzip). Il serait néanmoins possible de réunir les documents et de désigner une personne, par exemple un membre d'une délégation ou un secrétaire des délégations, qui serait chargée de procéder à une première lecture et à un tri de ces documents.

4

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Le projet en tant que tel n'engendre pas de répercussions quantifiables sur le plan des finances ou du personnel.

Une potentielle augmentation de travail pour la DélCdG découlant de l'extension formelle de ses compétences pourrait être compensée par le fait que la DélCdG recevrait moins de demandes de clarification de la part des CdG.

Les précisions apportées en matière de droit à l'information vis-à-vis du Conseil fédéral engendrent une diminution du travail administratif.

5

Bases légales

5.1

Constitutionnalité

La LParl qu'il s'agit de modifier est fondée sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., qui prévoit que les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales sont édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le projet transpose ces dispositions constitutionnelles au niveau de la loi.

5.2

Délégation de compétences législatives

Le dispositif proposé ne contient pas de délégation formelle des compétences relatives à l'élaboration de dispositions légales de portée générale. Les dispositions de l'art. 153, al. 7, LParl ont comme objectif que les commissions de surveillance émettent des règles, dans leur domaine de compétences, pour garantir le maintien du secret au sein des commissions.

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