10.097 Message concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et la loi sur la protection extraprocédurale des témoins du 17 novembre 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de les adopter, le projet d'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et le projet de loi sur la protection extraprocédurale des témoins.

Par ailleurs, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2008 M

08.3401

Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Signature et ratification.

(N Leutenegger Oberholzer, 13.6.2008)

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 novembre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2009-1835

1

Condensé La Convention du Conseil de l'Europe définit les standards juridiques applicables au droit pénal, à l'aide aux victimes, au droit des étrangers et à la protection extraprocédurale et procédurale des témoins, afin de lutter avec efficacité contre la traite des êtres humains. Le droit suisse en vigueur satisfait à la plupart des exigences de la convention. Néanmoins, la Suisse doit encore compléter sa législation par des dispositions légales concernant la protection extraprocédurale des témoins afin de pouvoir ratifier la convention.

La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains vise la lutte contre toutes les formes de traite des êtres humains, tant sur le plan national qu'international. Elle établit des normes légales dans les domaines du droit pénal, de l'aide aux victimes, du droit des étrangers et de la protection procédurale et extraprocédurale des témoins. La Convention vise par ailleurs à renforcer la prévention et à juguler la demande.

Comparée au Protocole additionnel de l'ONU visant à prévenir et à réprimer la traite des personnes (RS 0.311.542), déjà ratifié par la Suisse, la Convention du Conseil de l'Europe prévoit des dispositions plus contraignantes en matière de protection des victimes et des témoins, ainsi qu'un mécanisme de surveillance indépendant garantissant sa mise en oeuvre: il s'agit d'un groupe d'experts (GRETA) réunissant des représentants des Etats signataires. Par ailleurs, la Convention ne se limite pas au crime organisé transfrontalier.

Les buts de la Convention correspondent aux intérêts et à la position déclarée de la Suisse, qui a participé activement à l'élaboration du texte. Elle a accueilli favorablement le progrès apporté par la Convention du Conseil de l'Europe grâce à des dispositions plus contraignantes en regard des autres instruments juridiques internationaux, notamment quant à la protection des victimes, à la prévention et à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires. En outre, la fixation de normes minimales renforce la coopération entre les pays d'origine et les pays de destination des victimes de la traite des êtres humains.

La Convention a été ouverte à la signature le 16 mai 2005 à Varsovie; elle est entrée en vigueur le 1er février 2008. La Suisse l'a signée le 8 septembre 2008. A
la fin du mois de novembre 2010, 30 Etats membres du Conseil de l'Europe l'avaient ratifiée.

Le droit suisse répond à toutes les exigences de la convention, exception faite de la protection extraprocédurale des témoins. Une adaptation de la législation suisse est en effet nécessaire dans ce domaine pour permettre la mise en oeuvre de mesures extraprocédurales de protection. En vertu de l'art. 28 de la convention, chaque Etat partie adopte les mesures législatives ou autres nécessaires pour assurer aux témoins qui font une déposition dans le cadre d'une procédure pénale liée à un cas de traite des êtres humains une protection efficace et appropriée face aux représailles ou intimidations possibles, notamment au cours des enquêtes et après celles-ci.

2

Les droits protecteurs, comme l'anonymat ou l'utilisation d'écrans et d'autres moyens pour empêcher l'identification des témoins et pour déformer leur voix, figurent dans la procédure pénale suisse. Ils cessent cependant d'être suffisants lorsque le prévenu peut, au vu du contenu du témoignage, remonter jusqu'à l'identité du témoin ou l'identifier d'une autre manière. Souvent, dans de tels cas, seule la protection extraprocédurale se révèle appropriée et efficace. On citera par exemple le conseil sur la manière de se comporter, la mise à disposition d'instruments tels qu'un nouveau numéro de téléphone portable, le logement provisoire dans un lieu sûr, mais aussi des mesures parfois dispendieuses et de grande envergure comme le blocage de données et la mise à disposition de documents d'identité d'emprunt.

Certaines mesures de protection extraprocédurale des témoins sont prises à l'heure actuelle sur la base de l'obligation générale des cantons de prévenir les menaces, mais il n'est pas possible de mettre en place des programmes de protection des témoins à proprement parler, comportant d'importantes mesures de protection, faute de bases légales spécifiques. Sans l'institutionnalisation de la protection des témoins par le biais de normes de compétence contraignantes et d'attribution claire des tâches, même les mesures de protection les plus rudimentaires (par exemple conseil en comportement, protection des personnes et des biens, logement en lieu sûr) sont limitées a priori, faute de ressources et de savoir-faire.

Le présent projet de loi vise à créer dans le droit fédéral les structures étatiques et les conditions nécessaires à la mise en place de programmes de protection des témoins. Eu égard au nombre relativement faible de cas de protection des témoins, à la coopération intercantonale et souvent même internationale rendue nécessaire par l'exiguïté du territoire suisse et au niveau d'efficacité et de professionnalisme visé, il apparaît judicieux et important que la compétence d'exécuter des mesures de protection destinées aux témoins impliqués dans des procédures fédérales et cantonales soit centralisé dans un service national de protection des témoins. Le projet règle les tâches et les compétences de ce service.

Les mesures de protection visent en premier lieu les personnes qui sont menacées
dans le cadre d'enquêtes sur la grande criminalité, notamment sur le crime organisé et le terrorisme, et qui détiennent des informations importantes pour l'issue de la procédure. Il devrait s'agir principalement des participants entendus comme témoins, des témoins par profession et des témoins lésés.

Le projet prévoit une mesure spécifique, à savoir la possibilité de fournir à une personne des documents d'identité d'emprunt. Pour créer une nouvelle identité sûre et pour empêcher la reconstitution de l'ancienne identité, il est également nécessaire de bloquer l'accès aux données de nombreux registres. En outre, de véritables documents doivent pouvoir être créés, de véritables inscriptions doivent pouvoir être effectuées sous le nouveau nom. Le projet contient les bases légales nécessaires à la participation des organes concernés de la Confédération, des cantons et des communes et à celle des particuliers.

3

Le fait de vivre plus ou moins longtemps sous une nouvelle identité, dans un nouvel environnement social, représente pour le témoin et, le cas échéant, ses proches une coupure nette dans leur vie. Outre la vérification préalable des critères d'aptitude nécessaires à la mise en place d'un programme, le service responsable de la protection des témoins doit aussi garantir un conseil et un suivi appropriés. On notera aussi que les mesures de protection des témoins ne doivent ni affecter des tiers (par exemple les créanciers), ni les témoins eux-mêmes sur le plan juridique. Le projet contient des réglementations relatives à la joignabilité des personnes à protéger pour tout rapport juridique.

Des mesures de cette nature, mises en oeuvre selon le principe de la proportionnalité, contribuent concrètement à optimiser la poursuite pénale dans la lutte contre la grande criminalité.

4

Table des matières Condensé 1 Eléments fondamentaux de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains 1.1 Introduction 1.2 Efforts en faveur de la lutte contre la traite des êtres humains 1.2.1 Au niveau international 1.2.2 Au niveau national 1.3 Genèse de la Convention du Conseil de l'Europe 1.4 Position de la Suisse 1.5 Obligations relevant du droit international public 1.6 Procédure de consultation 2 Dispositions de la Convention et rapport avec le droit suisse 2.1 Préambule 2.2 Chapitre 1 Objet, champ d'application, principe de non-discrimination et définitions (art. 1 à 4) 2.3 Chapitre 2 Prévention, coopération et autres mesures (art. 5 à 9) 2.4 Chapitre 3 Mesures visant à protéger et promouvoir les droits des victimes, en garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes (art. 10 à 17) 2.5 Chapitre 4 Droit pénal matériel (art. 18 à 26) 2.6 Chapitre 5 Enquête, poursuites et droit procédural (art. 27 à 31) 2.7 Chapitre 6 Coopération internationale et coopération avec la société civile (art. 32 à 35) 2.8 Chapitre 7 Mécanisme de suivi (art. 36 à 38) 2.9 Chapitre 8 Relation avec d'autres instruments (art. 39 et 40) 2.10 Chapitre 9 Amendements à la Convention (art. 41) 2.11 Chapitre 10 Clauses finales (art. 42 à 47) 3 Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém): grandes lignes du projet 3.1 Introduction 3.1.1 Qu'est-ce que la protection des témoins?

3.1.2 Différence entre protection des témoins procédurale et extraprocédurale 3.1.3 Délimitation de la réglementation relative aux témoins «de la Couronne» 3.2 Situation 3.2.1 Droit 3.2.2 Pratique 3.2.3 Effets des nouvelles technologies d'information et de communication sur la protection des témoins 3.2.3.1 Traitement des données administratives 3.2.3.2 Effets d'Internet

2 8 8 9 9 10 11 11 12 13 13 13 14 16

21 31 36 39 42 43 44 44 45 45 45 46 47 48 48 49 50 50 52 5

3.3 Nouvelle réglementation 3.4 Travaux préparatoires 3.4.1 Rapport du Conseil fédéral «Lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé» 3.4.2 Préconsultation relative à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains et au choix du modèle dans le cas de la protection extraprocédurale des témoins 3.5 Droit comparé 3.5.1 Généralités 3.5.2 ONU 3.5.3 Cours pénales internationales 3.5.4 Union européenne 3.5.4.1 Généralités 3.5.4.2 Europol 3.5.5 Conseil de l'Europe 3.5.6 Trois exemples de pays 3.5.6.1 Allemagne 3.5.6.2 Autriche 3.5.6.3 Italie 3.5.6.4 France 3.6 Classement des interventions parlementaires 4 Ltém: commentaire des différentes dispositions 4.1 Chapitre 1 Dispositions générales 4.2 Chapitre 2 Programme de protection des témoins 4.2.1 Section 1 Définition et contenu 4.2.2 Section 2 Elaboration du programme de protection des témoins 4.2.3 Section 3 Fin du programme de protection des témoins et poursuite du programme après clôture de la procédure pénale 4.2.4 Section 4 Droits et obligations de la personne à protéger 4.2.5 Section 5 Collaboration avec les services publics et les privés 4.3 Chapitre 3 Service de protection des témoins 4.3.1 Section 1 Organisation et tâches 4.3.2 Section 2 Traitement des données 4.4 Chapitre 4 Coopération internationale 4.5 Chapitre 5 Confidentialité 4.6 Chapitre 6 Surveillance 4.7 Chapitre 7 Frais 4.8 Chapitre 8 Modification du droit en vigueur 5 Conséquences 5.1 Conséquences pour la Confédération 5.1.1 Adhésion à la Convention 5.1.2 Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins 5.1.2.1 Nombre de cas et taille du Service de protection des témoins

6

53 56 56 56 57 57 58 59 60 60 61 61 62 62 63 64 64 65 65 65 67 67 68 72 73 76 80 80 83 84 86 86 87 88 89 89 89 90 90

5.1.2.2 Coûts en relation avec les cas 5.1.2.3 Coûts du Service de protection des témoins 5.2 Conséquences pour les cantons et les communes 5.2.1 Adhésion à la Convention 5.2.2 Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém)

90 90 91 91 91

6 Liens avec le programme de législature

92

7 Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.1.1 Arrêté fédéral concernant la signature de la Convention 7.1.2 Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém) 7.2 Compatibilité avec le droit international 7.3 Forme de l'acte à adopter et législation de mise en oeuvre 7.4 Délégation de compétences législatives

92 92 92 93 94 95 95

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (Projet)

97

Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém) (Projet)

99

Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains

115

7

Message 1

Eléments fondamentaux de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains

1.1

Introduction

La traite des êtres humains est une forme d'esclavage moderne qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Selon certaines sources, on estime qu'elle ferait chaque année entre 800 000 et 2,4 millions de victimes dans le monde1. Les facteurs responsables de cette évolution sont d'une part la pauvreté et le chômage dans les pays d'origine et, d'autre part, la demande de main-d'oeuvre bon marché et de femmes destinées à l'industrie du sexe dans les pays de destination. Les milieux criminels profitent de l'absence de perspectives des migrants et de leur espoir d'un avenir meilleur pour les recruter, par exemple en leur faisant miroiter un emploi ou un mariage. Dans le pays de destination, les victimes sont ensuite mises en situation de dépendance (servitude pour dettes, contrainte, violences) et exploitées (exploitation sexuelle, exploitation de leur force de travail, trafic d'organes).

La Suisse est un pays de destination et, dans une moindre mesure, un pays de transit de la traite des êtres humains. La majeure partie des victimes sont des femmes, plus rarement des jeunes filles, exploitées sexuellement dans le contexte de la prostitution. Dans des proportions réduites, il existe aussi dans d'autres domaines des cas de traite des êtres humains aux fins d'exploitation de leur travail (par exemple les employées de maison). Dans leur majorité, les victimes de la traite des êtres humains en Suisse sont originaires d'Europe de l'Est et d'Europe du Sud-est, du Brésil et de Thaïlande. Très souvent, l'infraction est le fait d'individus isolés ou de petits groupes familiaux ou ethniques qui ont des liens avec des groupements similaires dans le pays d'origine des victimes.

La statistique suisse des condamnations pénales indique en moyenne pour les années 2002 à 2008 cinq condamnations pour traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle et treize condamnations pour encouragement à la prostitution. En 2008, 97 victimes de ce secteur ont demandé des prestations en vertu de la loi sur l'aide aux victimes. On suppose toutefois que les cas non recensés sont nombreux.

L'Office fédéral de la police (fedpol) a estimé en 2002 que 1500 à 3000 personnes pourraient être victimes de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle2. Il n'existe pas de chiffres plus récents et, pour l'heure, la traite
des personnes aux fins d'exploitation de leur force de travail n'a pas encore fait l'objet d'estimations. En Suisse, on ne connaît à ce jour aucun cas de traite des êtres humains à des fins de trafic d'organes.

En 2001, le rapport du groupe de travail interdépartemental «Traite des êtres humains» a estimé que la réticence des victimes à porter plainte et à témoigner expliquait le faible taux d'élucidation des cas de traite des êtres humains. Ce phé1

2

8

Trafficking in Persons Report 2007, US State Department, Washington 2007 et Rapport du directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT) «Une alliance mondiale contre le travail forcé», 2005, p. 11.

Fedpol, Rapport sur la sécurité intérieure de la Suisse, 2002, p. 71.

nomène s'explique aussi par la dépendance des victimes à l'égard des trafiquants en raison de leur origine étrangère et par les intimidations exercées3.

1.2

Efforts en faveur de la lutte contre la traite des êtres humains

1.2.1

Au niveau international

La traite des êtres humains, notamment des femmes et des jeunes filles, fait partie des premiers thèmes qui ont préoccupé la communauté internationale en matière de protection des droits de l'homme. Ainsi, depuis 1904, plusieurs conventions internationales ont été passées dans ce domaine, la notion de traite des êtres humains ayant été successivement élargie4. Le dernier instrument élaboré en la matière est le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (protocole additionnel de l'ONU)5. Ce protocole élargit la définition de la traite des êtres humains, au-delà de l'exploitation sexuelle, à l'exploitation du travail et au prélèvement d'organes. Le protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (protocole facultatif de l'ONU) fait également partie de cette thématique.

Par ailleurs, les Conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 28 juin 1930 concernant le travail forcé ou obligatoire (C 29), du 25 juin 1957 sur l'abolition du travail forcé (C 105), et du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (C 182)6 traitent également de l'exploitation du travail. De même, l'Union européenne a édicté récemment différentes décisions et directives sur la lutte contre la traite des êtres humains7: le 25 mars 2009, la Commission européenne a présenté une proposition pour une nouvelle décision-cadre concernant la prévention de la traite des êtres humains, la lutte contre ce phénomène et la protection des victimes.

3 4

5 6 7

«Traite des êtres humains en Suisse», Rapport du groupe de travail interdépartemental Traite des êtres humains au DFJP, Office fédéral de la justice, Berne, 2001.

Arrangement international du 18 mai 1904 en vue d'assurer un protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de traite des blanches (RS 0.311.31), convention internationale du 4 mai 1910 relative à la répression de la traite des blanches (RS 0.311.32), convention internationale du 30 septembre 1921 pour la suppression de la traite des femmes et des enfants (RS 0.311.33), convention du 11 octobre 1933 relative à la répression de la traite des femmes majeures (RS 0.311.34), convention de l'ONU pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui (AG NU Rés. 317 [IV]) du 2 décembre 1949. La Suisse a ratifié toutes ces conventions internationales, y compris la dernière citée.

RS 0.311.542 RS 0.822.713.9, RS 0.822.720.5 et RS 0.822.728.2 Décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil de l'Union européenne du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains; décision-cadre 2002/220/JAI du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales; directive 2004/81/CE du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers victimes de la traite des êtres humains ou ayant fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes.

9

Au niveau politique, plusieurs organisations internationales ont mis la traite des êtres humains à leur ordre du jour. Outre plusieurs résolutions et décisions du Conseil de l'Europe, il convient de souligner le plan d'action de l'OSCE du 2 décembre 2003 pour la lutte contre la traite des êtres humains8. Dans ce contexte, l'OSCE a créé un poste de représentant spécial et de coordinateur pour la lutte contre la traite des êtres humains et, au sein du Secrétariat de l'OSCE, une unité spéciale d'assistance à la lutte contre la traite.

1.2.2

Au niveau national

La Suisse condamne la traite des êtres humains comme constituant une violation grave des droits de l'homme. Le protocole additionnel et le protocole facultatif de l'ONU, aujourd'hui en vigueur, ont été approuvés à l'unanimité par le Parlement.

Dans le cadre de la ratification du protocole facultatif de l'ONU, les éléments constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains, définie à l'art. 182 du code pénal (CP)9, ont été révisés et adaptés à la définition internationale10. La nouvelle norme pénale est entrée en vigueur le 1er décembre 2006. Les bases légales concernant la possibilité de réglementer le séjour des victimes de la traite des êtres humains durant un délai de réflexion et durant la procédure d'enquête et la procédure pénale, et la possibilité d'une aide au retour ont été créées dans la nouvelle loi du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)11, à l'art. 30, al. 1, let. e, et 60, al. 2, let. b. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Dans des cas individuels d'une extrême gravité, il est en outre possible d'accorder, à titre exceptionnel, une autorisation de séjour aux victimes qui ne sont pas prêtes à coopérer avec les autorités pénales, conformément à l'art. 36, al. 6, de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA)12.

Conformément au rapport interdépartemental «Traite des êtres humains en Suisse» de septembre 200113 et à la position exprimée par le Conseil fédéral le 29 mai 200214, le Service de coordination contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT) a été créé en janvier 2003 sous l'égide du Département fédéral de justice et police. Ce service rassemble toutes les autorités de la Confédération et des cantons, de même que des organisations spécialisées de la société civile, chargées de la lutte et de la prévention contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants.

Le SCOTT fait office de service d'échange d'informations et d'analyses, il élabore des instruments et des stratégies pour lutter contre le phénomène et coordonne les mesures en matière de prévention, de poursuite pénale et de protection des victimes.

Le SCOTT est rattaché à fedpol. Le Commissariat «Traite des êtres humains, trafic 8 9 10

11 12 13 14

10

Plan d'action de l'OSCE pour la lutte contre la traite des êtres humains, décision du Conseil ministériel no 2/03 du 2 décembre 2003.

RS 311.0 Cf. arrêté fédéral du 24 mars 2006 portant approbation et mise en oeuvre du Protocole facultatif du 25 mai 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (RO 2006 5437 5440).

RS 142.20 RS 142.201 Rapport du groupe de travail interdépartemental «Traite des êtres humains en Suisse», Office fédéral de la justice, Berne, 2001.

Communiqué de presse du DFJP: Lutter contre la traite des êtres humains selon une approche globale, Berne, 29 mai 2002.

de migrants», rattaché à la Police judiciaire fédérale, a été créé en 2004. Il soutient les polices cantonales du point de vue opérationnel dans les enquêtes complexes d'envergure internationale.

1.3

Genèse de la Convention du Conseil de l'Europe

En sa qualité d'organisation régionale attachée à la sauvegarde et à la protection des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe s'est attelé très tôt au problème de la traite des êtres humains. Depuis le début des années 90, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté plusieurs résolutions et recommandations allant dans ce sens. Mentionnons à titre d'exemple la recommandation du Comité des ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe no R (2000) 11 sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle et la recommandation no Rec (2001) 16 sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, deux recommandations qui ont préparé le terrain pour l'adoption de la présente convention.

Au vu de l'ampleur grandissante de la traite des êtres humains et de la prise de conscience croissante du phénomène dans l'opinion publique, le Conseil de l'Europe a envisagé en 2001, pour la première fois, de créer un instrument juridique contraignant dans ce domaine. Cet instrument devait viser la protection des victimes et le respect des droits de l'homme, mais entendait aussi concilier les besoins de la protection des victimes avec ceux de la poursuite pénale. La Convention ne devait pas concurrencer les instruments existants, mais renforcer la protection et développer les normes en vigueur. Le projet a été expressément soutenu par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe15.

En 2003, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a mis sur pied le Comité ad hoc sur la lutte contre la traite des êtres humains (CAHTEH) et l'a chargé d'élaborer une convention européenne en la matière. Entre septembre 2003 et février 2005, huit séances ordinaires du CAHTEH se sont tenues à Strasbourg. Le texte de la Convention a été approuvé par le Comité des ministres le 3 mai 2005 et ouvert le 16 mai 2005, à Varsovie, à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, des Etats non-membres qui ont participé à son élaboration et de la Communauté européenne.

La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est entrée en vigueur le 1er février 2008. Fin novembre 2010, 43 Etats l'avaient signée, dont la plupart des Etats de l'UE, et 30 Etats l'avaient déjà ratifiée, parmi lesquels l'Autriche et la France.

1.4

Position de la Suisse

Les objectifs de la convention concordent avec les intérêts et la position déclarée de la Suisse. Celle-ci a donc soutenu le projet du Conseil de l'Europe et a participé activement, par l'intermédiaire de représentants de l'Office fédéral de la justice, à 15

Notamment dans le cadre des résolutions suivantes: recommandation 1545 (2002) relative à une campagne contre la traite des femmes; recommandation 1610 (2003) relative aux migrations liées à la traite des femmes et à la prostitution; recommandation 1611 (2003) sur le trafic d'organes en Europe; recommandation 1663 (2004) relative à l'esclavage domestique: servitude, personnes au pair et «épouses achetées par correspondance».

11

l'élaboration du texte. Plusieurs offices ont défini la position de négociation de la délégation suisse. La Suisse s'est félicitée du fait que la Convention du Conseil de l'Europe (ci-après la convention) constitue un progrès par rapport aux autres instruments contractuels internationaux, car elle apporte des dispositions plus contraignantes, notamment dans le domaine de la protection des victimes, de la prévention et de la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires. Le 17 décembre 2008 a été transmise la motion de la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer chargeant le Conseil fédéral de signer la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et d'enclencher sans attendre les mesures de mise en oeuvre nécessaires à sa ratification (08.3401 Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Signature et ratification). De plus, il a donné suite, le 13 février 2009, à deux initiatives cantonales qui demandaient la signature et la ratification de la convention16.

Le 11 septembre 2008, l'association «Campagne Euro 08 contre la traite des femmes» a remis à la Commission des affaires juridiques une pétition avec un total de 71 980 signatures. Intitulée «Mieux protéger les victimes de la traite des femmes», cette pétition demande, entre autres mesures, que la Suisse ratifie la Convention du Conseil de l'Europe.

1.5

Obligations relevant du droit international public

Les effets de la ratification des conventions de droit international public diffèrent selon la conception moniste ou dualiste que connaissent les Etats. La Suisse fait partie des Etats de tradition moniste. De ce fait, dès son entrée en vigueur, la Convention fait automatiquement partie intégrante de l'ordre juridique suisse, comme tous les autres traités internationaux. L'effet déployé par les dispositions en droit interne dépend toutefois de leur degré de précision. Une disposition peut être invoquée directement devant le juge et être appliquée directement par ce dernier si sa teneur est suffisamment claire et précise pour fonder un jugement en l'espèce (caractère justiciable de la norme)17. La norme en question doit en outre conférer à l'intéressé des droits et devoirs. En revanche, une disposition de droit international public n'est pas directement applicable si elle se borne à définir un programme, à fixer des directives destinées au législateur des Etats parties ou si elle s'adresse aux seules instances politiques (caractère non justiciable de la norme). Il incombe aux autorités d'application du droit et à celles chargées de dire le droit de statuer dans des cas concrets sur la justiciabilité des dispositions.

De nombreuses dispositions de la convention sont trop peu précises dans leur teneur pour permettre une applicabilité directe. Par ailleurs, plusieurs dispositions s'adressent expressément aux instances politiques, ce qui exclut également leur justiciabilité. Cela vaut par exemple pour les dispositions qui demandent explicitement que les Etats parties pourvoient à la mise en oeuvre de la disposition («chaque Partie veille à ce que»), tout en leur laissant le soin de fixer la manière dont il convient d'y veiller. Il conviendra aux organes d'application de déterminer, lors de 16

17

12

Initiatives du canton de Berne du 11.9.2006 (07.300) et du canton de Bâle-Ville du 15.11.2006 (07.310). Compte tenu de l'avancement des travaux de ratification, le canton de Bâle-Campagne a finalement décidé de ne pas déposer d'initiative.

Cf. Praxis 62 (1973) no 88, p. 286 ss.

l'examen juridique de cas concrets, si les autres dispositions peuvent être utilisées individuellement comme base de décision.

1.6

Procédure de consultation

Le 27 novembre 2009, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et l'avant-projet de loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins. Cette consultation a duré jusqu'au 15 mars 2010. Le DFJP a reçu dans ce laps de temps 66 prises de position sur l'objet de la consultation.

La grande majorité des cantons, des partis et des milieux intéressés saluent la volonté du Conseil fédéral de ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et de régler dans une loi la protection extraprocédurale des témoins.

L'évaluation des prises de position montre que certains participants à la consultation estiment qu'il manque en Suisse, mis à part la loi sur la protection extraprocédurale des témoins, d'autres éléments à transposer dans l'ordre juridique interne, principalement dans le droit des étrangers. S'agissant du projet de loi Ltém en consultation, on lui a principalement reproché son champ d'application trop limité. De l'avis d'une forte minorité des participants à la consultation, le cercle des personnes susceptibles de bénéficier d'un programme de protection des témoins devrait être sensiblement élargi et ne pas se limiter aux témoins importants. Agrandir de manière trop large le cercle des bénéficiaires conduirait à une augmentation du nombre de cas et, par conséquent, à une augmentation des coûts. Or 13 cantons se sont déjà exprimés de manière plus ou moins critique sur le modèle de financement proposé et sur leur participation financière à la protection des témoins, avec le champ d'application proposé. Une extension de celui-ci, ayant pour conséquence une forte augmentation des coûts, renforcerait probablement l'opposition des cantons sur la question du financement. Au vu de ces critiques diamétralement opposées, le projet peut être considéré comme une solution de compromis.

Les principales prises de position critiques sur la mise en oeuvre interne de la Convention du Conseil de l'Europe et sur le projet de loi Ltém seront présentées conjointement à l'examen individuel des dispositions de ces deux textes.

2

Dispositions de la Convention et rapport avec le droit suisse

2.1

Préambule

Le préambule est une introduction non contraignante aux dispositions qui suivent. Il souligne les principes relatifs aux droits de l'homme et à l'égalité entre hommes et femmes, qui revêtent une importance particulière en matière de lutte contre la traite des êtres humains, et met l'accent sur une approche fondée sur les droits de l'enfant.

Il place également la Convention dans le contexte des initiatives déployées jusque-là par le Conseil de l'Europe dans ce domaine et rappelle le contexte normatif international général.

13

2.2

Chapitre 1 Objet, champ d'application, principe de non-discrimination et définitions (art. 1 à 4)

Art. 1

Objet de la convention

La Convention a pour objet de prévenir et de combattre la traite des êtres humains tout en garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes. Le respect des droits de l'homme et la création d'un cadre complet de protection et d'assistance aux victimes et aux témoins y sont expressément soulignés. La Convention vise également à garantir l'efficacité des enquêtes et des poursuites pénales et la promotion de la coopération internationale conformément à ces objectifs. Elle prévoit par ailleurs un mécanisme de suivi (art. 36 à 38) pour veiller à l'application des dispositions de la Convention par les parties.

Art. 2

Champ d'application

Le champ d'application de la Convention comprend toutes les formes de traite des êtres humains tant sur le plan national qu'international et indépendamment de l'existence d'un lien avec le crime organisé. Cette définition va plus loin que celle de l'art. 3 du protocole additionnel de l'ONU.

Les formes de traite des êtres humains prévues par la Convention sont sanctionnées en Suisse par l'art. 182 CP (traite des êtres humains). Le champ d'application de cette disposition légale, qui ne fait pas de différence entre la portée nationale ou internationale d'une infraction et ne tient pas compte d'un éventuel lien avec le crime organisé, est identique à celui de l'art. 2 de la convention. Le champ d'application de la convention est donc conforme au principe de la territorialité applicable en Suisse.

Art. 3

Principe de non-discrimination

En vertu de ce principe, les parties sont tenues, lors de la mise en oeuvre de la convention, de traiter les victimes de la traite des êtres humains indépendamment de leur sexe, de leur race, de leur couleur, de leur langue, de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur origine, etc.

Le principe de non-discrimination est appliqué en droit suisse. Conformément à l'art. 8, al. 2, de la Constitution (Cst.)18, nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. La Suisse remplit ainsi les conditions énoncées à l'art. 3.

Le principe de non-discrimination figure aussi dans de nombreux instruments de droit international, à savoir dans la CEDH (art. 14)19, dans la Charte des Nations Unies (art. 1, par. 3)20, dans les deux pactes de l'ONU relatifs aux droits de l'homme

18 19 20

14

RS 101 RS 0.101 RS 0.120

(art. 2, par. 2, et art. 3 du Pacte I21 de l'ONU; art. 2, par. 1, du Pacte II22 de l'ONU), dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW)23 et dans d'autres conventions de portée universelle qui ont trait spécifiquement aux questions de discrimination. On mentionnera en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD)24, qui est entrée en vigueur pour la Suisse en 1994. Cette Convention donne pour la première fois, au niveau international, une définition détaillée de la notion de discrimination raciale.

Depuis le 29 décembre 2008, le protocole facultatif se rapportant à la CEDAW (OP-CEDAW)25 est entré en vigueur en Suisse. Celui-ci fonde le droit des particuliers à s'adresser directement au comité CEDAW. La Suisse a également reconnu la compétence du Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale en vertu de l'art. 14 ICERD par laquelle elle reconnaît la procédure de recours individuel émanant de personnes qui se plaignent d'être victimes d'une discrimination ou de formes d'intolérance à caractère raciste ou xénophobe en Suisse. Les personnes concernées peuvent ainsi faire également valoir leurs droits à l'échelle universelle, et non plus seulement auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Art. 4

Définitions

La définition de la traite des êtres humains figurant dans la Convention correspond à celle de l'art. 3 du protocole additionnel de l'ONU. La notion de traite des êtres humains prévue par la Convention recouvre dans une large mesure la définition de la «vente d'enfants» de l'art. 2 du protocole facultatif de l'ONU.

En 2006, la Suisse a ratifié le protocole additionnel de l'ONU et le protocole facultatif de l'ONU. Dans le cadre de la ratification du protocole facultatif de l'ONU, les éléments constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains (art. 182 CP) ont été révisés et adaptés pour correspondre à la définition internationale de cette infraction26. La Suisse dispose donc des normes requises par la Convention à son art. 4, let. a à d.

Contrairement au protocole additionnel et au protocole facultatif de l'ONU, la Convention contient aussi une définition de la notion de «victime». Conformément à l'art. 4, let. e, il s'agit de toute personne physique qui est soumise à la traite des êtres humains telle que définie aux let. a à d. Il doit s'agir d'une personne qui, au moment de l'identification, est encore touchée par la traite des êtres humains. Il découle notamment de la formulation «qui est soumise à la traite des êtres humains» (au présent) un lien temporel et spatial étroit avec l'infraction et avec la sphère d'influence des auteurs de l'infraction. Cela signifie que l'infraction doit avoir été commise au moins en partie dans l'Etat contractant et être pénalement punissable.

Cette définition correspond au principe de la territorialité appliqué en Suisse.

21 22 23 24 25 26

RS 0.103.1 RS 0.103.2 RS 0.108 RS 0.104 RS 0.108.1 Cf. arrêté fédéral du 24 mars 2006 portant approbation et mise en oeuvre du Protocole facultatif du 25 mai 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (RO 2006 5437 5440). Il est également renvoyé au message du 11 mars 2005 (FF 2005 2639).

15

2.3

Chapitre 2 Prévention, coopération et autres mesures (art. 5 à 9)

Art. 5

Prévention de la traite des êtres humains

L'art. 5 énumère plusieurs mesures préventives que les parties doivent prendre ou renforcer. Il s'agit entre autres du renforcement de la coordination sur le plan national entre les différentes instances responsables, de l'établissement et de la réalisation de campagnes de sensibilisation, de formation et de recherche, et de programmes destinés particulièrement aux victimes potentielles.

La Suisse est déjà active dans plusieurs des domaines mentionnés: conformément au par. 1, toutes les instances participant à la lutte contre la traite des êtres humains sont représentées au sein du SCOTT. Celui-ci travaille à la mise en réseau des différents acteurs et à la coordination des mesures en matière de prévention, de protection des victimes et de poursuite pénale. Conformément au par. 6, des représentants d'organisations non gouvernementales spécialisées font également partie du SCOTT. L'accent est mis sur la coopération avec la société civile.

Les dispositions du par. 2 relatives à l'information et à la sensibilisation des victimes potentielles sont surtout destinées aux pays d'origine de la traite des êtres humains.

Dans le cadre des «Directives sur les mesures de prévention de la traite des êtres humains ayant des effets à l'étranger et sur la protection des victimes», approuvées en 2003, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) soutient de nombreuses campagnes d'information dans les pays d'origine des victimes et dans les pays de transit. La Suisse encourage aussi des mesures spécifiquement destinées à protéger les victimes dans ces pays, plus particulièrement en rapport avec leur retour et leur réintégration sociale. Toutes ces actions doivent promouvoir la défense des droits de l'homme et l'égalité entre les femmes et les hommes (par. 3).

L'obligation de diffuser des informations exactes sur les possibilités légales de migration conformément au par. 4 correspond à la pratique de l'Office fédéral des migrations (ODM). Les conditions régissant l'entrée et le séjour des étrangers sont régulièrement mises à jour et publiées sur Internet. Les personnes particulièrement vulnérables reçoivent des brochures d'information spéciales qui leur signalent les risques et les possibilités d'aide en cas de détresse.

La Suisse agit également au niveau préventif contre la traite des êtres humains. La
Confédération a notamment assuré le financement initial d'une campagne de sensibilisation publique contre la traite des femmes, qui a eu lieu en Suisse avant et pendant le Championnat d'Europe de football 200827. De plus, en application de l'art. 31, al. 1, de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI)28, la Confédération accorde des aides financières destinées à encourager la formation spécifique du personnel des centres de consultation et des personnes chargées de l'aide aux victimes. Elle a par ailleurs soutenu financièrement la production d'une brochure d'information du Conseil de l'Europe distribuée dans les écoles secondaires.

D'autres projets sont menés par la société civile. Il convient de mentionner notamment une exposition itinérante des trois églises nationales bâloises consacrée à la 27 28

16

Pour plus d'informations émanant de l'association à l'origine de la campagne, consulter le site internet http://www.frauenhandeleuro08.ch.

RS 312.5

traite des femmes et à la prostitution sous contrainte, montrée dans de nombreux cantons depuis septembre 2006.

Pour ce qui est de la création d'un environnement protecteur pour les enfants (par. 5), le rapport Enfance maltraitée en Suisse de 1992 et l'avis du Conseil fédéral de 199529 y afférent constituent les bases du travail d'information et de prévention des autorités dans notre pays. Le Conseil fédéral a en outre adopté en août 2008 un rapport stratégique «Pour une politique suisse de l'enfance et de la jeunesse» prônant diverses mesures d'engagement en matière de protection de l'enfance, de droits de l'enfant et de politique de l'enfance et de la jeunesse. Ce travail ne couvre pas la seule problématique de la traite des êtres humains, mais part d'une manière globale du thème de la maltraitance des enfants et des droits des enfants. En août 2010 est entrée en vigueur la nouvelle ordonnance fédérale sur les mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant30, qui permettra de réglementer et de développer les différentes activités correspondantes. Ces mesures doivent contribuer à protéger les enfants contre toute forme de violence, y compris les violences sexuelles, et contre les dangers liés aux nouveaux médias (TIC). Cette ordonnance doit régler également le soutien financier à des programmes ou à des projets. Sur le plan fédéral, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) exerce certaines fonctions de coordination dans le domaine de la protection de l'enfance et des droits de l'enfant. L'OFAS subventionne des associations faîtières ou nationales actives en matière d'enfance, de jeunesse et de famille, et soutient différents projets de prévention des maltraitances infantiles et des abus sexuels envers les enfants ­ y compris dans le domaine de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, ­ la plupart du temps en collaboration avec des ONG. Rappelons toutefois que la compétence en matière de protection de l'enfance relève avant tout des cantons.

Ces mesures, qui continueront d'être mises en oeuvre à l'avenir, permettent à la Suisse de remplir les dispositions de l'art. 5.

Art. 6

Mesures pour décourager la demande

Cet article prévoit que les parties combattent la demande qui favorise toutes les formes de traite des êtres humains par des mesures législatives, administratives, éducatives, sociales, culturelles ou autres.

Différents projets en Suisse poursuivent des objectifs portant sur la demande en la matière et répondent donc à la philosophie de l'art. 6. Ainsi, la fondation «Prévention suisse de la criminalité», financée par les cantons, a mené de 2005 à 2008 une campagne contre la pédocriminalité et la pornographie enfantine sur Internet, qui intégrait explicitement cet aspect de la demande. L'Aide suisse contre le sida gère un site intitulé «Don Juan», qui s'adresse aux consommateurs de sexe tarifé et propose des conseils visant la prévention des risques sanitaires et le respect de la dignité des prostituées. Ce site aborde aussi la problématique de la prostitution forcée et de la traite des êtres humains. Enfin, la campagne mentionnée dans les explications relatives à l'art. 5, intitulée «Euro 08 contre la traite des femmes», était ciblée sur les clients des prostituées; elle visait à les sensibiliser à la traite des fem29 30

Groupe de travail Enfance maltraitée en Suisse. Rapport Enfance maltraitée en Suisse, Berne, juin 1992 et avis du Conseil fédéral du 27 juin 1995.

RS 311.039.1

17

mes et à la prostitution forcée et à les inciter à agir en ayant conscience de leurs responsabilités. Le Conseil fédéral est toujours disposé à soutenir à l'avenir des campagnes contre la traite des êtres humains. Les projets concrets, provenant d'une initiative privée ou publique et visant à prévenir la criminalité, peuvent être soutenus financièrement par la Confédération selon les dispositions de l'art. 386, al. 2, CP.

Le SCOTT constitue une plate-forme de mise en réseau, d'échange d'informations et de meilleures pratiques en Suisse et à l'étranger. Les mesures de recherche sur les meilleures pratiques, les méthodes et les stratégies au sens de la let. a. peuvent être lancées dans le cadre du SCOTT et soutenues par la Confédération. C'est ainsi qu'en 2009, sur décision de l'organe de pilotage du SCOTT, mandat a été donné à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de réaliser une étude intitulée «A Study On The Right To Residence For Trafficked Persons: A Comparative Assessment».

Pour ce qui est de l'obligation de prendre des mesures préventives conformément à la let. d, les programmes d'enseignement cantonaux dans les écoles publiques sont généralement conçus de manière à transmettre les notions de respect des droits de l'homme, de non-discrimination sexuelle et d'égalité entre femmes et hommes. Il convient de souligner, à propos du rôle de rapporteurs des médias (let. b), que l'influence de l'Etat à cet endroit est minime. Dans leurs propres activités en matière de communication et de relations publiques, les autorités de la Confédération appuient une information objective et respectueuse de la dignité des victimes.

Par ces mesures, la Suisse satisfait aux dispositions de l'art. 6.

Art. 7

Mesures aux frontières

Par analogie avec l'art. 11 du protocole additionnel de l'ONU, l'art. 7 de la Convention rassemble une série de mesures préventives concernant le trafic transfrontalier.

Le renforcement des contrôles aux frontières demeure un moyen efficace de prévention et de détection de la traite des êtres humains. Le par. 1 contraint les parties à renforcer, dans la mesure du possible, leurs contrôles aux frontières. Néanmoins, ces contrôles, pour ce qui est du trafic interne, doivent être conformes au droit de libre circulation des personnes de l'Union européenne. Selon le par. 2, les parties adoptent des mesures législatives ou autres pour prévenir l'utilisation des moyens de transport exploités par des transporteurs commerciaux pour la traite des êtres humains. Les transporteurs commerciaux sont en particulier tenus de vérifier que toutes les personnes transportées possèdent les documents de voyage requis pour l'entrée dans l'Etat d'accueil. Les conventions internationales sont expressément réservées. En vertu du par. 4, les parties ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour que les contraventions aux dispositions prévues au par. 3 soient frappées de sanctions pénales ou administratives. En outre, les Etats parties doivent prendre les dispositions pertinentes leur permettant de refuser l'entrée sur leur territoire aux personnes ayant apporté leur participation à une infraction visée par la présente convention ou d'annuler leur visa (par. 5). Enfin, conformément au par. 6, les parties sont tenues de renforcer la coopération entre leurs services de contrôle aux frontières, notamment par l'établissement de voies de communication directes.

L'art. 7 n'établit que le cadre d'action minimal et laisse aux parties une marge de manoeuvre relativement grande. Pour ce qui est des mesures nécessaires, législatives et autres, on peut se référer au message du Conseil fédéral du 26 octobre 2005 concernant l'approbation du Protocole additionnel des Nations Unies contre la traite 18

des personnes31. Les obligations et les sanctions concernant les entreprises de transport sont régies par les art. 92 à 95 LEtr. L'ODM continuera de passer avec des entreprises de transport aérien des accords de coopération pour le contrôle des documents. Conformément aux dispositions pertinentes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)32, ce contrôle comprend aussi la vérification de la validité et de l'authenticité des documents de voyage.

Dans le cadre du développement des accords d'association à Schengen/Dublin33, d'autres adaptations législatives ont été entreprises dans la LEtr et dans la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)34. Elles concernent en particulier la reprise du code frontières Schengen35, l'obligation faite aux transporteurs de communiquer les données et les sanctions encourues par ces sociétés en cas d'infraction36. En outre, les parties peuvent prévoir des formes de coopération transfrontalières qui vont audelà de ces règles (y compris l'observation et la poursuite transfrontalières).

Dans ce contexte, la convention tient compte du fait que la Communauté européenne a déjà mis au point une série complète de mesures communautaires à propos du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures. Du fait de son association à Schengen et Dublin, la Suisse est intégrée dans ces mesures.

Afin de lutter plus efficacement contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme international et l'immigration clandestine (y compris la traite et le trafic des êtres humains), la Suisse a conclu dès les années 90 avec l'Allemagne37, la France38, l'Italie39, l'Autriche et la Principauté de Liechtenstein40 des accords qui régissent la coopération transfrontalière directe.

Le refus d'entrée sur le territoire et l'annulation du visa sont prévus par la LEtr. Les ressortissants étrangers qui se sont rendus coupables d'une infraction au sens de la convention font généralement l'objet d'un renvoi (art. 64 ss LEtr) et, selon la gravité de l'infraction commise, sont frappés d'une interdiction d'entrée (art. 67 LEtr).

Lors de la consultation, la nécessité de sensibiliser et de former en continu les autorités douanières dans le domaine de la traite d'êtres humains a été évoquée à plusieurs 31 32 33 34 35

36

37

38

39 40

FF 2005 6269 (cf. p. 6332 s. commentaire relatif à l'art. 11 du protocole additionnel du 15 novembre 2000) Cf. annexe 9 relative à la Convention relative à l'aviation civile internationale, 12e édition, juillet 2005, §§ 3.31 à 3.33.

Cf. FF 2004 6081 ­ 6094 (Schengen); FF 2004 6104­6105 (Dublin) RS 142.31 Règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen; JO L 105 du 13.4.2006, p. 1).

Mise en oeuvre de la directive 2004/82 (UE) du Conseil du 29 avril 2004 concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers (JO L 261 du 6.8.2004, p. 24).

Accord du 27 avril 1999 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et judiciaire (Accord entre la Suisse et l'Allemagne en matière de police; RS 0.360.136.1).

Accord du 11 mai 1998 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière. Entre-temps, cet accord a été renouvelé et remplacé par l'accord du 9 octobre 2007, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2009 (RS 0.360.349.1).

Accord du 10 septembre 1998 entre la Confédération suisse et la République italienne relatif à la coopération entre les autorités de police et de douane (RS 0.360.454.1).

Accord du 27 avril 1999 entre la Confédération suisse, la République d'Autriche et la Principauté de Liechtenstein concernant la coopération transfrontalière des autorités compétentes en matière de sécurité et de douane (RS 0.360.163.1).

19

reprises. Ce besoin a été reconnu par les services compétents: depuis 2010, le thème de la traite d'êtres humains fait partie de la formation des autorités douanières. La formation de l'Institut suisse de police en matière de lutte contre la traite d'êtres humains, dispensée depuis 2007, est aussi ouverte aux membres du corps des gardes-frontière. Par contre, l'élaboration des mesures relevant de la police des étrangers n'est pas l'objet de l'art. 7, contrairement à certains avis de différents participants à la consultation.

Le droit suisse dispose donc des normes requises par la convention à l'art. 7.

Art. 8

Sécurité et contrôle des documents

Conformément à l'art. 8, chaque partie est tenue de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que les documents de voyage ou d'identité qu'elle délivre sont d'une qualité telle qu'on ne puisse facilement en faire un usage impropre ni les falsifier, les modifier, les reproduire ou les délivrer illicitement.

Les documents de voyage délivrés par la Suisse sont d'une excellente qualité et satisfont donc aux exigences de la let. a. Avec l'introduction en 2003 des nouveaux documents d'identité (passeports suisses, cartes d'identité, titres de voyage pour réfugiés, passeports pour étrangers et certificats d'identité), fondée sur la loi fédérale du 22 juin 2001 sur les documents d'identité des ressortissants suisses41 et l'ordonnance du 20 décembre 2000 relative à l'introduction du passeport 200342, la qualité des documents s'est encore améliorée.

Désireuse de poursuivre le développement des dispositions de sécurité et de les harmoniser, l'Union européenne a défini, dans le règlement (CE) no 2252/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les Etats membres, des normes minimales de sécurisation et des normes de sécurité uniformes pour les passeports et les documents de voyage afin d'éviter les falsifications. Dorénavant, l'enregistrement d'une photographie du titulaire dans les passeports sera prescrit de manière obligatoire à titre de premier élément biométrique. En outre, le 25 octobre 2004, au cours de la réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI), qui réunit les ministres de la Justice et les ministres de l'Intérieur des Etats membres de l'Union européenne, il a été décidé qu'un second élément biométrique, l'empreinte digitale du titulaire, devait être prévu. S'inspirant des directives européennes, la Suisse introduira définitivement le passeport muni de données enregistrées électroniquement. Sur le modèle des prescriptions européennes, le passeport suisse contient également des données enregistrées électroniquement depuis le 1er mars 2010 . De plus, les documents de voyage pour les réfugiés reconnus et les apatrides devront à l'avenir contenir aussi des données biométriques.

TFFT

En établissant un lien plus fiable entre le document et son titulaire officiel, les données enregistrées électroniquement permettent de sécuriser davantage les documents de voyage et d'éviter qu'ils fassent l'objet d'une utilisation abusive. L'intégrité et la sécurité des documents de voyage au sens de la let. b sont garanties par différents contrôles et par l'obligation qui est faite au requérant de se présenter personnellement à l'autorité chargée de traiter la requête. Ces remarques valent aussi pour le

41 42

20

RS 143.1 RS 143.21

nouveau visa sous forme de vignette, qui répond aux exigences de forme et de sécurité déterminantes posées par l'OACI.

Par ces mesures, la Suisse a d'ores et déjà mis en oeuvre dans sa totalité le contenu de l'art. 8.

Art. 9

Légitimité et validité des documents

Le contenu de l'art. 9 a pour but de garantir que les parties se soutiennent mutuellement dans le domaine de la vérification des documents de voyage, comme cela se fait de plus en plus couramment, afin d'éviter que ces documents fassent l'objet d'une utilisation frauduleuse, notamment dans le cadre d'activités illégales. La vérification de la légitimité et de la validité des documents d'identité et de voyage requise par cette disposition est déjà une réalité pour la Suisse. Largement utilisée, la banque de données d'Interpol sur les documents de voyages volés ou égarés (SLTD) sert justement cette fin. Elle permet une vérification rapide des documents de voyage étrangers. De même, dans l'espace Schengen, le Système d'information Schengen (SIS) permet d'effectuer ce type de vérifications. Les autorités compétentes utilisent déjà largement ce système.

2.4

Chapitre 3 Mesures visant à protéger et promouvoir les droits des victimes, en garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes (art. 10 à 17)

Le chap. III contient les dispositions visant à identifier, protéger et assister les victimes. Certaines dispositions de ce chapitre s'appliquent à toutes les victimes de la traite des êtres humains (art. 10, 11, 12, 15 et 16). D'autres (art. 13 et 14) s'appliquent spécifiquement aux victimes qui sont en situation de séjour illégal. En outre, certaines d'entre elles s'appliquent aux personnes non encore formellement identifiées comme victimes, mais pour lesquelles il existe des motifs raisonnables de croire qu'elles le sont (art. 10, par. 2, art. 12, par. 1 et 2, et art. 13).

Art. 10

Identification des victimes

Afin de protéger les victimes de la traite des êtres humains et de leur porter assistance, il est primordial de les identifier correctement. Le fait de ne pas identifier correctement une victime peut se traduire par une violation de ses droits fondamentaux et privera la poursuite pénale d'un témoin nécessaire pour confondre l'auteur des faits.

Afin d'éviter cela, l'art. 10, par. 1, prévoit que les parties dotent leurs autorités compétentes de personnes formées et qualifiées dans la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains, dans l'identification des victimes, notamment des enfants, et dans le soutien à ces dernières. Les parties doivent également s'assurer que les autorités impliquées (notamment la police, les autorités douanières, les services d'immigration, les consulats et les ambassades) collaborent entre elles ainsi qu'avec les organisations d'entraide.

L'art. 10, par. 2, prévoit que les Etats parties prennent les mesures, législatives ou autres, nécessaires à l'identification des victimes. Ils doivent en particulier s'assurer qu'une personne ne sera pas expulsée si les autorités estiment qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle est une victime de la traite des êtres humains. Durant 21

le processus d'identification, il convient en outre de veiller à ce que la victime bénéficie de l'assistance prévue à l'art. 12, par. 1 et 2.

Le par. 3 vise à prendre en considération le fait qu'il est parfois difficile de déterminer si la victime a moins de 18 ans, auquel cas il s'agirait d'un enfant. En pareille situation, il faut présumer que la victime est un enfant. Elle doit donc être traitée en tant que tel et, dans l'attente que son âge soit vérifié, il doit lui être accordé des mesures de protection spécifiques, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant43.

Le par. 4 prévoit les mesures à mettre en oeuvre lorsqu'un enfant non accompagné a été identifié comme victime. Ainsi, compte tenu du bien de l'enfant, les parties doivent assurer la représentation de celui-ci par le biais de la tutelle légale, d'une organisation ou d'une autorité (let. a). En outre, les mesures nécessaires doivent être prises pour établir son identité et sa nationalité (let. b), et tous les efforts doivent être déployés pour retrouver sa famille (let. c). La famille de l'enfant doit être retrouvée uniquement si c'est dans le bien de l'enfant, étant donné qu'elle est parfois impliquée dans la traite.

Le régime juridique et la pratique suisses correspondent déjà aux dispositions de l'art. 10. En ce qui concerne les mesures que chaque partie doit prendre en matière de droit des étrangers conformément au par. 2, il convient de se reporter aux explications relatives aux art. 12 et 13, qui traitent des dispositions relatives aux victimes et aux témoins de la traite des êtres humains. En particulier, le délai de réflexion de 30 jours au moins garantit que la personne concernée ne sera pas renvoyée s'il y a tout lieu de croire qu'elle est victime de la traite d'êtres humains. Durant cette période, le droit aux prestations de soutien au titre de l'aide d'urgence est garanti par le droit suisse.

Par ailleurs, l'amélioration du processus d'identification des victimes dans la pratique est l'une des mesures prioritaires de la lutte contre la traite des êtres humains.

Elle constitue le contenu principal du cours «Lutte contre la traite des êtres humains» organisé pour la première fois en avril 2007 par l'Institut suisse de police (ISP), en collaboration avec le SCOTT. Cette formation s'adresse
également aux membres du corps des gardes-frontière et aux autorités cantonales chargées des migrations. Lors de la consultation, plusieurs participants ont regretté que la formation spécifique de ce sujet n'existe qu'à l'état embryonnaire à cette date. Grâce à cette formation, la plupart des corps de police cantonaux disposent aujourd'hui de spécialistes pour traiter ce genre de cas. Il reste néanmoins nécessaire de continuer la formation de spécialistes et d'augmenter progressivement le cercle des destinataires.

L'état actuel de l'offre de formation en la matière n'empêche toutefois pas la ratification. De plus, la coopération entre les autorités de poursuite pénale et les services de consultation publics et privés en matière d'identification des victimes et d'assistance aux victimes constitue l'un des thèmes majeurs des tables rondes cantonales consacrées à la lutte contre la traite des êtres humains. Afin de soutenir les services opérationnels, le SCOTT a publié dans le cadre de son guide pratique «Mécanismes de coopération contre la traite des êtres humains» une liste de contrôle concernant l'identification des victimes de la traite des êtres humains. Fin 2009, on dénombrait des tables rondes actives ou en préparation dans 13 cantons. Le SCOTT soutient et conseille les cantons dans l'organisation de tables rondes et s'applique 43

22

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107).

également à encourager le développement de ce type de coopération en Suisse romande.

A la critique exprimée lors de la consultation selon laquelle il manquerait des normes contraignantes pour tous les cantons en matière d'identification et de protection des victimes, il convient d'opposer qu'il existe déjà des bases légales contraignantes (réglant la prise en charge, le séjour et la protection des victimes de la traite des êtres humains): la LAVI et son ordonnance d'exécution régissent l'assistance au niveau fédéral. D'autres dispositions se trouvent dans la LEtr, dans l'OASA, et dans les directives de l'Office fédéral des migrations. A l'inverse, il s'agit d'assurer une pratique uniforme dans tous les cantons, tenant compte de la situation des victimes, en prenant des mesures au niveau de l'exécution, sous la forme de directives, d'instructions et de mesures de sensibilisation des autorités d'application. Dans ce domaine, les mécanismes cantonaux de coordination (tables rondes), la formation et la sensibilisation des autorités peuvent largement y contribuer. On ne peut pas non plus parler ici d'application arbitraire en matière de protection des victimes, comme cela a été affirmé lors de la consultation. En effet, les actions des autorités cantonales sont fréquemment concrétisées par des décisions sujettes à recours. Leur conformité au droit est donc vérifiable.

En ce qui concerne les dispositions spéciales des par. 3 et 4 relatives à l'identification des victimes mineures, il convient de souligner que la Suisse a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, sur laquelle les dispositions mentionnées s'alignent en partie. Concrètement, l'art. 368, al. 1, du code civil (CC)44 garantit que tout mineur qui n'est pas sous autorité parentale sera pourvu d'un tuteur. Selon l'art. 368, al. 2, CC, les autorités de poursuite pénale et les autorités administratives sont tenues de signaler sans délai à l'autorité compétente tout cas susceptible de nécessiter la mise en place d'une tutelle. L'autorité compétente désigne un tuteur ou un curateur qui représente l'enfant dans les actes civils et entreprend ou ordonne tous les autres examens en vue du regroupement avec la famille. L'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours être une considération primordiale. Dans certains cantons, il existe des
institutions spécialisées dans l'hébergement et l'encadrement des mineurs non accompagnés. Pour ce qui est de l'art. 10, par. 3, de la convention, la pratique usuelle en Suisse veut que l'on considère la victime comme mineure jusqu'à nouvel avis si son âge est inconnu et qu'il y a lieu de croire qu'il pourrait s'agir d'une personne mineure.

Le droit suisse et les mesures d'exécution satisfont donc aux obligations découlant de l'art. 10.

Art. 11

Protection de la vie privée

En vertu du par. 1, les parties sont tenues de protéger la vie privée et l'identité des victimes conformément à la Convention no 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Avec la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)45 et l'ordonnance du 14 juin 1993 relative à la loi fédérale sur la protection des données (OLPD)46, la Suisse va au-delà de ces dispositions à maints 44 45 46

RS 210 RS 235.1 RS 235.11

23

égards. En outre, la Suisse est liée par le niveau de protection, également élevé, fixé dans les accords d'association à Schengen. L'obligation de garantir une protection visée à l'art. 11 se fonde également sur la CEDH (notamment art. 8). La LPD et l'OLPD, tout comme les accords de Schengen, font une distinction entre données personnelles et données sensibles, ces dernières étant soumises à un niveau de protection nettement plus élevé. Les données qui désignent des personnes comme des victimes de la traite des êtres humains entrent dans la catégorie des données sensibles et sont de ce fait soumises à un haut niveau de protection.

Le par. 2 enjoint aux parties de prendre les mesures permettant de garantir la protection de l'identité des enfants victimes de la traite des êtres humains. L'art. 9 LPD donne un cadre général aux restrictions du droit d'accès, tandis que l'art. 10 LPD établit plus précisément les restrictions applicables aux médias. L'art. 19 LPD régit la communication de données personnelles par les organes fédéraux et les mécanismes de protection qui s'y rapportent. Enfin, l'art. 20 LPD confère à la personne concernée qui rend vraisemblable un intérêt légitime le droit de s'opposer à la communication des données.

Le devoir des parties de prendre des mesures en vue d'encourager les médias à sauvegarder la vie privée et l'identité des victimes découle du par. 3. De la part de l'Etat, cette obligation est garantie par la LPD, l'OLPD et les conventions internationales. En outre, la Suisse dispose d'un organe d'autorégulation des médias largement développé, le Conseil suisse de la presse, qui traite de questions d'éthique des médias sur la base de normes qui, pour certaines d'entre elles, vont même plus loin que la réglementation légale.

La Suisse satisfait donc aux conditions posées à l'art. 11 de la convention.

Art. 12

Assistance aux victimes

Lorsque les victimes réussissent à se soustraire au contrôle exercé par les auteurs de la traite des êtres humains et à l'exploitation qu'elles subissent, elles se retrouvent généralement dans une situation de grande précarité et de grande vulnérabilité. En application de l'art. 12, les parties sont donc tenues de leur assurer des mesures minimales de soutien. Cette norme établit une distinction entre les prestations au sens d'une assistance d'urgence qui doit être accordée à toutes les victimes, y compris celles dont le processus d'identification en vertu de l'art. 10 n'est pas encore clos (par. 1 et 2), et les autres mesures de soutien plus étendues, destinées aux victimes qui bénéficient d'un titre de séjour (par. 3 et 4). Le par. 5 recommande aux parties de rechercher la coopération avec des organisations non gouvernementales et d'autres acteurs concernés de la société civile en vue de porter assistance aux victimes. Les prestations d'assistance doivent en outre être mises en oeuvre sur la base d'informations fondées, compte tenu des besoins des personnes dans une situation particulière et des droits de l'enfant (par. 7). L'art. 12 de la Convention concrétise ainsi une obligation de protection minimale que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a déduit des art. 2 et 4 CEDH.

L'aide d'urgence visée à l'art. 12, par. 1, accordée à toutes les victimes, comprend un hébergement sûr, une assistance psychologique et matérielle adaptée, un accès aux soins médicaux d'urgence, des informations concernant leurs droits et les services qui leur sont fournis (tout cela dans une langue que les victimes comprennent), une assistance juridique en cas de procédure pénale et, pour les mineurs, l'accès à l'éducation. Les besoins des victimes en matière de sécurité et de protection doivent 24

être dûment pris en compte (par. 2). Les mesures d'assistance réservées aux victimes en situation de séjour légal conformément à l'art. 12, par. 3 et 4, comprennent, au besoin, d'autres mesures de soutien, de prise en charge médicale, et la réglementation des conditions d'accès au marché du travail et au système de formation. L'aide ou le soutien mentionné ne saurait être soumis à la condition que la victime participe à la procédure pénale (par. 6). Cependant, en vertu de l'art. 14 de la convention, les parties peuvent délivrer un permis de séjour, lequel implique le droit à des prestations d'assistance plus complètes conformément à l'art. 12, par. 3 et 4, aux seules victimes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale47.

En droit suisse, la plupart des prestations requises par l'art. 12 sont déjà réglementées par la LAVI. Cette base juridique de droit fédéral, contraignante pour les cantons, doit garantir dans la toute Suisse le financement de l'aide aux victimes. Il revient donc aux cantons de tenir compte des besoins particuliers des victimes de la traite des êtres humains, en veillant à ce qu'il y ait des centres de consultation privés ou publics, autonomes dans leur secteur d'activité et en mesure de couvrir les besoins particuliers des différentes catégories de victimes, conformément à l'art. 9, al. 1, LAVI. Dans son message du 9 novembre 2005 relatif à la LAVI, le Conseil fédéral a souligné que les victimes de la traite des êtres humains en particulier avaient besoin d'une assistance et de conseils spécifiques48.

S'agissant des victimes de la traite des êtres humains au sens de la LAVI, les exigences minimales posées par l'art. 12, par. 1, 2 et 6, de la convention sont donc satisfaites.

Une réserve a été posée à propos des personnes qui sont victimes de la traite des êtres humains au sens de la convention, mais pas au sens de la LAVI. Cela pourrait concerner les personnes exposées à la traite des êtres humains qui, sans être atteintes directement dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, ou qui ne le sont que faiblement, ont subi surtout des pertes financières, par exemple. Ces cas, qui ne devraient survenir que très rarement dans la pratique et restent donc plutôt théoriques, entrent néanmoins dans le champ d'application de l'art. 12 Cst.: le droit à une aide d'urgence
assure à chaque personne résidant en Suisse le minimum nécessaire pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Il s'agit d'un droit fondamental qui n'est assorti d'aucune condition. L'exigence posée par l'art. 12, par. 6, de la Convention (pas de lien avec l'obligation de participation à la procédure pénale) est donc aussi satisfaite. La disposition constitutionnelle mentionne expressément un «droit d'être aidé et assisté»49. L'exigence d'une aide juridique et d'une information minimales nécessaires pour défendre ses droits en qualité de victime, dans une langue compréhensible par la victime, relève du minimum requis pour mener une existence conforme à la dignité humaine; elle est donc ici satisfaite50. Pour le reste, le droit à une assistance judiciaire gratuite et à l'assistance gratuite d'un défenseur découle également de l'art. 29, al. 3, Cst.

Une autre divergence sur la couverture des droits aux prestations conformément à la Convention et à la LAVI subsiste à propos de l'art. 12, par. 1, let. f (accès à 47 48 49 50

Cf. rapport explicatif de la convention: Convention du Conseil de l'Europe sur la traite des êtres humains ­ Rapport explicatif, par. 169.

FF 2005 6683 6728 Cf. message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 1519 ss.

Cf. J. P. Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3e éd., Berne, 1999, p. 172.

25

l'éducation pour les mineurs victimes de la traite des êtres humains). La LAVI ne donne aucun droit à la formation scolaire. Mais là aussi, la Constitution suisse s'applique subsidiairement: l'art. 19 Cst. garantit le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit à titre de droit fondamental. Ce droit est également garanti par divers accords internationaux ratifiés par la Suisse, notamment par l'art. 13, par. 2, let. a, du Pacte des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels51 et par l'art. 28 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Conformément à la pratique usuelle, les enfants résidant en Suisse sont scolarisés indépendamment de leur nationalité et de leur situation en termes de droit de séjour.

Les droits à une assistance prévus par l'art. 12, par. 3 et 4, de la convention, qui sont réservés aux victimes de la traite des êtres humains disposant d'un titre de séjour légal dans l'Etat partie, sont couverts par le droit cantonal relatif à l'aide sociale et par le droit des étrangers. Cette assistance n'est pas subordonnée à la participation de la personne concernée à une éventuelle procédure pénale. Les par. 2, 5 et 7 contiennent des principes d'ordre général ou des recommandations non contraignantes qui sont compatibles avec la pratique suisse.

Les bases légales et la pratique suisses satisfont donc aux conditions posées par la Convention à l'art. 12.

Art. 13

Délai de rétablissement et de réflexion

La Convention (art. 13) requiert des parties qu'elles prévoient dans leur droit interne un délai de rétablissement et de réflexion d'une durée d'au moins 30 jours. Ce délai doit permettre à la victime de prendre une décision quant à sa coopération avec les autorités compétentes.

L'art. 30, al. 1, let. e, LEtr donne au Conseil fédéral la compétence de déroger aux conditions générales d'admission pour régler le séjour de victimes et de témoins de la traite d'êtres humains. L'art. 35 OASA réglemente le délai de repos et de réflexion comme suit: S'il y a lieu de croire qu'un étranger en séjour irrégulier est victime ou témoin de la traite d'êtres humains, l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers lui accorde un délai de réflexion, pendant lequel la personne concernée peut se reposer et au terme duquel elle doit décider si elle est disposée à poursuivre sa collaboration avec les autorités. Pendant ce délai, aucune mesure d'exécution relevant du droit des étrangers n'est appliquée. La durée du délai de réflexion fixée par l'autorité cantonale dépend du cas particulier, mais comprend 30 jours au moins (art. 35, al. 1, OASA).

Le délai de réflexion prend fin avant l'échéance prévue si la personne concernée se déclare disposée à coopérer avec les autorités compétentes et si elle confirme qu'elle a coupé tous les liens avec les auteurs présumés (art. 35, al. 2, OASA).

Le délai de réflexion échoit par ailleurs lorsque la personne concernée (art. 35, al. 3, OASA):

51

26

a.

déclare qu'elle n'est pas prête à coopérer avec les autorités;

b.

a délibérément renoué contact avec les auteurs présumés du délit;

RS 0.103.1

c.

n'est pas, à la lumière d'éléments nouveaux, victime ni témoin de la traite d'êtres humains, ou

d.

menace gravement la sécurité et l'ordre publics.

Cette réglementation permet de répondre aux prescriptions de la convention.

Art. 14

Permis de séjour

L'art. 14 de la convention concerne l'octroi d'un permis de séjour aux victimes de la traite des êtres humains. Le permis peut être accordé lorsque l'autorité compétente estime que le séjour de la victime s'avère nécessaire en raison de sa situation personnelle ou en raison de sa coopération avec les autorités compétentes aux fins d'une enquête ou d'une procédure pénale.

Lorsque la présence de la victime ou du témoin est encore requise, les autorités compétentes pour les recherches policières ou pour la procédure judiciaire en informent l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers, en en précisant la durée, avant le terme du délai de réflexion (art. 36, al. 1, OASA). L'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers délivre une autorisation de séjour de courte durée pour la durée probable de l'enquête policière ou de la procédure judiciaire (art. 36, al. 2, OASA). En vertu des motifs mentionnés à l'art. 35, al. 3, l'autorisation peut être révoquée ou ne pas être prolongée (art. 36, al. 3, OASA).

L'exercice d'une activité lucrative peut être autorisé (art. 36, al. 4, OASA): a.

s'il existe une demande d'un employeur (art. 18, let. b, LEtr);

b.

si les conditions de rémunération et de travail sont remplies (art. 22 LEtr);

c.

si le logement du requérant est approprié (art. 24 LEtr).

La personne concernée doit quitter la Suisse à l'expiration du délai de réflexion accordé ou lorsque son séjour n'est plus requis pour les besoins de l'enquête et de la procédure judiciaire (art. 36, al. 5, OASA).

Une prolongation du séjour (art. 36, al. 6, OASA) peut être autorisée en présence d'un cas individuel d'une extrême gravité (art. 31). Il y a lieu de tenir compte de la situation particulière des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains.

L'octroi d'une admission provisoire (art. 83 LEtr) est réservé.

Contrairement aux affirmations émises dans le cadre de la procédure de consultation, il existe dans la législation en vigueur la possibilité d'octroyer un permis de séjour à une victime de la traite d'êtres humains, indépendamment de sa disposition à témoigner. Dans des cas individuels d'une extrême gravité, l'art. 30, al. 1, let. b, LEtr, en relation avec l'art. 31 OASA, permet d'octroyer un permis de séjour pour une longue durée. L'explication concernant cette possibilité se trouve au ch. 5.2.2.5.4 de la directive de l'Office fédéral des migrations relative à la loi sur les étrangers, sous le titre «Séjour sans activité lucrative au motif d'un intérêt public important et dans les cas individuels d'une extrême gravité».

Les bases légales requises pour tenir compte de manière appropriée de la situation des victimes de la traite des êtres humains et leur garantir un permis de séjour qui ne dépende pas de leur volonté de témoigner sont suffisantes et correspondent à la norme prévue par la Convention du Conseil de l'Europe. Dans sa prise de position du 29 mai 2002, sur le rapport du groupe de travail interdépartemental «Traite des

27

êtres humains en Suisse» de septembre 200152, le Conseil fédéral indique qu'il renonce à prévoir une réglementation différenciée du séjour des victimes de la traite des êtres humains qui leur permette, à certaines conditions, d'obtenir un véritable droit de séjour. Il estime qu'il faut plutôt trouver des solutions adaptées par des décisions au cas par cas, qui prendront notamment en compte les possibilités nouvellement créées d'aide au retour et à la réintégration dont pourront bénéficier les victimes de la traite des êtres humains. Les autorités chargées des migrations doivent pouvoir trouver des solutions adaptées aux cas particuliers, raison pour laquelle l'octroi d'une autorisation de séjour est en règle générale laissé à leur appréciation.

Dans ce sens, la motion déposée par la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CN) a été rejetée d'entrée par le Conseil national le 28 mai 2009.

Celle-ci demandait entre autres l'introduction d'un droit à une autorisation de séjour en faveur des victimes de la traite des femmes (09.3011. Protection renforcée des victimes de la traite des femmes). De plus, une telle revendication ne figure pas dans le texte de la convention.

Quant à ce qui a été parfois décrit dans la consultation comme une pratique arbitraire des cantons, on peut indiquer que les décisions des autorités cantonales se font régulièrement sous forme de décisions sujettes à recours et que les éventuelles erreurs juridiques dans l'utilisation de la marge d'appréciation sont dès lors susceptibles d'être vérifiées.

Cette réglementation permet de satisfaire aux conditions de l'art. 14 de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains. De plus, conformément à l'esprit de la convention, il est prévu d'étudier l'opportunité d'une adaptation formelle (par exemple terminologique) de la législation nationale dans le cadre de l'élaboration du droit d'exécution du présent projet de Ltém, afin d'en faciliter l'application.

Art. 15

Indemnisation et recours

Le par. 1 prévoit en faveur des victimes, dès leur premier contact avec les autorités compétentes, un devoir d'information sur les procédures judiciaires et administratives à venir. Comme à l'art. 12, let. c et d, ce devoir implique si nécessaire le recours à des traducteurs et à des interprètes. Le code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP)53, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, prévoit un devoir général d'information (par. 1) pour la procédure pénale. En outre, selon la doctrine et la pratique constantes, toutes les autorités participant à la procédure pénale (tribunaux, Ministère public, police) sont tenues de fournir les informations pertinentes aux victimes sur leurs droits durant la procédure pénale dans la mesure où les circonstances semblent le requérir. L'art. 8 LAVI prévoit aussi un devoir général d'information dans les cas relevant du champ d'application de la LAVI. Celui-ci prévoit que la police informe la victime, lors de la première audition, de l'existence des centres de consultation, et transmet à un centre de consultation le nom et l'adresse de la victime, pour autant que celle-ci y consente. Par ailleurs, la condition de la garantie des droits de procédure est que les victimes soient conseillées et informées dans une langue qu'elles comprennent. Il convient tout particulièrement de les informer

52

53

28

Donnant suite à la motion de la conseillère nationale Ruth-Gaby Vermot «Traite des femmes. Programme de protection des victimes (00.3055) du 15 mars 2000, transformée en postulat.

RS 312.0

sur leurs droits dans la procédure pénale, et sur la possibilité de bénéficier d'une indemnisation ou d'une assistance.

Selon le par. 2, chaque partie prévoit dans sa législation interne le droit à l'assistance d'un défenseur et à une assistance juridique gratuite pour les victimes, selon les conditions prévues dans sa législation nationale. Les dispositions de la LAVI et les prescriptions relatives à l'assistance judiciaire gratuite prévues dans les codes de procédure pénale permettent de satisfaire à ces exigences. A noter que les dispositions de la LAVI concernant la protection et les droits particuliers dans la procédure pénale (art. 34 à 44) seront transférées dans le CPP.

La Convention prévoit au par. 3 le droit des victimes à être indemnisées. Exception faite des règles générales de droit civil relatives à la procédure pénale, cette disposition est déjà réalisée en Suisse dans la mesure où, conformément à l'art. 38 LAVI, la victime de la traite des êtres humains peut intervenir dans la procédure pénale en faisant valoir ses prétentions civiles, devenant ainsi partie plaignante. Dans l'hypothèse d'un jugement, le tribunal pénal doit aussi se prononcer sur les prétentions civiles. Dans le cas où le jugement complet des prétentions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal pénal peut se limiter à adjuger l'action civile dans son principe et renvoyer la victime devant les tribunaux civils pour le reste. Dans la pratique, un dédommagement intégral de la victime de la traite des êtres humains par l'auteur de l'infraction a rarement lieu. Le par. 4 prévoit de ce fait que les parties adoptent les mesures législatives ou autres nécessaires pour faire en sorte que l'indemnisation des victimes par l'Etat soit garantie, dans les conditions prévues dans leur droit interne. La Suisse satisfait donc aussi sur ce point aux exigences de la Convention grâce à la réglementation applicable aux personnes ayant droit à une indemnisation et au rattachement d'ordre géographique prévu à l'art. 3 LAVI.

Art. 16

Rapatriement et retour des victimes

Les dispositions de l'art. 16 visent à la fois le retour volontaire et le retour non volontaire des victimes de la traite des êtres humains, les par. 1 à 4 s'appuyant sur les dispositions de l'art. 8 du Protocole additionnel des Nations Unies. Le par. 1 reprend le principe reconnu internationalement de l'obligation qu'ont les Etats de réadmettre leurs propres ressortissants, ainsi que les personnes qui avaient le droit de résider à titre permanent sur leur territoire au moment de leur entrée sur le territoire de l'autre Etat. Le par. 2 dispose qu'en cas de renvoi, il faut dûment tenir compte de la sécurité de la personne, de sa dignité, de ses droits et de l'état de la procédure judiciaire. La préférence est donnée à un retour volontaire. Les par. 3 et 4 traitent des mesures pratiques à ce propos.

Les par. 5 et 7 contiennent des dispositions qui vont au-delà de celles du Protocole additionnel des Nations Unies. En vertu du par. 5, les parties sont tenues de mettre en place des programmes de rapatriement dans le but d'éviter la revictimisation des personnes suite à leur retour. L'obligation de mettre à la disposition des victimes des informations sur les services et les organisations susceptibles de les aider lors de leur retour en fait partie (par. 6). Le par. 7 reprend le principe énoncé à l'art. 3 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale lorsqu'une décision est prise au sujet de son renvoi. Les parties doivent effectuer une évaluation des risques et de la sécurité avant de mettre en oeuvre toute mesure de rapatriement.

29

Il convient de relever, au sujet des par. 1 à 4, que l'ODM accorde, à titre de mesure de remplacement, une admission provisoire lorsque l'exécution du renvoi n'est pas possible, qu'elle n'est pas licite ou qu'elle ne peut pas raisonnablement être exigée.

Le rapatriement des victimes de la traite des êtres humains relève de la compétence des cantons. Dans le domaine de l'asile et des étrangers, la Confédération apporte son soutien aux cantons pour l'obtention des documents et organise les départs par voie aérienne sur mandat des cantons. Pour autant que le service chargé de l'organisation du départ dispose des informations requises, les mesures nécessaires en prévision du retour (accompagnement durant et après le vol, suivi médical, etc.)

sont prises en collaboration avec l'OIM.

Les conditions posées aux par. 5 et 6 sont remplies par la LEtr. En vertu de l'art. 60 LEtr, certaines catégories de personnes relevant du domaine des étrangers, à savoir les victimes de la traite des êtres humains, ont aussi droit à des aides au retour et à la réintégration. Ces personnes auront également accès aux programmes d'aide au retour destinés aux personnes relevant du domaine de l'asile. L'offre englobe une aide individuelle au retour (aide financière et matérielle) ou la participation à un programme ciblé sur un pays et une aide au retour de nature médicale.

En s'appuyant sur les nouvelles bases légales, l'ODM a mis sur pied un projetpilote, en collaboration avec l'OIM et la Direction du développement et de la coopération (DDC). Ce projet visait les victimes ou les témoins de la traite des êtres humains et les artistes de cabaret se trouvant en situation d'exploitation en Suisse. Il avait pour objectif de soutenir les ayants droit dans leurs démarches de retour volontaire et de réintégration dans leur pays d'origine, entre autres afin d'éviter qu'elles soient à nouveau victimes de la traite d'êtres humains (revictimisation). La phase pilote a duré du 1er avril 2008 au 31 mars 2010. Compte tenu des résultats obtenus, l'ODM a décidé de transformer ce projet pilote en offre définitive à compter du 1er avril 2010.

A propos de la réserve faite au par. 7 concernant le rapatriement des mineurs dont l'intérêt supérieur est menacé dans leur pays d'origine, il convient de souligner que la Suisse a ratifié la CEDH,
dont l'art. 3 sert de fondement à cette disposition.

L'évaluation des risques et de la sécurité correspond à une pratique constante en Suisse.

La réglementation suisse satisfait ainsi aux conditions posées par l'art. 16.

Art. 17

Egalité entre les femmes et les hommes

Cet article établit que pour chacune des mesures prévues au chap. III, les parties à la Convention doivent promouvoir l'égalité entre femmes et hommes et qu'elles doivent recourir à une approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes lors du développement, de la mise en oeuvre et de l'évaluation de ces mesures.

Tant sur le plan politique que juridique, la Suisse s'est engagée à mettre en oeuvre cette stratégie visant l'égalité des chances entre hommes et femmes. La CEDAW constitue l'une des bases légales déterminantes à ce sujet au niveau international. En Suisse, elle fonde son action au niveau national sur l'art. 8 Cst., en particulier l'al. 3, selon lequel l'homme et la femme sont égaux en droit. En exécution de cette règle constitutionnelle, la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et

30

hommes (LEg)54 pourvoit à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. En outre, en application de l'art. 16 LEg, le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes s'emploie à éliminer toute forme de discrimination directe ou indirecte.

2.5

Chapitre 4

Art. 18

Droit pénal matériel (art. 18 à 26)

Incrimination de la traite des êtres humains

Conformément à l'art. 18, les parties sont tenues d'attribuer le caractère d'infraction pénale aux actes énoncés à l'art. 4 lorsqu'ils ont été commis intentionnellement. La définition des éléments constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains correspond à celle figurant dans le Protocole additionnel des Nations Unies. La Suisse satisfait à l'exigence posée à l'art. 4 de la Convention par la nouvelle disposition pénale (art. 182 CP) réprimant la traite des êtres humains.

Le droit pénal suisse satisfait ainsi aux conditions posées à l'art. 18 de la Convention.

Art. 19

Incrimination de l'utilisation des services d'une victime

En application de l'art. 19, les parties envisagent de conférer le caractère d'infraction pénale, conformément à leur droit interne, à l'utilisation, en connaissance de cause, des services d'une victime de la traite des êtres humains. Ainsi, le client d'une prostituée qui aurait recours à ses services en sachant qu'elle est une victime de la traite des êtres humains pourrait être pénalement responsable. L'un des motifs principaux de l'intégration de cette disposition dans la Convention était la volonté de réduire l'un des aspects moteurs de la traite, à savoir la demande de personnes facilement exploitables, et de décourager les auteurs potentiels de l'infraction.

L'art. 19 n'est pas une norme contraignante pour les parties, mais revêt le caractère d'une recommandation. Le droit pénal suisse ne renferme aucune disposition incriminant spécialement le recours, en connaissance de cause, aux services de victimes de la traite des êtres humains. Dans la mesure où il est difficile, dans le cadre de la poursuite pénale, d'apporter la preuve que le bénéficiaire de la prestation savait que la personne prestataire était une victime de la traite des êtres humains (intention), ce genre de disposition pénale serait difficile à appliquer. Cela dit, dans certaines conditions, les bénéficiaires du côté de la demande de la traite des êtres humains sont, en Suisse, condamnables en vertu de certaines dispositions pénales existantes.

Ainsi, le nouvel art. 182 CP précise que la personne qui «offre», qui sert d'intermédiaire ou qui «acquiert» peut être considérée comme se livrant à la traite des êtres humains. La condition de l'incrimination est que la personne concernée a joué un rôle déterminant dans la réalisation de la transaction, en d'autres termes qu'elle a pris part à la transaction dans une mesure certaine. Les personnes ayant joué un rôle subordonné sont punissables en vertu des règles pénales générales (complicité). Par exemple, il y aurait participation à la traite si un employeur payait une somme d'argent à un «offreur» ou à un intermédiaire ou la leur promettait dans le but de se procurer de la main-d'oeuvre étrangère à des fins d'exploitation. Cependant, il ne 54

RS 151.1

31

suffit pas que le «bénéficiaire» des prestations de la victime suppose simplement ou connaisse les conditions dans lesquelles une victime de la traite des êtres humains a émigré pour le rendre punissable en vertu de l'art. 182 CP55. Néanmoins, les employeurs qui emploient ou exploitent illégalement, en connaissance de cause, de la main-d'oeuvre étrangère sont punissables en vertu de la loi sur les étrangers56 et, selon les circonstances, en vertu d'autres dispositions pénales du CP (contrainte, séquestration, abus de la détresse, encouragement à la prostitution, etc.), indépendamment d'une éventuelle contribution à la traite d'un être humain. Par contre, les clients qui recourent aux services de prostituées victimes de la traite d'êtres humains ne sont pas punissables, conformément à la situation juridique actuelle, tant qu'ils n'ont pas contribué de manière causale à la traite d'un être humain ou qu'ils n'ont pas commis d'autres infractions à l'encontre de la personne qui se prostitue.

Le droit suisse satisfait donc partiellement aux recommandations de l'art. 19. Mais, du fait de son caractère facultatif, il ne découle de l'art. 19 aucune obligation qui pourrait faire obstacle à une ratification.

Art. 20

Incrimination des actes relatifs aux documents de voyage ou d'identité

Selon l'art. 20, il convient de prendre des mesures permettant d'incriminer les actes touchant aux documents de voyage ou d'identité lorsque ces actes ont été commis intentionnellement et dans le but de permettre la traite des êtres humains. Les dispositions des let. a, b et c sont couvertes en Suisse par les art. 251 à 255 CP.

Art. 21

Complicité et tentative

L'obligation faite au par. 2 d'incriminer la tentative d'une infraction en vertu des art. 18 et 20, let. a, est satisfaite par l'art. 22 CP. L'instigation et la complicité conformément au par. 1 sont punissables en vertu des art. 24 et 25 CP. La Suisse remplit ainsi les conditions découlant de l'art. 21 de la Convention.

Art. 22

Responsabilité des personnes morales

En application de l'art. 22, les personnes morales doivent pouvoir être tenues pour responsables des infractions visées dans la Convention, lorsqu'elles sont commises pour leur compte par toute personne physique qui exerce un pouvoir de direction en leur sein (par. 1). La société devra aussi être tenue pour responsable lorsque l'absence de surveillance ou de contrôle de la part d'une personne physique exerçant une fonction dirigeante a rendu possible l'exécution d'une infraction établie conformément à la convention pour le compte de ladite société (par. 2).

Cette responsabilité peut être de nature civile, pénale ou administrative (par. 3) et ne saurait exclure la responsabilité pénale de la personne physique ayant commis l'infraction (par. 4).

55

56

32

Cf. message du 26 octobre 2005 concernant l'approbation de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, de son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que de son Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, FF 2005 6269 6325.

Art. 117 LEtr

De nombreuses conventions internationales conclues ces dernières années en matière de droit pénal contiennent des dispositions similaires, pour certaines identiques, concernant la responsabilité des entreprises. La Convention pénale du Conseil de l'Europe du 27 janvier 1999 sur la corruption57 prévoit aussi la responsabilité des personnes morales, sans préciser toutefois la nature de cette responsabilité (civile, pénale ou administrative). En dépit des tendances inverses qui s'observent à l'échelle internationale, cette dernière convention défend le principe encore largement répandu qui veut que les entreprises ne puissent pas faire l'objet de poursuites pénales. Les Etats parties doivent toutefois veiller à ce que les personnes morales fassent l'objet de sanctions ou de mesures proportionnées, y compris des sanctions pécuniaires.

La responsabilité pénale des sociétés figure dans le droit suisse, depuis le 1er octobre 2003, aux art. 102 et 102a CP. Le code pénal établit une responsabilité primaire pour un nombre limité de types d'infractions s'il doit être reproché à l'entreprise de ne pas avoir pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher une telle infraction. Les catégories d'infractions mentionnées ne recouvrent toutefois pas les infractions visées par la Convention du Conseil de l'Europe.

Parallèlement à cette responsabilité pénale primaire, une responsabilité pénale subsidiaire a été introduite dans la législation suisse pour les cas où une infraction serait commise au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts et que cette infraction ne pourrait être imputée à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise. La peine prévue est une amende de cinq millions de francs au plus. Cette responsabilité pénale s'applique à l'ensemble des crimes et délits au sens du droit suisse et couvre toutes les infractions visées dans la convention, pour autant qu'elles y soient formulées de manière contraignante. Au vu du texte de la convention, cette responsabilité va au-delà de la responsabilité prévue dans la convention, laquelle se limite à des infractions commises pour le compte de la personne morale par un membre de sa direction. La responsabilité prévue dans le code pénal, en revanche,
concerne tous les crimes ou les délits qui sont commis au sein d'une société par une personne dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts. Il convient néanmoins de signaler qu'en application de l'art. 102, al. 1, CP, les personnes morales ne sont, par principe, punies que lorsque le comportement incriminé ne peut être imputé à aucune personne physique.

L'art. 22, al. 4, dispose en la matière que la responsabilité doit être établie sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques ayant commis l'infraction. La question est ici de savoir si cette disposition introduit une responsabilité pénale parallèle des Etats. Le rapport explicatif relatif à la Convention ne fournit pas de précisions à ce sujet.

La responsabilité subsidiaire des personnes morales prévue par le droit suisse n'exclut pas la possibilité de punir des personnes physiques. Elle s'applique dans les cas où il n'est pas possible de punir l'auteur de l'infraction en raison du manque d'organisation de l'entreprise. L'art. 102, al. 1, CP n'est donc pas en contradiction avec l'art. 22, par. 4, de la convention, dès lors que la responsabilité subsidiaire de l'entreprise n'exclut pas la responsabilité pénale de la personne physique qui a commis l'infraction, comme l'illustre le cas de figure suivant: si le comportement et 57

STE no 173, art. 18; RS 0.311.55.

33

la faute de la personne physique sont établis après la condamnation de l'entreprise et que l'infraction n'a pu, dans un premier temps, être imputée à cette personne du fait même de l'organisation de la société, alors rien ne s'oppose en principe à ce que les deux parties, c'est-à-dire la personne morale et la personne physique, soient punies58.

Outre la responsabilité pénale, on trouve aussi l'outil de la responsabilité administrative et les sanctions prévues à ce titre pour empêcher immédiatement des dommages futurs. Parmi les sanctions possibles, on mentionnera le retrait d'une autorisation ou le refus de délivrer une autorisation à une entreprise pour un segment de marché ou un domaine d'activité déterminé. Le droit suisse prévoit divers mécanismes de ce type, qui ne peuvent néanmoins pas tous s'appliquer à toutes les entreprises et qui, de plus, ne sont pertinents que dans certains secteurs commerciaux ou domaines de l'économie. Il est par exemple possible de prononcer des sanctions administratives à l'encontre de sociétés soumises à la surveillance des autorités publiques.

En outre, les sociétés et les établissements poursuivant des buts contraires aux moeurs ou illicites ne peuvent pas obtenir la personnalité juridique. Ils doivent être dissous et leur fortune dévolue à la collectivité59. Enfin, il existe des moyens de droit civil permettant d'établir la responsabilité d'une entreprise pour le compte de laquelle un employé exerçant une fonction dirigeante a commis une infraction ou qui a négligé les devoirs de surveillance qui lui incombaient pour empêcher l'exécution de l'infraction par l'un de ses employés.

On peut par conséquent considérer que, dans l'ensemble, le droit suisse remplit actuellement les conditions fixées à l'art. 22 de la convention. Les normes existantes en matière de responsabilité subsidiaire vont, pour certaines d'entre elles, au-delà des exigences posées par la convention. Elles permettent de garantir que les crimes et les délits qui sont commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts ne restent pas impunis, même s'ils ne peuvent pas être imputés à une personne physique. Il n'est donc pas nécessaire d'inclure les infractions visées dans la Convention dans la liste des infractions mentionnées au sujet de la responsabilité pénale primaire des entreprises au sens du droit suisse, ni d'étendre cette liste de manière générale.

Art. 23

Sanctions et mesures

La première phrase du par. 1 dispose que les infractions établies aux art. 18 à 21 doivent faire l'objet de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives.

Conformément à l'art. 182, al. 1, CP, la traite des êtres humains est punie par une peine privative de liberté ou par une peine pécuniaire. Si la victime est une personne mineure ou si l'auteur fait métier de la traite d'êtres humains, la peine est une peine privative de liberté d'un an au moins. La durée maximale de la peine privative de liberté est dans les deux cas de 20 ans, conformément aux art. 22 ss CP. En vertu de l'art. 182, al. 3, CP, elle doit toujours s'accompagner d'une peine pécuniaire. Les tentatives et la complicité sont soumises aux dispositions des art. 22 CP. Etant donné ce cadre pénal, la seconde exigence de l'art. 23, par. 1, est également remplie.

58 59

34

Cf. Niggli/Gfeller, Basler Kommentar, Bâle 2007, no 113 relatif à l'art. 102.

Art. 52 et 57 CC

L'obligation contenue au par. 2 de prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives pour les personnes morales est mise en oeuvre par les art. 102 ss CP.

Le par. 3 prévoit la confiscation, ou toute autre forme de privation, des instruments et du produit des infractions établies en vertu des art. 18 et 20, par. a, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits. En Suisse, cette obligation est pleinement satisfaite par les art. 69 ss CP.

Le par. 4 prévoit la fermeture provisoire ou définitive des établissements utilisés pour commettre la traite des êtres humains. Il prévoit également la possibilité d'interdire temporairement ou définitivement aux auteurs de la traite d'êtres humains l'exercice de l'activité à l'occasion de laquelle ils ont commis l'infraction.

Ces deux exigences sont remplies par l'art. 67 CP.

Art. 24

Circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes mentionnées à l'art. 24 sont dûment prises en compte par le juge, en droit suisse, lors du calcul de la peine (art. 47 CP).

En application de l'art. 182, al. 2, CP, la traite d'une personne mineure, et donc d'un enfant (let. b), est assimilée à un cas de traite qualifiée et punie d'une peine privative de liberté d'un an au moins. S'il y a traite d'êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, il faut examiner s'il y a concurrence avec les art. 187 ss CP, en cas de mise en danger de la vie de la victime (let. a), avec l'art. 120 CP et, en cas de participation d'une organisation criminelle (let. d), avec l'art. 260ter CP. La peine est augmentée en conséquence par le juge (art. 49 CP). Si l'infraction est commise par un agent public en violation de ses devoirs de fonction et de ses devoirs professionnels (let. c), ce sont, le cas échéant, l'art. 312 CP ou les art. 13 ss de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité (LRCF)60 qui sont applicables.

Les exigences posées par l'art. 24 sont ainsi satisfaites par le droit suisse.

Art. 25

Condamnations antérieures

L'obligation de prendre en considération les condamnations définitives prononcées par une autre partie est couverte par l'art. 47 CP.

Art. 26

Disposition de non-sanction

Aux termes de l'art. 26, les Etats parties prévoient la possibilité de ne pas imposer de sanctions aux victimes pour avoir participé à des activités illicites lorsqu'elles y ont été contraintes.

Le droit pénal suisse est un droit pénal fondé sur la faute; il est de ce fait caractérisé par le principe selon lequel, malgré l'accomplissement d'un acte délictueux, la personne qui agit de façon coupable est seule punissable (art. 19 CP). Les art. 52 ss CP établissent de plus les conditions dans lesquelles l'exemption de peine peut être prononcée ou une procédure pénale suspendue.

Si une victime de la traite d'êtres humains commet un acte punissable pour se préserver elle-même ou autrui d'un préjudice direct, il convient dans tous les cas d'examiner les conditions en matière de légitime défense et de nécessité licite selon 60

RS 170.32

35

les art. 15 ss CP, et notamment de vérifier l'existence d'un état de nécessité (art. 17 CP).

Le droit suisse satisfait ainsi aux exigences posées par l'art. 26 de la convention.

2.6 Art. 27

Chapitre 5 Enquête, poursuites et droit procédural (art. 27 à 31) Requêtes ex parte et ex officio

Selon le par. 1 de cet article, la poursuite pénale des infractions établies en vertu de la Convention ne doit pas être subordonnée à une dénonciation ou à une plainte pénale émanant de la victime. Cette disposition est déjà mise en oeuvre par l'art. 182 CP, dont le libellé indique qu'il s'agit d'une infraction poursuivie d'office.

S'agissant de la dénonciation d'infractions commises sur le territoire d'une autre partie (par. 2), il est actuellement prévu, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire internationale, que les dénonciations faites en Suisse soient transmises aux autorités de l'Etat compétent.

Selon l'art. 27, par. 3, les parties doivent par ailleurs veiller à ce que les fondations, les associations et les organisations non gouvernementales qui ont pour objectif de lutter contre la traite des êtres humains ou de protéger les droits de la personne humaine puissent assister les victimes de la traite des êtres humains au cours des procédures pénales. Cette possibilité de soutien, qui correspond à la conception suisse de l'aide aux victimes, est réglée à l'art. 12, al. 1, LAVI, qui dispose que les centres de consultation doivent conseiller la victime et ses proches et les aider à faire valoir leurs droits durant la procédure. En outre, l'art. 152, al. 2, CPP prévoit que la victime peut, lorsqu'elle est interrogée, se faire accompagner d'une personne de confiance qui travaille régulièrement auprès d'une organisation au sens de l'art. 27.

Par sa participation, l'organisation d'aide aux victimes en question n'a cependant pas qualité de partie. En cas de huis clos, la victime peut être accompagnée de trois personnes de confiance conformément à l'art. 70, al. 2, CPP.

La Suisse remplit donc les exigences posées à ce propos par la convention.

Art. 28

Protection des victimes, témoins et personnes collaborant avec les autorités judiciaires

Conformément à l'art. 28 de la convention, les parties sont tenues d'adopter les mesures, législatives ou autres, nécessaires pour assurer aux témoins une protection effective et appropriée face aux représailles ou intimidations possibles, notamment au cours des enquêtes et des poursuites à l'encontre des auteurs ou après celles-ci.

Si la victime est un enfant, celui-ci doit bénéficier de mesures de protection spéciales tenant compte de son intérêt supérieur. De même, les groupes, associations ou organisations non gouvernementales actifs dans la lutte contre la traite des êtres humains ou qui oeuvrent pour la protection des droits de l'homme doivent recevoir une protection appropriée face aux représailles ou intimidations possibles. En outre, chaque partie se doit d'envisager la conclusion d'accords ou d'arrangements avec d'autres Etats afin de mettre en oeuvre le présent article.

36

Contrairement à l'avis exprimé à plusieurs reprises lors de la consultation, la protection extraprocédurale des témoins prévue par la Convention du Conseil de l'Europe exige une participation de la victime à la procédure pénale, que ce soit en qualité de témoin ou simplement en donnant des informations aux enquêteurs.

Les mesures procédurales de protection des témoins sont déjà suffisamment développées en Suisse et sont réglementées de manière exhaustive par le CPP. Conformément à l'art. 149 CPP, les responsables de la procédure peuvent ordonner des mesures de protection spéciales en faveur des témoins, des personnes appelées à fournir des renseignements, des prévenus, des experts et des traducteurs. Les dénonciateurs ne sont certes pas cités de manière explicite à l'art. 149 CCP, mais ils sont le plus souvent également des témoins. Ces mesures couvrent la garantie de l'anonymat, les auditions hors de la présence des parties et du public, la vérification de l'identité hors de la présence des parties et du public, la modification de l'apparence ou de la voix de la personne à protéger, éventuellement l'utilisation d'écrans de protection et la limitation du droit de consultation des dossiers accordé aux parties.

La loi prévoit en outre des mesures de protection pour les victimes mineures et majeures (art. 152 ss CPP). Il s'agit notamment d'épargner aux enfants un lourd fardeau psychique. Il convient en particulier d'éviter, dans la mesure du possible, une confrontation avec les accusés si la victime est un enfant ou s'il s'agit d'une affaire d'infraction contre l'intégrité sexuelle.

En ce qui concerne la protection extraprocédurale, les mesures se fondent au premier chef sur le mandat général de protection qui incombe aux cantons et oblige leur corps de police à prévenir les risques directs pour la vie et l'intégrité corporelle des citoyens. Ce principe est formulé dans les législations cantonales sur la police, parmi les tâches du corps de police.

La loi fédérale sur les étrangers (LEtr) a créé une condition importante pour permettre que des mesures de protection complémentaires soient prises en faveur de témoins et de victimes de la traite des êtres humains: pour ces catégories de personnes, il est désormais possible de déroger aux conditions d'admission usuelles (art. 30, al. 1, let. e, LEtr).
En outre, en vertu de la LAVI, les cantons ont l'obligation de veiller à la mise en place de centres de consultation. Toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit à une assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique (art. 2 et 14, al. 1, LAVI). De plus, les victimes ont droit à une indemnisation et à une réparation morale (art. 19 ss LAVI).

Les bases légales et les structures étatiques spécifiques font aujourd'hui défaut pour permettre, dans certaines circonstances, de prendre des mesures de protection particulières en faveur des témoins, comme l'attribution d'une nouvelle identité ou d'un nouveau lieu de résidence et, dans ce dernier cas, l'octroi d'une aide pour la recherche d'un logement et d'un emploi. Le Conseil fédéral a abordé cette problématique dans son rapport du 9 juin 2006 «Lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé»61. Le projet de loi proposé permettra de combler cette lacune.

61

Rapport donnant suite au postulat du 21 février 2005 de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (05.3006), FF 2006 5421.

37

En raison de l'existence de mécanismes de protection dans le cadre de la procédure pénale ou de mesures de police, au niveau cantonal et fédéral, complétés par le présent projet de loi sur la protection des témoins concernant les cas particuliers, la Suisse satisfait aux exigences de l'article 28 de la Convention.

Art. 29

Autorités spécialisées et instances de coordination

Selon l'art. 29, les parties veillent à ce que des personnes soient spécialisées dans la lutte contre la traite des êtres humains et dans la protection des victimes (par. 1).

Elles doivent assurer la coordination de l'action des différents services impliqués, le cas échéant en mettant sur pied des instances de coordination (par. 2). Dans ce contexte, les parties doivent également assurer la formation des agents responsables (par. 3). Il est en outre recommandé aux parties de nommer des rapporteurs nationaux ou d'autres responsables chargés du suivi des activités de lutte contre la traite des êtres humains menées par les institutions de l'Etat (par. 4).

En matière de prévention de la traite des êtres humains et de lutte contre ce phénomène, la Suisse applique, depuis plusieurs années déjà, une approche intégrée au sens de l'art. 29, par. 2. En 2003, un Service national de coordination contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT) a été mis en place sous l'égide du DFJP. Ce service rassemble toutes les autorités fédérales et cantonales actives en matière de prévention, de poursuite pénale et de protection des victimes. Il dispose à fedpol d'une antenne permanente chargée d'accompagner et de coordonner les travaux. Il a intégré à ses priorités la formation spécialisée, répondant ainsi aux exigences de l'art. 29, par. 1 et 3 de la convention.

Une spécialisation au sens du par. 1 a également eu lieu au niveau opérationnel.

Depuis 2004, le Commissariat «Pédophilie, traite d'êtres humains, trafic de migrants», rattaché à la PJF, soutient et coordonne des investigations complexes, de dimension intercantonale ou internationale. Dans le cadre de l'adaptation des structures mise en oeuvre le 1er juillet 2007, ce commissariat a été scindé en deux pour créer le Commissariat «Pornographie, pédophilie» et le Commissariat «Traite d'êtres humains, trafic de migrants», dont les effectifs ont été renforcés. En leur qualité de services nationaux centraux, tous deux rattachés à la PJF, ces commissariats sont chargés, dans leurs domaines d'activité respectifs, de mettre sur pied un réseau d'interlocuteurs à l'échelle nationale et internationale, de collaborer au sein de groupes de travail suisses et étrangers et d'assurer l'échange d'informations de police judiciaire entre les cantons, ainsi
qu'avec Interpol, Europol et d'autres services nationaux.

Le par. 4 recommande la nomination d'un rapporteur national ou d'un autre mécanisme chargé de suivre les activités de lutte contre la traite des êtres humains menées par les institutions étatiques. Il n'existe pas de définition univoque d'un tel mécanisme concernant la traite des êtres humains au niveau européen. L'introduction d'un rapporteur national, avec des fonctions de monitorage, est facultative pour les Etats membres. Dans la pratique suisse, le SCOTT constitue l'organisme de référence au sein duquel les problèmes et les éventuels dysfonctionnements sont détectés et traités et où l'on détermine la nécessité d'agir. En raison de son caractère facultatif, le paragraphe 4 n'entraîne aucune obligation qui pourrait empêcher la ratification de la convention. Il est donc possible de faire exception à la nomination d'un rapporteur national sous la forme d'un service indépendant.

Par ces mesures, la Suisse satisfait aux exigences de l'art. 29 de la convention.

38

Art. 30

Procédures judiciaires

Le CPP contient une série de dispositions relatives aux victimes qui peuvent servir à la mise en oeuvre de la convention, dans le cadre de procédures pénales touchant à la traite des êtres humains. Ces bases légales satisfont aux exigences de la convention.

Les bases légales permettant de protéger les témoins en dehors des procédures judiciaires font toutefois défaut.

Art. 31

Compétence

Les conditions de l'art. 31 concernant la compétence sont en grande partie remplies par les dispositions des art. 1 ss CP, de l'art. 4 de la loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse62 et de l'art. 97, al. 1, de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation63. Seuls les faits commis à l'étranger par un apatride ayant sa résidence habituelle en Suisse conformément à l'al. 1, let. d (à l'exception des personnes pratiquant la traite d'êtres humains avec des victimes mineures) ne seraient couverts par aucune des dispositions évoquées dans le but d'établir la compétence de la Suisse. Le par. 2 de l'art. 31 admet pourtant la possibilité de formuler une réserve quant à l'application des règles de compétence définies au par. 1, let. d et e, ou dans une quelconque partie de ces paragraphes. Une réserve est donc proposée, selon laquelle l'art. 31, al. 1, let. d, ne s'appliquerait pas aux apatrides.

En vertu de l'art. 7 de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)64, aucun citoyen suisse ne peut être extradé ou remis sans son consentement écrit à un Etat étranger pour y faire l'objet d'une poursuite pénale ou d'une mesure d'exécution. A ce propos, le par. 3 prévoit que chaque partie a l'obligation d'établir sa compétence si l'auteur de l'infraction se trouve sur son territoire et qu'elle ne peut l'extrader au seul motif qu'il s'agit de l'un de ses ressortissants. Cette condition est remplie par l'art. 6, al. 1, let. b, CP.

2.7

Chapitre 6 Coopération internationale et coopération avec la société civile (art. 32 à 35)

Art. 32

Principes généraux et mesures de coopération internationale

L'art. 32 renforce le principe de la coopération internationale dans les domaines de la prévention, de la protection des victimes et de la poursuite pénale en application des instruments internationaux et régionaux pertinents. La Suisse a ratifié et mis en oeuvre la plupart des accords internationaux ou européens mentionnés dans les domaines de l'extradition, de l'entraide judiciaire, du blanchiment d'argent et de la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Elle dispose ainsi d'une base solide dans le cadre de la coopération internationale visant la lutte contre la traite des êtres humains. En outre, depuis son association à Schengen, elle dispose d'une base supplémentaire pour travailler en étroite coopération avec ses partenaires de l'espace Schengen et, partant, pour renforcer la poursuite pénale de la traite des êtres 62 63 64

RS 747.30 RS 748.0 RS 351.1

39

humains. Enfin, au niveau mondial, la ratification et la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée65 et de ses protocoles additionnels contre la traite des personnes66 et le trafic illicite de migrants67 créent une base complémentaire pour instaurer une collaboration à l'échelle internationale.

Art. 33

Mesures relatives aux personnes menacées ou disparues

Souvent, les victimes de la traite des êtres humains sont intimidées et font l'objet de menaces visant leurs familles restées au pays si jamais elles s'avisaient de s'enfuir ou de témoigner contre leurs bourreaux. Aux termes de l'art. 33, par. 1, une partie est tenue d'informer sans délai une autre partie qu'une personne visée à l'art. 28, par. 1, est en danger sur le territoire de cette autre partie. La partie qui reçoit ce type d'information prend les mesures appropriées en vertu de l'art. 28 pour assurer la protection de la personne en question. Le par. 2, qui n'a pas un caractère contraignant, prévoit la possibilité pour les parties de renforcer la coopération dans la recherche des personnes disparues, notamment s'il s'agit d'enfants dont on suppose qu'ils ont été victimes de la traite d'êtres humains.

L'échange rapide d'informations concernant les victimes ou les témoins de la traite des êtres humains est déjà garanti par l'étroite collaboration mise en place en vertu d'accords bilatéraux et dans le cadre de Schengen, d'Europol et d'Interpol. Ce constat vaut non seulement pour les activités mentionnées au par. 1 (échange d'informations concernant des personnes potentiellement menacées), mais aussi pour l'échange d'informations et la collaboration visés au par. 2. La Suisse est donc en mesure d'informer les services compétents à l'étranger sur les menaces potentielles qui pèsent sur une personne. Lorsqu'un pays étranger transmet à la Suisse des informations de cette nature, celles-ci son transmises aux autorités cantonales compétentes. Toutefois, faute d'une réglementation spécifique, il n'est pas possible de mettre sur pied un programme institutionnalisé visant à garantir une protection extraprocédurale aux témoins.

Dans le cadre d'Interpol, les «notices jaunes» permettent de rechercher, dans le monde entier, des personnes disparues, enfants compris. A cet effet, la Suisse collabore avec des Etats partenaires conformément à l'art. 351, al. 3, CP. Cet article règle l'échange d'informations par l'Office fédéral de la police visant à prévenir et combattre les infractions et l'échange d'informations destinées à la recherche de personnes portées disparues et à l'identification de personnes inconnues. La collaboration aux fins de recherche de personnes disparues et de protection de personnes
menacées est aussi possible dans le cadre de Schengen, plus précisément en vertu de l'art. 97 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen (CAAS).

La Suisse est également bien armée pour assurer la protection des enfants. En ratifiant différents instruments pertinents, dont la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant et son Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants68, elle s'est déjà dotée des instruments nécessaires pour oeuvrer à la protection spécifique des enfants et permettre la définition de mesures appropriées.

65 66 67 68

40

RS 0.311.54 RS 0.311.542 RS 0.311.541 RS 0.107.2

Art. 34

Informations

L'art. 34 règle l'échange d'informations entre les parties. Conformément au par. 1, la partie requise informe sans délai la partie requérante des mesures prises au titre du chap. VI. Ce paragraphe a un caractère contraignant, que l'on retrouve à l'art. 4 de la Convention européenne du 20 avril 1959 d'entraide judiciaire en matière pénale69.

Conformément à cet article, l'Etat requis informe l'Etat requérant à sa demande expresse des mesures prises.

Conformément au par. 2 de l'art. 34, une partie peut aussi, dans les limites de son droit interne, communiquer des informations importantes sans en avoir été priée lorsqu'elle estime que cela pourrait aider la partie destinataire à engager ou à mener à bien sa propre procédure. De même, cette possibilité est explicitement reconnue dans le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et dans la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime70. Ce paragraphe ne contraint néanmoins pas à la communication spontanée d'informations. Il convient de souligner à cet endroit qu'il s'agit d'informations concernant toutes les mesures prises au titre du chap. VI de la convention, donc ne concernant pas uniquement le côté criminel de la traite des êtres humains, mais aussi la prévention de ce phénomène et la protection des victimes et des témoins. La protection des données est traitée au par. 3: la partie qui fournit les informations peut en subordonner l'utilisation à certaines conditions ou demander qu'elles restent confidentielles. Si la partie destinataire ne peut satisfaire à ces conditions, elle en informe sans délai l'autre partie, qui peut alors décider de communiquer ces informations ou de ne pas le faire.

Le par. 4 prévoit la transmission sans délai à la partie concernée des informations en relation avec les art. 13, 14 et 16 de la convention71, à condition, ici aussi, que la partie concernée les demande et que les informations soient nécessaires à la garantie des droits prévus à ces articles. En tout état de cause, la protection de la sphère privée et de l'identité de la victime, garantie par l'art. 11, doit toujours être respectée.

En Suisse, la possibilité d'échanger des informations n'existe pas uniquement sur la base des accords
bilatéraux de coopération policière signés avec des Etats partenaires ou sur la base des traités d'entraide judiciaire, mais aussi sur la base des engagements multilatéraux que la Suisse a contractés dans le cadre d'Interpol et d'Europol. Toutefois, les échanges d'informations réalisés en vertu de ces engagements le sont toujours sous réserve du droit national. La transmission spontanée de moyens de preuve et d'informations est par exemple réglée à l'art. 67a EIMP, tout comme les conditions qui y sont assorties. On mentionnera également une autre possibilité importante, à savoir l'échange d'informations prévu dans le cadre de la collaboration instaurée par Schengen (art. 39 et 46 CAAS). La législation actuelle satisfait aux exigences de la Convention du Conseil de l'Europe.

69 70 71

RS 0.351.1 RS 0.351.12, art. 11, et RS 0.311.53, art. 10.

Art. 13: délai de rétablissement et de réflexion de 30 jours; art. 14: délivrance d'un permis de séjour dans certaines conditions; art. 16: soutien du rapatriement des victimes.

41

Art. 35

Collaboration avec la société civile

En vertu de cette disposition, les parties doivent encourager les autorités nationales à coopérer avec les organisations non gouvernementales (ONG) et les membres de la société civile dans le but de mettre en place des partenariats stratégiques permettant de remplir les obligations qui découlent de la convention.

La Suisse connaît une étroite collaboration aux échelons stratégique et opérationnel entre autorités et ONG actives dans la lutte contre la traite des êtres humains, plus précisément dans le domaine de la protection des victimes. Ainsi, deux ONG, le Centre d'assistance aux migrantes et aux victimes de la traite de femmes (FIZ) à Zurich et la Fondation suisse pour la protection de l'enfant (avec le centre ECPAT), sont membres permanents du SCOTT. La participation des ONG lors de l'élaboration de stratégies et d'outils pour lutter contre la traite d'êtres humains au niveau national est donc effective. D'autres ONG participent ponctuellement à des groupes d'experts ou à certains projets. Le FIZ et d'autres ONG sont également représentés aux tables rondes cantonales. Dans plusieurs cantons, il existe par ailleurs des conventions de prestations avec des ONG portant sur l'accompagnement et le suivi des victimes de la traite des êtres humains.

Par cette politique et ces mesures, la Suisse remplit les conditions de l'art. 35 de la convention.

2.8

Chapitre 7

Mécanisme de suivi (art. 36 à 38)

L'introduction d'un mécanisme efficace pour assurer le suivi de la mise en oeuvre de la convention dans les Etats membres a été, dès le départ, un élément central des travaux du Conseil de l'Europe. Le système de surveillance prévu repose sur deux piliers institutionnels: a)

le Groupe d'experts indépendants sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), composé de 10 à 15 membres élus par le Comité des Parties pour une durée de quatre ans. Les principes d'une participation équilibrée entre les femmes et les hommes, d'une répartition géographiquement équilibrée et de la multidisciplinarité ont été observés lors de la constitution de ce groupe. Les membres du GRETA siègent à titre individuel et sont impartiaux (art. 36);

b)

le Comité des Parties, composé de représentants des parties à la Convention et convoqué dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la Convention par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Ce dernier élit les membres du GRETA et assure la participation des parties aux processus de décision et au suivi de la convention (art. 37).

L'art. 38 régit la procédure de suivi proprement dite et l'interaction entre le GRETA et le Comité des Parties. Le GRETA détermine la cadence, la durée, les points forts et les moyens de l'évaluation des pays; cette évaluation se fonde notamment sur des questionnaires adressés aux Etats parties et sur des visites dans les pays. Selon les cas, le GRETA sollicite également des informations auprès de la société civile (par. 1 à 4). Sur cette base, le GRETA établit un projet de rapport d'évaluation contenant suggestions et propositions, à propos desquelles la partie évaluée peut se prononcer. Le GRETA doit tenir compte de l'avis exprimé par cette dernière. Le rapport définitif et les conclusions du GRETA sont envoyés à la partie concernée et 42

au Comité des Parties. Ils sont publiés, le cas échéant, avec un commentaire de la partie concernée (par. 5 et 6). Conformément au par. 7, le Comité des Parties peut, sur la base du rapport du GRETA, formuler des recommandations à l'intention de la partie évaluée et demander que des informations sur leur mise en oeuvre lui soient fournies, si nécessaire dans un délai précis.

Ce mécanisme de surveillance permet de soumettre les parties à une procédure d'évaluation régulière et indépendante. Il s'agit d'un outil unique par mi les instruments internationaux élaborés pour lutter contre la traite des êtres humains; il apporte, de ce fait, une plus-value par rapport au Protocole additionnel des Nations Unies et au Protocole facultatif des Nations Unies. Le GRETA et le Comité des Parties ne sont toutefois pas des instances juridiques et le mécanisme de surveillance n'a aucun effet judiciaire. En revanche, les rapports publics du GRETA et les éventuelles recommandations du Comité des Parties peuvent exercer une pression politique sur les Etats membres de la convention, de nature à leur faire respecter les obligations de la Convention dans leur législation et lors de la mise en oeuvre. Le groupe d'experts, nouvellement constitué, s'est réuni pour la première fois à la fin du mois de février 2009, à Strasbourg.

Cet instrument est propre à favoriser la mise en oeuvre effective de la convention par les Etats membres. Il est très important pour la Suisse que les dispositions de la convention ne restent pas lettre morte. En tant que pays de destination de la traite des êtres humains, la Suisse profitera directement d'une meilleure prévention dans les pays d'origine et de transit (art. 5), de l'harmonisation internationale des dispositions pénales (art. 27 à 31) et d'un renforcement de la coopération entre les Etats en matière de poursuite pénale et de protection des victimes (art. 32 à 34), y compris pour le rapatriement et la réinsertion des victimes dans la société (art. 16).

Si elle ratifie la convention, la Suisse sera elle aussi soumise à des procédures d'évaluation régulières. Celles-ci comprennent l'obligation de fournir des informations par écrit, de désigner des interlocuteurs et des experts en vue des visites accomplies dans les Etats parties par le groupe d'experts indépendants et, si nécessaire,
de prendre position sur les projets de rapport du GRETA. Le Bureau de direction du SCOTT coordonnera au besoin ces procédures d'évaluation au sein de l'administration fédérale.

2.9

Chapitre 8 Relation avec d'autres instruments (art. 39 et 40)

Art. 39

Relation avec le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants

L'art. 39 règle les relations entre la Convention et le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 15 novembre 2000.

En Suisse, ce protocole additionnel est en vigueur depuis le 26 novembre 200672. En 72

RS 0.311.542

43

outre, la législation suisse contient d'ores et déjà plusieurs dispositions facultatives, mais préconisées dans le protocole additionnel.

Art. 40

Relation avec d'autres instruments internationaux

L'art. 40 règle la relation entre la Convention et d'autres instruments de droit international, en particulier en matière de traite des êtres humains (par. 1), de droit international humanitaire, de droit international relatif aux droits de l'homme et de statut des réfugiés (par. 4). Au par. 3 figure la «clause de déconnexion» en vertu de laquelle les Etats membres de l'Union européenne, indépendamment du but de la convention et de son entière application à l'égard des autres parties, appliquent entre eux les prescriptions de la Communauté et de l'Union européenne dans la mesure où la Communauté et l'Union européenne possèdent des dispositions régissant le sujet particulier concerné et applicables à un cas d'espèce. La Confédération n'ayant pas conclu d'accord bilatéral avec l'Union européenne ou la Communauté européenne qui la lierait en la matière, la clause de déconnexion ne déploie pas d'effet juridique.

2.10

Chapitre 9

Amendements à la Convention (art. 41)

En vertu de l'art. 41, toutes les parties sont habilitées à proposer des amendements à la convention. Les propositions sont communiquées au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, qui les transmet aux Etats membres du Conseil de l'Europe, aux parties, à la Communauté européenne, à tout Etat invité à signer la convention ou à y adhérer et au GRETA. Celui-ci soumet au Comité des Ministres son avis sur la proposition d'amendement. Après examen de l'amendement proposé et de l'avis soumis par le GRETA, le Comité des Ministres peut adopter l'amendement. Le texte de l'amendement est ensuite soumis à toutes les parties afin qu'elles puissent donner leur accord. L'amendement n'entre en vigueur que lorsque toutes les parties ont communiqué leur assentiment au Secrétaire général.

Cette procédure complexe vise à assurer que toutes les parties participent aux processus de décision concernant la convention, le but étant d'éviter que cet instrument perde de son importance en raison de modifications inapplicables.

2.11

Chapitre 10 Clauses finales (art. 42 à 47)

Les clauses finales définissent les modalités usuelles concernant la signature et l'entrée en vigueur (art. 42), l'adhésion (art. 43), l'application territoriale (art. 44), les réserves (art. 45), la dénonciation (art. 46) et les notifications (art. 47). La convention n'est pas seulement ouverte aux Etats membres du Conseil de l'Europe et aux Etats non-membres qui ont participé à son élaboration, mais aussi aux Etats tiers. Ces derniers peuvent y adhérer sur invitation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. La convention entre en vigueur 30 jours après que dix Etats ont déposé l'instrument de ratification. Parmi eux, au moins huit doivent être membres du Conseil de l'Europe. Aucune réserve à la Convention n'est admise à l'exception des restrictions territoriales de la compétence conformément à l'art. 31, par. 2. La convention peut être dénoncée dans un délai de trois mois.

44

La Convention est entrée en vigueur le 1er février 2008, soit 30 jours après le dépôt par dix Etats de l'instrument de ratification, parmi lesquels devaient se trouver au moins 8 Etats membres du Conseil de l'Europe. A la fin du mois de novembre 2010, 30 Etats l'avaient ratifiée et 13 autres l'avaient signée.

3

Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém): grandes lignes du projet

3.1

Introduction

3.1.1

Qu'est-ce que la protection des témoins?

La protection des témoins a pour but de protéger les personnes qui doivent déposer dans le cadre d'une procédure pénale au sujet de faits dont elles ont connaissance et qui sont, à cet égard, menacées. Il est nécessaire de mettre en place des mesures de protection si des pressions sont exercées sur ces personnes ou des membres de leur famille par des menaces, des atteintes à leur intégrité corporelle et à leur vie ou tout autre moyen. Les intimidations et les actes de répression visent toujours à empêcher les personnes de témoigner ou à influencer leur témoignage et à essayer de soustraire les accusés à la poursuite pénale. Ces procédés ne sont certes pas nouveaux, mais ils se sont amplifiés au cours des dernières années, notamment dans les milieux du crime organisé et de la grande criminalité. Plus les déclarations d'une personne sont capitales pour apporter la preuve d'une infraction, plus le risque est grand que des moyens soient déployés pour l'empêcher de témoigner et entraver ainsi la poursuite pénale.

La question de la protection des témoins et de l'influence exercée sur eux se pose à chaque fois que les autorités de poursuite pénale n'ont pas d'autres moyens de preuves que les déclarations de témoins73. C'est surtout vrai dans les domaines du crime organisé et de la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans celui de la traite des êtres humains. La pratique suisse et étrangère montre qu'il est fréquent que la lutte contre le terrorisme, le crime organisé ou d'autres formes comparables de grande criminalité, faute de preuves matérielles suffisantes, ne parvient à ses fins qu'avec l'aide de témoignages. La police a constaté que des témoins potentiels renonçaient, par peur ou suite à de graves menaces, à témoigner à charge si une protection adéquate ne leur était pas offerte. Ainsi, un témoin menacé n'accepte souvent de déposer ou de maintenir sa déposition qu'en échange d'une protection adéquate.

L'objectif des mesures de protection des témoins est donc double: il s'agit, d'une part, de protéger les personnes dont l'intégrité corporelle, la vie, la santé, la liberté ou des éléments importants de leur patrimoine sont menacés du fait de leur témoignage, de leur participation ou de leur lien à la procédure et, d'autre part, de garantir

73

Cf. message du 22.1.2003 concernant la modification de la procédure pénale militaire (protection des témoins), FF 2003 693 ss.

45

la poursuite de la procédure pénale en suscitant et en entretenant la volonté de déposer74.

Dans ce contexte, la notion de témoin ne doit pas être restreinte à la définition qu'en donne le droit de procédure pénale. Elle s'étend en effet, outre aux proches menacés, à toute personne pouvant fournir des informations sur les faits (par exemple le coaccusé considéré comme personne appelée à fournir des renseignements dans la procédure pénale) ou devant s'exprimer durant la procédure (par exemple policier, interprète ou expert)75. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et les Cours pénales internationales se fondent également sur cette acception plus large de la notion de témoin.

3.1.2

Différence entre protection des témoins procédurale et extraprocédurale

Les mesures de protection des témoins se subdivisent en mesures procédurales et extraprocédurales. Les mesures procédurales sont destinées à protéger les témoins qui interviennent durant la procédure. Elles sont régies par des dispositions spéciales du droit de la procédure. Outre le droit de refuser son témoignage, ces mesures comprennent notamment le secret partiel ou intégral sur l'identité du témoin durant la procédure. En Suisse, la procédure pénale de certains cantons et quelques lois fédérales spéciales prévoyaient jusqu'ici des droits protecteurs dans la procédure pour les témoins en général ou pour certaines catégories de témoins. Ces droits de protection sont désormais définis à l'art. 149 ss du nouveau code de procédure pénale (CPP), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011. Les droits protecteurs actuellement institués par le régime juridique suisse constituent un volet important de la protection des témoins. Ces mesures dites procédurales sont toutefois insuffisantes, par exemple lorsque l'inculpé peut savoir, au vu du contenu du témoignage, qui a témoigné ou remonter d'une autre manière à l'identité du témoin.

Du point de vue de la poursuite pénale, il convient par ailleurs de noter que selon la jurisprudence de la CEDH, l'acquittement d'une personne ne doit pas se fonder exclusivement ­ ou essentiellement ­ sur les déclarations anonymes de témoins76.

Bien que le Tribunal fédéral soit critique envers cette pratique selon laquelle les témoignages anonymes ne seraient admis que dans des procédures dans lesquelles ils ne sont en fin de compte pas nécessaires pour l'administration des preuves, il n'a pas encore précisé la validité ni les conditions d'un acquittement prononcé sur la base d'une déclaration anonyme de témoin qui constituerait effectivement la seule raison ­ ou la raison décisive ­ ayant conduit au jugement77.

74

75 76

77

46

Cf. rapport du Conseil fédéral du 9 juin 2006 donnant suite au postulat du 21 février 2005 de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (05.3006), «Lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé», FF 2006 5421 5448; dans ce contexte, voir également la recommandation du Conseil de l'Europe du 10 septembre 1997 (Recommandation R (97) 13 sur la protection des témoins contre toute manoeuvre d'intimidation et les droits de la défense).

Cf. ATF 125 I 127, 132 E 6a.

Cf. les jugements Doorson, Recueil CourEDH 1996-II S. 446, Ziff. 69; van Mechelen, Recueil CourEDH 1997-VII S. 2426 [=RUDH 1997 S. 209]; Krasniki vom 28.2.2006, Ziff. 76.

Cf. ATF 133 I 33, traité dans le ZBJV 2008, 811 s. et le SJZ 103 2007 411 s. ainsi que la discussion relative à l'ATF 132 I 127 dans le ZBJV 2007, 712 ss.

Dès lors, dans des cas d'intimidation ou de représailles contre le témoin ou son entourage, des mesures extraprocédurales de protection appropriées (mesures prises en dehors des actes de procédure à proprement parler et applicables aussi après le procès) sont, dans de nombreux cas, les seules qui permettent d'obtenir qu'un témoin maintienne sa déclaration.

Les mesures extraprocédurales ont pour but de protéger une personne menacée en dehors des actes de procédure à proprement parler, notamment pendant et après le procès. Contrairement aux droits protecteurs procéduraux, ces mesures n'affectent pas les droits de la partie ni ceux de la défense. On citera par exemple le conseil sur la manière de se comporter, la mise à disposition d'instruments tels qu'un nouveau numéro de téléphone portable ou un numéro d'urgence, la protection personnelle, logement provisoire dans un lieu sûr, ou encore des mesures spécifiques telles que le blocage des données, la mise à disposition d'une nouvelle identité, le déménagement dans un nouveau lieu de domicile, la recherche d'un nouvel emploi, voire la prise en charge des frais de subsistance. On désigne par programme de protection de témoins un ensemble de mesures de protection spécifiques convenu entre les autorités et la personne protégée.

Les mesures de protection procédurales et extraprocédurales des témoins peuvent se compléter mutuellement. Un témoin qui a acquis une nouvelle identité déposera en justice certes sous son ancienne identité, mais devra pouvoir refuser de donner des indications sur son nouveau nom, son domicile et son lieu de travail. Le fait de ne pas divulguer de telles informations peut, dans la mesure où des réglementations à ce sujet existent, être rendu possible par une demande de protection de témoins dans le cadre de procédures ou par le refus de témoigner en cas de menaces.

3.1.3

Délimitation de la réglementation relative aux témoins «de la Couronne»

Il convient d'établir une distinction entre la notion de protection des témoins et les réglementations relatives aux témoins «de la Couronne», autrement dit les témoins à charge, en usage dans les systèmes juridiques d'inspiration anglo-saxonne. Le but de ces réglementations n'est pas de protéger les témoins, mais uniquement de favoriser l'émergence de la vérité; ce sont des réglementations visant véritablement à fixer des peines. Le principe consiste à inciter les coupables à témoigner contre leurs complices en échange de l'immunité pénale ou d'autres avantages. Les mesures de protection des témoins deviennent une composante nécessaire de la réglementation relative aux témoins à charge, voire une condition impérative lorsque, par ses déclarations, le témoin s'expose à des représailles. La mise en place d'une réglementation relative aux témoins à charge assortie d'une éventuelle suppression de peine a été envisagée dans le cadre de l'unification de la procédure pénale suisse, mais cette possibilité n'a pas été retenue en raison de certains doutes quant à sa légitimité et parce qu'elle ne semble par répondre à un besoin réel dans notre pays78. Il faut cependant relever que le droit en vigueur prévoit déjà des incitations à la coopération: en application de l'art. 260ter CP, le juge peut atténuer la peine d'un coaccusé qui s'est efforcé

78

Cf. «de 29 à l'unité», concept d'un code de procédure pénale fédéral, rapport de la Commission d'experts, DFJP, juin 2001, p. 56 ss.

47

d'empêcher une organisation criminelle de poursuivre son activité79. En outre, la jurisprudence du Tribunal fédéral admet régulièrement que la coopération d'un accusé puisse entraîner une atténuation importante de la peine. Comme pour la réglementation relative aux témoins «de la Couronne», de telles atténuations de peine ne sont attrayantes que dans le cadre de mesures extraprocédurales de protection, c'est-à-dire lorsque l'Etat peut offrir une protection adéquate au témoin qui, en coopérant, s'exposerait à un danger.

3.2

Situation

3.2.1

Droit

Le droit pénal ordinaire ne contient aucune norme juridique, ni sur le plan fédéral ni sur le plan cantonal, régissant spécifiquement et intégralement les conditions dans lesquelles des mesures de protection extraprocédurales ou des programmes de protection des témoins peuvent être mis en place, ni selon quelles modalités.

C'est pourquoi les mesures de protection extraprocédurales s'appuient sur le mandat général de protection qui incombe aux cantons et oblige leurs corps de police à prévenir les risques directs pour la vie et l'intégrité corporelle des citoyens. Ce principe est formulé de manière générale dans les législations cantonales sur la police, parmi les tâches du corps de police. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a par ailleurs établi, en vertu de l'art. 10 Cst. et de l'art. 2 CEDH, que l'obligation de témoigner avait pour corollaire une obligation positive de l'Etat d'assurer la protection des personnes qui couraient un risque du fait de leur témoignage80.

La nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) crée aussi les conditions nécessaires à l'adoption de mesures de protection en faveur des témoins de la traite d'êtres humains puisque, pour cette catégorie de personnes, elle permet de déroger aux règles d'admission usuelles dans le cadre de la réglementation sur le séjour des étrangers (art. 30, al. 1, let. e, LEtr).

Par ailleurs, en matière extraprocédurale, la LAVI oblige les cantons à mettre en place des centres de consultation. Les personnes dont l'intégrité physique, psychique ou sexuelle a été directement violée suite à une infraction (victimes) ont droit à une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique (art. 2 et 14, al. 1, LAVI). Les centres de consultation peuvent par exemple, en cas de besoin, fournir à la victime ou à ses proches un logement de secours (par exemple dans une maison d'accueil pour femmes pour une victime d'un acte de violence). Les victimes ont en outre droit à l'indemnisation et à la réparation morale (art. 19 ss LAVI). A noter cependant que la LAVI ne peut couvrir que certains aspects du soutien aux victimes, en raison de ses propres objectifs. Elle n'est appliquée qu'à titre subsidiaire, c'est-àdire que les prestations d'aide aux victimes ne sont accordées définitivement que si l'auteur de l'infraction ou un autre débiteur ne versent aucune prestation ou versent des prestations insuffisantes (art. 4, al. 1). De plus, un témoin n'est pas toujours une victime au sens de la LAVI.

79 80

48

Le code pénal autrichien (§ 41a) prévoit un système semblable connu comme la «petite réglementation relative aux témoins de la Couronne».

Cf. ATF 1A.32/1999 du 13.9.1999, publié dans EuGRZ 2000, 451.

Dans le CCP, la réglementation de la protection extraprocédurale des témoins est expressément laissée de côté. Selon l'article 156 CPP, qui est conçu de manière purement déclaratoire, la Confédération et les cantons peuvent prendre des mesures pour protéger les personnes en dehors d'une procédure. Le CPP contient les grandes lignes des règles qui visent à accorder une protection à diverses catégories de témoins une fois la procédure terminée. Ainsi, l'anonymat d'une personne à protéger est garanti au-delà de la procédure pénale, les données personnelles de cette personne ne sont pas indiquées dans la procédure et sa véritable identité ne figure pas non plus au dossier.

3.2.2

Pratique

Faute de normes juridiques spécifiques sur la protection extraprocédurale des témoins, la Suisse ne possède actuellement aucun programme de protection des témoins à proprement parler. Sur demande de pays étrangers, des personnes ont déjà été accueillies en Suisse. Au niveau cantonal, il existe des cas où des personnes menacées ont pu se mettre à l'abri temporairement dans un autre canton, voire plus longtemps sous une nouvelle identité, avec le concours de différents services, mais il s'agit de cas isolés qui, sur le plan juridique, ont été réglés dans le cadre du mandat général de protection qui incombe aux pouvoirs publics. Il serait donc abusif de parler ici d'institutionnalisation de la protection des témoins.

L'absence de réglementation légale spécifique de la protection extraprocédurale des témoins est la cause d'insécurités juridiques et de problèmes: ­

Attribution matérielle des tâches inexistante: les mesures de protection des témoins ont un statut particulier. Elles servent à limiter les risques, mais vont bien au-delà du mandat de sécurité dévolu à la police. A l'étranger, des services spécialisés dans la protection des témoins ont été créés au sein des corps de police pour accomplir ces tâches. Pour créer de telles unités et développer un savoir-faire spécifique en la matière, il faut toutefois disposer d'une compétence légale et il faut aussi que la protection extraprocédurale des témoins soit institutionnalisée. C'est d'autant plus vrai au niveau fédéral pour la PJF qui est chargée de la lutte contre la grande criminalité, cette dernière n'ayant aujourd'hui aucun mandat de police de sécurité comparable à celui prévu par les législations cantonales en matière de police.

­

Incertitudes partielles quant à la compétence territoriale: les mesures de protection des témoins relèvent de la police et de son mandat de prévention des risques, mais elles sont aussi étroitement liées à la procédure pénale.

Faute de réglementation légale, la question de la compétence territoriale pour l'exécution des mesures de protection extraprocédurales soulève régulièrement des interrogations (notamment sur la question de savoir si les autorités compétentes sont celles du for ou celles des autorités du domicile ­ pas toujours connu ­ de la personne à protéger).

­

Inexistence de normes de compétence contraignantes: des dispositions légales concrètes sont nécessaires pour qu'il soit possible de prendre des mesures de protection spécifiques comme le blocage des données dans des services publics et privés ou la fabrication et l'émission de papiers d'identité d'emprunt pour les personnes menacées. A défaut de bases légales, les servi49

ces publics et privés ne peuvent être obligés à collaborer. Sans un cadre institutionnel et légal, même les mesures de protection les plus rudimentaires (conseil en comportement, protection des objets et des biens, logement en lieu sûr) sont limitées a priori, faute de ressources.

­

Coordination nationale plus difficile: pour atteindre l'objectif visé, il faut que toutes les instances impliquées procèdent de manière coordonnée et structurée, à plus forte raison parce que la Suisse a une structure fédéraliste et un territoire exigu. Dans ces conditions, une collaboration étroite entre les autorités fédérales, cantonales et communales de justice et de police, mais aussi avec d'autres administrations et institutions publiques (par exemple autorités en matière de droit des étrangers, offices des affaires sociales et des institutions sociales) revêt une importance capitale pour le succès des mesures de protection des témoins. Or l'absence de normes de compétences complique la collaboration entre toutes ces instances.

­

Coopération internationale plus difficile: une coopération internationale étroite est nécessaire pour les cas où une personne est gravement menacée, car le territoire suisse est trop exigu pour garantir une protection adéquate au témoin menacé. En cas de nécessité, les personnes qui doivent être protégées pourraient être déplacées à l'étranger temporairement ou pour une longue durée. La coopération internationale se fonde sur le principe de la réciprocité. Toutefois, en raison de la complexité des cas relevant de la protection des témoins, bon nombre de pays ne transfèrent des témoins que vers les pays qui ont mis en place un service chargé de la protection des témoins et disposant de l'expérience et du savoir-faire nécessaires en la matière.

L'absence de bases juridiques et d'un service chargé tout spécialement de tâches liées à la protection de personnes complique la coopération internationale et peut même la rendre impossible.

3.2.3

Effets des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la protection des témoins

3.2.3.1

Traitement des données administratives

Pour prévenir tout danger, la première mesure de protection consiste généralement à éloigner la personne à protéger de son lieu de vie et à la loger dans un autre endroit, le but étant de l'isoler radicalement de son milieu de vie afin que le perturbateur ne puisse pas l'atteindre. Si ce changement de lieu n'est pas de courte durée, et que la personne doit s'y installer, il convient de l'aider à s'intégrer dans la vie quotidienne et dans le système social.

En règle générale, une personne doit se présenter à toute une série de bureaux publics et privés. Au niveau communal, il convient d'annoncer toute arrivée dans la commune et tout départ, qui sont inscrits au registre fiscal. En fonction de la situation personnelle de la personne à protéger et de ses besoins, d'autres autorités doivent également être jointes, par exemple les services de l'AVS-AI ou le service social. De plus, tout changement de l'état civil doit être annoncé à l'office de l'état civil, un nouveau permis de conduire doit être demandé auprès de l'office cantonal de la circulation routière, la prolongation d'une autorisation de séjour auprès de l'office cantonal des étrangers, etc.

50

De nos jours, les données traitées lors de toutes ces démarches sont presque toujours traitées électroniquement et sont souvent mises en réseau. Malgré tous les avantages qu'offrent les nouvelles technologies de l'information et de la communication en termes d'efficacité, d'économie et de proximité des citoyens pour effectuer les démarches administratives, ces moyens techniques sont néfastes pour la protection de personnes menacées. Les exemples suivants ­ qui impliquent les derniers développements technologiques ­ montrent à quel point il sera difficile, à l'avenir, d'installer une personne dans un nouvel endroit en Suisse sans changer ni son nom ni d'autres éléments d'identification de sorte qu'un perturbateur ne puisse plus la retrouver en déposant des demandes, légalement ou non, auprès des autorités.

81 82

­

Harmonisation de registres: actuellement, les registres de personnes de la Confédération, des cantons et des communes contiennent chacun leur propre système de numérotation, et ne sont donc pas coordonnés entre eux. La loi du 23 juin 2006 sur l'harmonisation de registres (LHR)81 est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Elle vise notamment à simplifier l'échange, prévu par la loi, de données entre les registres officiels de personnes de la Confédération et des cantons. Par ailleurs, en vertu de l'art. 2, al. 1, LHR, le nouveau numéro d'assuré, qui remplace l'actuel numéro AVS, doit tenir lieu de caractère commun dans les registres de personnes de la Confédération, des cantons et des communes désignés par la LHR (cf. ci-après). Cette harmonisation vise à simplifier les processus de communication de données entre les registres officiels de personnes.

­

Numéro AVS comme élément d'identification: depuis le 1er juillet 2008, les organes d'exécution du 1er pilier (AVS, AI et régime des allocations pour perte de gain; APG) travaillent avec le nouveau numéro AVS à treize chiffres. Ce nouveau numéro a été mis en place afin d'éviter que des «comptes» ne soient gérés à double, voire plus, dans le domaine des assurances sociales.

Il est totalement anonyme, établi de manière univoque pour une seule personne, qui le reçoit le plus tôt possible et qui le gardera tout au long de sa vie. Ce nouveau numéro sera également utilisé par d'autres assurances sociales et d'autres organisations (par exemple par les caisses maladie pour délivrer la carte d'assuré; cf. ci-après).

­

Nouvelle carte d'assuré: le projet de cybersanté a pour but d'encourager la mise en réseau électronique des acteurs du secteur de la santé. La nouvelle carte d'assuré est au coeur de ce projet. Les assurés qui reçoivent une prestation d'un médecin, d'un hôpital ou d'une pharmacie et qui veulent qu'elle soit prise en charge par leur assurance maladie doivent présenter leur nouvelle carte d'assuré. Conformément à l'ordonnance sur la carte d'assuré pour l'assurance obligatoire des soins (OCA)82, le nouveau numéro d'assuré AVS est imprimé de manière visible sur la carte d'assuré et enregistré électroniquement dans le microprocesseur.

­

Infostar: Infostar est le nouveau registre suisse de l'état civil, entièrement informatisé. Il a remplacé l'ancien registre papier en 2004. Tous les ressortissants suisses et les étrangers sont enregistrés dans Infostar dès le moment où un événement important requiert une inscription dans le registre (mariage, naissance d'un enfant, etc.). En raison de la mise en réseau et de RS 431.02 RS 832.105

51

l'enregistrement commun des données dans Infostar, une fois les données enregistrées définitivement, elles peuvent directement être consultées sans autre vérification par tous les officiers d'état civil de Suisse, et par d'autres autorités disposant des droits requis à cet effet. A ce titre, le registre est relié avec la base de données nationale sur les documents d'identité ISA et avec le registre de la Centrale de compensation (lors d'une nouvelle inscription, le numéro AVS est directement attribué à l'inscription dans Infostar). D'autres interfaces existent notamment avec RIPOL, le contrôle des habitants et le SYMIC.

Les expériences en matière de protection des témoins acquises à l'étranger ont montré que les services responsables de la protection avaient toujours du retard par rapport aux évolutions technologiques et que dans les cas de menace accrue, l'interdiction de communiquer des données pouvait se révéler insuffisante. Bien que les services de protection des témoins doivent veiller à ce qu'il ne soit pas possible d'établir des liens entre l'ancien et le nouveau lieu de domicile d'une personne à protéger ni entre son ancienne et sa nouvelle identité, ils ne peuvent jamais savoir avec certitude où vont les données ni ce qu'une mutation pourra entraîner auprès d'une autorité. Pour cette raison, les autorités étrangères ont de plus en plus souvent recours à de nouvelles identités, qui constituent le moyen le plus sûr d'empêcher qu'un perturbateur ne retrouve la personne menacée (la personne menacée perd son nom et ses caractères d'identification initiaux).

3.2.3.2

Effets de l'internet

Lorsqu'ils évaluent des demandes de recherche et mettent à disposition les résultats obtenus, les moteurs de recherche traitent des données personnelles et s'immiscent donc dans la sphère privée des internautes.

Du point de vue de la protection des témoins, les moteurs de recherche présentent deux types de problèmes spécifiques. Le premier concerne le regroupement d'informations qui figurent sur des sites internet distincts les uns des autres et que le moteur de recherche rend accessibles aux internautes lorsqu'il affiche les résultats de la recherche. Le deuxième tient au fait que les moteurs de recherche rassemblent toutes les demandes, tous les résultats et tous les sites ouverts par les internautes en enregistrant les adresses IP, ce qui leur permet de stocker, d'évaluer et d'utiliser les profils personnels de ceux qui font des recherches sur la Toile83.

Dès lors que des données concernant une personne particulière sont disponibles sur l'internet, les moteurs de recherche peuvent les retrouver presque sans problème.

Grâce aux moteurs de recherche, des informations totalement dispersées peuvent être regroupées et consultées en un seul endroit. Dans ce contexte, les internautes doivent bien réfléchir aux informations qu'ils veulent mettre à disposition sur l'internet. Cela dit, la mise à disposition de données sur l'internet ne dépend pas uniquement de la personne concernée et ne concerne pas non plus uniquement des activités d'ordre privé. On trouve en effet de plus en plus souvent des informations 83

52

Cf. articles, conférences et recommandations figurant sur la page d'accueil du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, notamment «Verräterische Datenspuren» (disponible uniquement en allemand), paru dans: Natürlich, no 2, 2003, http://www.edoeb.admin.ch/dokumentation/00898/00904/index.html?lang=de.

relatives à des services publics et privés sans que ces derniers soient au courant. Il est par exemple aisé de déterminer directement ou indirectement le lieu de domicile actuel d'une personne. Bien que dans certains domaines, la personne concernée puisse demander personnellement à ce que son nom ne figure pas en ligne (par exemple Swisscom Directories), il existe d'autres domaines où cela se révèle impossible ou beaucoup trop complexe (par exemple baptême avec le nom de toutes les personnes impliquées figurant sur le registre de la paroisse mis en ligne).

Au vu des besoins liés à la protection des témoins, il est possible de limiter considérablement tout risque qu'une information concernant une personne fortement menacée ne soit divulguée sur l'internet si cette dernière n'utilise plus son nom initial.

3.3

Nouvelle réglementation

Le présent projet vise à poser les bases pour la mise en place de programmes de protection des témoins et à créer les normes nécessaires en vue de définir les tâches et les compétences des services oeuvrant dans le domaine de la protection des témoins, ce qui garantira la sécurité juridique.

S'agissant de son contenu, la présente réglementation aurait pu être intégrée au projet de loi fédérale sur les tâches de police de la Confédération en tant que tâche de police de sécurité et de soutien aux enquêtes. Mais la loi a été élaborée séparément, car la protection extraprocédurale des témoins est une réglementation indépendante et complète en soi qui permet aussi de mettre en oeuvre des normes relevant du droit international et dont le champ d'application s'adresse aux personnes qui agissent dans le cadre de procédures pénales de la Confédération ou des cantons.

En outre, diverses interventions parlementaires et une pétition ont réclamé que la Convention du Conseil de l'Europe soit rapidement ratifiée.

La protection extraprocédurale des témoins est donc transmise aux Chambres fédérales en tant que loi spéciale indépendante.

Le projet règle essentiellement les points suivants: ­

Objet et champ d'application (chap. 1) Les personnes concernées par un programme de protection des témoins au sens du présent projet sont les personnes qui sont exposées, du fait de leur collaboration dans le cadre d'une procédure pénale menée par la Confédération ou les cantons, à un danger sérieux menaçant leur vie ou leur intégrité corporelle ou à un autre inconvénient grave et sans les indications desquelles la poursuite pénale serait entravée d'une manière disproportionnée.

Les programmes de protection doivent répondre au principe de proportionnalité: ainsi, l'importance d'un témoignage doit justifier les charges et les frais engendrés par un programme de protection, de même que les restrictions ­ parfois importantes ­ qu'il peut signifier pour l'avenir de la personne concernée. Si une personne ne bénéficie pas d'un programme de protection des témoins de la Confédération et qu'elle continue d'être menacée malgré son renoncement à témoigner, les compétences cantonales en vigueur dans le domaine de la protection des personnes s'appliquent conformément à la souveraineté des cantons en matière de police. Dans ces cas précis, le projet

53

prévoit toutefois que les cantons pourront faire appel au service spécialisé de la Confédération (cf. ci-après) en vue de conseils et d'un soutien.

­

Procédure en vue d'une admission dans un programme de protection des témoins et fin du programme, y compris critères d'admission (chap. 2) Le projet réglemente en détail la procédure de demande d'admission dans un programme de protection, la décision et la fin du programme. La décision d'admission revient au directeur de l'Office fédéral de la police. L'accord du témoin est essentiel; celui-ci n'est admis dans un programme de protection que s'il a signé une convention notifiant son accord. En outre, les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA)84 sont applicables.

­

Collaboration avec les services publics et les particuliers (chap. 2) Cette section indique les devoirs et les autorisations qui servent à soutenir le Service de protection des témoins, notamment: ­ l'interdiction de communiquer des données et l'obligation de notifier les tentatives de recherches et d'espionnage; ­ la possibilité d'établir une nouvelle identité pour le temps nécessaire; pour cela, de vrais documents d'identité doivent pouvoir être délivrés et de vraies inscriptions doivent être enregistrées avec le nouveau nom; ­ les questions relevant du droit de séjour; ­ la protection des témoins en détention ou frappés d'autres mesures privatives de liberté.

­

Droits et obligations des personnes à protéger et réglementation concernant leur joignabilité pour tout rapport juridique (chap. 2) Les mesures de protection des témoins ne doivent pas affecter les tiers, comme les créanciers publics et privés, sur le plan juridique. D'un autre côté, la personne protégée doit aussi pouvoir faire valoir ses exigences légitimes sans que la protection dont elle fait l'objet ne soit menacée. Dans ce contexte, le Service de protection des témoins joue un rôle important d'intermédiaire avec l'étranger. Le projet de loi contient des règles allant dans ce sens, garantissant que la personne à protéger restera joignable pour tout rapport juridique et qu'elle pourra faire valoir ses exigences envers des tiers.

S'agissant des prestations à verser à la personne à protéger (par exemple pour son entretien jusqu'à ce qu'elle reprenne une activité lucrative), on applique le principe selon lequel l'entretien de la personne est certes assuré, mais qu'elle n'obtient pas d'avantages financiers injustifiés par son admission au programme. Le projet de loi règle le but et le cadre de ces prestations.

­

Création d'un service de protection des témoins et réglementation des tâches et des compétences qui lui incombent (chap. 3) En vertu du projet de loi, un service de protection des témoins national et centralisé est chargé de l'exécution des programmes de protection des témoins pour les personnes témoignant dans le cadre de procédures fédéra-

84

54

RS 172.021

les, cantonales ou étrangères. La création d'un service unique paraît judicieuse au vu du nombre relativement faible de cas où des témoins doivent être protégés, des besoins inhérents à la coopération intercantonale, voire ­ souvent ­ internationale et du degré d'efficacité et de professionnalisme dont doivent faire preuve les personnes chargées de la protection des témoins.

Le projet règle les tâches et les compétences du Service de protection des témoins. A titre préventif, la première mesure à prendre est, en règle générale, d'éloigner la personne à protéger de son cadre de vie et de la loger dans un autre endroit sous une identité d'emprunt. Les mesures à mettre en place pour cela sont souvent complexes et coûteuses; elles servent aussi bien à stabiliser l'état psychique du témoin qu'à l'isoler complètement de son cadre de vie précédent. Il s'agit par exemple de lui fournir des conseils en matière de comportement et un soutien psychologique, à subvenir provisoirement à ses frais courants, à l'aider à rechercher un travail, à prendre en charge ses enfants et à effectuer des tâches d'observation à des fins de protection. Dans le cas où la personne à protéger est un enfant, on tiendra compte de ses besoins spécifiques.

­

Accomplissement et financement de la coopération internationale (chap. 4) Etant donné que la Suisse a un territoire exigu, la coopération internationale est essentielle, en vertu du principe de la réciprocité, pour héberger des témoins à l'étranger.

­

Obligation de garder le secret et punissabilité (chap. 5) Les mesures prises sont soumises au secret. Le témoin doit être tenu de garder le secret au sujet de toutes les mesures et de tous les éléments liés à la protection des témoins. Cette obligation doit demeurer même après que le programme de protection a pris fin.

­

Surveillance (chap. 6) La nécessité de garder le secret est un élément spécifique et essentiel du travail de protection des témoins afin de pouvoir garantir leur sécurité durant tout le temps où ils bénéficient du programme. Cette nécessité doit être prise en considération dans le cadre des activités de contrôle et de surveillance du Parlement et de l'administration, ainsi que lors de la vérification des comptes. Le projet mentionne explicitement qu'il est obligatoire d'adresser à la direction du DFJP un rapport sur certains points essentiels des activités relevant de la protection des témoins.

­

Financement des programmes de protection des témoins, notamment répartition des frais entre la Confédération et les cantons (chap. 7) Conformément au présent projet de loi, le coût de la vie de la personne à protéger et les frais courants liés aux mesures spéciales de protection des témoins mises en oeuvre dans le cadre de programmes de protection des témoins sont pris en charge par la Confédération ou par le canton qui dirige la procédure pénale. Les cantons versent une contribution à la Confédération correspondant à la moitié des frais d'exploitation du Service de protection des témoins.

55

3.4

Travaux préparatoires

3.4.1

Rapport du Conseil fédéral «Lutter plusefficacement contre le terrorisme et le crime organisé»

Dans le cadre du postulat du 21 février 2005 de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (05.3006), «Lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé»85, les critiques ont notamment porté sur le fait qu'en Suisse, les témoins n'étaient généralement protégés que jusqu'au jugement et qu'il n'était pas prévu de leur garantir une protection étendue au-delà de cette échéance.

Le Conseil fédéral a donc soumis à une analyse le domaine de la protection extraprocédurale des témoins et a conclu que cette protection revêtait dans la pratique une signification importante, mais que le droit en vigueur n'offrait pas une base suffisante à sa mise en oeuvre86. Il a donc mandaté le DFJP d'élaborer des propositions relatives à la protection extraprocédurale des témoins en droit fédéral87.

3.4.2

Préconsultation relative à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains et au choix du modèle dans le cas de la protection extraprocédurale des témoins

Du fait que les mesures de protection extraprocédurale des témoins touchent directement à la compétence cantonale, un avis de droit a été demandé en 2007 à l'Office fédéral de la justice à propos de l'admissibilité d'une réglementation fédérale.

D'après cet avis de droit, une solution fédérale au sens d'une réglementation uniforme pour les procédures pénales de la Confédération et des cantons est autorisée par la Constitution si l'organisation de la protection extraprocédurale des témoins prend une dimension telle qu'une coordination à laquelle serait associée la Confédération s'avère indispensable88. Sur demande du DFJP, les conférences gouvernementales CCDJP (Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police) et CDAS (Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales) ont enquêté fin 2007 auprès des cantons pour savoir s'ils approuveraient une ratification de la Convention du Conseil de l'Europe et quelle forme pourrait prendre une réglementation de la protection des témoins. Deux modèles leur ont été présentés: d'une part celui d'une réglementation séparée entre la Confédération et les cantons (avec la possibilité d'établir un concordat entre les cantons), d'autre part celui d'une réglementation au niveau fédéral selon laquelle les autorités fédérales pourraient se voir confier la compétence de protéger les témoins afin que les activités soient, dans un pays aussi exigu que la Suisse, coordonnées, menées selon des processus uniformes et axées sur la coopération internationale.

Au terme de la consultation des cantons, il est apparu clairement que les cantons approuveraient la signature de la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains. Mais une tendance en faveur du modèle de réglementation fédé85 86 87 88

56

FF 2006 5421 FF 2006 5421 5453 FF 2006 5421 5456 DFJP, Office fédéral de la justice, Aussergerichtlicher Zeugenschutz, JAAC 2007, p. 336­351 (ci-après: avis de droit OFJ).

rale s'est également dessinée, selon laquelle la Confédération réglementerait et exécuterait les mesures spécifiques de la protection extraprocédurale des témoins de manière uniforme pour la procédure fédérale et les procédures cantonales89.

3.5

Droit comparé

Aucune convention multilatérale ne régit d'une manière générale le déplacement des témoins et la coopération internationale en matière de protection des témoins. Par contre, il existe au niveau international de nombreuses recommandations non contraignantes et des rapports concernant la création de bases administratives et juridiques permettant de mettre en place des programmes de protection des témoins.

3.5.1

Généralités

Les premières prescriptions et pratiques relatives à la protection extraprocédurale des témoins en Europe datent d'il y a 20 ans à peine (Italie, 1991, à propos des personnes collaborant avec la police, les «pentiti»). Le développement des programmes policiers de protection des témoins en Europe était, comme auparavant aux Etats-Unis, lié au renforcement de la lutte contre le crime organisé. Constatant qu'il était très difficile d'apporter la preuve des délits commis par les organisations criminelles sans le concours de témoins et d'informateurs, qui disposent d'informations directes, plusieurs pays étrangers ont adopté des mesures de protection étendues et mis sur pied des structures spécifiques, à savoir des services spéciaux chargés de l'application de ces mesures90. Les rapports et les statistiques établis annuellement, par exemple en Allemagne, confirment le bien-fondé et l'utilité de la protection des témoins dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. La plupart des Etats de l'UE, parmi eux des pays dont la taille et la population sont comparables à celles de la Suisse, disposent aujourd'hui de programmes de protection des témoins91.

Certains pays disposent d'une législation spécifique régissant leurs programmes de protection des témoins, d'autres n'en ont aucune. Certains considèrent que la protection des témoins relève en grande partie des missions de la police92, alors que d'autres accordent un rôle-clé au pouvoir judiciaire et aux ministères93. Si certains pays disposent d'un programme national de protection des témoins, d'autres, souvent de grands pays, ont mis en place plusieurs programmes aux niveaux régional et 89 90

91 92

93

Lettre de la CCDJP du 9 avril 2008.

Cf. ONU, Good practices for the protection of witnesses in criminal proceedings involving organized crime (Bonnes pratiques de protection des témoins dans des procédures pénales concernant la criminalité organisée - disponible en anglais seulement, ci-après ONU, Good practices), Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ONUDC, Vienne, 2008, p. 93; Buggisch Walter, Zeugenbedrohung und Zeugenschutz in Deutschland und den USA, Berlin 2001, p. 303, et les informations sur les pays figurant dans l'avis de droit 05-161 «Bekämpfung von Terrorismus und organisiertem Verbrechen», ISDC, Lausanne.

Par exemple Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni et Suède.

Dans les pays ci-après, la décision incombe au Service de protection des témoins ou au chef de la police: Allemagne, Autriche, Ecosse, Grande-Bretagne, Lituanie, Norvège, Pologne, Slovaquie, Australie et Canada.

Aux Pays-Bas, c'est le «board of procurator generals» qui décide; en Belgique et en Italie, c'est une commission spéciale.

57

local. La mesure la plus décisive, celle de l'octroi d'une nouvelle identité, est possible, au moins provisoirement, dans la plupart des pays qui possèdent des programmes de protection des témoins. Certains pays permettent un changement d'identité définitif après lequel l'identité d'origine n'existe plus. Dans d'autres pays, la nouvelle identité est provisoire, l'identité d'origine étant conservée94.

Dans la pratique, les pays échangent de manière informelle leurs expériences en matière de réglementation de protection des témoins et se réfèrent aux principes développés par Europol et le Conseil de l'Europe. Au-delà des différences entre les systèmes juridiques et les principes fondamentaux de la structure administrative des Etats membres, il existe donc certaines similitudes entre les réglementations de la protection des témoins qui ont été introduites au cours des dernières années95: 1.

le programme de protection des témoins est concentré sur un nombre relativement restreint de témoins décisifs qui sont prêts à coopérer avec les autorités de poursuite pénale96;

2.

le déplacement et l'octroi d'une nouvelle identité sont les deux mesures ultimes qui permettent d'assurer la sécurité du témoin. Ces mesures sont appliquées en fonction du type de délit et de l'ampleur de la menace, de l'aptitude du témoin et de son consentement à apporter sa participation dans les conditions requises97.

3.5.2

ONU

Même s'il n'existe pas de réglementation spécifique des Nations Unies, contraignante ou non, ne concernant que la protection des témoins, depuis quelques années, la tendance est de faire figurer la protection des témoins dans les conventions des Nations Unies, par exemple dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (2001)98 ou dans la Convention des Nations Unies contre la corruption (2003)99. Dans ces textes, les Etats membres sont invités à prendre les mesures appropriées conformément à leur ordre juridique interne et dans la limite de leurs moyens afin de protéger efficacement les témoins qui déposent à propos d'infractions visées par ces conventions. Afin d'aider les Etats membres des Nations Unies dans la mise en oeuvre de ces conventions, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a entamé en 2005 l'élaboration de directives sur la protection des témoins. Plus de 60 Etats membres et organisations internationales ont été consultés à cette occasion, tels qu'Europol, Eurojust, la Cour pénale internationale, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Interpol, l'Agence d'aide à la coopération 94 95

96 97 98 99

58

Par exemple en Allemagne et en Autriche.

Document de travail de la Commission sur la faisabilité d'un instrument législatif européen dans le domaine de la protection des témoins et des collaborateurs de justice COM(2007)693 du 13.11.2007, p. 9. L'ONU elle aussi a constaté dans son rapport que malgré les différences touchant à la situation géographique, au système juridique et au développement économique et social, il existait des similitudes sur les points mentionnés; cf. ONU, Good practices, p. 93 s.

La plupart des témoins sont des témoins impliqués dans l'infraction qui sont prêts à coopérer avec la justice et «ont changé de camp».

Cf. ONU, Good Practices, chap. X § D, Admission criteria, p. 95.

Art. 24: Protection des témoins.

Art. 32: Protection des témoins, des objets et des victimes.

technique et au développement (ACTED/Centre régional pour l'Europe du Sud-est), la Cour spéciale pour la Sierra Leone, l'UNAFEI100 et l'UNICRI101. Ces travaux ont abouti en janvier 2008 à la publication des «Good Practices for the Protection of Witnesses in Criminal Proceedings Involving Organized Crime» (Bonnes pratiques de protection des témoins dans des procédures pénales concernant la criminalité organisée, ci-après «Good Practices»). Ce texte présente une vue d'ensemble détaillée des mesures existantes de protection des témoins et offre des conseils pratiques en vue de leur intégration dans les systèmes juridiques, à propos des procédures opérationnelles et compte tenu des circonstances sociales, politiques et économiques particulières des Etats membres des Nations Unies.

Pour les Nations Unies, la sévérité de la menace pour le témoin et la gravité du délit à propos duquel il dépose sont les critères principaux pour l'admission dans le programme, outre l'importance du témoignage pour la procédure, la volonté du témoin à coopérer et son aptitude au niveau psychique, mental et médical. En ce qui concerne la création des bases légales nécessaire, l'ONU recommande dans ses «Good Practices» que les législations nationales spécifient au minimum: les mesures de protection pouvant être adoptées, les critères d'admission dans le programme, la procédure à appliquer, l'autorité responsable de l'application du programme, le motif de clôture du programme, les droits et les devoirs des parties et la confidentialité du déroulement des opérations102.

En outre, face à la nécessité de coopérer au niveau international pour le transfert de témoins à l'étranger, et afin de promouvoir les échanges, l'ONU recommande une harmonisation des bases légales et une simplification de la procédure d'admission.

3.5.3

Cours pénales internationales

Le droit pénal international ne contient pas de définition des témoins ni de point de référence sur le niveau de protection qu'un témoin peut attendre dans une procédure pénale. Mais l'expérience des procédures pénales menées devant les cours pénales internationales, telles que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ou la Cour pénale internationale (CPI), ont montré que la protection des personnes menacées dont le témoignage revêt un intérêt public bénéficiait d'une attention particulière. La sécurité des témoins pendant et après la clôture d'une procédure pénale est l'une des priorités des cours pénales internationales. Afin de garantir cette sécurité, les cours pénales passent notamment avec les Etats des accords de relocalisation des témoins. Ce sont en général des conventions-cadres dans lesquels les Etats s'engagent à examiner, dans chaque cas d'espèce et selon des critères précis, l'opportunité d'accueillir les témoins menacés et leur famille. Figure également dans la Convention le nombre maximum de personnes que l'Etat est en principe disposé à accueillir, mais auxquelles il peut refuser l'admission s'il l'estime nécessaire. Or, plus il y aura d'Etats prêts à conclure des accords de ce type, plus il sera facile de trouver une solution adaptée à chaque cas. Cette tâche sera ainsi répartie de manière plus équitable et permettra d'assurer une protection optimale des témoins. L'existence de structures institutionnalisées visant la protection des 100

Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Asie et en Extrême-Orient.

101 Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice.

102 ONU, Good Practices, chap. V § B, p. 44.

59

témoins n'est certes pas une condition pour l'admission de témoins, mais serait un avantage.

Au vu de cette situation, les cours pénales internationales ont également demandé à la Suisse si elle était disposée à conclure des accords de relocalisation des témoins.

En cas de conclusion d'un accord confidentiel, les commissions de politique extérieure des deux Chambres seront informées103.

3.5.4

Union européenne

3.5.4.1

Généralités

Les instruments juridiques dont dispose l'Union européenne, à savoir la résolution relative à la protection des témoins dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée internationale (1995)104 et la résolution relative aux collaborateurs à l'action de la justice dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée (1996)105 ne sont pas contraignants. Leur champ d'application est du reste limité, car ils ne visent que les affaires relevant de la criminalité organisée. En outre, la possibilité d'atténuation de la peine en échange d'informations et le droit de la victime à être protégée106 sont prévus dans les instruments législatifs contraignants comme la décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme107 et la décisioncadre du Conseil relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales108.

En 2007, la Commission de l'Union européenne a examiné la faisabilité d'une réglementation communautaire en vue de la protection des témoins et personnes qui collaborent avec la justice. Ses conclusions ont été en substance les suivantes109:

103

104 105 106 107 108 109

60

­

les différences considérables qui existent entre les droits pénaux des Etats membres entravent leur collaboration dans la lutte contre les organisations criminelles, souvent très professionnalisées;

­

la coopération transfrontalière dans le domaine de la protection des témoins est particulièrement difficile avec les pays ne disposant pas d'instruments législatifs ou de structure administrative ni de programmes de protection des témoins, même si, à l'intérieur de leurs frontières, ils exercent de telles activités pour leurs propres citoyens;

­

de plus en plus, les pays dans lesquels des difficultés pratiques se posent en raison de leurs propres caractéristiques géographiques (territoire de taille limitée) ou démographiques (forte densité de population) et les pays particulièrement touchés par les organisations criminelles doivent réinstaller les personnes protégées dans d'autres pays.

Cf. la réponse du Conseil fédéral du 21.9.2007 au postulat Somaruga, 07.3329, Protection des témoins et des proches de personnes ayant avoué en matière de justice pénale internationale.

JO no C 327 du 7.12.1995, p. 5.

JO no C 10 du 11.1.1997, p. 1.

COM (2007) 693 du 13.11.2007 JO no L 164 du 22.6.2002, p. 3, art. 6.

JO no L 82 du 22.3.2001, p. 1, art. 8.

COM (2007) 693 du 13.11.2007, p. 6 s.

De l'avis de la Commission, on peut envisager au niveau de l'UE un système harmonisé de protection des témoins en introduisant, dans un acte législatif contraignant, des normes minimales reposant sur les pratiques et les instruments législatifs existants. Elle estime en outre que des études supplémentaires sont nécessaires afin de déterminer la marche à suivre pour mettre en place une coopération européenne dans le domaine de la protection des témoins. Il s'agit en effet d'un domaine complexe faisant intervenir de nombreux autres sujets sensibles et difficiles (comme le changement d'identité). Il convient en outre d'examiner attentivement les dernières avancées dans le domaine de la protection des témoins, comme l'utilisation de la biométrie.

3.5.4.2

Europol

Europol (Office européen de police) est une agence indépendante de l'Union européenne dont le siège est à La Haye. Elle appartient au domaine «coopération policière et judiciaire en matière pénale» et coordonne les activités des autorités policières nationales des Etats membres dans le domaine de la criminalité transfrontière organisée. Elle a également pour tâche de faciliter l'échange d'informations entre les autorités policières nationales.

Le Réseau européen de liaison a été créé en 2000. Coordonné par Europol, mais dépourvu toutefois de véritable mandat en la matière, il rassemble à titre volontaire les chefs des unités spécialisées dans la protection des témoins. Au fil des ans, ce réseau est devenu une structure professionnelle de dimension mondiale, active sur les cinq continents. Les réunions du réseau servent de plate-forme afin d'échanger des informations, de mettre en place des instruments et de définir des orientations, mais ne permettent pas d'activités opérationnelles110.

Sur la base des débats organisés au sein du réseau Europol, deux documents ont été rédigés et diffusés afin d'être utilisés comme «directives de l'UE»: les «principes fondamentaux de l'Union européenne régissant la coopération policière en matière de protection des témoins», portant principalement sur la coopération internationale lors de la réinstallation des témoins, et les «critères communs d'acceptation d'un témoin dans un programme de protection», traitant de l'Agence d'aide à la coopération technique et au développement s critères à appliquer pour qu'un témoin bénéficie d'un programme de protection.

3.5.5

Conseil de l'Europe

Depuis le milieu des années 90, le Conseil de l'Europe dicte des recommandations en vue de faire avancer la problématique de la protection des témoins: la recommandation du Comité des Ministres du 10 septembre 1997 sur l'intimidation des témoins et les droits de la défense111 et la recommandation du 20 avril 2005 concernant la

110 111

COM (2007) 693 du 13.11.2007, p. 6 s.

Recommandation no R (97) 13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l'intimidation des témoins et les droits de la défense.

61

protection des témoins et des collaborateurs de justice112 abordent différentes situations dans lesquelles les témoins peuvent nécessiter une protection. Elles contiennent des définitions, les principes de la protection des témoins et les critères relatifs à l'admission de témoins dans un programme de protection.

D'autres instruments juridiques du Conseil de l'Europe contiennent également des dispositions en matière de protection113.

3.5.6

Trois exemples de pays

3.5.6.1

Allemagne

Conformément aux § 6 et 26 de la Bundeskriminalamtgesetz114 (loi fédérale portant création d'un office fédéral de la police judiciaire), dans le cadre de ses propres enquêtes, l'office fédéral allemand de la police judiciaire (Bundeskriminalamt), qui relève du ministère de l'Intérieur, est chargé de la protection des témoins et des membres de leur famille. Dans les autres cas, la protection des témoins doit être assurée par les Länder, conformément aux clauses générales de prévention des menaces figurant dans les lois sur la police.

Des droits et des devoirs particuliers en matière de protection des témoins découlent pour la Fédération et les Länder de la Bundesgesetz zur Harmonisierung des Schutzes gefährdeter Zeugen (loi fédérale du 11 décembre 2001 portant harmonisation de la protection apportée aux témoins menacés; ZSHG)115. Son domaine d'application se limite aux personnes dont le témoignage dans une procédure pénale est indispensable ou essentiel à l'établissement des faits ou à la détermination du lieu de séjour de l'accusé. Avec leur consentement, elles peuvent bénéficier d'une protection conformément à la ZSHG si, du fait de leur volonté de témoigner, leur vie, leur intégrité corporelle, leur santé, leur liberté ou, dans une large mesure, leurs biens sont en danger et que ces personnes se prêtent à des mesures de protection des témoins.

Selon le § 5 de la ZSHG, les services publics, les entreprises et les particuliers peuvent, sur demande du Service de protection des témoins de la Fédération ou des Länder, établir des documents d'identité d'emprunt pour la personne protégée ou pour les agents du service, et procéder aux inscriptions nécessaires dans les registres.

En Allemagne, le registre de l'état civil n'est pas encore centralisé et il est interdit d'y effectuer des modifications. Par contre, si le but est suffisamment restreint, il est possible d'établir des extraits modifiés du registre. A titre préventif, on commence 112

Recommandation Rec (2005) 9 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des témoins et des collaborateurs de justice et rapport explicatif, Strasbourg, 2005.

113 Recommandation Rec (2001) 11 du Comité des Ministres concernant des principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé; recommandation 1325 (1997) relative à la traite des femmes et à la prostitution forcée dans les Etats membres du Conseil de l'Europe; recommandation no R (2000) 11 sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle; convention pénale sur la corruption (STE no 173 du 27 janvier 1999).

114 Gesetz über das Bundeskriminalamt und die Zusammenarbeit des Bundes und der Länder in kriminalpolizeilichen Angelegenheiten (BKAG), 7 juillet 1997 (BGBl. I p. 1650).

115 Gesetz zur Harmonisierung des Schutzes gefährdeter Zeugen (ZSHG), 11 décembre 2001 (BGBl. I p. 3510).

62

en général par éloigner la personne à protéger de son lieu de vie et par la loger en un autre endroit, sous une identité d'emprunt. Les autres mesures envisageables dans le cadre d'un programme consistent notamment à fournir des conseils en matière de comportement et un soutien psychologique, à subvenir provisoirement aux frais courants, à fournir de l'aide en matière de recherche de travail et de prise en charge des enfants, et à effectuer des tâches d'observation à des fins de protection116. La décision de mettre en place un programme de protection pour une personne et les mesures requises relèvent de la direction du Service de protection des témoins117.

3.5.6.2

Autriche

En 1998, l'Autriche a créé un bureau national de protection des témoins (nationales Zeugenschutzbüro) en tant que service central au sein du ministère fédéral de l'Intérieur (Bundesministerium des Inneren, BMI). Ce bureau est rattaché à l'Office fédéral de la police judiciaire (Bundeskriminalamt), division Services d'assistance de la police judiciaire (Kriminalpolizeiliche Assistenzdienste)118. L'Autriche ne dispose pas d'une loi proprement dite sur la protection des témoins. L'activité du bureau repose sur le mandat de protection formulé au § 22, al. 1, ch. 5, de la loi autrichienne sur la police de sécurité (Sicherheitspolizeigesetzes; SPG)119; cette protection s'adresse aux personnes qui peuvent donner des renseignements sur une attaque dangereuse ou une association criminelle et qui sont de ce fait particulièrement menacées, associée à la possibilité d'une atténuation de peine extraordinaire conformément au § 41a du code pénal autrichien120 pour les personnes qui collaborent avec les autorités de poursuite pénale dans le domaine de la criminalité organisée.

Une admission dans le programme de protection des témoins du ministère fédéral de l'Intérieur entre concrètement en ligne de compte si l'on suppose qu'une personne qui contribue ou a contribué à élucider un crime par des renseignements utiles, surtout un délit relevant de la criminalité organisée, est menacée d'agressions mettant en danger sa vie, sa santé, sa liberté et les bonnes moeurs ou que ses moyens d'existence sont menacés de destruction121. Deux autres conditions sont la fiabilité et l'aptitude de la personne à protéger, qui doit comprendre les impératifs de sécurité et agir en conséquence. La direction du Service de protection des témoins peut ordonner les mesures de protection nécessaires. La personne protégée et les collaborateurs du bureau peuvent bénéficier d'un changement d'identité. Conformément au

116 117

118

119

120 121

Cf. commentaires relatifs à la ZSHG.

Dans d'autres pays, la police (Service de protection des témoins ou chef de la police) possède des compétences de décision; par ex. l'Autriche, la Grande-Bretagne, l'Ecosse, la Norvège, la Pologne, la Lituanie, la Slovaquie, l'Australie et le Canada.

Cette division rassemble également l'observation, l'investigation secrète, la cybercriminalité et la recherche ciblée; cf. le site internet suivant: http://www.bmi.gv.at/cms/BK/wir_ueber_uns/abteilung_5/Buero_5_4.aspx Bundesgesetz über die Organisation der Sicherheitsverwaltung und die Ausübung der Sicherheitspolizei (Sicherheitspolizeigesetz, SPG / loi fédérale sur l'organisation de la sécurité et l'activité de la police administrative), BGBl. no 566/1991.

Bundesgesetz über die mitgerichtlicher Strafe bedrohten Handlungen (Strafgesetzbuch, StGB / code pénal autrichien), 23 janvier 1974, BGBl. no 1974/60.

Cf. commentaires relatifs à la signature de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. 1565 des annexes XXII.GP-Staatsvertrag, p. 21.

63

§ 54a SPG, les autorités sont tenues d'établir les nouveaux documents d'identité sur demande du ministère de l'Intérieur.

En avril 2010, les tâches du bureau de protection des témoins ont été étendues à la protection des victimes fortement menacées (VHR = Victims at Highest Risk). Il s'agit notamment de victimes menacées qui témoignent contre les membres d'une organisation criminelle lors d'un procès, sans pour autant remplir les conditions d'admission au programme de protection des témoins (par exemple en raison du manque de connaissances pertinentes). Un autre groupe est formé par les personnes faisant face à des menaces extrêmes dans le contexte d'infractions graves d'origine culturelle ou ethnique (crime d'honneur) ou d'autres graves atteintes aux droits de l'homme.

Les personnes qui ne sont pas admises dans les programmes de protection du ministère fédéral de l'Intérieur doivent être protégées par les polices des Länder dans la mesure où elles ont besoin de protection.

3.5.6.3

Italie

L'Italie a été le premier pays européen à introduire une réglementation de la protection des témoins. La première loi 82/1991 est entrée en vigueur le 15 mars 1991 et prévoyait des mesures spéciales de protection pour les personnes coopérant avec la justice (nouvelle identité, relocalisation, soutien financier et aide à la réinsertion sociale). Les mesures spéciales de protection sont destinées aux coaccusés et aux témoins qui coopèrent et dont les dépositions sont utilisées dans la procédure pénale.

La décision d'appliquer ces mesures de protection est prise sur demande du Ministère public par un comité interdisciplinaire qui apprécie notamment la gravité de la menace et l'insuffisance des mesures générales de protection policière122. La mise en oeuvre de la protection est du ressort du Service de protection des témoins spécialement créé à cet effet au sein du ministère de l'Intérieur.

3.5.6.4

France

En France, depuis le 9 mars 2004, le code de procédure pénale contient, à l'art. 70663-1, une disposition visant la protection des personnes co-accusées et repenties qui ont participé à la résolution d'une infraction. Cette disposition prévoit entre autres l'établissement d'une identité d'emprunt en faveur de la personne à protéger. Mis à part cette mesure spéciale qui ne concerne que les complices, il manque à la France les bases légales et les structures étatiques permettant la réalisation à long terme et de manière ciblée de mesures extraprocédurales de protection des témoins. En ce qui concerne la protection de témoins dans le cadre d'une procédure pénale, des mesures légales procédurales sont prévues à titre exceptionnel, comme la possibilité d'anonymiser des témoignages.123

122

Sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'Intérieur, deux juges/procureurs et cinq magistrats et hauts fonctionnaires.

123 En droit français, les mesures de protection procédurales se trouvent aux articles 706-57 ss, Titre XXI De la protection des témoins, du Code de procédure pénale.

64

3.6

Classement des interventions parlementaires

Après avoir été adoptée par le Conseil national, puis par le Conseil des Etats, la motion de la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer a été transmise le 17 décembre 2008; elle charge le Conseil fédéral de signer la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et d'enclencher sans attendre les mesures de mise en oeuvre nécessaires à sa ratification (08.3401, Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Signature et ratification). Sur la base des explications contenues dans le présent message, il convient de classer cette motion.

4

Ltém: commentaire des différentes dispositions

4.1

Chapitre 1

Art. 1

Dispositions générales

Objet

La réglementation prévue vise la mise en place d'un Service de protection des témoins au niveau de la Confédération. Ce service mettra en oeuvre des programmes de protection destinés aux personnes qui sont menacées en raison de leur collaboration dans le cadre de procédures pénales. Les programmes de protection des témoins créent une césure importante dans la vie des personnes concernées, nécessitent un personnel nombreux et sont très coûteux. En raison des risques importants que peuvent entraîner les déclarations de témoins, ces dernières doivent être utilisées en priorité lorsqu'il s'agit d'élucider des infractions relevant de la grande criminalité et que le témoin peut apporter un témoignage essentiel. Si ce n'est pas le cas, il convient alors de renoncer à écouter le témoin en question, ce qui contribue généralement à faire diminuer les menaces dont il est l'objet.

S'il n'est pas possible de mettre en place des mesures de protection sur la base de la Ltém, par exemple parce que les conditions fixées ci-après ne sont pas remplies, la protection continue d'être régie par les dispositions générales du droit cantonal en matière de lutte contre les dangers. Indépendamment de l'existence d'un programme de protection des témoins, les différentes possibilités offertes par la LAVI peuvent être appliquées pour certains aspects particuliers. Celles-ci restent néanmoins toujours subsidiaires par rapport aux mesures de protection et de soutien visées par la Ltém (art. 4, al. 1 LAVI).

Le témoin conserve toutefois son droit de refuser de témoigner, qu'il peut invoquer en tout temps en vertu de l'art. 169, al. 3, CPP si son témoignage ou sa volonté de déposer l'exposent à un danger sérieux menaçant sa vie ou son intégrité corporelle ou à un autre inconvénient grave.

Art. 2

Champ d'application

La Ltém s'applique aux personnes qui sont ou peuvent être exposées, du fait de leur collaboration ou de leur volonté de collaborer, dans le cadre d'une procédure pénale menée par la Confédération ou les cantons, à un danger sérieux menaçant leur vie ou leur intégrité corporelle ou à un autre inconvénient grave et sans les indications desquelles l'élucidation d'infractions graves serait entravée d'une manière disproportionnée (al. 1).

65

La protection de personnes indépendamment d'une procédure pénale, par exemple avant l'ouverture de la procédure pénale, est une mesure de protection d'ordre général contre les menaces et relève encore de la compétence cantonale en matière de police. Certaines demandes émises lors de la consultation visant à étendre le champ d'application de la protection des témoins ou même à dissocier complètement les mesures de protection de la procédure pénale n'ont pas été prises en compte notamment parce que la Confédération ne dispose que de compétences limitées en la matière. Par contre les cantons peuvent étudier les besoins de protection d'une victime avant le début de la procédure pénale et utiliser le dossier, après l'ouverture de la procédure en question, pour justifier une demande de protection des témoins.

Le projet de loi vise ici les personnes menacées qui détiennent des informations utiles pour l'issue de la procédure dans le cadre d'enquêtes sur la grande criminalité, notamment sur le crime organisé et le terrorisme. Il s'agit d'éviter, dans l'intérêt de la poursuite pénale, que ces personnes refusent de témoigner en vertu du droit de refuser de témoigner ou en l'absence d'obligation de déposer (par exemple pour les personnes appelées à fournir des renseignements). L'Etat est tenu de prendre les mesures de protection requises et appropriées envers les personnes qui seraient menacées.

Comme dans le domaine de la protection procédurale des témoins124, la notion de témoin ne doit pas être restreinte à la définition qu'en donne le droit de la procédure pénale, mais s'étend à toute personne pouvant fournir des informations sur les faits ou devant s'exprimer durant la procédure et qui peut ainsi influencer le cours de la procédure125. Les actes d'intimidation et de vengeance peuvent prendre pour cible des témoins occasionnels et des témoins lésés, mais aussi des participants entendus comme témoins, qui sont formellement entendus comme personnes appelées à donner des renseignements126. De plus, les témoins dits témoins par profession, c'est-à-dire des policiers ou des agents infiltrés qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ont fait des constatations importantes pour la procédure pénale, sont plus susceptibles de subir des représailles. Cela vaut également pour les autres personnes impliquées dans la
procédure pénale pour des raisons professionnelles et qui peuvent ainsi influencer la procédure (experts, traducteurs). Un mandat de protection institutionnalisé confié à l'Etat dans le but de lutter contre ces risques doit aussi s'étendre à ces catégories de personnes. Comme dans le cas de la protection procédurale des témoins, les procureurs généraux et les juges n'entrent pas dans le champ d'application.

Les proches des personnes à protéger selon l'al. 1 entrent aussi dans le champ d'application de la loi, conformément à l'al. 2. Cette extension résulte du fait qu'un témoin ou un prévenu, même s'il était disposé à témoigner sans tenir compte du danger auquel il est exposé, ne le serait plus si des personnes qui lui sont proches étaient menacées. Les mesures de protection des témoins peuvent ainsi concerner dans un cas d'espèce des proches du témoin, par exemple si une famille entière change de lieu de domicile. Concernant le degré de relation, il convient de se référer à l'art. 168, al. 1 à 3, CPP. Cet article contient une énumération des personnes pou124 125

Cf. art. 98a PPM et 149 CPP.

Cette extension de la notion de témoin est également acceptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'homme et les tribunaux pénaux internationaux; cf. ATF 125 I 127 132, consid. 6a.

126 Concernant les catégories de témoins, cf. message du 22 janvier 2003 concernant la modification de la procédure pénale militaire, FF 2003 693 701 ss.

66

vant refuser de témoigner en raison des liens personnels qui les unissent au prévenu et qui sont susceptibles d'encourir des risques autorisant le témoin à demander des mesures procédurales de protection.

Enfin, la loi s'applique, conformément à l'al. 3, aux personnes faisant l'objet d'un programme de protection des témoins d'un Etat étranger ou d'une cour pénale internationale et qui, pour des raisons de sécurité, ont été amenées en Suisse. Le chapitre 2, sections 4 et 5, de la loi s'applique pour autant qu'aucun traité international ne contienne des dispositions contraires.

4.2

Chapitre 2

Programme de protection des témoins

4.2.1

Section 1

Définition, but et contenu

Art. 3

Définition

Un programme de protection des témoins requiert le consentement de la personne concernée; il est mis en place à titre individuel par l'autorité compétente dans le cadre d'une procédure spéciale.

Les mesures extraprocédurales interviennent en règle générale lorsque les mesures procédurales ne suffisent plus du fait que l'auteur connaît le témoin ou peut l'identifier sans difficulté sur la base de son témoignage. Cependant, les mesures procédurales prévues dans le CPP jouent également un rôle dans les programmes de protection des témoins. Lorsque la personne obtient une nouvelle identité, elle doit pouvoir garder le secret sur ce nom et sur les informations relatives à son nouveau lieu de domicile et de séjour. La personne peut en outre faire une demande de protection procédurale ou invoquer son droit de refuser de témoigner (cf. art. 16).

Art. 4

But

Un programme de protection des témoins a pour but de protéger une personne menacée et ses proches au sens de l'art. 2, al. 2, tant que la menace persiste. Ces personnes sont menacées parce qu'elles étaient ou sont prêtes à faire une déposition dans le cadre d'une procédure pénale et à coopérer avec les autorités de poursuite pénale. La protection des témoins sert ainsi à assurer les exigences de l'Etat en matière de poursuite pénale dans la mesure où l'Etat souhaite empêcher que la personne menacée invoque son droit de refuser de témoigner.

Etant donné qu'en règle générale la personne doit être éloignée de son environnement quotidien habituel, être protégée en conséquence et réintégrée dans un nouvel environnement social éloigné du premier, l'un des autres buts du programme de protection de témoins consiste à conseiller et soutenir la personne dans ses démarches personnelles et à administrer ses biens. Il s'agit de l'assister lors de ses démarches auprès des autorités et de faire valoir ses exigences envers des privés ou des services publics127, de l'aider à trouver une place de travail ou un appartement, de lui apporter un soutien psychologique ou toute autre aide s'avérant nécessaire du fait de sa participation à un programme de protection des témoins.

127

Cf. art. 13 s.

67

Art. 5

Contenu

Les mesures extraprocédurales prises dans le cadre d'un programme de protection des témoins ont pour but de protéger une personne menacée en dehors des actes de procédure à proprement parler, c'est-à-dire non seulement pendant la procédure, mais également après la clôture de cette dernière. On citera par exemple le conseil sur la manière de se comporter, la mise à disposition d'instruments tels qu'un nouveau numéro de téléphone portable ou un système d'alarme, la protection personnelle, l'aide en cas de déménagement ou en cas de blocage des données, le logement provisoire dans un lieu sûr, l'aide en cas de changement de nom (art. 30 CC), la constitution d'une nouvelle identité provisoire, etc. Cette disposition précise les mesures essentielles dans un but de clarification. Une nouvelle identité provisoire est établie pour la durée nécessaire. Il est ainsi garanti que ces mesures peuvent durer aussi longtemps que la protection est nécessaire (cf. art. 19).

4.2.2

Art. 6

Section 2 Elaboration du programme de protection des témoins Demande

La demande de mise en place d'un programme de protection des témoins est déposée par la direction de la procédure, en général sur la base des investigations en cours et des recommandations des autorités de police chargées de l'enquête (al. 1).

Dans la plupart des cas, il est nécessaire de protéger les témoins avant même la procédure principale ou la procédure de recours. L'auteur de la demande est par conséquent en priorité le ministère public compétent. Si ce dernier ne prend pas l'initiative de la demande, la personne qui témoigne ou son représentant légal doivent adresser la demande eux-mêmes au ministère public. Si la direction de la procédure refuse de déposer une demande d'admission dans un programme de protection, la personne concernée peut s'opposer à cette décision en saisissant les voies de recours prévues dans les procédures pénales. On pense en premier lieu à un recours conformément aux art. 393 ss CPP. En raison des contrôles prévus par la procédure, on peut faire renoncer à étendre le droit formel de déposer une demande à la personne à protéger ou à des tiers, comme cela a été demandé par une partie des participants à la consultation. De plus, seule la direction de la procédure dispose des informations nécessaires pour pouvoir juger de la nécessité d'une demande de protection au regard des objectifs à atteindre lors de cette procédure.

Dans la pratique, il sera important que ni la police ni le ministère public ne fassent de promesses à la personne à protéger quant à une éventuelle admission dans un programme de protection.

Dans de rares cas, la mise en place d'un programme de protection des témoins peut se révéler nécessaire après la clôture de la procédure pénale. Cela peut être indiqué, par exemple, lorsqu'un acte de vengeance contre un témoin ou ses proches est à craindre, suite à une condamnation prononcée grâce à ses déclarations. Dans ces cas, la menace ne se manifeste qu'après la clôture de la procédure. L'autorité responsable de déposer la demande de protection est alors celle qui a pris la décision ayant entraîné la clôture de la procédure (al. 2). Il s'agit en général du tribunal qui a jugé l'affaire.

68

La demande doit être dûment motivée et préciser notamment l'intérêt public à l'élucidation de l'infraction poursuivie, l'importance que revêt le témoignage pour la procédure pénale et l'ampleur de la menace (al. 3). L'admission dans un programme de protection des témoins conformément aux dispositions de la Ltém pose comme préalable que la recherche de l'état de fait ou l'enquête visant des prévenus ne peuvent aboutir ou qu'elles seraient entravées d'une manière disproportionnée sans le témoignage de la personne à protéger (cf. art. 2, champ d'application). La direction de la procédure doit préciser ce point dans sa demande. Le témoignage est un critère important pour la mise en place d'un programme de protection des témoins.

Même si le témoignage de la personne perd ensuite de son importance au cours de la procédure du fait que d'autres preuves ont été apportées, cette personne peut demander une protection en vertu de la Ltém si elle reste menacée. Aucune liste des infractions donnant expressément lieu à un programme de protection des témoins n'a été dressée. La mise en place d'un programme de protection des témoins devrait être envisageable en principe pour toutes les infractions et la décision devrait être prise dans le respect des principes de la proportionnalité et de la subsidiarité.

Il est nécessaire d'apporter une limitation dans la mesure où l'admission dans un programme de protection des témoins n'est autorisée que pour les infractions dont l'élucidation présente un intérêt public prépondérant, à savoir en particulier celles qui relèvent du terrorisme, du crime organisé ou de la grande criminalité.

Pour déterminer le degré de la menace, le Service de protection des témoins se fonde sur l'évaluation figurant dans la demande. Il peut procéder lui-même à d'autres éclaircissements.

La demande et la correspondance s'y référant ne font pas partie des dossiers de la procédure pénale (al. 4), ce qui permet d'éviter que l'accusé reçoive des informations qui rendraient la position de la personne disposée à témoigner encore plus dangereuse.

Si la menace change, si de nouvelles circonstances présentant un risque apparaissent ou si les risques disparaissent, le Service de protection des témoins doit en être informé sans retard et spontanément, y compris durant la procédure.

Le Conseil fédéral règle les modalités de la demande et de la correspondance dans une ordonnance (al. 5).

Art. 7

Examen de la demande

Avant de décider si un programme de protection des témoins doit être mis en place, le Service de protection des témoins mène un examen complet, notamment en vue d'établir si la personne à protéger est apte à faire l'objet d'un programme de protection des témoins et de vérifier si les autres critères visés à l'al. 1 sont remplis: a.

la pertinence du danger: avant d'ordonner des mesures de protection, il faut que la personne directement concernée ou ses proches soient exposés à un danger sérieux menaçant leur vie ou leur intégrité corporelle ou à un autre inconvénient grave. Il existe plusieurs types de menaces possibles, comme les menaces verbales ou écrites (par exemple menaces de mort), les agressions physiques et les mauvais traitements, les menaces adressées aux proches ou l'envoi d'objets à caractère symbolique. Le danger n'est pas dû ici à des circonstances abstraites, mais il existe au contraire des éléments concrets qui rendent vraisemblable l'apparition d'un dommage pour les biens juridi69

ques cités. Il convient d'établir une analyse des risques dans chaque cas d'espèce; b.

l'aptitude de la personne: la personne doit posséder les aptitudes requises pour être admise dans un programme de protection des témoins. L'aptitude fait par exemple défaut si la personne à protéger n'est pas disposée à contribuer aux mesures de protection ni à suivre les consignes en la matière, fournit de fausses indications, ne se tient pas à ce qui a été convenu, refuse de tenir le secret ou commet des infractions. Le Service de protection des témoins peut s'associer les services de spécialistes lorsqu'il s'agit d'examiner l'aptitude d'une personne à être admise dans un programme, si les collaborateurs du service ne disposent pas de l'expertise requise (par exemple pour des évaluations psychologiques);

c.

l'existence de peines antérieures ou d'autres circonstances qui pourraient présenter un risque pour la sécurité publique ou pour les intérêts divergents d'une tierce personne si la personne faisait l'objet d'un programme de protection des témoins: des actes préalables de délinquance n'empêche pas en soi une admission dans un tel programme, mais il convient d'examiner dans le cas d'espèce si le comportement d'alors constituerait un motif de refus d'admission dans le programme. En assurant un suivi étroit du témoin, le Service de protection des témoins entend éviter les abus que pourrait commettre un témoin protégé (par exemple lors du choix du nouvel emploi);

d.

l'insuffisance des mesures mises en oeuvre par les cantons en vue de prévenir des menaces d'une manière générale ou de garantir des mesures procédurales de protection des témoins selon les art. 149 à 151 CPP: avant que les mesures les plus lourdes soient mises en place dans le cadre d'un programme de protection des témoins conformément à la loi en question, les autres possibilités de protection doivent être considérées par la direction de la procédure. Il convient notamment d'étudier si des services tiers peuvent avoir la compétence de prendre de telles mesures (par exemple les polices cantonales ou les tribunaux des mesures de contrainte). Les différentes recherches à cet égard doivent être consignées dans la demande;

e.

un intérêt public prépondérant à la poursuite pénale: l'intérêt public à l'élucidation de l'infraction, pour lequel on doit envisager qu'une personne puisse être mise en danger du fait de sa participation, est un élément essentiel pour déterminer l'opportunité de la protection extraprocédurale d'un témoin. La condition de l'intérêt public prépondérant à la poursuite pénale est en général remplie s'il s'agit d'élucider des infractions pénales graves.

En cas d'infraction pénale mineure, on peut imaginer qu'il y ait également un intérêt public prépondérant à la poursuite pénale, pour des raisons politiques par exemple. Si, malgré une menace importante, il ne s'agit pas de l'une de ces infractions, il convient de renoncer au témoignage au profit de la sécurité du témoin. Il convient également de renoncer à utiliser des témoignages dont l'importance n'est pas primordiale pour la procédure pénale.

Ainsi, la menace pesant sur ces personnes en sera atténuée d'autant.

La vérification des critères d'aptitude devra comprendre plusieurs étapes (entretien, questionnaire, évaluation psychologique) et, si nécessaire, être effectuée en association avec des spécialistes ou des personnes spécifiquement formées. Il s'agira en

70

particulier de clarifier la situation financière de la personne concernée (capacité à subvenir elle-même à ses besoins, dettes non réglées, etc.).

Dans le cadre de ces entretiens, il est indispensable que le Service de protection des témoins informe clairement la personne à protéger des possibilités, des limites et des conditions de la protection. Il convient d'indiquer à la personne à protéger dans quel cadre il sera possible de la protéger, ce qu'on attend d'elle au niveau de la collaboration et les restrictions qui seront nécessaires à sa protection (par exemple renoncer à ses contacts habituels, ne pas commettre d'infractions, etc.).

Il peut s'avérer nécessaire, dès l'étape de la procédure d'examen, effectuée selon des critères minutieux, que le Service de protection des témoins ordonne les premières mesures urgentes (al. 3). Suivant les circonstances, de telles mesures peuvent être ordonnées par l'autorité de poursuite pénale chargée de la procédure avant même le dépôt d'une demande protection. Le Service de protection des témoins ne s'occupera alors plus que du conseil et du soutien (art. 23, al. 1, let. e). Ces mesures urgentes conduisent à une atténuation de la menace, et par conséquent, de l'urgence. Dès lors, il est possible de renoncer à l'introduction de délais légaux limitant la durée de l'examen et la prise de décision concernant la demande.

Art. 8

Décision

Le directeur de l'Office fédéral de la police décide, sur demande du Service de protection des témoins, de l'admission d'une personne au programme de protection des témoins. Dans sa demande, le service donne une recommandation d'acceptation ou de rejet en se fondant sur les résultats de la procédure d'examen et sur son pouvoir d'appréciation.

Lorsqu'il s'agit de décider si une personne doit être admise ou non dans un programme de protection des témoins, conformément à l'al. 1, il convient de prendre en considération principalement les critères ayant fait l'objet d'une évaluation par le Service de protection des témoins dans le cadre de la procédure d'examen visée à l'art. 7, al. 1.

Conformément à l'al. 3, la décision du directeur de l'Office fédéral de la police constitue une décision au sens de l'art. 5 PA et doit être motivée. Les prescriptions de forme, et notamment les voies de recours, sont définies par la PA. En plus de la personne à protéger, la décision est adressée à l'autorité qui en a fait la demande en raison de son intérêt central. De plus, la loi lui octroie un droit de recours spécial.

Afin de protéger la personne concernée, ces documents ne font pas partie des dossiers de la procédure pénale (cf. art. 6). Après la décision d'admission positive, seule l'information indiquant qu'un programme de protection des témoins est effectivement mis en place figurera dans le dossier de la procédure pénale.

Art. 9

Consentement de la personne à protéger et démarrage du programme

Une personne ne peut pas être admise dans un programme de protection des témoins sans qu'elle ou son représentant légal y donne son consentement. La nécessité du consentement indique clairement que les mesures de protection prévues par la loi en question ne sont pas autorisées si elles s'opposent à la volonté de la personne à protéger. Le témoin doit être disposé à soutenir activement les mesures prises et à contribuer à leur succès. Le témoin reste libre de décider de mettre fin en tout temps au programme de protection de témoins et aux mesures qui y sont liées.

71

Le consentement implique que la personne à protéger a été informée du déroulement du programme de protection des témoins, de ses droits, de ses obligations (par exemple l'interdiction de commettre des actes de délinquance) et des conséquences de leur violation.

En consentant à être admise dans le programme, la personne à protéger confirme qu'elle a été informée conformément à l'al. 1 de la disposition. Si la personne à protéger ne peut pas donner par elle-même un consentement juridiquement valable, par exemple parce qu'il s'agit d'un enfant, le consentement peut être donné par le représentant légal.

Art. 10

Modification du programme de protection des témoins

Des modifications de certaines mesures de protection des témoins peuvent, dans certaines circonstances, avoir une influence majeure sur la vie de la personne protégée. Pour cette raison, la compétence de décision pour toute modification essentielle dans un programme de protection des témoins relève du directeur de fedpol.

4.2.3

Art. 11

Section 3 Fin du programme de protection des témoins et poursuite du programme après clôture de la procédure pénale Fin du programme

L'al. 1 de la disposition fixe les conditions dans lesquelles il peut être mis un terme à la protection des témoins. Outre la disparition de la menace, le programme de protection des témoins peut être clos en cas de violation grave des conditions convenues, sous réserve du principe de proportionnalité. Indépendamment du fait que la violation répétée des obligations conduit à l'impossibilité de mener à bien la protection des témoins, elle peut aussi mettre en danger les collaborateurs du Service de protection des témoins. Une clôture au sens de la let. b peut par exemple être due à un comportement criminel durant la mesure de protection ou à la reprise de relations avec le milieu criminel.

Tant qu'aucune décision passée en force ne clôt la procédure pénale, il ne peut être mis fin au programme de protection des témoins qu'après entente avec la direction de la procédure compétente. Durant une procédure en cours, les décisions concernant la protection des témoins sont déterminantes pour le développement de la procédure, dont la direction de la procédure a la responsabilité. Il est par conséquent nécessaire de coopérer étroitement avec la direction de la procédure tant qu'aucune décision passée en force ne clôt la procédure pénale. Dès lors que la procédure principale se trouve au stade du tribunal de première instance, il convient de consulter également le Ministère public (al. 2) en raison de ses intérêts. Malgré cela, la compétence en dernier recours en ce qui concerne les intérêts de protection extraprocédurale des témoins, y compris pour y mettre un terme, relève du directeur de fedpol.

Si un besoin de protection subsiste après la fin du programme de protection des témoins conformément à la loi en question, les mesures ad hoc sont prises par le

72

canton compétent en fonction du mandat général de prévention des risques de la police.

Conformément à l'al. 3, il doit en toute circonstance être mis fin au programme de protection des témoins si la personne à protéger en fait expressément la demande. La décision de mettre fin au programme ne doit pas être prise sur un coup de tête, mais après un délai de réflexion et doit donner lieu à un examen approfondi et détaillé de ses répercussions. Le Conseil fédéral fixe les modalités de la fin du programme de protection de témoins (al. 4).

Art. 12

Poursuite du programme de protection des témoins après clôture de la procédure pénale

Les mesures de protection des témoins sont maintenues au-delà de la clôture de la procédure pénale aussi longtemps que la menace persiste et que la personne concernée consent à ce que le programme de protection des témoins soit poursuivi.

4.2.4 Art. 13

Section 4 Droits et obligations de la personne à protéger Prétentions de tiers envers la personne à protéger

Les mesures de protection des témoins ne doivent pas altérer le statut juridique des tiers. Il doit être possible de continuer à faire valoir les prétentions de tiers, tels qu'un créancier privé ou le service des contributions. Le Service de protection des témoins doit faire en sorte que les mesures de protection n'entravent pas la joignabilité de la personne à protéger pour l'exécution de tout rapport juridique. Lors de la consultation, certains ont posé la question de savoir si cette réglementation suffirait à éviter les conflits entre les tiers et la protection des témoins. Il faut constater à cet égard que le Service de protection des témoins, étant donné la diversité des situations possibles, devra de toute façon s'adapter au cas par cas, même si l'on édictait une réglementation plus détaillée. Vu la quantité quasi infinie de cas de figure et en prenant en considération la marge de manoeuvre nécessaire au Service de protection des témoins, il convient de renoncer à une réglementation plus dense en la matière.

Cette conclusion se fonde également sur les expériences réalisées à l'étranger avec une réglementation semblable, dont les résultats ont été positifs.

Avant d'admettre une personne dans un programme de protection des témoins, le Service de protection des témoins doit parvenir à une vue d'ensemble de la situation juridique et financière de la personne à protéger. Pour ce faire, il est autorisé à collecter des données en vertu des art. 26 et 27 Ltém. L'obligation de coopérer à laquelle est soumise la personne à protéger, qui consiste à prendre acte des prétentions de tiers et à les régler, est en outre expressément réglée à l'al. 1 du présent article.

A noter que le Service de protection des témoins ne peut intervenir dans ce contexte qu'à titre d'intermédiaire en matière d'information (par exemple demander à un collaborateur du Service de protection des témoins d'intervenir en tant que mandataire possédant une procuration). La protection des témoins ne peut et ne doit pas privilégier les créanciers d'une personne à protéger; en particulier, le Service de

73

protection des témoins ne peut pas faire en sorte que les prétentions soient satisfaites.

Art. 14

Prétentions de la personne à protéger envers des tiers

L'al. 1 précise qu'en vertu de la Ltém, les prétentions de la personne à protéger envers des tiers, par exemple des assurances sociales, des assurances privées et des débiteurs privés, ne sont affectées en rien par les mesures de protection des témoins.

L'aide sociale, les assurances et les autres formes de prestations (par exemple allocations familiales versées par l'employeur) sont accordées en fonction des conditions liées à la prestation et sont également vérifiées par les fournisseurs de prestations.

Le Service de protection des témoins peut intervenir auprès de tiers au nom et à la demande de la personne à protéger s'il a reçu la procuration requise. Lors de cette démarche, il n'est pas tenu de mentionner le fait qu'une personne est protégée à titre de témoin. Cependant, le droit à des prestations d'assurances sociales et d'autres prestations peut être assorti de certaines conditions factuelles qui, dans certaines circonstances, ne sont pas remplies en raison d'un changement de domicile ou d'emploi imputable à la protection des témoins. Un mandataire légal pourrait également être dans l'impossibilité de faire valoir certaines exigences. L'al. 2 vise à empêcher qu'une personne ne puisse pas profiter de prestations pour la seule raison que les mesures de protection des témoins mises en place ont pour conséquence de ne pas remplir une condition nécessaire au versement de ces prestations. Le Service de protection des témoins doit dans ce cas fournir aux éventuels fournisseurs de prestations les informations nécessaires au contrôle des conditions donnant droit au soutien.

Pour répondre à la question posée lors de la consultation, à savoir si cette réglementation est suffisante, il convient de renvoyer aux explications données pour l'article 13: vu la multitude des cas de figure et en considérant la marge de manoeuvre nécessaire au Service de protection des témoins, il convient de renoncer à une réglementation plus dense en la matière.

Art. 15

Prestations financières du Service de protection des témoins

En règle générale, le changement de centre de vie d'une personne à protéger entraîne pour elle la perte, du moins provisoire, de sa source de revenus. Assurer les frais courants du témoin constitue toutefois une condition sine qua non de la protection des témoins. La personne à protéger a besoin, selon les circonstances, d'un soutien économique jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de subvenir à ses propres besoins.

Aussi longtemps que la personne à protéger ne peut pas recourir à ses propres moyens ou que les prestations au sens de l'art. 14 d'autres fournisseurs de prestations ne sont pas (encore) disponibles, l'al. 1 offre la possibilité d'un soutien économique provisoire par le Service de protection des témoins. Ce soutien doit être fourni dans les proportions exigées par la protection et celles imposées par le coût de la vie. Le témoin est soumis à une obligation de coopérer en ce sens qu'il doit communiquer des informations sur ses revenus, ses valeurs patrimoniales ou ses obligations familiales d'assistance. De plus, le Service de protection des témoins peut également collecter des données en vertu de l'art. 27 Ltém.

Quant au montant alloué pour ces prestations, on applique le principe que l'entretien de la personne est certes assuré, mais qu'elle n'obtient pas d'avantages financiers 74

injustifiés par son admission dans le programme. Cette mesure permet aussi d'éviter le reproche selon lequel la déclaration de la personne à protéger aurait été «achetée» en échange d'avantages illicites. L'aide financière est par conséquent calculée en fonction du revenu licite perçu jusque-là, des obligations familiales d'assistance, des besoins requis par la sécurité (par exemple l'appartement, qui, pour des raisons de sécurité, peut nécessiter un équipement plus complet que le domicile précédent). La durée du soutien est limitée à la période nécessaire. Des prestations sont fournies envers les proches pour autant que ceux-ci vivent avec la personne à protéger de manière permanente ou que des obligations alimentaires sont prévues par la loi. Si le témoin doit faire face à des dépenses dépassant le cadre des accords convenus, il doit les prendre à sa charge. Bien que la personne à protéger ne doive subir aucun dommage financier en raison de sa participation à la procédure, si la situation économique permet au témoin de subvenir lui-même à ses besoins sans limitation, les prestations peuvent ne pas être versées.

C'est également le cas si la personne à protéger perçoit un revenu licite particulièrement élevé et que ses frais d'entretien sont pour elle tout aussi élevés: ces derniers ne pourront pas être compensés en vertu du principe de la proportionnalité. Comme mesure étalon pour déterminer la limite inférieure du soutien, il convient d'appliquer les chiffres de l'aide sociale en vigueur dans le dernier lieu de séjour (al. 2), de telle sorte que même en l'absence de revenu licite jusqu'ici, le minimum vital soit garanti.

L'al. 3 précise que les prestations du Service de protection des témoins dont une personne à protéger aurait bénéficié de manière déloyale (par exemple si elles ont été accordées sur la base d'indications délibérément erronées) peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Art. 16

Participation aux procédures

Le cas échéant, la nouvelle identité sous laquelle la personne à protéger vit au moment d'une procédure judiciaire ou administrative de la Confédération, d'un canton ou d'une commune dans laquelle elle est impliquée, de même que son lieu de séjour actuel, ne doivent pas être divulgués afin de ne pas risquer d'accroître la menace pesant sur elle. Une personne munie d'une nouvelle identité va certes déposer son témoignage devant les tribunaux sous son ancienne identité, mais elle doit pouvoir refuser de fournir des informations sur son nouveau nom ou son lieu de domicile ou de séjour. Dans la mesure où il existe des réglementations allant dans ce sens, il est possible de renoncer à fournir de telles informations en demandant une protection procédurale de témoins et, si cette protection ne suffit pas, en refusant de témoigner pour cause de menaces. Le CPP prévoit de telles réglementations (art. 149 et 169, al. 3), de même que les dispositions de la procédure pénale militaire du 23 mars 1973128. Sont applicables les procédures visées dans les normes qui prévoient expressément une protection procédurale de témoins, comme le droit de refuser de témoigner. Pour toutes les autres procédures, le témoin peut invoquer l'art. 21 Ltém.

Conformément à l'al. 1, une personne à protéger est ainsi autorisée à ne fournir des indications que sur son ancienne identité et à refuser, en vertu de la protection des

128

RS 322.1

75

témoins, de fournir des informations permettant de tirer des conclusions sur son identité actuelle ou sur son lieu de domicile ou de séjour.

Il convient de citer l'adresse du Service de protection des témoins à la place du lieu de domicile ou de séjour (al. 2).

4.2.5

Section 5 Collaboration avec les services publics, les entreprises et les particuliers

A l'heure actuelle, de nombreuses banques de données, de plus en plus reliées entre elles, contiennent des informations personnelles. Ces dernières sont souvent accessibles à de nombreuses autorités et institutions, de même qu'à des particuliers et à des entreprises. Dans certaines circonstances, elles permettent d'identifier le lieu de séjour d'une personne à protéger.

Le fait que le secteur privé, par exemple les assurances, les banques et les services de télécommunications, traite un nombre important de données ouvre la porte à l'obtention d'informations par des techniques d'espionnage. Pour être efficace, la protection des témoins requiert par conséquent la participation de services du domaine privé, de sorte qu'eux aussi peuvent être tenus de coopérer et de garder le secret.

Le fait de régler la collaboration avec les services publics, les entreprises et les particuliers n'a pas pour seul objectif de protéger la personne menacée, mais aussi d'aider le Service de protection des témoins à affirmer les droits des tiers par rapport à la personne à protéger.

Sont considérés comme des services publics les organismes administratifs centraux et décentralisés de la Confédération, des cantons et des communes (c'est-à-dire aussi des sociétés, des établissements ou des fondations de droit public) et des organismes administratifs de droit privé assumant des tâches de la Confédération (par exemple entreprises d'économie mixte ou sociétés anonymes comme Swisscom ou les CFF).

Pendant la consultation, l'importance d'une étroite collaboration entre le Service de protection des témoins et les organisations privées d'aide aux victimes a été soulignée à plusieurs reprises. Ces organisations offrent déjà un soutien et une protection en marge d'un éventuel programme de protection des témoins. A cet égard, la proposition a surgi lors de la consultation de régler cette collaboration dans la loi ou par contrat et de fixer les indemnités correspondantes. Dans les faits, certaines personnes susceptibles de bénéficier d'une protection des services de protection sont souvent déjà prises en charge par des organisations d'aide privées. Ainsi, une reprise des tâches de protection devra se faire en étroite collaboration avec les services en question.

Art. 17

Interdiction de communiquer des données

Cette disposition constitue la base sur laquelle se fonde l'obligation imposée par le Service de protection des témoins aux services publics, aux entreprises et aux particuliers de ne pas communiquer de données personnelles ou de ne pas traiter de données permettant de déduire le lieu de domicile actuel ou précédent, selon les prescriptions du Service de protection des témoins (par exemple adresse du Service 76

de protection des témoins). Cette obligation ne doit être respectée que pour autant qu'elle soit techniquement réalisable (par exemple en limitant les droits d'accès aux données en question).

Sont notamment concernés par cette réglementation les fichiers et les registres publics par exemple des communes (contrôle des habitants, registre foncier, etc.), des offices cantonaux (permis de circulation) ou des offices fédéraux (système d'information relatif aux documents d'identité, assurances sociales, armée, etc.), mais aussi les fichiers privés.

Art. 18

Obligation de communiquer et de remettre des informations

Selon cet article, les services publics et privés auxquels le Service de protection des témoins a accordé sa confiance communiquent immédiatement à ce dernier toute demande relative à des données bloquées ou non bloquées dont ils ont connaissance concernant la personne à protéger (al. 1). Il n'est cependant pas nécessaire de prendre des dispositions techniques particulières.

Si un système information électronique possède déjà une fonction permettant de savoir qui a consulté des données, les extraits de ce registre doivent être remis au Service de protection des témoins, à la demande de ce dernier (al. 2).

Ces obligations visent deux objectifs: d'une part, elles permettent d'identifier et d'empêcher les tentatives d'obtention d'informations par le perturbateur. D'autre part, elles permettent au Service de protection des témoins de faire valoir les prétentions de tiers envers la personne à protéger (par exemple parce qu'un créancier recherche la personne).

Afin que des tentatives d'espionnage des personnes mises en cause ne conduisent pas indirectement à l'identification de la personne à protéger par l'identification des collaborateurs du Service de protection des témoins qui sont visibles de l'extérieur, l'obligation de communiquer et de remettre des informations sur demande du Service de protection des témoins est aussi valable pour les recherches concernant les collaborateurs du service (al. 3).

Tout en tenant compte des conséquences possibles en cas de non-transmission d'informations, le Service de protection des témoins examine dans chaque cas d'espèce, d'entente avec le service auquel la demande a été adressée, s'il est possible de transmettre les informations et quelles mesures doivent être prises.

Art. 19

Constitution d'une nouvelle identité pour le temps nécessaire

Pour que la protection des témoins soit efficace, il est souvent indispensable de constituer une nouvelle identité. Des documents comportant des données personnelles d'emprunt sont alors nécessaires. Il convient de fournir à la personne à protéger des documents qui permettent d'attester la nouvelle existence d'emprunt. Les fichiers et les registres importants pour la nouvelle identité doivent également être associés à ce dispositif. A cette fin, les services publics doivent être tenus d'établir ou de modifier des documents à la demande du Service de protection des témoins et de traiter les données modifiées, c'est-à-dire de saisir la personne dans le fichier sous sa nouvelle identité. Les services privés doivent également être tenus d'accéder à la demande du Service de protection des témoins, car le secteur privé est lui aussi concerné par l'établissement de documents d'identité, d'attestations, de lettres de confirmation ou d'autres documents.

77

En vertu de l'al. 2, il convient de tenir compte des intérêts publics ou des intérêts de tiers nécessitant une protection lors de la constitution d'une nouvelle identité provisoire. Il apparaît ainsi clairement que l'établissement de faux documents d'identité constitue une atteinte certaine à l'ordre juridique, qui ne peut se faire que dans le respect du principe de proportionnalité, et que la protection des témoins ne s'effectue pas sans impliquer des restrictions pour la personne concernée ni dans l'indifférence face aux intérêts publics ou privés. Un certain nombre de personnes protégées auront déjà été condamnées antérieurement, figureront au registre de l'office des poursuites ou dans des registres similaires. Cette disposition peut être mise en relation avec l'art. 7, al. 1, let. c, selon lequel il est possible de refuser la mise en place d'un programme de protection des témoins si des intérêts prépondérants s'y opposent.

Conformément à l'al. 3, les données liées à la nouvelle identité doivent, à la fin du programme de protection des témoins, être fusionnées avec celles de l'identité d'origine, puis effacées. Cette mesure requiert un traitement manuel à effectuer en collaboration avec les services concernés et le retrait des documents d'identité qui ont été délivrés. Le Service de protection des témoins veille à ce que les documents utilisés soient retirés et détruits.

Il peut arriver qu'une personne ayant vécu durant plusieurs années sous un nouveau nom et qui est désormais connue sous ce nom souhaite, selon les circonstances, conserver ce nom une fois achevé le programme de protection des témoins. Dans ce cas, elle peut faire une demande de changement de nom définitif en vertu de l'art. 30 CC. Cet article précise que le gouvernement du canton de domicile peut, s'il existe de justes motifs, autoriser une personne à changer de nom. Le motif ressort en règle générale du cas ayant nécessité le programme de protection des témoins. Le changement de nom est consigné dans le registre d'état civil selon la procédure ordinaire. Pendant la consultation, il a été demandé qu'il soit possible de bénéficier d'un changement d'identité à long terme dans le cadre de la loi sur la protection des témoins. Or le texte précise que la nouvelle identité provisoire est en tous les cas octroyée pour le temps
nécessaire, c'est-à-dire dire jusqu'à la disparition de la menace. On peut donc renoncer, pour des raisons de proportionnalité, à octroyer a priori des changements d'identité de longue durée.

Il peut être nécessaire de pourvoir les collaborateurs du Service de protection des témoins d'une identité d'emprunt provisoire. Si un collaborateur de l'Office fédéral de la police affichait ouvertement son lien avec les autorités chargées de la protection des témoins, il pourrait éveiller l'attention de tiers et par là augmenter inutilement les risques pour la personne à protéger ou pour les autorités elles-mêmes. La possibilité qu'ont les collaborateurs du Service de protection des témoins d'agir sous une identité d'emprunt prévue à l'al. 2 est également importante pour leur propre protection. En tant que détenteur d'informations, le collaborateur court des risques, vu que les personnes-cibles tenteront de faire pression sur les personnes protégeant les témoins afin d'accéder à ces dernières. Même lorsqu'un témoin doit abandonner un programme de protection en raison d'une faute qui lui est imputable, il est préférable qu'il ne connaisse pas l'identité véritable du protecteur.

78

Art. 20

Consultation du Service de protection des témoins dans le domaine de la réglementation du séjour des étrangers

L'octroi d'un titre de séjour est une condition essentielle à la protection de témoins étrangers. Il est dès lors nécessaire que les besoins du Service de protection des témoins puissent être consignés dans la procédure administrative correspondante, lorsque l'autorité compétente envisage de rendre une décision négative. En cas de révocation planifiée d'une autorisation de séjour d'un témoin déjà admis dans un programme de protection, il est important de pouvoir considérer les impératifs de la protection des témoins et de la poursuite pénale (disponibilité de la personne constituant un témoin important) et, si les intérêts en présence le justifient, de pouvoir ajourner une expulsion.

L'obligation de consulter visée à l'art. 20 implique que l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers a été préalablement informée de la mise en place d'un programme de protection des témoins. En cas d'admission provisoire, il faut en référer à l'ODM; si une interdiction d'entrer sur le territoire a été prononcée en vertu de l'art. 67 Letr, il faut en référer soit à l'ODM (art. 67, al. 1, LEtr.), soit à fedpol (art. 67, al. 2, Letr). L'étroite collaboration indispensable entre les autorités compétentes en matière d'étrangers et le Service de protection des témoins fera que cette condition aura en général été préalablement remplie. Si ce n'est pas le cas, le Service de protection des témoins doit, au plus tard une fois que l'autorité compétente en matière d'étrangers a pris la décision, entrer en relation avec l'autorité qui rend la décision ou, dans le cas où un recours a été déposé, avec l'autorité de recours.

Art. 21

Coordination en cas de mesures privatives de liberté

Lorsque les témoins admis dans un programme de protection des témoins ont été placés en détention provisoire pour avoir participé à une infraction en tant que co-auteurs ou pour avoir commis une infraction avant d'être admis dans le programme et qu'ils ont été condamnés ensuite à une peine privative de liberté, une collaboration étroite avec les autorités d'exécution est nécessaire. La collaboration avec l'autorité d'exécution pénale compétente permet d'assurer que les menaces susceptibles de peser sur la sécurité et l'organisation de l'établissement pénitentiaire soient maîtrisées. Dans le cadre de la détention provisoire, l'indice selon lequel une personne ne peut en aucun cas être mise en présence de certaines autres personnes peut suffire dans certaines circonstances.

Le Service de protection des témoins est par conséquent tenu d'informer les autorités d'exécution pénale compétentes ou la direction de l'établissement pénitentiaire du début et de la fin de la protection des témoins et de prendre les mesures nécessaires à la protection après discussion avec la direction de l'établissement pénitentiaire, compte tenu des exigences de l'exécution. Dans le même temps, le Service de protection des témoins dépend des informations que lui transmet la direction de l'établissement sur toutes les circonstances importantes pour l'organisation et la poursuite de la protection des témoins.

79

4.3

Chapitre 3

Service de protection des témoins

4.3.1

Section 1

Organisation et tâches

Art. 22

Organisation

Etant donné le nombre relativement faible de cas de protection de témoins attendus et vu le développement et le maintien nécessaires du savoir-faire et du professionnalisme de ce service, il apparaît judicieux pour la Suisse d'attribuer de manière centralisée aux autorités fédérales les mesures de protection tant des témoins concernés par des procédures fédérales que ceux impliqués dans des procédures cantonales129.

Il ressort des expériences faites sur le plan opérationnel dans le cadre de la protection des témoins que la matière est d'une complexité telle que seul un service de protection des témoins centralisé au niveau de la Confédération peut garantir l'efficacité et le professionnalisme requis. A cela s'ajoute que le territoire suisse est exigu, ce qui nécessite une coopération intercantonale et même souvent internationale.

Conformément aux dispositions de la loi, cet article attribue le travail opérationnel à un service de protection des témoins qui reste à créer. Le travail de protection des témoins consiste principalement à mettre une personne à l'abri et à lui assurer la sécurité par rapport à des influences extérieures. Ces aspects centraux recoupent les tâches effectuées par fedpol dans le domaine de l'investigation secrète. Il apparaît objectivement justifié et opportun, dans les circonstances actuelles, de rattacher ce service à fedpol, qui possède déjà le savoir-faire requis et les relations avec les services de protection des témoins à l'étranger. Afin que son indépendance soit garantie, le Service de protection des témoins doit être séparé sur les plans du personnel et de l'organisation des unités qui effectuent des enquêtes de police judiciaire.

Art. 23

Tâches et formation

Le Service de protection des témoins remplit les tâches suivantes:

129

80

a.

Exécution de la procédure d'examen et, à l'intention du directeur de l'Office fédéral de la police, demande de mise en place d'un programme de protection des témoins. Cette procédure est régie par les dispositions du chap. 2, section 2.

b.

Mise en oeuvre des mesures nécessaires en l'espèce pour assurer une protection efficace. Pour ce qui est des différentes mesures, le principe de la proportionnalité doit être respecté lorsqu'elles sont ordonnées: elles doivent être appropriées pour empêcher la survenue d'un dommage au témoin ou à ses proches. On ordonnera les mesures les plus utiles pour assurer la protection et les moins restrictives pour les droits de la défense, c'est-à-dire les plus légères et les mieux adaptées. Le directeur de fedpol, qui décide de la mise en place d'un programme de protection des témoins, statuera dans le même temps sur le cadre des mesures de protection (par exemple autorisation de constitution d'une nouvelle identité pour le temps nécessaire); la mise en

Cf. résultats de la consultation des cantons par la CCDJP et la CDAS, lettre du 9 avril 2008.

oeuvre de ces mesures et les détails de leur mise en place incombent en revanche au Service de protection des témoins.

Une personne encourant un grand risque a besoin de toute une série de mesures, qui seront au départ très nombreuses avant que la protection et le soutien ne perdent de leur intensité. Il s'agit de mesures initiales, consistant par exemple à fournir un conseil en matière de comportement, des instruments (nouveau numéro de téléphone portable ou mise en place d'un système d'alarme), un soutien psychologique, une protection des personnes et des objets et un logement provisoire dans un lieu sûr; il s'agit en outre de s'opposer à la communication de données personnelles auprès des autorités et des services privés, d'assurer un déplacement effectif, de subvenir provisoirement aux frais de subsistance et enfin de fournir des documents signalant une nouvelle identité pour le temps nécessaire. Si la personne à protéger est un enfant, il convient alors de prendre en compte ses besoins particuliers lors de l'adoption des mesures le concernant.

Les différentes mesures doivent être examinées dans chaque cas d'espèce.

L'exécution d'analyses des risques et l'évaluation constante de la menace sont indispensables pour déterminer si les mesures sont nécessaires et appropriées.

La mise en oeuvre de certaines mesures dépend de l'acquisition et de l'entretien d'éléments de logistique nécessaires par le Service de protection des témoins.

c.

Conseils d'ordre général, assistance à la personne à protéger et soutien lors de démarches personnelles, qui comprennent par exemple la coordination centralisée de la protection des témoins par le biais de la coopération avec les autorités concernées (par exemple contrôle des habitants, police des étrangers, aide aux victimes, agence AVS, etc.) et des services privés (bailleur, fournisseur de services téléphoniques et de connexions internet, assurances privées, débiteurs et créanciers, etc.). Le Service de protection des témoins assume ici une importante fonction de médiateur. Il doit assurer une étanchéité totale entre l'ancien et le nouveau lieu de domicile et entre l'ancienne et la nouvelle identité, mais doit dans le même temps veiller à ce que les exigences justifiées soient remplies, que ce soit par des tiers ou envers des tiers.

L'idée centrale de la protection des témoins est également de réintégrer de manière aussi rapide et raisonnable que possible la personne et de lui faire retrouver son indépendance. Le Service de protection des témoins offre un soutien en la matière, par exemple en fournissant un travail, une place de formation ou une solution de réorientation professionnelle.

d.

Coordination entre les mesures de protection extraprocédurales prévues par la loi en question et les mesures de protection procédurales requises aux art. 149 ss CPP.

e.

Conseil et soutien aux autorités suisses de police dans le cadre de mesures de protection prises en faveur de personnes en dehors d'un programme de protection des témoins. Il s'agit notamment de conseil et de soutien en cas de mesures d'urgence concernant des personnes dont la demande d'admission dans un programme est encore en suspens, au cas où ces mesures d'urgence 81

n'auraient pas été prises par le Service de protection des témoins (art. 7, al. 3).

f.

Examen de la demande d'un Etat étranger ou d'une cour pénale internationale visant l'admission d'une personne dans le programme de protection national. Dans ce cas, il s'agit de personnes qui font déjà l'objet d'un programme de protection des témoins et qui doivent être admises dans le programme national de protection des témoins si le service de protection des témoins étranger ou la cour pénale internationale en fait la demande.

g.

Coordination de la coopération internationale en matière de protection des témoins en collaboration avec les services étrangers. La coopération avec l'étranger joue un rôle important, ne serait-ce qu'en raison de l'exiguïté du territoire suisse. Elle consiste en premier lieu en des actions ponctuelles comme l'aide au regroupement familial ou les transports en Suisse. Cependant, le deuxième pilier important concerne la prise en charge des personnes protégées qui ne peuvent être logées de manière durable et sûre qu'à l'étranger.

h.

Pendant la consultation, l'importance d'une étroite collaboration entre le Service de protection des témoins et les organisations d'aide aux victimes a été soulignée à plusieurs reprises. Souvent, ces organisations offrent soutien et protection avant la mise en place d'un éventuel programme de protection des témoins. Dans les faits, les personnes susceptibles de bénéficier des services de protection sont déjà prises en charge par des organisations d'aide privées. Ainsi, une reprise des tâches de protection devra se faire en étroite collaboration avec les services en question. L'activité de coordination du Service de protection des témoins ne touche pas aux tâches existantes et aux responsabilités financières de l'organisation en question et de ses responsables. Cependant, cela n'exclut pas, dans le but de garantir une protection optimale, que ces services se voient confier, en cas de besoin, des mandats contre indemnisation.

Selon l'al. 2, le Conseil fédéral règle dans une ordonnance la formation des collaborateurs du Service de protection des témoins. Les formations, la participation à des groupes d'experts internationaux actifs au niveau opérationnel et l'échange d'informations avec les services étrangers compétents doivent permettre d'acquérir et de développer les connaissances spécifiques nécessaires.

Art. 24

Gestion et confidentialité des dossiers

Toutes les mesures prises dans le cadre de la protection des témoins, par exemple l'admission de la personne à protéger dans un programme de protection des témoins et les obligations qui y sont liées, l'établissement de documents d'identité d'emprunt, les prestations financières ou la fin de la protection des témoins, doivent pouvoir être retracées en tout temps. Le Service de protection des témoins est par conséquent tenu de documenter l'ensemble des mesures, sans exception (al. 1).

Les documents qui en résultent doivent être tenus particulièrement secrets dans le but d'assurer la sécurité de la personne à protéger et en raison des informations qu'ils contiennent sur la tactique policière adoptée lors de la protection des témoins.

Les dossiers ne sont par conséquent gérés que par le Service de protection des témoins et ne font pas partie des dossiers de la procédure pénale (al. 2).

82

A sa demande, le tribunal peut obtenir un rapport officiel. Durant la procédure pénale, les collaborateurs du Ministère public et du Service de protection des témoins sont tenus, en tant que témoins, de renseigner sur la protection des témoins, en vertu de principes généraux. Ils nécessitent pour cela une autorisation de déposer accordée par l'autorité qui leur est supérieure (cf. art. 320, ch. 2, CP), autorisation devant être octroyée en tenant compte des buts de la protection des témoins et pouvant éventuellement être limitée.

4.3.2 Art. 25

Section 2

Traitement des données

Système d'information électronique

Afin d'accomplir les tâches que lui confère la loi, le Service de protection des témoins exploite un système d'information électronique. L'art. 25 contient la base légale sur laquelle se fonde l'exploitation de ce système. En raison des données sensibles qu'il contient, il doit être particulièrement sécurisé (al. 3). Seuls les collaborateurs de l'unité organisationnelle chargée de la protection des témoins (al. 4) peuvent le consulter. Les autres points de réglementation le concernant (par exemple durée de conservation des données) seront définis dans le droit d'exécution (al. 5).

Art. 26

Données saisies dans le système d'information électronique

Le Service de protection des témoins prélève des données dans le but de déterminer en continu si la menace requiert de prendre des mesures de protection, mais aussi de vérifier si une personne présente les caractéristiques requises pour pouvoir être admise dans un programme de protection des témoins.

Les données collectées concernent le perturbateur et son entourage, mais également la vie de la personne à protéger, notamment ses liaisons personnelles étroites et ses relations familiales (par exemple pour déterminer le nombre de proches courant des risques), sa situation financière (par exemple dettes), sa santé (par exemple dépendance) ou d'autres activités susceptibles d'influencer la décision relative à son admission dans un programme (par exemple actes de violence, condamnations antérieures). La collecte de données concernant la personne à protéger permet également au Service de protection des témoins d'assumer ses responsabilités envers des tiers car on ne peut pas toujours partir du principe que la personne à protéger communique toutes les données nécessaires et utiles à la pondération des intérêts.

Cela vaut en particulier pour les témoins qui ont fréquenté les milieux criminels et qui sont partagés entre l'envie de quitter le milieu et celle de retomber dans la délinquance ou qui ont des problèmes financiers.

Les détails concernant le consentement de la personne à protéger sont réglés à l'art. 4, al. 5, LPD. Un consentement spécifique, et non une autorisation générale, est nécessaire pour collecter des données auprès d'entreprises ou de particuliers soumis au secret professionnel conformément à l'art. 321 CP.

Art. 27

Collecte des données

Afin de vérifier si une personne présente les caractéristiques requises pour pouvoir être admise dans un programme de protection des témoins et de déterminer la menace, le Service de protection des témoins doit disposer d'un accès direct aux systèmes 83

d'information visés à l'al. 1, let. a. Les droits d'accès doivent être ancrés dans les lois spéciales se référant à ces systèmes d'information (cf. ci-après, modifications du droit en vigueur). Les accès aux systèmes d'information de police de la Confédération et la consultation par voie d'interrogation unique du système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat spécifiés dans les principales lois comprennent déjà l'accès de fedpol. Si le Service de protection des témoins souhaite collecter d'autres données, il peut les demander aux autorités visées à l'al. 1, let. b à d. Il peut en outre demander d'accéder aux informations détenues par d'autres autorités et services privés si la personne à protéger donne son consentement.

4.4

Chapitre 4

Coopération internationale

Dans certains cas particuliers, la coopération avec l'étranger joue un rôle essentiel, ne serait-ce qu'en raison de l'exiguïté du territoire de la Suisse. Elle se fonde d'une part sur des actes ponctuels tels que l'aide au regroupement familial ou le transport sur le territoire national et, d'autre part, sur le transfert de témoins menacés qui ne peuvent être hébergés de manière durable et sûre qu'à l'étranger (ce second point étant l'élément central de la coopération internationale en tant que telle).

Art. 28

Transfert et prise en charge de personnes à protéger

Fedpol peut, en respectant des prescriptions précises, décider lui-même du transfert à l'étranger ou de la prise en charge d'une personne à protéger en Suisse (al. 1). Les conditions énumérées aux lettres a à g fixent clairement et précisément le cadre légal.

Tout d'abord, il faut qu'un transfert ou une prise en charge soit indispensable pour des raisons de sécurité (let. a). Il faut également que les autorités partenaires soient en mesure de garantir la sécurité de la personne (let. b). Cette condition inclut deux aspects: d'une part, elle permet de limiter le choix des Etats partenaires requérants aux pays disposant d'un service de protection des témoins professionnel et reconnu; d'autre part, l'Office fédéral de la police n'est ainsi tenu de n'accepter que les cas pour lesquels il dispose de la capacité et des ressources nécessaires.

La personne concernée, quant à elle, doit d'une part accepter le transfert vers la Suisse ou vers un autre pays (let. c) et, d'autre part, il faut qu'il s'agisse d'une personne dont le séjour en Suisse, ou à la rigueur le départ de la Suisse, ne représenterait pas de danger pour la sécurité de la Suisse (let. d). Il ne faut pas non plus que la coopération policière avec l'Etat en question ne soit pas possible pour des raisons politiques (let. e). A la let. f, il est précisé que la coopération peut être interrompue à tout moment, c'est-à-dire dans le délai nécessaire à organiser la fin de celle-ci, par exemple lorsque le comportement de la personne prise en charge empêche sa protection. Ces directives relatives aux accords que l'Office fédéral de la police doit conclure avec les pays étrangers ont pour but d'éviter que la Suisse ne se retrouve avec des obligations coûteuses à poursuivre sur le long terme en raison de certains cas de coopération. Enfin, concernant la marge de manoeuvre en matière d'obligations financières, la let. g fixe les règles de base pour la répartition des coûts que la prise en charge occasionne au service requis.

La collaboration visée par les accords internationaux en matière de protection des témoins peut être prévue dans le cadre de conventions bilatérales ou multilatérales 84

sur la coopération policière130. Il est également envisageable que les accords de relocalisation conclus avec des cours pénales internationales, qui sont en général structurés sous la forme de conventions-cadre et ne sont donc pas liés à un cas particulier, règlent les modalités de la prise en charge de personnes à protéger. Ces accords sont confidentiels. Des discussions à ce sujet ont déjà eu lieu en Suisse. Si un accord confidentiel allant dans ce sens est conclu, les commissions de politique extérieure des deux Chambres en sont informées.

Avant de prendre en charge une personne en provenance de l'étranger, il convient d'obtenir l'accord de l'autorité compétente (ce peut être une autorité cantonale) pour l'octroi de l'autorisation de séjour requise (al. 2). De son côté, l'ODM peut exiger que les décisions cantonales correspondantes lui soient soumises pour approbation (art. 85 OASA en relation avec l'art. 99 LEtr).

Art. 29

Répartition des frais

Cet article définit le cadre de la répartition des frais, lorsque se produit le cas visé à l'art. 28, qui prévoit le transfert ou la prise en charge d'une personne à protéger.

L'al. 1 indique les critères selon lesquels les frais sont répartis avec les pays étrangers. La répartition prévue aux let. a et b répond à la recommandation d'Europol en matière de coopération internationale dans le domaine de la protection des témoins131.

Les frais d'entretien de la personne à protéger et les frais courants liés aux mesures spéciales de protection des témoins sont pris en charge par le service requérant (let. a); les frais de personnel et de matériel du Service de protection des témoins et ceux qui n'ont pas été convenus avec le service requérant sont pris en charge par le service requis (let. b). Lors d'un transfert à l'étranger, les frais correspondants sont assumés par la collectivité chargée de la procédure conformément à l'art. 34, al. 1.

En vertu de l'al. 2, il existe une possibilité de négocier avec les pays qui ne suivent pas le principe prévu par Europol et qui facturent en plus les frais de personnel. En vertu du principe de réciprocité, il est possible, à titre exceptionnel, de décider que les frais de personnel découlant d'un cas particulier de protection des témoins peuvent être facturés.

Les conventions de prise en charge des frais conclues avec un service à l'étranger ou avec une cour pénale internationale sur la base d'un traité international sont réservées, notamment les accords relatifs au replacement de témoins conclus avec des cours pénales internationales. Lorsqu'un cas est repris d'une cour pénale internationale, le principe de la réciprocité ne peut être invoqué.

130

Comme prévu par l'art. 6, ch. 1, let. c, de l'accord du 21 septembre 2005 entre le Conseil fédéral suisse et le Conseil des ministres de la République d'Albanie sur la coopération policière en matière de lutte contre la criminalité (RS 0.360.123.1).

131 Europol, Basic principles of European Union police cooperation in the field of witness protection, La Haye, septembre 2000 (document administratif interne).

85

4.5

Chapitre 5

Art. 30

Confidentialité

Obligation de garder le secret

Le maintien d'une protection adéquate des témoins requiert notamment que les mesures prises soient tenues secrètes. En vertu de cet article, les personnes qui participent à la mise en oeuvre d'un programme de protection des témoins sont tenues de garder le secret (par exemple les collaborateurs des services de contrôle des habitants, de la police des étrangers, des services externes spécialisés tels que le centre d'information pour les femmes à Zurich). Les personnes qui collaborent à un tel programme doivent être clairement informées de l'obligation de garder le secret.

Elles doivent également être averties des peines encourues en cas de violation de cette obligation, conformément à l'art. 31.

Cette obligation de garder le secret vaut aussi pour les personnes à protéger ellesmêmes, notamment pour les informations qu'elles ont obtenues des collaborateurs du Service de protection des témoins.

Art. 31

Peine encourue en cas de violation de l'obligation de garder le secret

Les art. 320 et 321 CP prévalent pour les personnes qui sont soumises au secret de fonction ou au secret professionnel. Si une personne à protéger devait par exemple subir des dommages suite à une violation du secret de fonction, les éventuelles prétentions en dommages et intérêts à l'encontre de la Confédération seraient soumises aux dispositions de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité (LRCF132.

4.6

Chapitre 6

Art. 32

Surveillance

Rapport

Le Service de protection des témoins adresse chaque année un rapport de ses activités au chef du DFJP aux fins de la surveillance.

L'al. 2 décrit les indications que le rapport doit contenir. Dans la mesure où les données concernent des cas particuliers, il ne s'agit pas de données brutes, mais d'indications statistiques et anonymisées.

Art. 33

Recherche d'informations et inspection

Pour pouvoir garantir une protection efficace des témoins, les indications relatives aux cas de protection des témoins sont soumises à une stricte confidentialité, qui ne peut être violée pour les seuls besoins de la surveillance. Cette disposition se fonde sur l'art. 30 de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales133.

L'al. 1 de cette disposition précise que les personnes chargées de la recherche d'informations ou d'une inspection dans le cadre de la haute surveillance exercée par les Chambres fédérales en vertu de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement134 ou de la surveillance exercée par le Conseil fédéral ou par le DFJP en vertu 132 133 134

86

RS 170.32 RS 173.71; FF 2010 1855 RS 171.10

de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)135 ne sont autorisées à utiliser les informations obtenues que sous une forme générale et anonymisée pour leurs rapports et leurs recommandations. En conséquence, leurs dossiers doivent aussi être gérés sous une forme générale et anonymisée. Il faut éviter que des conclusions puissent être tirées sur des données sensibles concernant des cas. Des spécialistes doivent être chargés d'accomplir les tâches de surveillance et une continuité doit être instaurée en termes de personnel pour effectuer les inspections périodiques.

Conformément à l'al. 2, le Service de protection des témoins est tenu de prendre les mesures appropriées pour que, dans le cadre des inspections, les informations permettant de tirer des conclusions quant au lieu de séjour ou à l'identité d'emprunt d'une personne protégée ne soient pas divulguées, tout en veillant à ce que la haute surveillance puisse tout de même être exercée.

La transparence est un élément central de l'administration publique; les programmes de protection des témoins n'échappent pas à cette règle, et il convient de justifier l'utilisation des fonds employés et des activités menées. Dès lors, le service chargé du contrôle des finances doit en principe avoir accès à toutes les informations relatives aux dépenses. Cela dit, de simples quittances, telles qu'une facture d'hôtel ou un billet de train ou d'avion, pourraient révéler la nouvelle identité de la personne à protéger ou son lieu de séjour actuel. Pour l'éviter, il est donc nécessaire que les programmes de protection des témoins soient soumis à des procédures de contrôle et de rapports adaptées.

4.7

Chapitre 7

Art. 34

Frais

Mise en place de programmes de protection des témoins

Les frais à assumer comprennent les frais de mise en place et d'exploitation du Service de protection des témoins et les frais liés aux cas.

Les frais liés aux cas (frais de subsistance qu'une personne à protéger doit assumer et les frais courants liés aux mesures spéciales de protection) sont à la charge de la collectivité qui requiert la mise en place de ce programme, c'est-à-dire du canton qui mène la procédure ou de la Confédération. Le montant de ces frais diffère d'un cas à un autre, mais se situe toujours dans une fourchette allant de 5000 à 150 000 francs.

Un budget est établi lors de chaque admission d'une personne dans un programme de protection des témoins. Les expériences acquises à l'étranger montrent que les frais et les mesures à prendre varient énormément selon les situations. Ainsi, un budget est établi pour chaque cas, mais il peut fortement évoluer en raison d'événements imprévus. Dans ce contexte, il n'est donc nullement opportun de définir un forfait applicable à chaque cas.

La Confédération et les cantons se partagent à égalité les frais d'exploitation du Service de protection des témoins (al. 2). Suite à la demande, faite lors de la consultation de concrétiser rapidement la participation aux coûts des cantons, et en raison de l'importance de ce point de règlement, la répartition des coûts entre la Confédéra-

135

RS 172.010, art. 24 LOGA

87

tion et les cantons doit être réglée dans la loi. Le montant de la contribution de chaque canton sera détaillé dans une ordonnance (al. 3).

La participation des cantons à la moitié des frais d'exploitation du Service de protection des témoins découle de ce que ce dernier, en protégeant à titre extraprocédural les personnes menacées, effectue une tâche de police de sécurité qui ressort de la compétence des cantons pour les procédures cantonales. Mais les demandes de plusieurs cantons lors de la procédure, qui réclamaient une participation financière plus importante de la Confédération, ont été entendues. La Confédération supportera donc seule les coûts de mise en place du Service de protection des témoins.

Art. 35 Conseil et soutien aux cantons Les prestations de conseil et de soutien effectuées par le Service de protection des témoins en faveur des autorités de police cantonales (art. 23, al. 1, let. e) ne sont pas facturées pour autant qu'elles se déroulent dans le cadre de l'entraide administrative usuelle. Outre le simple conseil technique, comme l'envoi d'informations et les premières séances de conseil, on peut également y inclure la mise en place d'infrastructures et de matériel. Par contre, les cantons remboursent au Service de protection des témoins les prestations de conseil et de soutien de grande ampleur. Le Conseil fédéral détermine dans le droit d'exécution quelles prestations doivent être indemnisées en raison de leurs coûts financiers et de l'investissement en temps. Le montant et les modalités du remboursement seront également détaillés dans une ordonnance du Conseil fédéral.

4.8

Chapitre 8

Modification du droit en vigueur

1. Loi du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr) Art. 30, al. 1, let. e: la réglementation du séjour des étrangers136 est l'une des principales conditions de leur protection. Deux scénarios sont envisageables: 1. un étranger est un important témoin dans une procédure pénale suisse et remplit les conditions pour une admission dans un programme de protection des témoins; 2. Un étranger a été admis dans un programme de protection des témoins mis en place par un pays étranger ou une cour pénale internationale et doit être hébergée en Suisse pour des raisons de sécurité.

Pour les besoins de la poursuite pénale et de la protection des témoins, il est nécessaire que l'étranger reçoive un titre de séjour ­ pour autant qu'il n'en dispose pas déjà ­ valable pour la durée du programme de protection des témoins (voire au-delà de la clôture de la procédure pénale si la menace pesant sur lui subsiste). La nouvelle disposition renvoie à l'art. 30, al. 1, let. e, LEtr en vigueur précise qu'il est possible de déroger aux conditions d'admission habituelles pour régler le séjour de victimes ou de témoins de la traite d'êtres humains. Le témoin doit pouvoir séjourner dans notre pays non seulement tout au long de la procédure pénale, mais aussi une fois la procédure terminée s'il se trouve toujours dans un programme de protection des témoins en raison de menaces pesant sur lui.

136

88

En ce qui concerne la situation légale des victimes de la traite des êtres humains, voir également les explications relatives à l'art. 14 de la Convention sur la lutte contre la traite d'êtres humains.

Pour améliorer l'efficacité du règlement de séjour, il est en outre prévu d'adapter le droit d'exécution qui doit permettre de simplifier la prise de décision des autorités locales chargées des autorisations de séjour.

2. Loi fédérale du 20 juin 2003 sur le système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile Art. 9, al. 1, let. j, et al. 2, let. i: en vertu des nouvelles dispositions, le Service de protection des témoins peut, pour l'exécution de ses tâches, accéder par procédure d'appel aux données relevant du domaine des étrangers que l'ODM a traitées ou fait traiter dans le système d'information. L'art. 26 de la loi sur la protection extraprocédurale des témoins fixe le but de la consultation aux fins d'exécution des tâches du Service de protection des témoins.

3. Code pénal (CP) Art. 317bis, al. 3: tout comme pour le domaine de l'investigation secrète (art. 317bis, al. 1 et 2), les personnes qui, sur demande du Service de protection des témoins, fabriquent et modifient des titres ou les utilisent dans le cadre de la loi sur la protection extraprocédurale des témoins ne sont pas punissables en vertu des art. 251, 252, 255 et 317 CP.

Art. 367, al. 2, let. l, et 4: les adaptations autorisent le Service de protection des témoins, pour l'exécution de ses tâches, à consulter en ligne les données personnelles relatives aux condamnations et aux procédures pénales en cours (VOSTRA).

L'art. 26 de la loi sur la protection extraprocédurale des témoins fixe le but de la consultation aux fins d'exécution des tâches du Service de protection des témoins.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

5.1.1

Adhésion à la convention

L'adhésion à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains n'a que des conséquences directes insignifiantes pour la Confédération, sauf dans le domaine de la protection extraprocédurale des témoins pour les procédures relevant de la compétence de la Confédération. Après son adhésion, la Suisse serait soumise à intervalles réguliers à un examen national dans le cadre des mécanismes de suivi.

Cette adhésion impliquerait certes de nouvelles tâches, à savoir la réponse aux questionnaires annuels, la rédaction de prises de position dans le cadre des procédures d'évaluation régulières et, tous les trois ou quatre ans, l'organisation et le déroulement des visites en Suisse des experts du GRETA137, mais ces tâches peuvent être accomplies dans le cadre des activités ordinaires de fedpol et n'ont de ce fait pas de répercussions financières notables.

137

Ainsi que cela a été présenté lors de la «Conférence sur le mécanisme de suivi de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains», qui s'est tenue les 8 et 9 septembre 2008 à Strasbourg (http://www.coe.int/t/dg2/trafficking/campaign/docs/publications/default_FR.asp).

89

5.1.2

Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins

5.1.2.1

Nombre de cas et taille du Service de protection des témoins

Le projet de loi fédérale sur la protection des témoins prévoit la mise en place et l'exploitation d'un service spécialisé de protection des témoins rattaché à fedpol. Ce service a pour tâche non seulement d'accompagner les personnes à protéger, mais aussi de conseiller les cantons. Le nombre de personnes à protéger devrait se situer entre dix et quinze par an (Confédération et cantons) et le nombre de cas nécessitant des conseils aux cantons, à 140. Cette évaluation se fonde entre autres sur une comparaison des cas de protection des témoins dans des pays de taille semblable. S'y ajoutent les personnes accueillies sur la base d'une convention internationale avec des cours pénales internationales. On estime actuellement qu'à fedpol, la mise sur pied de ce service nécessiterait la création de sept postes à plein temps et à durée déterminée et son fonctionnement courant, dix postes à plein temps.

5.1.2.2

Coûts en relation avec les cas

Les coûts dépendent des faits, donc du genre de mesures appliquées, de leur durée et du nombre de personnes de la même famille qu'il faut protéger. Ils constituent aussi un critère déterminant lorsque l'autorité de décision examine la demande d'admission d'une personne dans un programme. En général, les coûts diminuent avec le temps, car le témoin devient autonome et peut subvenir lui-même à ses besoins.

Compte tenu du nombre de cas escomptés, on estime que le budget total annuel des coûts découlant de procédures pénales fédérales représenterait une somme annuelle totale de 950 000 francs.

Les personnes accueillies en vertu d'obligations internationales passées avec des cours internationales de justice génèrent aussi des coûts de protection et d'accompagnement. C'est également à la Confédération de prendre ces coûts à sa charge, pour autant que ces personnes soient à l'avenir affectées à la compétence du Service de protection des témoins.

5.1.2.3

Coûts du Service de protection des témoins

La création et l'exploitation du Service de protection des témoins nécessitent la planification d'investissements uniques et périodiques, surtout pour la logistique qu'il faut fournir de manière très discrète. En raison du nombre de cas, tel qu'il est estimé en se fondant sur le champ d'application du projet, on estime les coûts d'exploitation à environ 260 000 francs par an, et les coûts d'investissement périodiques, à 260 000 francs tous les cinq à six ans (transfert du service) et à 100 000 francs par an (acquisitions de remplacement). Les frais de personnel des dix postes à 100 % sont estimés à 1,5 million de francs par an. Conformément à la loi, les cantons devraient prendre en charge la moitié des coûts d'exploitation, la clé de répartition devant être fixée dans une ordonnance. Les coûts de mise en place du Service de protection des témoins sont assumés par le DFJP.

90

D'autres autorités de la Confédération peuvent être directement concernées par ce projet si le Service de protection des témoins demande leur participation (par exemple OFJ: registre de l'état civil, registre pénal; DFI: numéro d'AVS; ODM: réglementation du séjour). On ne peut dire aujourd'hui quelle sera l'ampleur et le genre de coopération demandée aux différentes autorités, mais étant donné le nombre probablement restreint de cas de protection des témoins, la somme de travail à investir devrait rester limitée.

5.2

Conséquences pour les cantons et les communes

5.2.1

Adhésion à la Convention

A l'exception de la protection extraprocédurale des témoins, l'ensemble des dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains correspondent à la situation juridique actuelle en Suisse. L'adhésion à la Convention n'aura pas de conséquences financières directes pour les cantons, sauf pour ce qui est de la protection extraprocédurale des témoins.

5.2.2

Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém)

Le champ d'application du projet de loi s'étend aux personnes impliquées dans des procédures pénales de la Confédération et des cantons. Dans la mesure où le Service de protection des témoins fournit des prestations de grande ampleur en faveur des autorités cantonales de poursuite pénale, celles-ci doivent être reversées de manière appropriée. Deux situations peuvent se présenter: ­

admission d'une personne faisant l'objet d'une procédure pénale cantonale dans le programme de protection des témoins conformément à cette loi (art. 23, let. a, en relation avec l'art. 34) Conformément au projet de loi, les frais liés aux cas (par exemple les frais d'entretien de la personne à protéger et les frais courants pour les mesures spéciales de protection des témoins) doivent être assumés par le canton. Le montant de ces frais varie selon les cas, mais se situe entre 5000 francs et 150 000 francs par an. Un cas de protection des témoins dure en moyenne de deux à cinq ans. Les coûts baissent en général au fur et mesure que le cas «se déroule» (le témoin devient autonome et peut subvenir lui-même à ses besoins). Si un cas de protection des témoins est pris en charge, un budgetcadre doit être établi.

­

accompagnement et soutien des autorités policières cantonales en faveur de personnes qui ne remplissent pas les conditions permettant d'être admis dans un programme de protection des témoins (art. 23, let. e, en relation avec l'art. 35) La loi prévoit ici que les cantons remboursent au Service de protection des témoins les prestations de conseil et de soutien de grande ampleur reçues au sens de l'art. 23, let. e. Les dispositions définissant les prestations à indemniser, le montant de la participation de chaque canton et les modalités de l'indemnisation seront fixées dans une ordonnance du Conseil fédéral.

91

Selon le projet de loi, la Confédération et les cantons participent chacun pour moitié aux coûts d'exploitation du Service de protection des témoins. Le montant de la contribution de chaque canton sera détaillé dans une ordonnance.

Lors de la consultation, certains cantons ont demandé une plus forte participation financière de la Confédération au Service de protection des témoins, tout en remettant en question tout d'abord la participation des cantons aux frais de mise en place et d'exploitation du Service de protection des témoins. Il convient ici de rappeler que le Service de protection des témoins, par sa prise en charge de la protection extraprocédurale des témoins, effectue une tâche de police de sécurité qui est de la compétence des cantons en ce qui concerne les procédures cantonales. Sur cette base, les cantons ne devraient pas seulement supporter la moitié des frais d'exploitation du Service de protection des témoins comme proposé, mais également les frais relatifs aux cas concernant des procédures cantonales. Les remarques issues de la consultation ont néanmoins été prises en compte de deux manières: tout d'abord, la Confédération prend à sa charge exclusive les frais de mise en place du Service de protection des témoins, de telle sorte que les cantons ne participent plus qu'aux frais d'exploitation. Ensuite, le projet soumis en consultation prévoyait une participation des cantons pour les prestations de conseil et de soutien. Finalement, la participation des cantons a été réduite aux prestations de grande ampleur.

D'autres autorités cantonales et communales peuvent être directement concernées par le projet si le Service de protection des témoins leur demande d'y participer. On peut leur demander par exemple de bloquer la communication de données ou d'établir un document. Les cas de protection des témoins ne seront probablement pas nombreux, de sorte que les moyens à mettre en oeuvre devraient demeurer dans des limites raisonnables. Si, au niveau pratique, une assistance supplémentaire allant au-delà de l'entraide administrative se révélait nécessaire, une solution spécifique serait recherchée.

6

Liens avec le programme de législature

La loi fédérale ici proposée est annoncée dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 2011138. Dans son arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 2011139, le Parlement a inscrit comme mesure l'approbation présentement demandée de la convention.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

7.1.1

Arrêté fédéral concernant la signature de la Convention

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral portant approbation de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est garantie par l'art. 54, al. 1, Cst., qui autorise la Confédération à conclure des traités internatio138 139

92

FF 2008 639 FF 2008 7745

naux. L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à ratifier des traités internationaux. En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale a la compétence d'approuver les traités.

Les traités internationaux qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale, qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum (art. 141, al. 1, let. d, Cst). La convention est signée pour une durée indéterminée, mais il est possible de la dénoncer à tout moment et elle ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale.

Néanmoins, pour satisfaire aux obligations de la convention sur la protection extraprocédurale des témoins, une réglementation législative doit être créée. L'arrêté fédéral portant approbation de la Convention est ainsi sujet au référendum en matière de droit international conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

7.1.2

Loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém)

La protection des témoins est étroitement liée à la procédure pénale même si elle doit être rattachée en principe au domaine de la prévention des menaces. La sphère de tiers, notamment de l'accusé, peut être touchée par les mesures de la protection des témoins. La protection des témoins sert à assurer les exigences de l'Etat en matière de poursuite pénale. Le témoin est menacé parce qu'il est ou était prêt à faire une déposition dans le cadre d'une procédure pénale et à coopérer avec les autorités de poursuite pénale.

La compétence exhaustive de la Confédération lui permettant d'arrêter des dispositions dans le domaine du droit de la procédure pénale conformément à l'art. 123 Cst.

ne représente pas en elle-même une base légale suffisante pour régler la protection extraprocédurale des témoins dans les procédures pénales fédérales140. Il existe certes un lien matériel étroit entre le droit de la procédure pénale et la protection extraprocédurale des témoins. Cependant, dans le cas de la protection extraprocédurale des témoins, il s'agit principalement de dispositions de nature matérielle et non procédurale. D'un point de vue constitutionnel, il semble envisageable de partir du principe que la Confédération bénéficie d'une compétence implicite afin d'établir une réglementation sur la protection des personnes menacées pour ses propres procédures.

Une solution fédérale au sens d'une réglementation uniforme pour les procédures pénales de la Confédération et des cantons est autorisée par la Constitution si l'organisation de la protection extraprocédurale des témoins prend une dimension telle qu'une coordination à laquelle serait associée la Confédération s'avère indispensable (art. 57, al. 2, Cst.). En cas de mesures peu importantes (conseils, fourniture de moyens auxiliaires, protection des personnes, logement provisoire sûr), ce genre de coordination n'est pas encore indiqué. Etant donné que la Suisse a un territoire exigu, même les actions relativement limitées visant la protection de témoins dépassent rapidement les frontières cantonales. A ce niveau également, la coordination relève en premier lieu des cantons, car le principe de la responsabilité 140

DFJP, Office fédéral de la justice, Aussergerichtlicher Zeugenschutz, JAAC 2007, p. 336 à 351.

93

première des cantons en matière de sécurité intérieure sur leur territoire englobe aussi la coordination.

Pour qu'en plus de l'art. 123 Cst., on puisse déduire une compétence législative de la Confédération de la compétence de coordination de l'art. 57, al. 2, Cst., d'autres domaines doivent être concernés, qui relèvent au moins partiellement de la Confédération. Or une protection extraprocédurale étendue des témoins, comprenant des mesures de protection importantes, concernerait plusieurs domaines relevant de la Confédération, ce qui conférerait à cette dernière une compétence législative exhaustive. On pourrait à ce propos recourir aux dispositions constitutionnelles suivantes: la compétence législative de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères conformément à l'art. 54 Cst. (par exemple logement provisoire ou durable de témoins à l'étranger), à l'art. 38, al. 1, Cst. (législation sur les documents d'identité, par exemple à propos de l'établissement de papiers d'identité d'emprunt), aux art. 111, al. 1, 116, al. 2 et 3, et 117, al. 1 (compétence législative dans le domaine des assurances sociales, par exemple quant aux conséquences en cas de nouvelle identité), à l'art. 121, al. 1 (droit des étrangers, règlement des conditions de séjours des témoins étrangers) et à l'art. 122, al. 1 (droit civil, par exemple quant au blocage de données).

Ces dispositions peuvent également être prises en considération en tant que normes constitutionnelles sur lesquelles des compétences peuvent se fonder. Avec les deux autres dispositions constitutionnelles (art. 123 et 57, al. 2, Cst.), la Confédération dispose d'une base suffisante pour régler de manière contraignante la protection extraprocédurale des témoins pour toute la Suisse.

7.2

Compatibilité avec le droit international

Il n'existe pas de convention multilatérale régissant de manière générale le déplacement de témoins et la coopération internationale en matière de protection des témoins.

Comme précisé plus haut, les textes communautaires actuels dans le domaine de la protection des personnes qui coopèrent avec la justice ne sont pas contraignants juridiquement. En 2007, la commission européenne a certes examiné la faisabilité d'une réglementation européenne pour la protection des témoins et des personnes qui coopèrent avec la justice. Elle a estimé dans ses conclusions qu'il était tout à fait possible d'introduire au niveau de l'Union européenne un système harmonisé de protection des témoins sur la base de standards minimaux contraignants. Mais étant donné qu'il s'agit d'un domaine complexe, faisant intervenir de nombreux autres sujets sensibles et difficiles à appliquer (comme le changement d'identité), il faudrait effectuer au préalable des études supplémentaires afin de déterminer la marche à suivre pour mettre en place, au niveau européen, une coopération dans le domaine de la protection des témoins141.

Le projet de la Suisse correspond pour le reste aux recommandations internationales dans le domaine de la protection des témoins et ne diverge pas des réglementations des Etats membres de l'Union européenne qui, pour leur part, sont variés quant à l'organisation, la procédure et le champ d'application.

141

94

COM (2007) 693 du 13.11.2007, § 6.1.3.

7.3

Forme de l'acte à adopter et législation de mise en oeuvre

La création d'un service de protection des témoins et la réglementation de la réalisation de programmes de protection des témoins destinés aux personnes qui courent un risque dans les procédures pénales de la Confédération et des cantons doivent être réglées au niveau fédéral (art. 163, al. 1, et 164, al. 1, Cst.). Comme l'arrêté portant approbation de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de lois liées à la mise en oeuvre de la Convention, conformément à l'art. 141a, al. 2, Cst.

7.4

Délégation de compétences législatives

Le projet prévoit aux articles suivants plusieurs nouvelles compétences en faveur du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral règle: ­

les modalités de la demande déposée par la direction de la procédure auprès du Service de protection des témoins (art. 6);

­

les modalités de la fin du programme de protection de témoins (art. 11);

­

la formation des collaborateurs du Service de protection des témoins (art. 23);

­

les modalités du système d'information électronique du Service de protection des témoins (art. 25);

­

la clé de répartition des contributions de chaque canton (art. 34);

­

les prestations de conseil et de soutien aux cantons à indemniser, le montant et les modalités de l'indemnisation (art. 35).

Ces nouvelles compétences, auxquelles les cantons seront associés, s'exerceront sous la forme d'une nouvelle ordonnance.

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