11.028 Message concernant la révision de la loi sur les banques (Renforcement de la stabilité du secteur financier, too big to fail) du 20 avril 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur les banques en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 avril 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-0649

4365

Condensé Si l'une des deux grandes banques suisses connaît des difficultés, c'est le fonctionnement du système financier dans son ensemble qui est menacé, et avec lui toute l'économie nationale. L'Etat est alors pratiquement contraint d'intervenir pour sauver l'entreprise, qui est «trop grande pour être mise en faillite» (too big to fail).

Celle-ci bénéficie ainsi d'une garantie implicite de l'Etat, au détriment d'un mécanisme de sanction essentiel inhérent au marché.

Le 4 novembre 2009, le Conseil fédéral a chargé une commission d'experts d'établir un rapport montrant comment limiter les risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale. La commission a présenté un rapport intermédiaire en avril 2010, puis, fin septembre, son rapport final, incluant notamment un train de mesures. Le 13 octobre 2010, le Conseil fédéral a approuvé les grands axes de ce train de mesures et chargé le Département fédéral des finances (DFF) de préparer un projet à mettre en consultation fondé sur le rapport de la commission.

Le présent projet de loi approfondit les propositions de la commission d'experts, tout en conservant la substance de ces dernières. Il comprend en outre des dispositions réglant le versement de rémunérations variables en cas d'octroi d'une aide de l'Etat, comme annoncé par le Conseil fédéral le 28 avril 2010. Enfin, suivant les suggestions de la commission d'experts, le projet de modification de la loi sur les banques (LB) propose des mesures d'accompagnement fiscales visant à assurer le développement et le bon fonctionnement du marché suisse des capitaux et à encourager l'émission de titres de créance CoCo (contingent convertible bonds) en Suisse.

Ouverte par le Conseil fédéral le 22 décembre 2010, la procédure de consultation s'est achevée le 23 mars 2011. La majorité des quelques 70 participants à la consultation se sont déclarés entièrement favorables aux mesures législatives proposées ou en ont au moins salué le principe. Des réserves ont cependant été émises et des propositions de modifications avancées.

Compte tenu de ces réactions, le projet mis en consultation a été modifié sur les points suivants: la structure de l'organisation n'est plus un critère d'appréciation de l'importance systémique d'une banque. En matière d'organisation, le projet de loi s'en tient au
principe de la subsidiarité, en ce sens que l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) ne pourra intervenir dans la structure d'une banque que si cette dernière n'est pas à même de fournir la preuve qu'elle a mis en oeuvre les exigences particulières qui lui sont applicables. S'agissant de la question de la rémunération, le projet de loi clarifie le fait qu'en cas d'aide de l'Etat, des restrictions pourront frapper le système de rémunération non seulement des banques d'importance systémique, mais aussi de leurs sociétés mères. Il est en outre prévu que les banques non organisées en sociétés anonymes pourront aussi émettre des instruments de capital similaires aux CoCo (emprunts assortis d'un abandon de créances), à titre de capital social supplémentaire. De plus, les dispositions en matière d'assainissement ont été adaptées de manière à assurer un transfert rapide et durable des fonctions d'importance systémique dans une entité juridique autonome, afin de garantir le maintien de ces fonctions. Enfin, à l'avenir, le rapport

4366

annuel du DFF sur les questions financières et fiscales internationales devra aussi rendre compte de l'évolution de la situation internationale en matière de régulation des établissements financiers ayant une importance systémique sur le plan mondial (global systemically important financial institutions, G-SIFI) en relation avec la solution suisse au problème du too big to fail.

Les CoCo sont des titres de créance émis par la banque. En cas de survenance d'un événement déterminé (seuil déclencheur ou trigger), ils sont convertis en fonds propres ou amortis. Dans le présent message et sauf indication contraire expresse, il faut entendre par CoCo ­ dont la définition peut varier sur le plan international ­ les emprunts à conversion obligatoire en actions ou en bons de participation au sens de l'art. 13 du projet de loi (P-LB) et les emprunts assortis d'un abandon de créances (write-off) au sens de l'art. 11, al. 2, P-LB.

Le passage du principe du débiteur à celui de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé, tel que proposé dans le projet mis en consultation, ayant suscité un certain nombre d'oppositions ­ dont peu cependant quant au fond ­ cette mesure sera dissociée du présent projet de loi. Dès que les questions soulevées auront été examinées en détail, le Conseil fédéral soumettra au Parlement un message distinct, soit en septembre 2011 au plus tard.

Principaux éléments du présent projet de loi Mesures clés: le présent projet de modification de la LB comprend quatre mesures clés, consistant en (1) un renforcement de la base de fonds propres, (2) un durcissement des exigences en matière de liquidités, (3) une meilleure diversification des risques destinée à réduire les interdépendances dans le secteur bancaire et (4) l'adoption de mesures organisationnelles visant à garantir le maintien des fonctions d'importance systémique (p. ex. services de paiement) même en cas de menace d'insolvabilité. Les exigences en matière de fonds propres et celles relatives à l'organisation sont étroitement corrélées: si le ratio de fonds propres de la banque tombe au-dessous d'un certain seuil (trigger), le plan d'urgence prévu se déclenche afin de garantir le maintien des fonctions d'importance systémique. Simultanément, les CoCo de la banque sont convertis en fonds propres de base de haute qualité (common equity).
Principales modifications législatives: les modifications de la LB proposées dans le projet de loi incluent la définition des termes «banque d'importance systémique» et «fonction d'importance systémique», ainsi que la description des exigences particulières auxquelles doit satisfaire une telle banque (fonds propres, liquidités, répartition des risques et organisation). Le projet de loi confie en outre à la Banque nationale suisse (BNS) le soin d'établir par voie de décision quelles banques sont d'importance systémique et au Conseil fédéral celui de définir par voie d'ordonnance les exigences particulières imposées à ces banques. Les banques d'importance systémique seront par ailleurs tenues de prouver, en produisant un plan d'urgence approprié, que le maintien de leurs fonctions systémiques est garanti même en présence d'une menace d'insolvabilité. Chaque banque sera en principe libre de concevoir ce plan d'urgence comme elle l'entend. Les critères permettant d'évaluer la preuve, de même que les mesures que la FINMA pourra ordonner si la

4367

banque ne peut pas fournir cette preuve, seront également réglés par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance. Se fondant sur l'ordonnance, la FINMA disposera des exigences particulières imposées à chaque établissement par voie de décision, en appliquant le principe de la subsidiarité en relation avec l'organisation.

Le Conseil fédéral est également chargé d'imposer des restrictions au système de rémunération variable des banques d'importance systémique lorsqu'elles bénéficient du soutien de la Confédération.

Aux fins de l'application des nouvelles prescriptions relatives aux fonds propres, le projet de loi met de nouveaux instruments à la disposition des banques, à savoir le capital de réserve et le capital convertible.

Si les fonds propres de base de haute qualité diminuent jusqu'à un certain seuil synonyme de menace d'insolvabilité, la conversion du capital apporte les fonds propres garantissant le maintien des fonctions systémiques. Ce capital social supplémentaire ne doit être utilisé que pour renforcer le capital propre en relation avec les nouvelles prescriptions en matière de fonds propres.

Le projet de loi comporte également deux mesures d'accompagnement fiscales, consistant, la première, en une suppression générale du droit de timbre d'émission sur les obligations et les papiers monétaires et, la seconde, en une suppression de ce même droit de timbre d'émission sur les droits de participation, pour autant que ceux-ci résultent de la conversion de CoCo. On entend ainsi éviter que les banques d'importance systémique ne soient grevées d'un impôt alors qu'elles sont déjà en difficulté. De plus, l'exonération du droit de timbre d'émission en cas de conversion de CoCo vaut aussi pour les autres banques.

Aperçu du projet de loi distinct visant à dynamiser le marché suisse des capitaux En septembre 2011 au plus tard, le Conseil fédéral soumettra au Parlement un message concernant la dynamisation du marché suisse des capitaux.

Conjointement avec la suppression du droit de timbre d'émission sur les obligations et les papiers monétaires prévue dans le présent projet de loi, le passage du principe du débiteur à celui de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé sur les rendements de ces titres vise à augmenter l'attrait de l'ensemble du marché suisse des capitaux et, partant, de l'émission
d'emprunts à conversion obligatoire en Suisse. L'émission de CoCo en Suisse accroît la sécurité du droit, ce qui peut être déterminant pour le bon fonctionnement du dispositif de garantie proposé en cas de menace d'insolvabilité.

Les nouvelles dispositions limitent la perception de l'impôt anticipé sur les rendements des obligations et des papiers monétaires aux personnes physiques domiciliées en Suisse. Les personnes morales et les investisseurs institutionnels bénéficient pour leur part d'une exonération générale de cet impôt.

L'impôt anticipé conservera son caractère de garantie et n'aura pas d'effet libératoire. Son taux restera inchangé à 35 %.

4368

Enfin, la perte de recettes que le présent projet de loi entraîne pour la Confédération sera partiellement compensée, d'une part, par l'augmentation des recettes des impôts sur le revenu et sur le bénéfice résultant de la relance du marché suisse des capitaux et, d'autre part, par une éventuelle progression des recettes due au passage au principe de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé sur les rendements des obligations et des papiers monétaires.

Conséquences économiques Considérées dans leur ensemble, les mesures proposées vont augmenter la stabilité des banques et renforcer le système financier, ce qui permettra d'éviter à l'avenir les coûts énormes que les crises financières graves ont aujourd'hui pour le contribuable et pour l'économie nationale. Les banques suisses d'importance systémique verront certes leurs coûts augmenter, mais elles bénéficieront en contrepartie, à long terme, d'une confiance accrue des investisseurs, ce qui constituera un avantage concurrentiel certain, tant pour la place financière suisse dans son ensemble que pour chacun des établissements concernés.

On ne peut toutefois exclure que les banques d'importance systémique ne tentent de répercuter l'augmentation de leurs coûts sur leurs clients. A l'extrême, il pourrait même en résulter une diminution à court terme de l'octroi de crédits. Il s'agit cependant d'un marché sur lequel les banques d'importance systémique sont soumises à une intense concurrence de la part des autres banques. Ainsi, même si elles réduisaient leur offre de crédit, la demande pourrait continuer à être satisfaite par ces dernières, au moins à moyen terme.

S'agissant des mesures fiscales, elles auront pour effet de dynamiser le marché suisse des capitaux, ce qui améliorera les possibilités de financement des entreprises. Par ailleurs, sur le plan national, les mesures clés proposées élimineront les distorsions de la concurrence existant actuellement entre les banques d'importance systémique et les autres en raison de la garantie de fait de l'Etat dont bénéficient les premières, ce qui débouchera probablement sur une intensification de la concurrence. Sur le plan international, la solvabilité des grandes banques suisses se trouvera renforcée, de sorte qu'elles devraient pouvoir se refinancer à moindres coûts.

La suppression du droit de timbre
d'émission sur les capitaux de tiers se traduira quant à elle par un recul annuel des recettes fiscales de la Confédération de 220 millions de francs nets (déduction faite de la part des recettes de cet impôt provenant des propres activités d'émission de la Confédération). Pour les cantons et les communes, il en résultera en revanche une économie directe d'environ 30 millions de francs par année. Cantons et communes profiteront en outre du fait que la suppression de cet impôt déchargera également les entreprises en mains publiques. Les réactions d'adaptation des banques d'importance systémique et les effets sur les bénéfices et sur la création de valeur se traduiront par d'autres diminutions de recettes, qu'il n'est cependant pas possible de chiffrer.

Enfin, l'analyse d'impact de la réglementation montre que les avantages à long terme des mesures proposées sont supérieurs à leurs coûts, tant pour le contribuable que pour l'économie nationale.

4369

Table des matières Condensé

4366

1 Présentation 1.1 Contexte 1.2 Rapport de la commission d'experts 1.3 Projet mis en consultation 1.4 Résultat de la consultation 1.5 Analyse d'impact de la réglementation 1.6 Caractéristiques du projet de loi 1.6.1 Catalogue de mesures 1.6.2 Evaluation des mesures proposées 1.6.3 Mesures abandonnées 1.6.4 Mesures fiscales 1.6.4.1 Avantages de l'émission de CoCo en Suisse 1.6.4.2 Objectifs de la politique fiscale 1.6.4.3 Mesures fiscales proposées 1.6.4.4 Autres mesures fiscales évaluées 1.6.4.4.1 Mesures limitées aux CoCo 1.6.4.4.2 Mesures générales 1.7 Droit comparé et rapport avec le droit européen 1.7.1 Régulation des banques d'importance systémique 1.7.2 Rémunérations variables 1.8 Application 1.9 Classement d'interventions parlementaires

4374 4374 4376 4377 4377 4378 4379 4380 4381 4382 4383 4383 4384 4386 4387 4387 4388 4389 4389 4391 4391 4392

2 Commentaire des articles 2.1 Chapitre V Banques d'importance systémique 2.1.1 Définition (art. 7, al. 1, P-LB) 2.1.2 But (art. 7, al. 2, P-LB) 2.1.3 Critères et détermination de l'importance systémique (art. 8 P-LB) 2.1.3.1 Fonctions d'importance systémique 2.1.3.2 Banques d'importance systémique 2.1.3.3 Décision de la BNS 2.1.4 Exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique (art. 9 P-LB) 2.1.4.1 Bases 2.1.4.2 Etendue et délimitation (art. 9, al. 1, P-LB) 2.1.4.3 Fonds propres (art. 9, al. 2, let. a, P-LB) 2.1.4.3.1 But et principe 2.1.4.3.2 Structure des exigences particulières en matière de fonds propres 2.1.4.3.3 Ordre de grandeur des exigences en matière de fonds propres 2.1.4.4 Liquidités (art. 9, al. 2, let. b, P-LB) 2.1.4.4.1 But et principe

4392 4392 4392 4393

4370

4393 4393 4393 4394 4396 4396 4397 4398 4398 4399 4401 4402 4402

2.1.4.4.2 Exigences quantitatives 2.1.4.4.3 Exigences qualitatives 2.1.4.4.4 Exigences complémentaires 2.1.4.5 Répartition des risques (art. 9, al. 2, let. c, P-LB) 2.1.4.5.1 Prescriptions applicables aux banques d'importance systémique 2.1.4.5.2 Prescriptions applicables à toutes les banques 2.1.4.6 Organisation (art. 9, al. 2, let. d, P-LB) 2.1.4.6.1 But et principe 2.1.4.6.2 Principe de subsidiarité 2.1.4.7 Rapport entre les exigences en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques et les exigences organisationnelles 2.1.5 Application à la banque concernée (art. 10 P-LB) 2.1.5.1 Décision relative aux exigences particulières (art. 10, al. 1) 2.1.5.2 Preuve de l'organisation suffisante (art. 10, al. 2) 2.1.5.2.1 But, contenu et degré de la preuve 2.1.5.2.2 Mesures de la FINMA 2.1.5.3 Allégements des exigences en matière de fonds propres (remises, art. 10, al. 3) 2.1.5.4 Compétence du Conseil fédéral d'édicter des ordonnances (art. 10, al. 4) 2.1.6 Mesures en matière de rémunération (art. 10a P-LB) 2.1.6.1 Mesures obligatoires en cas d'aide financière de l'Etat 2.1.6.2 Type de mesures 2.1.6.3 Réserve dans les accords de rémunération 2.1.7 Dispositions relatives à l'assainissement 2.1.7.1 Effet suspensif (art. 24, al. 3, P-LB) 2.1.7.2 Indemnisation (art. 24, al. 4, P-LB, nouveau) 2.1.7.3 Coordination avec les systèmes de paiement et de règlement des transactions sur titres (art. 27, al. 1, P-LB) 2.1.7.4 Exclusion de la loi sur la fusion (art. 30, al. 3, P-LB) 2.1.7.5 Homologation du plan d'assainissement (art. 31, al. 1, let. d et al. 4, P-LB, nouveau) 2.1.7.6 Refus du plan d'assainissement (art. 31a, al. 3) 2.1.7.7 Compensation (art. 31b P-LB) 2.1.7.8 Action révocatoire (art. 32, al. 2bis, P-LB, nouveau) 2.2 Chapitre VI Capital complémentaire 2.2.1 Généralités 2.2.2 Principes (art. 11 P-LB) 2.2.2.1 Champ d'application 2.2.2.2 Fonctionnement et finalité 2.2.2.3 Aspects relevant du droit de la surveillance 2.2.3 Capital de réserve (art. 12 P-LB) 2.2.3.1 Compétences de l'assemblée générale, teneur des statuts 2.2.3.2 Augmentation de capital par le conseil d'administration 2.2.3.3 Exclusion du droit de souscription

4403 4404 4404 4404 4405 4405 4405 4405 4406 4407 4407 4407 4408 4408 4409 4409 4411 4412 4412 4412 4412 4413 4413 4414 4415 4415 4415 4416 4416 4416 4417 4417 4417 4417 4418 4419 4420 4420 4420 4421 4371

2.2.3.4 Relation avec le capital autorisé 2.2.4 Capital convertible (art. 13 P-LB) 2.2.4.1 Concept 2.2.4.2 Compétences de l'assemblée générale, teneur des statuts 2.2.4.3 Compétences du conseil d'administration 2.2.4.4 Exclusion du droit de souscription préférentiel 2.2.4.5 Constatation par le conseil d'administration de l'événement déclencheur de la conversion 2.2.4.6 Inscription immédiate au registre du commerce 2.2.4.7 Relation avec le capital conditionnel 2.3 Modification du droit en vigueur 2.3.1 Code des obligations 2.3.2 Loi fédérale sur les droits de timbre 2.3.3 Loi sur la banque nationale 2.4 Entrée en vigueur 3 Conséquences 3.1 Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes 3.1.1 Conséquences fiscales directes 3.1.2 Conséquences financières indirectes par suite de changements de pratiques 3.1.2.1 Financement des besoins en capital 3.1.2.2 Modification de la structure du capital 3.1.2.3 Effets inhérents à la création de valeur ajoutée et aux bénéfices 3.1.2.4 Effets inhérents au patrimoine 3.1.3 Résumé 3.1.4 Perspectives dans le cadre du projet de relance du marché suisse des capitaux 3.2 Conséquences pour le personnel 3.3 Conséquences économiques 3.3.1 Problèmes inhérents au too big to fail 3.3.2 Conséquences des exigences en matière de fonds propres et de liquidités 3.3.2.1 Incidences sur la prévention et la maîtrise des crises 3.3.2.2 Incidences sur l'octroi de crédits en Suisse 3.3.2.3 Incidences sur la concurrence et la création de valeur 3.3.3 Conséquences des dispositions relatives à l'organisation et à la répartition des risques 3.3.3.1 Conséquences de la réduction des interdépendances au sein du secteur financier 3.3.3.2 Conséquences en termes de plans d'urgence et d'assainissement 3.3.3.3 Conséquences pour la concurrence et la création de valeur 3.3.4 Conséquences des mesures concernant les rémunérations variables 4372

4422 4422 4422 4423 4423 4424 4425 4425 4426 4426 4426 4427 4427 4427 4428 4428 4428 4430 4431 4431 4432 4433 4434 4435 4435 4435 4436 4438 4438 4439 4441 4442 4442 4443 4444 4445

3.3.4.1 En dehors des périodes de crise 3.3.4.2 En temps de crise 3.3.4.3 Compétitivité par rapport à d'autres secteurs et aux autres pays 3.4 Capital social requis pour satisfaire aux exigences prudentielles 3.4.1 Capital de réserve 3.4.2 CoCo ­ capital convertible et emprunts assortis d'un abandon de créances 3.4.2.1 Chance commerciale pour les CoCo 3.4.2.2 Investisseurs potentiels, effet sur la répartition des risques

4445 4446 4446 4446 4446 4447 4447 4449

4 Liens avec le programme de la législature

4449

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.1.1 Exigences particulières pour les banques d'importance systémique 5.1.2 Réglementation relative aux pratiques de rémunération 5.1.2.1 Liberté économique 5.1.2.2 Examen du nouvel article de loi 5.1.3 Mesures fiscales 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Délégation de compétences législatives

4450 4450

Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (Loi sur les banques, LB) (Renforcement de la stabilité dans le secteur financier, too big to fail) (Projet)

4450 4450 4450 4451 4453 4453 4453

4455

4373

Message 1

Présentation

1.1

Contexte

En 2008, la crise financière et économique a nécessité que l'on adopte, aux EtatsUnis et dans quasiment tous les pays européens, des trains de mesures publiques aux proportions historiques, afin de stabiliser le système financier et d'assurer la survie de certains établissements. La Suisse n'a pas échappé à cette nécessité. Les turbulences qui ont agité les marchés financiers mondiaux ont surtout touché ses deux grandes banques, alors très engagées sur le marché américain, frappant en particulier UBS, malgré sa capitalisation supérieure à la moyenne internationale. Il est alors apparu clairement que si une grande banque suisse se trouve dans une situation critique, c'est le fonctionnement du système financier dans son ensemble qui est menacé, avec des répercussions directes sur tous les secteurs de l'économie réelle.

L'importance de ce risque pour l'économie nationale peut même aller jusqu'à contraindre l'Etat à intervenir et à se muer, de fait, en sauveur: en 2008, le Conseil fédéral, la Banque nationale suisse (BNS) et l'ancienne Commission fédérale des banques (CFB, aujourd'hui Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers [FINMA]) ont dû élaborer un train de mesures axées sur la stabilisation d'UBS.

Parmi ces mesures figurait le renforcement de la base de fonds propres de la banque par la Confédération, au moyen de la souscription d'un emprunt à conversion obligatoire de six milliards de francs. De plus, le fonds de stabilisation (StabFund) mis sur pied par la BNS a repris des actifs illiquides d'UBS à hauteur de 38,7 milliards de dollars américains.

Certes, les conséquences financières directement imputables à une telle intervention de l'Etat peuvent se révéler minimes après coup: en 2009, la Confédération s'est même désengagée d'UBS en réalisant un bénéfice de 1,2 milliard de francs. Pour ce qui est du fonds de stabilisation, son résultat ne pourra être chiffré que lorsque le fonds aura été entièrement liquidé. Il n'en reste pas moins que l'engagement de l'Etat présentait des risques considérables pour le contribuable. Or, à défaut de mesures visant à réduire l'ampleur de leurs dommages potentiels pour l'économie nationale, de futures crises pourraient de nouveau nécessiter l'adoption de plans de sauvetage publics. Dans le pire des cas, ceux-ci pourraient même dépasser les
capacités financières du pays, du fait notamment que les deux grandes banques sont de très grosses entreprises par rapport au produit intérieur brut (PIB).

De 2003 à 2007, les actifs d'UBS se sont en effet élevés, en moyenne, à 280 % du PIB et ceux de Credit Suisse à 100 %1. En comparaison avec l'Irlande, l'Islande, Hong Kong, Singapour et le Royaume-Uni, la proportion d'actifs d'UBS par rapport au PIB du pays place la Suisse en tête de peloton. Elle est suivie de l'Islande et la banque Kaupthing (247 %), puis de Hong Kong et la banque Hong Kong & Shanghai Banking Corporation (HSBC), avec 204 %2.

1 2

Maison mère uniquement. Si l'on prenait en considération l'ensemble du groupe Credit Suisse, la proportion serait nettement plus élevée.

Source: Moghadam, Reza et Viñals, Jose (2010). Cross-Cutting Themes in Economies with Large Banking Systems, IMF.

4374

Il est donc indispensable de prendre rapidement des mesures durables propres à limiter les risques systémiques que les grandes banques font courir à l'économie. En décembre 2008 déjà, la CFB s'était accordée avec les grandes banques sur un relèvement de leurs fonds propres d'ici à 2013 et sur l'adoption d'un ratio de levier financier (leverage ratio). Elle était également convenue avec elles d'un nouveau régime des liquidités ­ entré en vigueur le 30 juin 2010 ­, car la capacité de résistance des grandes banques dépend non seulement de leurs fonds propres, mais encore d'une dotation adéquate en liquidités. De plus, une révision de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur les fonds propres (OFR)3 a pris effet le 1er janvier 2011. Elle prévoit l'application tant des premières prescriptions de renforcement de la couverture en fonds propres adoptées par le Comité de Bâle suite à la crise financière et économique que des principales normes optimisées de l'Union européenne (UE) relatives à la répartition des risques.

En temps de crise, l'Etat ne peut abandonner un établissement dont dépend le maintien de fonctions d'importance systémique. Dit «trop grand pour être mis en faillite» (too big to fail), ce genre d'établissement bénéficie par conséquent d'une garantie implicite de l'Etat, ce qui a des effets incitatifs néfastes (risque moral). De plus, du point de vue économique, cette garantie implicite de l'Etat est comparable à une subvention faussant la concurrence et grevant l'économie de coûts supplémentaires.

Elle s'oppose en outre aux ajustements structurels, gages de prospérité, du fait que les entreprises d'importance systémique mal gérées ne sont pas éliminées du marché. La crise financière et économique a montré que les banques devant être classées comme trop grandes pour être mises en faillite sont nombreuses sur le plan international: plus des deux tiers des cent plus grandes banques du monde ont bénéficié d'une aide publique. Toutefois, quand il considère une entreprise comme trop grande pour être mise en faillite et qu'il est contraint de la soutenir en cas d'insolvabilité déclarée ou imminente, l'Etat court-circuite un mécanisme de sanction essentiel inhérent au marché, ce qui incite les investisseurs et les établissements financiers concernés à prendre des risques inconsidérés. En outre,
les mesures de soutien étatiques ont eu des conséquences graves, voire dramatiques, sur les finances publiques de nombreux pays, limitant pour plusieurs années leur marge de manoeuvre fiscale. Enfin, le seul fait de savoir que l'Etat est susceptible de soutenir certains établissements peut entraîner des distorsions du marché et une utilisation inefficace des ressources.

Le 4 novembre 2009, le Conseil fédéral a donc institué une commission d'experts chargée d'élaborer des mesures visant à limiter les risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale. Il l'a fait sur mandat du Parlement, en particulier suite à la motion du 3 octobre 2008 du groupe de l'Union démocratique du centre «Prévenir les risques démesurés pour l'économie suisse» (08.3649). La commission d'experts devait principalement formuler des propositions visant à réduire les risques que les grandes entreprises font courir aux contribuables et à l'économie nationale, compte tenu de manière appropriée des aspects de rentabilité et de concurrence, et définir des approches et un ordre de priorité, le tout dans un rapport à présenter en automne 2010.

3

RS 952.03

4375

1.2

Rapport de la commission d'experts

Un rapport intermédiaire présentant les résultats provisoires des travaux de la commission d'experts a été soumis au Conseil fédéral le 22 avril 2010. Le Conseil fédéral a alors pris publiquement position en faveur de l'orientation générale du rapport et souligné l'importance des mesures qui y étaient proposées. Le rapport final lui a été remis le 30 septembre 2010. Lors de sa séance du 13 octobre 2010, le Conseil fédéral a décidé de soutenir les grands axes du train de mesures recommandé dans le rapport sous l'appellation de policy mix et de préparer un projet à mettre en consultation fondé sur le rapport et prévoyant l'application du train de mesures. Sa décision portait également sur l'examen de mesures fiscales appropriées pour améliorer les conditions-cadres en vigueur sur le marché suisse des obligations, en particulier pour les CoCo4.

Très complet, le rapport de la commission d'experts prévoit un train de mesures destinées à limiter les risques auxquels les banques d'importance systémique exposent l'économie suisse. Ses recommandations visent, d'une part, à durcir les exigences en matière de fonds propres, tout en les assortissant de nouveaux instruments de capital et, d'autre part, à adopter des mesures organisationnelles permettant d'assurer, même en temps de crise, les services indispensables dans les domaines du trafic des paiements, des dépôts et des crédits. Le tout est complété par des prescriptions plus strictes en matière de liquidités ainsi que par une limitation des interdépendances et de la concentration des risques dans le secteur financier Applicables aux deux grandes banques considérées comme ayant une importance systémique, à savoir Credit Suisse et UBS, les exigences proposées vont nettement au-delà des normes actuellement en vigueur. Elles sont non seulement compatibles avec les nouvelles exigences internationales du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Bâle III) et les recommandations du Conseil de stabilité financière (CSF), mais les dépassent même. Ainsi, la commission d'experts propose que les banques suisses d'importance systémique disposent de fonds propres dont le total est nettement supérieur à celui découlant des futures exigences de Bâle III (cf. graphique ci-dessous et ch. 2.1.4.3.2).

4

Les CoCo (contingent convertible bonds) sont des titres de créance émis par la banque.

En cas de survenance d'un événement déterminé (seuil déclencheur ou trigger), ils sont convertis en fonds propres ou amortis. Dans le présent message et sauf indication contraire expresse, il faut entendre par CoCo ­ dont la définition peut varier sur le plan international ­ les emprunts à conversion obligatoire en actions ou en bons de participation au sens de l'art. 13 P-LB et les emprunts assortis d'un abandon de créances (write-off) au sens de l'art. 11, al. 2, P-LB.

4376

Composante progressive

Volant de sécurité

Exigence minimale

Standard international prévu (Bâle III) CoCo

1.3

Proposition de la commission d'experts pour les banques suisses d'importance systémique Autres fonds propres

Projet mis en consultation

Le projet élaboré en vue de la procédure de consultation concrétisait les propositions de la commission d'experts sur le plan législatif. De plus, comme annoncé par le Conseil fédéral le 28 avril 2010, on a intégré à la modification de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB)5 des dispositions réglant le versement de rémunérations variables en cas d'aide de l'Etat. Enfin, pour stimuler le marché suisse des capitaux et promouvoir l'émission de CoCo en Suisse même, on a également inscrit dans le projet de loi les mesures d'accompagnement fiscales suggérées par la commission d'experts. La procédure de consultation a duré du 22 décembre 2010 au 23 mars 2011.

1.4

Résultat de la consultation

En charge de la réalisation de la procédure de consultation, le Département fédéral des finances (DFF) a reçu quelque 70 prises de position. La majorité des participants à la consultation se sont déclarés entièrement favorables aux mesures législatives proposées à l'égard des banques d'importance systémique ou en ont au moins salué le principe. Cela vaut en particulier pour le durcissement des exigences en matière de fonds propres. Seule une minorité s'est prononcée contre le projet de loi.

Les partisans du projet de loi ont cependant émis des réserves et proposé des modifications. D'une part, ils préconisent que les mesures prévues soient réglées en détail dans la loi elle-même, critiquant en particulier le pouvoir d'appréciation que le 5

RS 952.0

4377

projet laisse à la FINMA. D'autre part, quelques participants à la consultation s'opposent aux mesures proposées en matière d'organisation, car ils estiment qu'elles portent excessivement atteinte à l'autonomie des banques d'importance systémique dans ce domaine, ce qui constitue selon eux une violation du principe de la subsidiarité. De nombreuses modifications législatives, dont la limitation du droit de recours des créanciers, sont en outre proposées dans ce contexte.

Le principal argument avancé par les opposants est que le projet de loi s'écarterait trop des recommandations du rapport de la commission d'experts. Selon eux, la compétence de la FINMA d'intervenir dans l'organisation des banques va trop loin pour pouvoir être acceptée. Une partie des critiques portent également sur le fait que les conséquences des mesures proposées pour l'économie suisse n'auraient pas été suffisamment mises en lumière.

Pour ce qui est des mesures d'accompagnement fiscales, les prises de position sont variées. La majorité des participants à la consultation saluent la suppression générale du droit de timbre d'émission sur les capitaux de tiers. Certains ont demandé que l'exonération du droit de timbre d'émission sur les droits de participation prévue pour les banques d'importance systémique soit étendue aux autres établissements, plusieurs proposant même l'abolition générale du droit de timbre d'émission. Quant au passage du principe du débiteur à celui de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé, il a été diversement accueilli, notamment en ce qui concerne le délai prévu pour l'application technique du changement ainsi que certaines dispositions de détail. Beaucoup ont critiqué en particulier la méthode envisagée, dite méthode de l'adresse, proposant de la remplacer par la procédure de la déclaration bancaire (affidavit). Ils préféreraient donc que l'on traite les modifications ayant trait à l'impôt anticipé séparément du présent projet de loi.

Enfin, de façon générale, plusieurs participants à la procédure de consultation demandent que le délai de transition soit prolongé, surtout en ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures de droit fiscal relatives à l'impôt anticipé.

1.5

Analyse d'impact de la réglementation

La pratique de l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) remonte à l'entrée en vigueur des directives du Conseil fédéral du 15 septembre 1999 sur l'exposé des conséquences économiques des projets d'actes législatifs fédéraux. Il s'agit donc d'un instrument visant à améliorer la qualité de la législation en soumettant les projets d'actes normatifs à une analyse de leurs conséquences économiques.

En 2006, le Conseil fédéral décidait également que tous les projets de législation importants devaient faire l'objet d'une AIR détaillée, à réaliser conjointement par l'office compétent et par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). Le projet de modification de la LB relatif à la problématique du too big to fail faisant partie de ces projets importants, le Conseil fédéral en a inscrit l'AIR détaillée au nombre de ses objectifs 2011. Celle-ci a été réalisée sous la coordination du Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI) et du SECO, en collaboration avec l'Administration fédérale des contributions (AFC), l'Administration fédérale des finances (AFF), la BNS et la FINMA. Elle tient compte également des résultats de la consultation.

4378

L'analyse montre que les mesures prévues dans le projet de modification de la LB sont propres à réduire les énormes coûts pour l'économie nationale résultant immanquablement de toute crise financière grave. La forte concurrence régnant sur le marché du crédit est garante du fait que ces mesures n'entraîneront pas de diminution de l'octroi de crédits, du moins à moyen terme. Les mesures fiscales faciliteront quant à elles l'établissement d'un marché des CoCo en Suisse, ce qui est très important en termes de sécurité du droit en cas de crise. De plus, l'attrait accru du marché suisse des capitaux contrebalancera les éventuels effets négatifs des mesures too big to fail sur le financement des entreprises. Enfin, les banques d'importance systémique verront peut-être leur potentiel de bénéfices et de rendement diminuer, mais bénéficieront en contrepartie de marchés plus dynamiques et d'une plus grande confiance des clients et des investisseurs. L'analyse conclut que les avantages économiques à long terme des mesures proposées sont supérieurs à leurs coûts.

1.6

Caractéristiques du projet de loi

La révision proposée de la législation sur les banques et du droit des obligations vise à assurer l'application des mesures clés présentées dans le rapport de la commission d'experts6.

En ce qui concerne les fonds propres, le projet présente un concept global assorti de propositions concrètes. Son noyau dur est constitué de trois composantes de fonds propres destinées à renforcer la base de responsabilité des banques d'importance systémique: l'exigence minimale est celle qui doit être au moins satisfaite pour avoir l'autorisation d'assurer la marche ordinaire des affaires; le volant de sécurité permet aux banques d'absorber des pertes sans passer au-dessous du niveau de l'exigence minimale et, partant, sans devoir suspendre la marche ordinaire de leurs affaires; enfin, la composante progressive entend garantir que les banques dont l'importance systémique s'accroît augmentent aussi leur capitalisation, de manière à ce qu'elles disposent de la marge de manoeuvre financière nécessaire pour surmonter les crises en appliquant un plan d'urgence préparé à l'avance. Ce concept s'applique tant au ratio de fonds propres pondérés en fonction des risques qu'au ratio minimal entre fonds propres et total du bilan (ratio de levier financier). Les banques sont en outre incitées à réduire leurs risques afin de diminuer les exigences en matière de fonds propres.

Les exigences en matière de liquidités garantissent que les banques d'importance systémique disposent, en temps de crise, de liquidités suffisantes durant une période appropriée, c'est-à-dire jusqu'à ce que les mesures prises pour assurer le maintien des fonctions bancaires d'importance systémique prennent effet.

Les mesures relatives à la répartition des risques visent principalement à réduire les interdépendances au sein du secteur bancaire, en particulier la dépendance des banques ordinaires à l'égard des banques d'importance systémique.

Les mesures organisationnelles visent à garantir le maintien des fonctions d'importance systémique (notamment les opérations de paiement, de dépôt et de crédit) en cas de menace d'insolvabilité d'une banque d'importance systémique. Cependant, 6

Cf. le rapport final du 30 septembre 2010 de la commission d'experts chargée d'examiner la limitation des risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale (ci-après «rapport de la commission d'experts»), chap. 3 «Mesures», pp. 22 ss.

4379

étant donné que ces mesures limitent fortement la liberté économique et la garantie de la propriété, il y a lieu d'appliquer le principe de la subsidiarité. Il incombe donc à chaque banque d'importance systémique de s'organiser de manière à pouvoir garantir le maintien de ses fonctions systémiques. Le Conseil fédéral doit définir les exigences particulières auxquelles ces banques seront soumises par voie d'ordonnance. Les banques en question seront en outre tenues de prouver, en produisant un plan d'urgence approprié, que le maintien de leurs fonctions systémiques est garanti même en présence d'une menace d'insolvabilité. Chaque banque sera en principe libre de concevoir ce plan d'urgence comme elle l'entend. Les critères permettant d'évaluer la preuve, de même que les mesures que la FINMA pourra ordonner si la banque ne peut pas fournir cette preuve, seront également réglés par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance. Enfin, des mesures incitatives visant une amélioration générale de la capacité des banques à être assainies ou liquidées seront appliquées sous la forme de remises sur les exigences en matière de fonds propres.

Le chapitre 6 «Capital complémentaire» de la nouvelle loi contient des dispositions régissant le capital de réserve et le capital convertible, ainsi que des dispositions communes à ces deux formes de capital complémentaire.

Les quatre mesures clés ci-dessus sont complétées par des mesures d'accompagnement. Le projet prévoit en effet une réglementation des rémunérations variables en cas d'aide de l'Etat, des modifications de la procédure d'assainissement ainsi que des mesures fiscales destinées à favoriser le développement d'un marché suisse des obligations, en particulier des CoCo.

1.6.1

Catalogue de mesures

Compte tenu de la complexité du problème des établissements trop grands pour être mis en faillite, proposer des mesures touchant à un seul domaine n'aurait pas suffi.

C'est pourquoi le projet de loi prévoit toute une série de mesures qui se complètent mutuellement. L'action conjointe des mesures concernant les fonds propres et de celles relatives à l'organisation joue un rôle central. En effet, si le ratio de fonds propres d'une banque d'importance systémique tombe au-dessous d'un certain seuil, le plan d'urgence garantissant le maintien de ses fonctions systémiques se déclenche. Simultanément, les CoCo qui doivent être détenus en principe au titre de la composante progressive sont convertis. Ainsi, la banque dispose toujours d'une dotation en capital suffisante pour mettre en oeuvre le plan d'urgence. Par ailleurs, si elle dépasse les exigences légales minimales en matière d'organisation et qu'elle améliore ainsi sa capacité à être assainie ou liquidée, la banque peut bénéficier d'une remise sur les exigences relatives à la composante progressive de ses fonds propres.

S'ajoutant les unes aux autres, ces mesures réduisent largement la probabilité que l'Etat soit contraint d'intervenir en cas de crise financière, comme ce fut le cas en 2008.

Si ces mesures ne suffisent pas et qu'il faille néanmoins accorder une aide de l'Etat à une banque d'importance systémique, des mesures en matière de rémunération sont également prévues. Ces dispositions permettent à l'Etat notamment de contrôler le versement de rémunérations variables par la banque dans les cas où elle doit être soutenue par des fonds publics. Les mesures prévues peuvent aller jusqu'à

4380

l'interdiction complète de telles rémunérations et doivent être maintenues pendant toute la période durant laquelle le soutien de l'Etat est accordé.

Dans le même temps, il convient de s'assurer qu'en cas de soutien étatique, les mesures ordonnées ne soient pas en contradiction avec d'éventuels droits contractuels des collaborateurs de la banque et que les ressources octroyées par la Confédération ne soient pas affectées au paiement de rémunérations variables. Il est indispensable à cet effet que les banques d'importance systémique formulent une réserve dans leurs accords de rémunération: si elles bénéficient d'une aide de l'Etat au sens de la disposition légale proposée, le Conseil fédéral doit pouvoir intervenir sur le droit de leurs collaborateurs à une rémunération variable.

1.6.2

Evaluation des mesures proposées

Les mesures prévues ont été évaluées ­ tant isolément qu'en tenant compte de leurs interactions ­ selon des critères de sélection déterminés. Ces critères visaient, d'une part, à garantir que les objectifs fixés soient atteints et, d'autre part, à éviter que la nouvelle réglementation n'ait des effets indésirables. Les critères retenus étaient les suivants: (a) réduction des risques, (b) liquidation et restructuration facilitées des banques d'importance systémique, (c) bon fonctionnement et efficience du système financier, (d) neutralité concurrentielle, (e) simplicité et (f) objectifs autres que fiscaux7.

Les mesures proposées répondent en grande partie aux critères définis. L'augmentation des fonds propres réduit les risques d'insolvabilité des banques et diminue ainsi les risques systémiques. De plus, en obligeant les banques d'importance systémique à augmenter leur capital en garantie de leurs activités, ces mesures ont pour effet de réduire leur propension au risque L'augmentation des fonds propres joue quant à elle un rôle stabilisateur et contribue à la maîtrise des crises exogènes, tandis que les CoCo mettent à la disposition des banques d'importance systémique des ressources supplémentaires qui en renforcent la base de capital et facilitent également la gestion des crises.

L'augmentation prévue des fonds propres et l'existence du capital convertible jouent également un rôle important dans le bon fonctionnement et l'efficience du système financier. Ces mesures contribuent en effet à restaurer la neutralité concurrentielle en corrigeant les distorsions créées par l'importance systémique des grandes banques et réduisent les effets incitatifs néfastes que le système actuel produit sur les banques d'importance systémique (risque moral).

Les mesures visant la répartition des risques ont directement trait au critère de la réduction des risques. Les dispositions proposées par la nouvelle réglementation visent à réduire la concentration des créances des banques d'importance systémique face à une contrepartie unique et à diminuer l'ensemble des risques systémiques ainsi que les liens de dépendance opérationnelle entre les banques d'importance systémique et les autres. La réduction de ces liens opérationnels ainsi que du niveau des créances envers les banques d'importance systémique se traduira par une diminution de la concentration des risques et, partant, par un recul du niveau de risque 7

Cf. le rapport de la commission d'experts, chap. «Critères de sélection des mesures appropriées», pp. 24 ss.

4381

systémique. Le système sera alors plus à même de réagir et de continuer à fonctionner au cas où les banques d'importance systémique se trouveraient en difficulté. Les autres critères sont aussi remplis (ou non directement concernés) par les mesures visant la répartition des risques.

Les mesures organisationnelles visent à garantir le maintien des fonctions d'importance systémique en temps de crise. Elles sont également importantes aux fins de la réduction des risques, dans la mesure où, en rendant possible l'assainissement forcé et la liquidation ordonnée des banques d'importance systémique, elles contribuent à une meilleure répartition des risques entre les actionnaires, les créanciers et les dirigeants de la banque.

De manière générale, les mesures proposées satisfont aux critères fixés. Elles permettent d'atténuer les risques, de faciliter la gestion des crises et d'assurer le maintien des services bancaires d'importance systémique. Elles assurent en outre le bon fonctionnement et l'efficience du système ainsi que sa neutralité concurrentielle sans pour autant avoir d'importantes implications fiscales.

1.6.3

Mesures abandonnées

Parmi les autres mesures discutées au niveau international, certaines ont été abandonnées parce qu'elles ne sont pas susceptibles d'entraîner une réduction des risques, qu'elles sont de nature à engendrer des incitations inappropriées ou démesurées par rapport aux objectifs visés ou qu'elles peuvent être remplacées par d'autres mesures moins contraignantes pour les banques concernées.

En particulier les dispositions visant le démantèlement des grandes banques ainsi que les restrictions directes concernant leur taille ont été considérées comme trop rigoureuses et inappropriées pour réduire le potentiel de risque et faciliter la liquidation.

Les mesures concernant la restriction directe du modèle d'affaires des banques sous la forme d'une limitation de leurs compétences, comme l'interdiction du négoce pour compte propre ou la séparation entre les opérations pour compte propre et les opérations de dépôt, ont aussi été rejetées. Non seulement la définition du terme négoce pour compte propre est compliquée, mais on ne pourrait en outre exclure un transfert de ces activités dans un secteur moins réglementé, ce qui aurait pour effet de déplacer le problème au lieu de le résoudre.

On n'a pas retenu non plus les mesures relevant des domaines de la fiscalité et des assurances et visant une répartition équitable des coûts d'une crise des marchés financiers (taxe sur les transactions, taxe directe sur les banques et taxe sur les activités financières). Il s'agit là de mesures visant idéalement à réduire la probabilité de crises futures et éviter que leurs coûts ne soient répercutés sur les Etats.

Toutefois, l'effet assurance d'un fonds de stabilité peut inciter à prendre davantage de risques, tandis que les taxes supplémentaires peuvent être répercutées sur le prix des prestations bancaires. De plus, agir sur les risques en augmentant la pression fiscale limiterait la possibilité des banques d'assurer leur stabilité future par l'augmentation de leur dotation en fonds propres à partir de leurs bénéfices.

Enfin, les mesures concernant un partage des risques entre deux ou plusieurs Etats et l'institution d'un double siège pour les entreprises d'importance systémique ont été abandonnées faute de consensus international sur ces solutions à l'heure actuelle.

4382

1.6.4

Mesures fiscales

1.6.4.1

Avantages de l'émission de CoCo en Suisse

Parmi les exigences particulières imposées aux banques d'importance systémique, les CoCo sont un élément essentiel du renforcement des fonds propres de ces banques. On en distingue deux types: d'une part, les CoCo présentant un seuil de conversion (trigger) de 7 % des actifs pondérés en fonction des risques et servant de volant de capital supplémentaire; d'autre part, les CoCo avec un seuil de conversion de 5 % des actifs pondérés en fonction des risques et destinés, en cas de menace d'insolvabilité, à assurer la réserve de capital nécessaire pour financer le maintien des fonctions d'importance systémique et la liquidation ordonnée du reste de la banque. Ils forment la composante dite progressive des fonds propres. Compte tenu de l'importance systémique actuelle des deux grandes banques suisses, l'ordre de grandeur de cette composante progressive est de 24 milliards de francs.

Idéalement, les émissions de CoCo devraient être le fait de sociétés ayant leur siège en Suisse et être régies par le droit suisse, avec élection du for judiciaire en Suisse.

Si les CoCo sont émis non pas selon le droit suisse, mais selon le droit américain ou britannique8, il peut en résulter une insécurité (juridique) de nature à miner l'efficacité du concept en cas de crise. En effet, en cas de conversion, il est probable que la plupart des créanciers américains ou britanniques engagent avec succès des procédures contestant la validité de la conversion ou faisant valoir une inégalité de traitement, voire une discrimination, vis-à-vis des créanciers étrangers. Régies par le droit américain ou britannique, ces procédures seraient ouvertes non pas en Suisse, mais à New York ou à Londres, selon le for judiciaire convenu. Or, non seulement ces systèmes juridiques étrangers diffèrent, parfois même largement, du système suisse, notamment en ce qui concerne la protection des créanciers en cas d'insolvabilité9, mais encore la perte de temps résultant de ces procédures pourrait poser un problème vital en temps de crise. On sait en effet que la détérioration de la situation d'une banque en matière de fonds propres et de liquidités peut contraindre à agir très rapidement, excluant pratiquement tout sursis (cf. aussi ch. 2.2.2.3).

Il s'ensuit que les CoCo devraient être émis en Suisse. Etant donné cependant que les conditions-cadres
fiscales actuellement en vigueur ne sont pas optimales, le projet de loi propose aussi des mesures appropriées en matière de droit fiscal (cf. chiffre suivant).

Au-delà de la réduction des risques juridiques, il y a aussi des raisons d'ordre économique qui plaident pour l'émission des CoCo selon le droit suisse. Enfin, il est souhaitable que les banques émettent des CoCo en Suisse également pour des questions de stabilité du système financier.

8 9

L'émission à l'étranger exclut pratiquement à coup sûr l'application du droit suisse.

Le risque de contestation existe également si les CoCo sont émis en Suisse et régis par le droit suisse, mais il est nettement moins probable qu'en cas d'émission selon le droit d'un autre pays. De plus, le droit suisse présente l'avantage d'être familier tant aux autorités qu'aux parties à une éventuelle procédure.

4383

1.6.4.2

Objectifs de la politique fiscale

L'objectif de régulation, c'est-à-dire la mise en oeuvre d'une régulation visant à prévenir les risques systémiques dans le secteur bancaire, occupe une place de premier plan dans la problématique du too big to fail. Outre cet objectif de régulation, le tableau ci-après énumère et décrit brièvement les objectifs de la politique fiscale, dans la mesure où ils sont liés à cette problématique. Il présente en outre les conditions de réalisation optimale de ces objectifs.

Objectif

Description

Conditions de réalisation optimale

1

Objectif de régulation

Mise en oeuvre de la ­ Limitation des risques économiques par régulation visant à prévenir le durcissement des exigences en matière les risques systémiques par de fonds propres et par les CoCo ­ Emission de CoCo en Suisse, afin de la FINMA garantir la plus grande efficacité possible de cet instrument en cas de crise

2

Objectif fiscal

Maintien des recettes fiscales

3

Objectif d'équité

Respect des principes de ­ Impôt de garantie ou impôt libératoire l'universalité et de l'égalité efficace sur les revenus de capitaux de traitement en matière mobiliers pour les personnes physiques d'imposition ainsi que du (et les structures visant à éluder l'impôt) principe de l'imposition selon la capacité économique par l'application de mesures de garantie visant à combattre la soustraction d'impôt

4

Objectif lié à la place financière

Conditions-cadres favora- ­ Eviter tout désavantage concurrentiel bles pour la place financièdécoulant de la régulation ou de la re fiscalité pour les banques suisses d'importance systémique ­ Créer des conditions-cadres fiscales attrayantes sur le marché suisse des obligations

5

Objectif d'efficience

Faibles coûts d'imposition

­ Maintien du droit de timbre dans son étendue actuelle ou remplacement par d'autres impôts neutres en termes de recettes

­ Frais d'acquittement aussi bas que possible pour les contribuables ­ Frais de perception aussi bas que possible pour le fisc ­ Coordination de l'entrée en vigueur des mesures d'accompagnement fiscales avec la phase d'émission des CoCo

Les objectifs ci-dessus s'opposent parfois, d'où la nécessité de les pondérer les uns par rapport aux autres.

Le droit en vigueur ne permet pas de réaliser ces objectifs à maints égards. Il présente en particulier trois inconvénients majeurs: ­

il empêche le marché suisse des obligations de se développer;

­

il entrave le financement des groupes de sociétés;

4384

­

il ne parvient pas à empêcher que l'impôt anticipé ne remplisse qu'en partie sa fonction de garantie.

En raison des conditions-cadres fiscales en vigueur, le marché suisse des capitaux ne présente guère d'attrait pour les obligations et pour les papiers monétaires. Cela s'explique par les effets fiscaux ci-après.

1.

Le droit de timbre d'émission sur les obligations et sur les papiers monétaires renchérit l'émission, autrement dit la transaction sur le marché primaire.

2.

L'impôt anticipé détourne les investisseurs étrangers des obligations et des papiers monétaires soumis à l'impôt, même lorsqu'ils peuvent demander son remboursement en vertu d'une convention en vue d'éviter les doubles impositions (CDI). Ce qui les rebute, c'est bien sûr la ponction de liquidités et la rémunération perdue jusqu'au remboursement de l'impôt, mais bien souvent aussi les seules formalités administratives.

3.

Le droit de timbre de négociation sur les obligations inhibe fortement le commerce des obligations suisses10, si bien que le marché secondaire est très peu liquide. Or, la liquidité du marché secondaire est une condition indispensable de l'attrait du marché primaire.

Le financement de l'économie internationale est aujourd'hui assuré pour l'essentiel sans perception d'impôts à la source et les groupes suisses financent eux aussi la plupart de leurs activités à l'étranger à partir de pays offshore. Les conditions-cadres fiscales actuelles poussent en effet les groupes suisses cotés en bourse à lever des capitaux de tiers en règle générale au moyen d'émissions d'obligations à l'étranger, par l'intermédiaire de sociétés du groupe qui y sont domiciliées. Ils évitent ainsi de payer l'impôt anticipé et le droit de timbre d'émission. Toutefois, selon la pratique11 de l'Administration fédérale des contributions ­ qui entend lutter ainsi contre les structures servant à éluder l'impôt ­, ces emprunts sont considérés dans certaines circonstances comme des emprunts suisses. Ainsi, le droit de timbre d'émission est dû et les intérêts sont soumis à l'impôt anticipé:

10

11

­

si la société mère suisse garantit l'emprunt de l'émetteur étranger et que les fonds de tiers levés grâce à l'émission des obligations sont versés en Suisse, ou

­

si la société mère suisse a signé un keep well agreement en faveur de l'émetteur de l'emprunt et que plus de 10 % des fonds externes levés sont versés en Suisse à long terme (c.-à-d. pendant plus d'un an). Si la société mère suisse utilise elle-même les fonds collectés à l'étranger avec sa propre garantie, par exemple pour prendre une participation dans une société étrangère, il s'agit aussi d'un flux de fonds dans la société suisse et d'une utilisation par cette dernière. Les flux de fonds vers la Suisse à court terme (c.-à-d.

pendant moins d'un an) sont en principe tolérés jusqu'à concurrence de 30 % de l'emprunt.

Les papiers monétaires ne sont pas soumis au droit de négociation (art. 14, let. g, LT).

Sont également exonérés l'achat et la vente d'obligations étrangères ainsi que l'intermédiation dans l'achat et la vente pour l'acheteur ou le vendeur lorsqu'il est partie contractante étrangère (art. 14, let. h, LT).

Cf. la circulaire no 6746 du 29 juin 1993 de l'Association suisse des banquiers concernant les emprunts de filiales étrangères garantis par leur société mère suisse.

4385

L'interdiction d'utiliser les fonds en Suisse limite le financement externe des groupes suisses. Quant au financement interne, il est exonéré du droit de timbre d'émission et de l'impôt anticipé à condition que le groupe suisse ne garantisse aucun emprunt émis par une de ses sociétés à l'étranger (art. 14a de l'ordonnance sur l'impôt anticipé, OIA). Cette restriction vise à assurer une séparation claire entre les paiements d'intérêts internes au groupe soumis à l'impôt anticipé et ceux qui ne le sont pas.

Les émissions suisses sont opérées principalement par les pouvoirs publics et par quelques entreprises qui entendent utiliser les fonds empruntés exclusivement en Suisse. En raison de ces règles fiscales, la plupart des émissions d'emprunts sont effectuées à l'étranger. De plus, la restriction relative au financement interne des groupes empêche en règle générale que le cash pooling des groupes suisses, autrement dit la compensation interne des liquidités grâce à une gestion des finances centralisée, puisse être concentré en Suisse.

Ainsi, alors qu'il remplit efficacement sa fonction de garantie de l'impôt sur les intérêts des avoirs bancaires et sur les dividendes en Suisse, l'impôt anticipé n'est guère opérant lorsqu'il s'agit d'intérêts rémunérant des obligations et des papiers monétaires émis par des groupes suisses. En effet, étant donné que le financement externe de ces groupes au moyen d'emprunts est assuré pour l'essentiel par l'intermédiaire de leurs sociétés sises à l'étranger, le débiteur n'est pas domicilié en Suisse et les intérêts versés sur ces emprunts ne sont pas imposés au titre de l'impôt anticipé. S'agissant de telles obligations, ce dernier ne remplit donc pas sa fonction de garantie, de sorte que la Suisse perd des recettes fiscales.

L'objectif de régulation consiste à créer les conditions qui permettront aux banques suisses d'importance systémique d'émettre des CoCo en Suisse sans désavantages concurrentiels. Les mesures fiscales nécessaires peuvent être conçues soit de manière étroite, autrement dit se limiter exclusivement aux CoCo, soit selon une approche plus large. Dans ce cas, elles s'étendraient aux obligations et aux papiers monétaires, voire à tous les capitaux mobiliers, et contribueraient ainsi à résoudre la problématique du droit fiscal en vigueur présentée plus haut.

1.6.4.3

Mesures fiscales proposées

Le projet de loi prévoit deux mesures fiscales concrètes: ­

suppression du droit de timbre d'émission sur les obligations et les papiers monétaires;

­

exonération du droit de timbre d'émission sur les droits de participation résultant de la conversion de CoCo.

La troisième mesure fiscale proposée dans le projet de la consultation, à savoir le passage du principe du débiteur à celui de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé sur les rendements des obligations et des papiers monétaires, fera l'objet d'un projet de loi distinct. Les travaux en la matière commenceront en septembre 2011 au plus tard, dès que les questions encore en suspens auront été examinées, et conduiront à l'élaboration d'un message concernant la dynamisation du marché suisse des capitaux.

4386

Le Conseil fédéral tient à ce que toutes les mesures prévues soient mises en oeuvre.

Ayant cependant pris acte des critiques exprimées lors de la procédure de consultation quant à la conception et à l'application des mesures relatives à l'impôt anticipé, il a réparti les mesures fiscales sur deux projets de loi distincts. Les deux premières mesures requièrent une modification de la loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (LT)12 et font l'objet ­ avec les mesures relevant du droit bancaire ­ du présent projet de loi. La troisième mesure fiscale, qui implique pour sa part une révision de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA)13, sera traitée ultérieurement, dans un message qui lui sera exclusivement consacré. Indépendamment de cette scission du projet initial, le Conseil fédéral estime judicieux que les mesures relatives à l'impôt anticipé n'entrent en vigueur qu'un an après celles concernant les droits de timbre. Les agents payeurs concernés par la modification de la LIA auront ainsi le temps de s'adapter au nouveau droit sans que les objectifs visés ne risquent d'être manqués. Des emprunts non grevés du droit de timbre d'émission pourront être émis en Suisse dès l'entrée en vigueur de la nouvelle LT et les premiers intérêts servis sur ces obligations, qui échoiront en principe l'année suivante, seront placés sous le nouveau régime de l'impôt anticipé.

Le train de mesures proposé permet de réaliser l'objectif de régulation et devrait pouvoir être mis en oeuvre à temps, c'est-à-dire au moment des émissions de CoCo.

Il augmente en outre l'attrait du marché suisse des capitaux pour les grandes entreprises suisses et étrangères. Ce marché pourra ainsi se développer et gagner en efficience, ce qui se traduira par une légère diminution des marges. Il en résultera également une augmentation de la valeur ajoutée créée en Suisse. De plus, la croissance du marché et l'égalité de traitement fiscal des CoCo et des autres emprunts préviendront toute éviction indésirable des seconds par les premiers. A long terme, les obstacles actuels au financement interne des groupes suisses seront levés, car l'émission par des sociétés du groupe sises à l'étranger d'emprunts garantis par la maison mère suisse sera aussi soumise à l'impôt anticipé. Cette approche permet en outre de ne
plus se poser la question d'une éventuelle évasion fiscale. Enfin, la solution proposée limite la diminution des recettes fiscales qui en résulte.

Après évaluation des avantages et des inconvénients de toute une série de variantes, le train de mesures proposé dans le projet de loi s'est révélé constituer la meilleure solution.

1.6.4.4

Autres mesures fiscales évaluées

1.6.4.4.1

Mesures limitées aux CoCo

Un train de mesures se limitant aux CoCo comprendrait les mesures suivantes:

12 13

­

exonération du droit de timbre d'émission sur les obligations et sur les papiers monétaires pour les CoCo;

­

exonération du droit de timbre d'émission sur les droits de participation lorsque les droits en question résultent de la conversion de CoCo;

RS 641.10 RS 642.21

4387

­

exonération de l'impôt anticipé sur les intérêts pour les CoCo, ou passage au principe de l'agent payeur pour cet impôt.

Si les mesures se limitaient aux CoCo, les conséquences financières directes pour la Confédération, les cantons et les communes ­ sous la forme d'une diminution des recettes fiscales ­ seraient minimes. Elles se limiteraient pour l'essentiel à la nonperception du droit de timbre d'émission sur les formes de capitaux de tiers remplacées par les CoCo exonérés. L'émission de CoCo en Suisse aurait certes lieu à des conditions concurrentielles, mais le marché suisse des capitaux resterait peu attrayant pour les autres obligations. De plus, compte tenu du volume restreint de ce marché, le traitement fiscal préférentiel des CoCo aurait un effet d'éviction (crowding out), aux dépens des autres émissions suisses. Il en résulterait une augmentation des coûts de financement des émetteurs «non-CoCo». Seraient concernés en particulier la Confédération, les cantons et les communes, qui verraient leurs dépenses s'inscrire en hausse suite à l'augmentation de leurs charges d'intérêts.

Ainsi, bien qu'elle soit efficace du point de vue de l'objectif de régulation, la limitation des mesures aux CoCo ne permettrait pas de réaliser l'ensemble des objectifs.

1.6.4.4.2

Mesures générales

Il ressort de ce qui précède que des mesures se limitant aux CoCo auraient une portée nettement moindre que le train de mesures prévu dans le projet de loi. Il serait cependant aussi possible d'appliquer des mesures plus générales, allant au-delà de la solution proposée. C'est ainsi que l'on a examiné en particulier la combinaison des mesures suivantes: ­

suppression totale du droit de timbre d'émission;

­

exonération du droit de timbre de négociation pour les obligations suisses;

­

passage général au principe de l'agent payeur en matière d'impôt anticipé.

Si l'on supprimait le droit de timbre d'émission non seulement pour les CoCo ou les obligations et les papiers monétaires, mais totalement, on éviterait l'effet d'éviction des mesures se limitant aux CoCo. Il en résulterait par ailleurs à long terme des diminutions de recettes fiscales de 240 millions de francs pour le droit de timbre sur les fonds propres et de 220 millions de francs nets pour celui sur les capitaux de tiers. La suppression du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses se traduirait quant à elle par une diminution supplémentaire de recettes de près de 70 millions de francs. Ces mesures fiscales relanceraient cependant à coup sûr le marché suisse des capitaux, de sorte que la Confédération, les cantons et les communes verraient s'accroître les recettes perçues au titre des impôts sur le revenu et sur le bénéfice, ce qui compenserait en partie les diminutions de recettes de la Confédération.

Ce train de mesures permettrait de réaliser l'objectif de régulation. Pour le reste, il appelle au moins une réserve: le passage général au principe de l'agent payeur est plus complexe que la solution prévue dans le projet de loi, qui limite l'application de ce principe à l'impôt sur les rendements des obligations et des papiers monétaires.

La mise en oeuvre auprès des agents payeurs nécessiterait par conséquent davantage de temps, de sorte que cette variante ne serait opérationnelle qu'après la date prévue pour la solution proposée dans le projet de loi.

4388

1.7

Droit comparé et rapport avec le droit européen

1.7.1

Régulation des banques d'importance systémique

Les stratégies d'atténuation des risques inhérents aux établissements trop grands pour être mis en faillite font l'objet d'intenses discussions sur le plan international.

Le CSF a été chargé en septembre 2009, lors du sommet du G20 à Pittsburgh, de proposer des mesures en vue de résoudre cette problématique liée aux banques d'importance systémique. Le mandat visait (a) à améliorer les possibilités de liquider les établissements financiers ayant une importance systémique sur le plan national (dits SIFI, pour Systemically important financial institutions) ainsi que ceux ayant une importance systémique sur le plan mondial (G-SIFI, pour global SIFI) sans solliciter le contribuable, (b) à réduire les effets de l'effondrement d'un SIFI et (c) à renforcer l'infrastructure des marchés financiers dans le but de réduire les risques de contagion.

Le 20 octobre 2010, le CSF a publié des recommandations exhaustives à l'intention du G20 concernant les possibilités de limitation des risques inhérents aux G-SIFI.

Ces recommandations prévoient de durcir les exigences auxquelles sont soumis les G-SIFI en matière de capacité à supporter les pertes ainsi que celles applicables aux SIFI en matière de surveillance. Elles préconisent en outre l'adoption d'approches propres à améliorer les possibilités de liquidation des SIFI, avec, s'il s'agit de G-SIFI, la prise en compte des aspects liés à la collaboration internationale des autorités de surveillance. Ces recommandations visent à limiter le risque de comportement indésirable que peuvent provoquer les effets incitatifs néfastes de la position d'établissement trop grand pour être mis en faillite (risque moral).

En septembre 2010 déjà, l'organe directeur du Comité de Bâle avait décidé que les banques d'importance systémique au niveau mondial devaient disposer d'un capital propre supérieur aux normes minimales de Bâle III pour l'absorption des pertes. Le Comité de Bâle et le CSF développent donc une approche globale pour les G-SIFI, qui prévoira probablement des exigences supplémentaires en matière de fonds propres ainsi que du capital conditionnel ou des fonds de tiers capables de supporter les pertes (bail-in debt)14. Elle se fonde sur les améliorations prévues par les législations nationales en matière d'assainissement et d'insolvabilité des banques ainsi que sur
les progrès réalisés quant aux possibilités de liquidation individuelle des G-SIFI.

Fin décembre 2010, le Comité de Bâle a présenté au CSF une méthode provisoire d'identification des G-SIFI. De plus, il publiera mi-2011 une étude formulant des propositions concernant les exigences d'accroissement de la capacité de ces établissements à supporter des pertes. Le CSF présentera ensuite, en décembre 2011, ses recommandations relatives à la détermination de cet accroissement de la capacité à supporter les pertes ainsi qu'à la conception des instruments de capital à utiliser.

Enfin, il est prévu de constituer pour fin 2011 un conseil de revue par les pairs chargé d'évaluer les efforts fournis dans chaque pays en matière de régulation et de surveillance des G-SIFI.

14

Le terme de bail-in debt désigne des emprunts émis par les banques et dont il est prévu contractuellement qu'ils peuvent être utilisés pour supporter les pertes dans le cadre d'un assainissement forcé exécuté en application de mesures (d'assainissement) ordonnées par les autorités.

4389

Les mesures de durcissement des exigences prudentielles et des prescriptions d'organisation prévues dans le présent projet de loi sont conceptuellement conformes aux recommandations du CSF. En ce qui concerne l'ampleur de l'augmentation de la capacité à supporter les pertes et les instruments de capital à utiliser, les exigences suisses iront probablement au-delà des normes minimales internationales, y compris de celles qui s'appliqueront aux G-SIFI.

S'inspirant du modèle en vigueur dans certains Etats membres (Suède, Allemagne), l'UE prévoit en outre la liquidation facilitée des grands établissements financiers complexes au moyen d'un fonds d'assainissement ex ante, financé par les banques.

L'Autorité bancaire européenne (ABE) élabore également des plans de «réanimation» et d'assainissement. De plus, le droit de la surveillance doit habiliter les autorités de surveillance à intervenir précocement et prévoir une large palette d'instruments de liquidation permettant d'intervenir sur les plans du personnel et de l'organisation, par exemple en détachant certaines affaires ou secteurs d'activité, dont l'exploitation sera poursuivie séparément. S'agissant de l'augmentation de la capacité à supporter les pertes et de la recapitalisation ­ à la veille d'une insolvabilité ­ par du capital convertible, par des décotes de titres de dettes (obligations ordinaires) ou par la conversion de dettes en capital propre, l'UE semble attendre de voir comment évolue la situation sur le plan international.

Les grands centres financiers extra-européens que sont Singapour, Hong Kong et le Japon n'ont pas encore imposé d'exigences particulières à leurs établissements d'importance systémique. Quant aux Etats-Unis, ils ont réglé le problème du too big to fail au niveau législatif par l'adoption du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (Dodd-Frank Act), même si des points importants de cette loi doivent encore être précisés dans les dispositions d'exécution.

Le Dodd-Frank Act institue un nouvel organe, le Financial Stability Risk Oversight Council (Council), auquel il incombe, le cas échéant, de déclarer les entreprises financières sans licence bancaire (nonbank financial companies, NBFC) comme étant d'importance systémique et de les soumettre par conséquent à des exigences accrues en matière de
surveillance. Les grands groupes bancaires liés entre eux devront, à partir d'une valeur seuil de 50 milliards de dollars américains d'actifs, satisfaire à des exigences prudentielles plus rigoureuses. A cet effet, le Council peut soumettre des propositions au Federal Reserve Board (Fed), que le Dodd-Frank Act déclare autorité de haute surveillance des établissements d'importance systémique.

A ce titre, il incombe prioritairement à la Fed de définir les exigences prudentielles accrues applicables aux entreprises financières d'importance systémique sans licence bancaire et aux grands groupes bancaires liés entre eux.

Du point de vue de l'organisation, les autorités de régulation américaines disposent désormais d'une panoplie d'instruments leur permettant d'influencer la taille, la croissance et certaines activités des établissements financiers considérés comme étant d'importance systémique. L'éventail des mesures possibles est très large. Les entreprises peuvent se voir contraintes de se retirer de certains secteurs d'activité et leur croissance par fusion ou acquisition peut être interdite dans certaines circonstances. De plus, si un établissement ne propose pas de plan concluant pour sa liquidation en cas de crise, des exigences accrues peuvent lui être imposées sur le plan organisationnel.

4390

Enfin, le Dodd-Frank-Act crée un autre élément pour résoudre le problème du too big to fail, à savoir un régime spécial d'insolvabilité pour les établissements financiers d'importance systémique. Ce dernier s'applique si la disparition de l'entreprise risque de mettre en péril l'économie nationale américaine. Le régime spécial d'insolvabilité permet de transférer les actifs et passifs à un tiers acquéreur ou dans une banque relais (bridge bank). Des dispositions spéciales s'appliquent à certains contrats financiers15 afin de garantir leur transfert dans une banque relais.

1.7.2

Rémunérations variables

S'agissant des mesures concernant la rémunération en cas d'aide de l'Etat, on remarque au niveau international que de nombreux Etats ont édicté ou envisagent d'édicter des règles concernant la politique de rémunération des entreprises, notamment des établissements financiers, mais que celles-ci varient fortement entre elles.

Cela s'explique par les différentes traditions nationales en matière de liberté économique et d'influence étatique.

Des dispositions légales de limitation des rémunérations variables dans les banques bénéficiant d'une aide publique ont d'ores et déjà été adoptées ou sont en préparation dans la plupart des grands pays de référence. Ces dispositions vont d'un impôt spécial grevant les bonus (France, Royaume-Uni) à un plafonnement formel des salaires (Allemagne), en passant par l'interdiction de percevoir des bonus (Pays-Bas, Norvège) ou des restrictions concernant les modalités des bonus. Si la Suisse reprenait, à titre de norme minimale, la réglementation prévue par l'UE en matière de rémunération, les établissements financiers soutenus par l'Etat ne pourraient verser de bonus qu'avec l'accord de l'autorité de surveillance financière. Parmi les places financières importantes, seules celles de Hong Kong, Singapour et des Emirats arabes unis ne disposeraient alors pas de base légale régissant la limitation des rémunérations en cas d'intervention de l'Etat en faveur d'établissements financiers.

Les principes de rémunération édictés par le CSF en automne 2009 sont déjà largement appliqués. La Suisse a même été l'un des premiers pays à mettre les normes correspondantes en vigueur, le 1er janvier 2010, par l'intermédiaire de la circulaire de la FINMA «Systèmes de rémunération».

1.8

Application

Le présent projet de loi est matériellement conforme aux recommandations de la commission d'experts. Certains éléments ont cependant été approfondis, tant dans les lois que dans le message, lorsque cela s'est avéré nécessaire.

La seule exception est constituée par les mesures d'accompagnement réglant les rémunérations variables en cas d'aide de l'Etat, qui sont un élément nouveau par rapport aux recommandations de la commission d'experts.

15

Par ex. Swap agreements, securities contracts, repurchase agreements, forward contracts et commodity contracts.

4391

Ces compléments à la législation permettent au Parlement de fixer les points cardinaux de la réglementation, tout en offrant suffisamment de souplesse pour les dispositions d'exécution. Ces dernières seront édictées dans l'ordonnance du 17 mai 1972 sur les banques (OB)16 et dans l'OFR. Le commentaire des articles au chap. 2 contient des informations plus détaillées sur la l'application de la loi au niveau des ordonnances.

1.9

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose de classer les interventions parlementaires suivantes étant donné que leurs objectifs sont réalisés: ­

Motion 08.3649 «Prévenir les risques démesurés pour l'économie suisse» déposée par le groupe de l'Union démocratique du centre le 3 octobre 2008.

La motion a été adoptée par le Conseil national le 8 décembre 2008 et par le Conseil des Etats le 27 mai 2009.

­

Motion 09.3019 «Réduire les risques pour la place financière suisse» déposée par la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national le 25 février 2009. Le point 5 de la motion («tout mettre en oeuvre pour que la Confédération récupère, dès que possible et avec bénéfice, les fonds qu'elle a engagés pour le sauvetage d'UBS») a été adopté par le Conseil national le 27 mars 2009 et par le Conseil des Etats le 11 août 2009.

2

Commentaire des articles

2.1

Chapitre V

2.1.1

Définition (art. 7, al. 1, P-LB)

Banques d'importance systémique

L'art. 7, al. 1, P-LB définit les banques d'importance systémique et précise en même temps le champ d'application subjectif des nouvelles dispositions du chapitre V.

La définition ne se limite pas aux banques au sens propre. Elle s'étend aux «groupes financiers et conglomérats financiers à dominante bancaire». Sont réputés d'importance systémique les établissements «dont la défaillance porterait gravement atteinte à l'économie et au système financier suisses». Pour répondre à la question de savoir si une banque est d'importance systémique, il faut donc adopter un point de vue national, même si les grandes banques suisses peuvent probablement être classées comme étant d'importance systémique dans certains autres marchés également, notamment au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

La BNS, après avoir entendu la FINMA, établit par voie de décision quelles banques sont d'importance systémique et quelles sont les fonctions de ces banques qui ont une importance systémique (art. 8, al. 3, P-LB). La formulation large des critères selon l'art. 8, al. 1 et 2, P-LB laisse sciemment à la BNS une grande marge d'appréciation.

16

RS 952.02

4392

2.1.2

But (art. 7, al. 2, P-LB)

En ajoutant une disposition concernant le but, on applique la technique législative actuellement en usage, comme on l'a déjà fait à l'art. 5 de la loi sur la surveillance des marchés financiers ou à l'art. 1, al. 1, de la loi sur la surveillance des assurances.

L'art. 7, al. 2, P-LB ne se contente pas de mentionner les motifs conduisant à arrêter les dispositions particulières, mais a aussi une fonction normative. Faisant office d'aide à l'interprétation face à la question de savoir quelles sont les mesures admissibles, il concrétise la compétence législative déléguée à l'autorité édictant les ordonnances et impose à celle-ci des lignes directrices sur le fond.

Les nouvelles dispositions du chapitre V (et les exigences particulières qui en découlent) poursuivent trois objectifs: premièrement, réduire les risques pesant sur la stabilité du système financier suisse du fait de l'importance systémique de certains établissements; deuxièmement, assurer le maintien des fonctions économiques essentielles (d'importance systémique) des banques menacées d'insolvabilité; troisièmement, éviter, grâce aux exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique, tout recours à une aide de l'Etat et, partant, supprimer une éventuelle garantie de fait de l'Etat, dans l'intérêt de la libre organisation du marché.

2.1.3

Critères et détermination de l'importance systémique (art. 8 P-LB)

2.1.3.1

Fonctions d'importance systémique

L'al. 1 établit quelles fonctions ont une importance systémique. Ainsi, une fonction revêt une importance systémique lorsqu'elle est indispensable pour l'économie nationale et qu'elle ne peut pas être substituée à court terme. Sont expressément désignées comme telles les opérations de dépôt, de crédit et de paiement.

2.1.3.2

Banques d'importance systémique

L'al. 2 décrit les critères applicables pour déterminer si une banque est d'importance systémique ou non. Une banque doit en principe être qualifiée comme telle si elle fournit des prestations indispensables à l'économie nationale et que ces dernières ne peuvent pas être prises en charge en temps utile par d'autres entreprises en cas d'insolvabilité. Pour établir ce constat, la disposition mentionne comme critères centraux la taille de la banque, son imbrication et le caractère non substituable à court terme de ses prestations de services. Elle énumère ensuite de manière non exhaustive les critères concrets au regard desquels s'apprécie l'importance systémique d'une banque.

Se fondant sur l'al. 1, les let. a et b identifient, dans une énumération non exhaustive, les fonctions bancaires présentant une importance primordiale pour l'économie suisse et ne pouvant généralement pas être substituées à court terme. La part de marché d'une banque dans ces fonctions est décisive pour mesurer l'importance de la banque en question pour l'économie nationale et, partant, pour déterminer si l'ensemble de l'entreprise est d'importance systémique.

4393

La let. c, qui met le total du bilan en rapport avec le PIB, soulève l'aspect de la taille, particulièrement important pour la Suisse, et, partant, le fait que certaines banques peuvent dépasser la capacité de sauvetage de l'Etat. La let. d tient compte du fait que le profil de risque de la banque, dont elle énumère les éléments, peut avoir une influence décisive sur la probabilité de survenance d'un dommage et sur l'importance de ce dernier.

Les critères énumérés aux let. a à d ne doivent pas forcément être tous remplis. Ainsi une banque peut être d'importance systémique si l'analyse met en évidence des risques systémiques marqués pour certains de ces critères seulement. L'évaluation de l'importance systémique d'une banque se fonde donc sur une appréciation de tous les critères pertinents dans chaque cas particulier. A cet égard, la taille et l'imbrication d'un établissement peuvent suffire à déterminer une impossibilité de remplacer ses fonctions systémiques à court terme, mais l'importance systémique d'une banque présuppose dans tous les cas que l'entreprise gère au moins une fonction systémique.

A cette fonction systémique s'ajoute en général le fait qu'elle présente une certaine taille ou imbrication. D'après les travaux de la commission d'experts, parmi les banques suisses, seules UBS et Credit Suisse sont clairement d'importance systémique. D'autres établissements remplissent cependant aussi certains critères et il n'est pas exclu qu'ils soient également classés comme étant d'importance systémique à l'avenir.

2.1.3.3

Décision de la BNS

Selon l'al. 3, il appartient à la BNS de déterminer par voie de décision et après avoir entendu la FINMA quelles sont les banques d'importance systémique et quelles sont les fonctions de ces banques qui ont une importance systémique. Les décisions de la BNS fondées sur cette disposition sont sujettes à recours devant le Tribunal administratif fédéral (art. 53, al. 1, let. a, de la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale, LBN)17.

L'attribution de cette compétences décisionnelle à la BNS repose sur le fait qu'elle est la seule institution suisse chargée explicitement de contribuer à la stabilité du système financier (art. 5, al. 2, let. e, LBN). De plus, elle possède des compétences économiques particulières combinant une connaissance exacte du fonctionnement de l'économie nationale et une connaissance approfondie du système financier. C'est d'ailleurs pourquoi, lors des deux derniers épisodes de crise18, on a confié à la BNS le soin d'évaluer les conséquences d'une éventuelle défaillance d'une grande banque. Il convient en outre de souligner que la définition de l'importance systémique est étroitement liée à la fonction de prêteur ultime (lender of last resort) de la BNS.

Dans ce cadre, une aide exceptionnelle sous forme de liquidités n'est en effet accordée qu'aux banques ou groupes bancaires d'importance systémique.

L'al. 3 dispose que la BNS, une fois constatée l'importance systémique d'une banque, doit aussi indiquer quelles fonctions précises de cette banque ont une importance systémique. Cette tâche est d'autant plus importante que les banques d'importance systémique sont tenues de prouver qu'elles sont en mesure de main17 18

RS 951.11 Rapport de la commission d'experts, chap. «Formes du problème dans le secteur financier», p. 16 s.

4394

tenir ces fonctions en cas de menace d'insolvabilité (art. 10, al. 2, P-LB; ch. 2.1.4.6 et 2.1.5).

Les critères appliqués pour identifier les fonctions systémiques d'une banque au sens des al. 1 et 2 sont au nombre de trois: premièrement, il s'agit de segments d'activité qui relèvent des opérations de dépôt et de crédit et sont indispensables à l'économie nationale; deuxièmement, la banque doit détenir une part de marché importante dans ces segments; enfin, les prestations fournies par la banque dans ces segments ne peuvent pas être substituées à court terme.

Compte tenu de ces critères, il apparaît que les segments relevant des opérations de dépôt et de crédit devant être considérés actuellement comme des fonctions d'importance systémique sont en particulier les suivants: ­

engagements envers des clients suisses;

­

créances et limites de crédit non utilisées vis-à-vis d'entreprises suisses de l'économie réelle (sociétés non financières);

­

créances hypothécaires suisses avec une durée résiduelle de moins d'un an.

Il s'agit en outre d'examiner si, outre les segments relevant des opérations de dépôt et de crédit, il n'y aurait pas lieu de classer également parmi les fonctions d'importance systémique les éventuelles prestations opérationnelles importantes pour l'économie et ne pouvant pas être substituées à court terme fournies par des banques suisses à d'autres banques suisses.

La nécessité de procéder à cet examen repose sur les considérations suivantes: ­

l'impossibilité, pour un nombre critique de clients de banques suisses, d'accéder à leurs dépôts perturberait le trafic des paiements et, partant, le fonctionnement de l'économie;

­

les dépôts auprès d'une banque défaillante ne peuvent pas être substitués à court terme, car, selon les circonstances, les clients de la banque ne peuvent plus accéder à leurs comptes, ni par conséquent effectuer de paiements; ces problèmes de paiement mettraient en difficulté d'autres entreprises et personnes n'entretenant pas de relations d'affaires directes avec la banque en question;

­

un approvisionnement suffisant en crédit est essentiel au bon fonctionnement de l'économie; en effet, si cet approvisionnement était subitement coupé pour un grand nombre d'entreprises et de ménages, la pénurie de liquidités et les difficultés financières qui en résulteraient auraient de graves conséquences en termes de consommation et d'investissements;

­

les crédits d'une banque ne peuvent généralement être substitués à court terme que de façon limitée; s'agissant de crédits garantis, le délai dans lequel les preneurs de crédit peuvent de nouveau disposer librement des sûretés qu'ils ont fournies joue un rôle déterminant; la défaillance d'une banque détenant une part de marché importante dans le segment du crédit en Suisse pourrait alors avoir déjà entraîné un recul massif de l'offre intérieure de crédit, susceptible de perturber gravement toute l'économie;

4395

­

les crédits et les limites de crédit accordés aux entreprises de l'économie réelle (sociétés non financières) sont très difficilement substituables à court terme, car ces entreprises n'ont qu'un accès limité au marché des capitaux et sont donc contraintes de se financer auprès des banques;

­

enfin, les crédits présentant une durée résiduelle relativement courte sont particulièrement importants, car ils nécessitent que l'on trouve d'urgence une autre source de financement.

Les deux banques suisses actuellement considérées comme étant d'importance systémique, à savoir UBS et Credit Suisse, détiennent toutes deux de grosses parts de marché dans les trois segments relevant des opérations de dépôt et de crédit mentionnés plus haut. C'est pourquoi ces fonctions doivent être classées comme ayant une importance systémique dans les deux banques.

Conformément à l'art. 10, al. 2, P-LB, il y a lieu de garantir le maintien des fonctions d'importance systémique en cas de menace d'insolvabilité. Dans ce contexte, le facteur temps joue un rôle critique qui varie selon le segment pris en considération. Ainsi, s'agissant de garantir la continuité du fonctionnement de l'économie, l'accès aux dépôts ne doit subir aucune interruption, aussi brève soit-elle. En revanche, pour les crédits présentant une durée résiduelle de plus d'un an, le facteur temps est nettement moins critique. Les mesures de préparation aux crises doivent tenir compte de cet aspect temporel du problème (ch. 2.1.4.6).

Tant l'identification des banques d'importance systémique que la détermination de leurs fonctions systémiques sont appelées à devenir des tâches permanentes de la BNS. Conjointement avec la FINMA, la BNS devra donc suivre de près l'évolution du secteur bancaire. Il est possible par exemple qu'une banque prenne de l'importance au point de devoir être classée parmi les établissements d'importance systémique. De même, l'évolution du marché, l'apparition de nouveaux produits et le développement des infrastructures commerciales pourront nécessiter que l'on déclasse des fonctions actuellement considérées comme ayant une importance systémique et que l'on accorde cette qualification à d'autres, qui ne sont pas réputées telles aujourd'hui.

2.1.4

Exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique (art. 9 P-LB)

2.1.4.1

Bases

S'agissant de prévenir les risques systémiques, le droit en vigueur aurait suffi pour soumettre les banques d'importance systémique à certaines exigences particulières (fonds propres/liquidités; cf. art. 4, al. 2 et 3, LB). Cependant, pour des raisons de sécurité et de clarté du droit, il est à la fois nécessaire et judicieux de fonder les exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique en matière de surveillance et d'organisation sur une base légale explicite allant au-delà des dispositions générales de la législation bancaire actuelle (base constitutionnelle: cf. art. 36 Cst).

L'art. 9 P-LB est donc une disposition clé en ce qui concerne les exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique, puisqu'il en constitue la base légale tout en les définissant. L'énumération des mesures prévues en matière de 4396

fonds propres, de liquidités, de répartition des risques et d'organisation, ainsi que leur concrétisation à l'al. 2, fixe l'orientation générale de ces exigences particulières.

Leur réglementation détaillée est confiée quant à elle au Conseil fédéral, conformément à l'art. 10, al. 4, P-LB.

Ce dispositif à trois niveaux ­ loi, ordonnance et décision ­ garantit la flexibilité de la réglementation, la possibilité de l'adapter à l'évolution de la situation, sa coordination sur le plan international ainsi que son efficacité et son adéquation à chaque cas particulier, le tout en réservant les décisions de principe au législateur.

Enfin, il faut souligner que les banques d'importance systémique sont soumises aux exigences particulières non seulement en tant qu'entités consolidées, c'est-à-dire au niveau du groupe ou du conglomérat dont elles font partie, mais aussi en tant qu'établissements individuels (art. 4 LB; art. 6 OFR; art. 11 à 14 OB)19.

2.1.4.2

Etendue et délimitation (art. 9, al. 1, P-LB)

Le principe de la proportionnalité (cf. art. 5, al. 2, et art. 36, al. 3, Cst) revêt une grande importance dans le cadre de la fixation des exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique, car ces exigences peuvent entraîner des restrictions considérables de la liberté économique et de la garantie de propriété des banques concernées. De plus, elles concernent certains aspects du principe de l'égalité de traitement, car les banques d'importance systémique doivent satisfaire à des exigences ne s'appliquant pas aux autres banques. Aussi l'al. 1 mentionne-t-il expressément que les exigences particulières doivent obéir au principe de la proportionnalité. De fait, les dispositions exigeant que l'étendue et le contenu des mesures dépendent du degré d'importance systémique de la banque concernée et que l'on tienne compte de leurs incidences sur la banque et sur la concurrence relèvent de l'application des principes de la proportionnalité et de l'égalité de traitement. En fin de compte, les mesures ordonnées par la FINMA dans chaque cas particulier doivent toujours passer avec succès l'examen de leur conformité au principe de la proportionnalité.

Outre la preuve de l'efficience, l'un des aspects essentiels de cet examen réside dans le rapport de cause à effet ainsi que dans une analyse du rapport coût/utilité des exigences particulières. S'agissant des coûts, le principe est que ces derniers ­ pour autant qu'ils résultent uniquement de l'abandon d'une éventuelle garantie de fait de l'Etat ­ soient non seulement proportionnés, mais encore conformes au but visé, afin d'éliminer toute distorsion de la concurrence.

En raison de la dimension et de l'imbrication planétaires des affaires bancaires et des marchés financiers, il faut s'efforcer d'harmoniser les exigences à l'échelle internationale, ce qui en augmente par ailleurs l'acceptation. Les exigences particulières doivent donc tenir compte des normes internationales reconnues. Il y a lieu en particulier d'observer les standards internationaux minimaux, indépendamment des exigences propres à la Suisse, et de ne pas y déroger sans raison. Cela n'empêche

19

Cf. rapport de la commission d'experts, annexe A, p. 94, sous ch. II.

4397

cependant pas, eu égard à la structure particulière du secteur bancaire helvétique20, que les mesures prises en Suisse aillent nettement au-delà des exigences minimales définies par d'autres Etats ou par des organismes internationaux.

2.1.4.3

Fonds propres (art. 9, al. 2, let. a, P-LB)

Par rapport aux dispositions actuelles de l'art. 4, al. 3, LB, le législateur donne au Conseil fédéral le mandat contraignant de durcir les exigences en matière de fonds propres applicables aux banques d'importance systémique.

Conformément à la répartition actuelle des compétences, le soin de définir les prescriptions d'exécution est confié au Conseil fédéral (cf. art. 4, al. 2, LB et art. 10, al. 4, P-LB). Il appartient en revanche à la FINMA, en tant qu'autorité spécialisée, de déterminer le montant exact des exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique, notamment les suppléments correspondant au degré d'importance systémique de la banque, et d'accorder les remises sur les fonds propres (cf. ch. 2.1.4.3.2 ci-après).

2.1.4.3.1

But et principe

Conformément à l'art. 9, al. 2, let. a, P-LB, les banques d'importance systémique sont tenues de respecter des exigences particulières en matière de fonds propres, afin de disposer d'une capitalisation supérieure à celle des banques qui ne sont pas d'importance systémique (art. 9, al. 2, let. a, ch. 1, P-LB). Il s'agit en effet de contrebalancer les coûts plus élevés d'une défaillance potentielle par une diminution de la probabilité que la défaillance ne se produise, de manière à réduire les coûts prévisibles pour l'économie. Des volants de sécurité plus importants sous la forme d'une plus grande quantité de fonds propres ont pour effet d'améliorer la capacité à supporter les pertes. Les banques sont alors à même d'absorber de plus grandes pertes sans que leur fonctionnement et la confiance placée en elles ne soient directement menacés.

Par ailleurs, les banques d'importance systémique doivent disposer de réserves de capital suffisantes pour qu'en cas de menace d'insolvabilité, elles puissent selon toute probabilité maintenir leurs fonctions systémiques sans devoir recourir à l'aide de l'Etat (art. 9, al. 2, let. a, P-LB). Le cas échéant, les fonds propres doivent contribuer pour une part importante au transfert des fonctions systémiques dans une nouvelle entité juridique. Celle-ci doit disposer en effet d'une solide capitalisation et, partant, d'une bonne capacité de survie.

Enfin, les banques doivent avoir un intérêt à limiter leur degré d'importance systémique et à améliorer leur capacité générale à être assainies ou liquidées (resolvability), tant en Suisse qu'à l'étranger (art. 9, al. 2, let. a, ch. 3, P-LB)21. Il faut donc, 20

21

Si l'on prend en considération le rapport entre le total du bilan des banques d'importance systémique du pays et le PIB, qui sert ordinairement de référence pour évaluer la capacité de sauvetage de l'Etat, on constate que les risques liés à ces banques sont sensiblement plus importants en Suisse que dans de nombreux autres pays.

Les mesures visant à améliorer la capacité des banques à être assainies ou liquidées en Suisse doivent être conçues de manière à être acceptées à l'étranger (prévention d'éventuelles mesures de rétorsion des autorités étrangères).

4398

d'un côté, renforcer les exigences de fonds propres au fur et à mesure que le degré d'importance systémique de la banque augmente et, de l'autre, inciter la banque à améliorer sa resolvability de manière significative en lui accordant, si elle le fait, des remises sur la composante progressive des fonds propres. Toute remise sur les mesures indispensables pour garantir le maintien des fonctions systémiques est cependant exclue.

Les exigences particulières relatives aux fonds propres concernent, d'une part, les actifs pondérés en fonction des risques. Elles sont complétées, d'autre part, par une approche fondée sur les actifs non pondérés en fonction des risques, selon laquelle les exigences en matière de fonds propres dépendent du volume des actifs au sens large, pouvant donc comprendre également des opérations hors bilan (ratio de levier financier, art. 9, al. 2, let. a, ch. 4). Ce ratio doit servir à titre subsidiaire de filet de sécurité pour les exigences concernant les positions pondérées en fonction des risques. Par conséquent, le niveau du ratio de levier financier doit être fixé de manière que les exigences qui en résultent, dans des conditions de statu quo22 des grandes banques, soient en situation normale légèrement inférieures aux exigences pondérées en fonction des risques23.

Le concept des fonds propres présenté ci-après s'applique aux banques d'importance systémique. Il n'a aucun effet immédiat sur les exigences concernant les fonds propres des autres banques.

2.1.4.3.2

Structure des exigences particulières en matière de fonds propres

S'agissant de la mise en oeuvre des exigences concernant les fonds propres des banques d'importance systémique dans l'OFR, il est prévu d'y inscrire une structure de fonds propres à trois niveaux comprenant les composantes suivantes: L'exigence minimale est celle qui doit être au moins satisfaite pour avoir l'autorisation d'assurer la marche ordinaire des affaires. Elle correspond aux normes minimales internationales (actuellement selon Bâle III) que toute banque doit remplir en tout temps.

Le volant de sécurité permet à la banque d'absorber des pertes sans passer au-dessous du niveau de l'exigence minimale et, partant, sans devoir suspendre la marche ordinaire de ses affaires. Il doit être constitué quand la banque se porte bien et être maintenu par la suite. Quand les affaires vont mal, le volant de sécurité peut être utilisé pour absorber les pertes. Bâle III prévoit aussi un volant de sécurité similaire.

22

23

En conformité avec le rapport de la commission d'experts, le statu quo des grandes banques se réfère à leur situation fin 2009 et aux estimations qui en découlaient, notamment celles concernant les actifs pondérés en fonction des risques selon Bâle III.

Cf. le rapport de la commission d'experts, chap. 3.3, «Mesure clé relative aux fonds propres», p. 31, troisième paragraphe.

4399

La composante progressive24 entend garantir que les banques augmentent leur capitalisation au fur et à mesure que leur importance systémique s'accroît. Elle doit aussi permettre de financer la mise en oeuvre des mesures prévues dans le plan d'urgence. Le degré d'importance systémique est calculé d'après (i) le total du bilan de la banque et (ii) ses parts de marché dans les opérations de crédit et de dépôt domestiques. Un supplément est calculé pour chacun de ces deux indicateurs et leur somme détermine le montant de la composante progressive.

Pour inciter la banque à améliorer de manière significative sa capacité à être assainie ou liquidée tant en Suisse qu'à l'étranger, il est possible de lui accorder des remises sur la composante progressive des fonds propres (cf. art. 10, al. 3, P-LB et le commentaire y relatif au ch. 2.1.5.5) ­ mais non sur les mesures indispensables pour garantir le maintien des fonctions systémiques.

Une partie du volant de sécurité25 peut et la totalité de la composante progressive doit en principe revêtir la forme d'emprunts à conversion obligatoire au sens de l'art. 11, al. 1, let. b, P-LB en relation avec l'art. 13 P-LB et d'emprunts assortis d'un abandon de créances au sens de l'art. 11, al. 2, P-LB26.

Les emprunts à conversion obligatoire et ceux assortis d'un abandon de créances ­ dont la conversion ou l'amortissement est prévu dès que le ratio de fonds propres descend à 5 % ou moins des actifs pondérés en fonction des risques (seuil déclencheur ou trigger) ­ visent à garantir la disponibilité de moyens suffisants pour maintenir les fonctions d'importance systémique. En raison de la nature et de la destination de ces emprunts à conversion obligatoire («fonds de restructuration interne»), les banques d'importance systémique doivent les détenir dans la composante progressive de leurs fonds propres. Ils constituent en quelque sorte une réserve d'urgence toujours disponible en cas de besoin. Le rapport de la commission d'experts va également dans ce sens: la composante progressive (composante III) doit être entièrement constituée de CoCo à seuil bas27.

24

Dans le cadre de Bâle III, des délibérations sont en cours sur un supplément de fonds propres pour les établissements d'importance systémique opérant à l'échelle mondiale (G-SIFI); les détails ne sont pas encore fixés. Lorsque les résultats définitifs seront connus, il y aura lieu d'examiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure ces standards internationaux auront une influence sur le calibrage des exigences en Suisse.

25 Cf. ch. 2.2.2. Le concept sur lequel reposent les CoCo veut que si le ratio de fonds propres descend à 7 %, de nouveaux fonds propres soient rapidement constitués à hauteur de 3 %, de façon que le ratio remonte à 10 %. A défaut de CoCo, des mesures de stabilisation par renforcement du capital devraient être prises dès que le ratio de fonds propres tomberait à 10 %.

26 La composante progressive peut être constituée de fonds propres de base de haute qualité.

Pour des raisons de sécurité du droit lors de la conversion ou de l'abandon de créances, cette option est autorisée tant qu'une banque n'a pas encore fait usage des nouveaux instruments de capital. Si une banque détient des fonds propres de base de haute qualité dans la composante progressive, le seuil de fonds propres déclenchant le plan d'urgence doit être relevé.

27 Rapport de la commission d'experts, pp. 30 s.; cf. aussi ibid. pp. 33 s.

4400

2.1.4.3.3

Ordre de grandeur des exigences en matière de fonds propres

Les ordres de grandeur prévus pour les exigences sont présentés ci-après, exprimés en pour-cent des actifs pondérés en fonction des risques et en francs. Les actifs pondérés en fonction des risques sont calculés sur la base des normes minimales internationales (Bâle III) adoptées fin 2010. Selon cette définition, les actifs pondérés en fonction des risques des grandes banques dans des conditions de statu quo (avant adaptations de leur part) se montent à quelque 400 milliards de francs par banque28.

L'exigence minimale de 4,5 % de fonds propres de base de haute qualité29 correspond aux nouvelles normes minimales internationales (Bâle III). Exprimée en francs et dans des conditions de statu quo d'une grande banque, l'exigence minimale se monte à 18 milliards30.

Le volant de sécurité doit s'élever à 8,5 %, dont 5,5 % au moins doivent revêtir la forme de fonds propres de base de haute qualité et 3 % au plus peuvent être détenus sous forme de CoCo, dont le seuil déclencheur de la conversion (trigger) se situe au moment où les fonds propres de base de haute qualité atteignent ou passent au-dessous de 7 % des actifs pondérés en fonction des risques, pour autant que ce capital convertible satisfasse à des exigences minimales. Exprimé en francs et dans des conditions de statu quo d'une grande banque, le volant de sécurité se monte à 34 milliards (dont au moins 22 milliards de fonds propres de base de haute qualité et au plus 12 milliards de CoCo).

Compte tenu de la taille des grandes banques fin 200931, donc dans des conditions de statu quo, le montant de la composante progressive doit s'élever à 6 % au total.

Exprimée en francs, la composante progressive ainsi calculée se monte à 24 milliards. Jusqu'à un total du bilan de 250 milliards de francs et une part de marché de 10 % au plus, la composante progressive serait égale à zéro. Pour un établissement déclaré d'importance systémique, la fonction ainsi définie est toujours déterminante, du moins tant que la valeur de la composante progressive qui en résulte est supérieure à 1 %. Dans tous les autres cas, la composante progressive des banques d'importance systémique doit s'élever à 1 %. On s'assure ainsi que les établissements d'importance systémique constituent une composante progressive minimale, même si celle résultant du calcul devrait être inférieure
à 1 %. La composante progressive doit en principe être constituée de CoCo dont le seuil de déclenchement se situe au moment où les fonds propres de base de haute qualité atteignent ou passent au-dessous de 5 % des actifs pondérés en fonction des risques.

28

29 30 31

La FINMA examinera, avant de fixer définitivement les exigences, si des corrections du calcul ou des adaptations des modèles conduisent à des différences fondamentales au niveau du calcul des actifs pondérés en fonction des risques. Si de telles différences sont constatées, le calibrage des exigences sera modifié.

Common equity tier 1 selon la définition de Bâle III.

En outre, les banques d'importance systémique doivent, comme toutes les banques, remplir également les autres exigences minimales découlant de Bâle III.

Les deux banques affichaient, sans compensation des valeurs de remplacement, un total du bilan d'environ 1500 milliards de francs et bénéficiaient d'une part de marché d'environ 20 %.

4401

L'exigence concernant le total des fonds propres se monte, dans des conditions de statu quo, à 19 % des actifs pondérés en fonction des risques, dont 10 % au moins doivent être détenus sous la forme de fonds propres de base de haute qualité et 9 % maximum sous celle de CoCo. Exprimée en francs et toujours dans des conditions de statu quo pour ce qui est de la taille des grandes banques, l'exigence totale se monte à 76 milliards par établissement (dont au moins 40 milliards doivent être détenus sous la forme de fonds propres de base de haute qualité et 36 milliards maximum sous celle de CoCo)32.

Le ratio de levier financier se rapportant à la somme des positions au bilan et hors bilan est calculé selon la définition internationale adoptée dans le cadre de Bâle III.

Comme pour les exigences pondérées en fonction des risques, on a défini trois composantes (exigence de base, volant de sécurité et composante progressive). Le niveau de ces composantes, basé sur les valeurs au bilan actuelles, est défini de façon à ce que les exigences en matière de fonds propres qui en résultent, exprimées en francs, soient légèrement inférieures aux exigences pondérées en fonction des risques, également exprimées en francs.

2.1.4.4

Liquidités (art. 9, al. 2, let. b, P-LB)

2.1.4.4.1

But et principe

L'art. 9, al. 2, let. b, P-LB exige que les banques d'importance systémique disposent de liquidités suffisantes pour être en mesure de respecter leurs obligations de paiement même si elles se trouvent dans une situation exceptionnellement difficile.

En avril 2010, la FINMA est convenue avec les deux grandes banques d'un régime des liquidités particulier applicable, initialement à l'échelon consolidé uniquement, à partir du 30 juin 2010. Ce régime prévoit, au niveau quantitatif, une augmentation de la capacité de résistance en cas de choc massif de liquidités et garantit, au niveau qualitatif, une gestion appropriée du risque de liquidité. L'application de ce régime des liquidités a montré qu'il y a lieu d'augmenter la capacité de résistance de manière similaire également à l'échelon des établissements individuels.

Les principes de ce régime doivent être repris, pour les banques d'importance systémique, dans une ordonnance sur les liquidités à édicter par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 10, al. 4, P-LB. Cette ordonnance sur les liquidités devra s'appliquer aussi bien à l'échelon consolidé qu'à celui des établissements individuels. En attendant son entrée en vigueur, les deux grandes banques doivent continuer à respecter, à l'échelon des établissements individuels, les prescriptions sur les liquidités selon les art. 16 à 20 OB.

De plus, on a introduit une obligation de rendre compte à l'échelon des établissements individuels, compte non tenu de leurs succursales à l'étranger. Ces rapports doivent rendre compte de la capacité de résistance locale des banques d'importance systémique dans l'hypothèse d'une transférabilité restreinte d'actifs déposés à l'étranger dans une situation exceptionnellement difficile. Conformément à l'art. 10, al. 1, P-LB, la BNS doit être entendue lors de cette procédure.

32

La FINMA examinera, avant de fixer définitivement les exigences, s'il y a lieu d'adapter les modèles ou de corriger le calibrage des exigences.

4402

2.1.4.4.2

Exigences quantitatives

Les paragraphes qui suivent exposent comment on envisage de concrétiser les exigences relatives aux liquidités par voie d'ordonnance.

Les exigences quantitatives en matière de liquidités à l'échelon du groupe se fondent sur le calcul du manque de liquidités qu'une banque d'importance systémique présenterait dans une situation exceptionnellement difficile (scénario de crise sérieuse).

Il ne doit y avoir aucun manque de liquidités pendant 30 jours au moins.

Le manque de liquidités se calcule sur la base des entrées et des sorties dans les rubriques au bilan et hors bilan, des entrées de fonds en provenance des facilités existantes dans les banques centrales, des entrées de fonds résultant de la monétarisation du volant de sécurité ainsi que, dès le huitième jour, des entrées de fonds issus de la facilité de liquidité exceptionnelle de la BNS (jusqu'à concurrence du montant maximal convenu).

Le volant de sécurité se compose de titres liquides, libres d'engagements et librement disponibles, pouvant être monétarisés. Une partie de ce volant doit consister en des titres de dettes de première classe émis par les Etats et les banques centrales ainsi qu'en emprunts par lettres de gage suisses (volant primaire). On a ainsi la garantie qu'une part minimale proportionnelle ne sera exposée qu'à de faibles fluctuations de valeur et représentera donc une source de liquidités relativement stable pour la banque, même dans une situation exceptionnellement difficile. L'autre partie peut contenir aussi d'autres titres liquides tels que des emprunts et actions de qualité supérieure (volant secondaire).

Le scénario de crise sérieuse simule la situation suivante: d'une part, la banque subit une perte de confiance importante. Les contreparties et les créanciers mettent en doute sa solvabilité et ses liquidités. D'autre part, les marchés financiers sont tendus et ont peu de liquidités. Résultat: bon nombre de déposants retirent leurs fonds et la banque ne peut plus se refinancer, pas même contre des garanties.

La FINMA concrétise le scénario de crise sérieuse en édictant des valeurs minimales pour les paramètres de crise centraux que les banques d'importance systémique doivent appliquer pour calculer leurs entrées et sorties de fonds. Ces paramètres ont déjà été définis initialement le 31 mars 2010 dans des principes
relatifs aux prescriptions sur les liquidités que les grandes banques doivent respecter à l'échelon consolidé. Dès l'entrée en vigueur des exigences en matière de liquidités pour les banques d'importance systémique définies dans le présent projet, ces paramètres seront repris dans la décision de la FINMA.

La FINMA peut relever ou abaisser les paramètres de crise par voie de décision.

Au total, les exigences suisses en matière de liquidités applicables aux banques d'importance systémique devraient être plus strictement calibrées que les normes minimales du Comité de Bâle en matière de liquidités, afin de garantir une plus grande solidité face aux chocs de liquidités et aux risques systémiques qui en résultent.

Les paramètres non prescrits par la FINMA doivent être définis par la banque ellemême, compte tenu du scénario de crise sérieuse à illustrer. Si la banque ne tient pas ou pas suffisamment compte des sources matérielles de sorties de fonds, la FINMA peut prescrire les sorties à prendre en compte pour ces rubriques.

4403

Après la survenance d'un choc de liquidités, un manque temporaire de liquidités est admis. Cette possibilité d'allégement temporaire garantit que le volant de sécurité exigé garde sa fonction de volant proprement dite. Il doit être constitué et maintenu en temps normal pour pouvoir être utilisé en cas de crise sérieuse.

Si une banque présente un manque de liquidités, ou s'attend à un manque de liquidités imminent en raison de sorties de fonds exceptionnelles, elle est tenue de le signaler immédiatement à la FINMA et à la BNS. De plus, la banque soumet à l'approbation de la FINMA un plan visant à combler le manque de liquidités. La FINMA consulte la BNS dans le cadre de la procédure d'approbation.

2.1.4.4.3

Exigences qualitatives

La FINMA définit des principes de gestion et de surveillance du risque de liquidité.

La société d'audit selon la LB vérifie chaque année le respect de ces exigences qualitatives.

Si la FINMA parvient spontanément ou sur communication de la société d'audit à la conviction que les principes mentionnés au paragraphe précédent ne sont pas suffisamment mis en oeuvre, il est prévu qu'elle en informe la banque et qu'elle applique un supplément de 10 % au maximum sur les sorties brutes de liquidités ­ prises en compte dans le calcul du manque de liquidités ­ des positions au bilan et hors bilan de la banque concernée.

2.1.4.4.4

Exigences complémentaires

Il est en outre prévu que la FINMA puisse exiger le respect d'autres critères en matière de liquidités, en particulier celui du ratio de liquidité à long terme (net stable funding ratio). Ce ratio détermine le rapport maximal entre le besoin et les possibilités de financement à moyen terme. Il vise à garantir la solidité du financement à longue échéance.

2.1.4.5

Répartition des risques (art. 9, al. 2, let. c, P-LB)

Les prescriptions actuelles de l'OFR en matière de répartition des risques définissent la concentration maximale admise des risques des banques et la mettent en relation avec les fonds propres d'un établissement calculés selon l'OFR. La concentration des risques dans les relations interbancaires occupe une position centrale dans le cadre du problème du too big to fail. La limitation des interdépendances entre les banques doit permettre d'atténuer le risque de contagion et de diminuer la probabilité que l'insolvabilité d'une banque n'entraîne celle d'autres banques. En réduisant ces interdépendances, on diminue aussi l'importance systémique des banques.

Pour atteindre ces objectifs dans le contexte du too big to fail, il faut, d'une part, renforcer la solidité des banques d'importance systémique et, d'autre part, diminuer la dépendance de l'ensemble des banques vis-à-vis de celles d'importance systémique.

4404

2.1.4.5.1

Prescriptions applicables aux banques d'importance systémique

La modification de l'OFR de fin 2010 concernant la bonne quarantaine de banques qui appliquent l'approche internationale ou l'approche basée sur des ratings internes (internal rating based, ou IRB) en relation avec leurs risques de crédit déploie déjà des effets: la concentration maximale de risques admise pour les grandes banques par rapport aux autres est en effet désormais plafonnée à un cinquième de son niveau précédent. Cela vaut également pour les grandes banques UBS et Credit Suisse, considérées aujourd'hui comme étant d'importance systémique. L'art. 9, al. 2, let. c, P-LB prévoit la possibilité de restreindre encore davantage la concentration maximale admise pour les banques d'importance systémique.

Compte tenu du fait que les banques qui appliquent l'approche suisse pour la couverture de leurs risques de crédit par les fonds propres peuvent aussi devenir d'importance systémique, l'art. 9, al. 2, let. c, P-LB pourra être utilisé pour harmoniser les prescriptions en matière de concentration des risques applicables aux banques d'importance systémique.

2.1.4.5.2

Prescriptions applicables à toutes les banques

Les mesures too big to fail doivent aussi limiter la concentration maximale admise des risques de l'ensemble des banques par rapport aux établissements d'importance systémique. Comme le précise le chapitre 3.5 du rapport de la commission d'experts, cet objectif constitue le noyau dur de la mesure clé relative à la répartition des risques. Des mesures spécifiques devront être prises à la faveur de la modification de l'OFR et de ses dispositions d'exécution relatives à la répartition des risques que nécessitera prochainement la mise en oeuvre de Bâle III, afin de restreindre encore davantage la concentration des risques de l'ensemble des banques par rapport à celles d'importance systémique et de réduire l'interdépendance opérationnelle entre ces banques.

2.1.4.6

Organisation (art. 9, al. 2, let. d, P-LB)

2.1.4.6.1

But et principe

Il s'agit de créer les conditions d'une liquidation ordonnée au cas où une banque d'importance systémique ferait faillite. Les principes de la liberté du marché veulent que toute entreprise puisse faire faillite. Il faut donc, le cas échéant, que les banques d'importance systémique puissent être éliminées du marché, moyennant cependant le maintien de leurs fonctions systémiques sans l'aide de l'Etat. Il s'ensuit que les autorités doivent disposer d'un arsenal de mesures permettant de prémunir l'économie contre les conséquences d'une insolvabilité désordonnée sans exposer le contribuable à un risque de perte. A cet effet, il y a lieu de mettre en place une réglementation crédible, qui considère l'insolvabilité d'une banque d'importance systémique comme une éventualité réaliste et permette, en cas de faillite, d'en assurer la liquidation ordonnée en garantissant le maintien de ses fonctions systémiques.

4405

Les banques d'importance systémique doivent donc satisfaire à des exigences particulières en termes d'organisation. Il leur incombe en particulier, à des fins préventives, de garantir le maintien de leurs fonctions systémiques en cas de menace d'insolvabilité et de prouver qu'elles sont à même de le faire en présentant un plan d'urgence approprié. Le Conseil fédéral concrétisera par voie d'ordonnance les exigences particulières que les banques devront remplir en vertu de cette disposition (cf. art. 10, al. 4, P-LB).

L'action conjointe des mesures organisationnelles et de celles concernant les fonds propres joue un rôle central dans l'application des plans d'urgence. Ceux-ci sont en principe mis en oeuvre lorsque les fonds propres de base de haute qualité atteignent ou passent sous le seuil de 5 % des actifs pondérés en fonction des risques, déclenchant ainsi la conversion des emprunts à conversion obligatoire assortis d'un seuil de déclenchement bas. Grâce à ce mécanisme, les banques disposent toujours d'une dotation en fonds propres suffisante pour mettre en oeuvre leur plan d'urgence. Il ne peut être dérogé au principe du déclenchement du plan d'urgence que si des mesures au moins équivalentes ont été prises par ailleurs pour assurer le maintien des fonctions systémiques de la banque.

2.1.4.6.2

Principe de subsidiarité

La subsidiarité signifie que c'est aux banques d'importance systémique elles-mêmes de prendre les mesures organisationnelles propres à garantir le maintien de leurs fonctions systémiques en cas de menace d'insolvabilité. La banque doit ensuite prouver à la FINMA que les mesures adoptées sont suffisantes et appropriées. Les critères d'évaluation de la preuve ainsi que les mesures que la FINMA peut ordonner si la preuve n'est pas fournie seront fixés par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance (cf. art. 10, al. 4, P-LB).

Les mesures organisationnelles sont à la fois préventives (preuve du maintien des fonctions systémiques) et curatives (maîtrise des crises), alors que les dispositions relatives à l'assainissement des banques et à l'insolvabilité ­ qui constituent un élément central du concept global de réduction des risques induits par la faillite de banques d'importance systémique ­ ont pour seule fonction de maîtriser les crises.

Le principe de subsidiarité tel qu'appliqué ici repose sur les considérations suivantes: l'intensité coercitive d'une exigence particulière peut être nettement atténuée si l'on impose aux banques concernées des prescriptions décrivant la fonction et non le contenu, c'est-à-dire définissant l'objectif, mais non la voie qui y mène. Selon cette approche, la FINMA n'est habilitée à ordonner des mesures que si la banque n'atteint pas l'objectif d'elle-même. La procédure doit être aménagée de manière qu'elle permette des échanges réguliers entre la FINMA et les établissements concernés et qu'il s'instaure une collaboration aussi vaste que possible.

4406

2.1.4.7

Rapport entre les exigences en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques et les exigences organisationnelles

Les quatre domaines d'exigences particulières sont étroitement corrélés. Ils se complètent mutuellement, mais s'opposent aussi par certains aspects. Alors que certaines exigences organisationnelles doivent être appliquées sans délai pour atteindre leur but, d'autres impliquent uniquement l'élaboration de plans d'urgence concrets, dont l'applicabilité soit assurée.

Un supplément de capitaux et de liquidités en cas de crise augmente la marge de manoeuvre à disposition et donne plus de temps pour trouver une solution ou en appliquer une prévue à l'avance. Une certaine substituabilité est en outre prévue entre les mesures organisationnelles et celles relatives aux fonds propres, en ce sens qu'une banque qui améliore sa capacité à être assainie ou liquidée peut prétendre à une remise sur les fonds propres (cf. ch. 2.1.5).

La composante progressive des fonds propres et les emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions émis en vue de sa constitution sont des éléments fondamentaux. La conversion est déclenchée sitôt que les fonds propres de la banque atteignent ou passent au-dessous d'un seuil déterminé (proposition: 5 % des actifs pondérés en fonction des risques). Avec la constitution de fonds propres supplémentaires, la condition essentielle est ainsi remplie pour que les fonctions d'importance systémique puissent rapidement être transférées à la banque relais ou maintenues d'une autre manière, par exemple grâce à une vente. En convertissant des emprunts à conversion obligatoire affectés à cet objectif, la banque dans son ensemble (c.-à-d. la banque relais et la banque restante) dispose de nouveaux fonds propres. Les fonds levés de la sorte servent à financer les fonctions d'importance systémique transférées à une entité juridique autonome. Les fonds propres de base de haute qualité résultant directement ou indirectement de la conversion automatique des CoCo sont constitués d'abord dans la société qui a émis les CoCo. Le capital est ensuite réparti entre l'entité juridique qui reprend les fonctions systémiques et la banque restante, ce qui permet d'assurer la plus grande égalité de traitement possible entre les groupes de créanciers. L'idée sous-jacente au capital convertible à seuil déclencheur bas est qu'il se substitue le plus largement possible à l'aide que l'Etat peut être contraint
de fournir pour assainir des banques systémiques difficulté, comme ce fut le cas lors de la dernière crise financière.

Enfin, les exigences supplémentaires en matière de fonds propres applicables aux banques d'importance systémique compensent le fait que les mesures organisationnelles ne peuvent pas, à elles seules, garantir de manière absolue le maintien des fonctions d'importance systémique.

2.1.5

Application à la banque concernée (art. 10 P-LB)

2.1.5.1

Décision relative aux exigences particulières (art. 10, al. 1)

Une fois l'importance systémique d'une banque établie, la FINMA peut ­ compte tenu des critères établis par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance, conformément à l'art. 10, al. 4, P-LB, et après avoir entendu la BNS ­ fixer par voie de décision les 4407

exigences particulières que cette banque doit remplir en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques (art. 9, al. 2, let. a à c, P-LB). La compétence décisionnelle conférée à la FINMA par l'al. 1 ne concerne donc pas son pouvoir d'ordonner des mesures organisationnelles, qui est réglé à l'al. 2. Au surplus, le droit de la procédure administrative fédérale s'applique. Les décisions de la FINMA sont sujettes à recours devant le Tribunal administratif fédéral (art. 53 et 54 de la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers, LFINMA33).

2.1.5.2

Preuve de l'organisation suffisante (art. 10, al. 2)

2.1.5.2.1

But, contenu et degré de la preuve

Comme souligné à plusieurs reprises, le présent projet de loi a pour principal objectif de garantir que, même menacées d'insolvabilité, les banques d'importance systémique puissent maintenir leurs fonctions systémiques sans recourir à l'argent du contribuable. Il convient par conséquent d'autoriser la FINMA ­ moyennant bien sûr le respect du principe de la subsidiarité ­ à ordonner les mesures nécessaires si une banque n'observe pas les prescriptions de l'art. 9, al. 2, let. d, P-LB et ne fournit pas la preuve qu'elle est à même de maintenir ses fonctions systémiques en cas de menace d'insolvabilité. Dans ce cas également, tous les droits généraux découlant de la procédure administrative fédérale s'appliquent et les décisions de la FINMA sont sujettes à recours devant le Tribunal administratif fédéral (art. 53 et 54 LFINMA).

En ce qui concerne le contenu de la preuve, les banques doivent établir, au niveau des processus, qu'elles ont mis sur pied des plans d'urgence propres à garantir à brève échéance le maintien de leurs fonctions systémiques en cas de menace d'insolvabilité. Les banques doivent démontrer en particulier qu'elles ont pris des mesures organisationnelles concrètes créant les conditions pour que les fonctions d'importance systémique qu'elles assument soient maintenues en cas de menace d'insolvabilité. Dans une perspective fonctionnelle, on peut envisager les critères de démonstration suivants, que le Conseil fédéral est chargé de concrétiser par voie d'ordonnance (al. 4): le plan d'urgence de la banque d'importance systémique doit prévoir, selon des modalités qui peuvent différer, le transfert des fonctions d'importance systémique à une nouvelle entité autonome dotée des fonds nécessaires (banque relais). La scission et le maintien des fonctions systémiques peuvent toutefois susciter des inquiétudes parmi les créanciers étrangers quant à une éventuelle discrimination latente. Pour répondre à ces inquiétudes, le plan d'urgence de la banque doit aussi prévoir une dotation en capital suffisante tant pour la banque relais que pour l'établissement restant. Etant donné cependant qu'il est impossible d'exclure totalement toute inégalité de traitement, la réglementation ainsi que les dispositions d'exécution doivent tendre au respect des principes d'équité et de transparence et à une
participation appropriée des créanciers étrangers à la procédure. Ces précautions devraient permettre d'atténuer le risque de voir les pays étrangers prendre des mesures protectrices.

Pour ce qui est du degré de la preuve, il faut souligner que, pour l'essentiel, l'objet de la preuve consiste, d'une part, en des prévisions sur l'efficacité des mesures organisationnelles prévues dans le plan d'urgence et porte, d'autre part, sur la mise 33

RS 956.1

4408

en oeuvre effective des mesures organisationnelles exigées à titre de planification. Ce second volet doit satisfaire à un degré de preuve strict établissant que les mesures exigées ont toutes été mises en oeuvre. Le premier repose quant à lui sur la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de degré de la preuve en relation avec des prévisions. Dans les cas où la preuve stricte ne peut être ni apportée, ni raisonnablement exigée, non seulement dans un cas d'espèce, mais aussi en raison de la nature-même de la chose ­ il y a alors d'une certaine manière «état de nécessité en matière de preuve» (cf. ATF 128 III 271, consid. 2b/aa, p. 275 avec d'autres renvois) ­,la preuve est apportée dès que la banque peut démontrer qu'en l'état actuel des connaissances et selon toute probabilité, les mesures prises auront le succès escompté34.

2.1.5.2.2

Mesures de la FINMA

En stricte observation du principe de la subsidiarité, ce n'est que si la banque ne fournit pas la preuve exigée d'elle en vertu de l'al. 2 que la FINMA ordonne les mesures nécessaires pour faire respecter le droit.

Il incombe au Conseil fédéral de définir par voie d'ordonnance les critères permettant d'évaluer la preuve ainsi que les mesures à la disposition de la FINMA (art. 10, al 4, P-LB). Ce faisant, il devra tenir compte de la disposition relative au but (art. 7, al. 2, P-LB) et du principe de la proportionnalité.

Les modifications du droit de l'insolvabilité bancaire adoptées par le Parlement en mars 2011 (objet 10.049) revêtent une importance particulière du point de vue de la protection du système. Se fondant sur une base légale expresse (art. 30 LB), la FINMA peut désormais ordonner souverainement le maintien de certains services bancaires. Divers problèmes, tels que le risque d'actions en justice par les créanciers ­ susceptibles de compromettre le transfert des fonctions d'importance systémique à une banque relais ­, peuvent être atténués par une adaptation des dispositions du droit de la faillite bancaire (cf. ch. 2.1.7).

2.1.5.3

Allégements des exigences en matière de fonds propres (remises, art. 10, al. 3)

L'al. 3 régit le cas dans lequel une banque d'importance systémique dépasse les exigences organisationnelles minimales visant à garantir le maintien de ses fonctions systémiques (cf. ch 2.1.5.2) et améliore ainsi sa capacité à être assainie ou liquidée, tant en Suisse qu'à l'étranger. Il y a lieu, en cas d'exécution de plans d'urgence locaux, de tenir compte des intérêts des parties prenantes étrangères. Si la preuve de l'efficacité de plans d'assainissement et de liquidation appropriés est fournie, la FINMA peut accorder des allégements (remises) sur la composante progressive des fonds propres. Aucune remise ne peut cependant être accordée sur les mesures minimales que la banque doit prendre pour garantir le maintien de ses fonctions

34

Rapport de la commission d'experts, pp. 42 et 85.

4409

systémiques en Suisse, conformément à l'art. 9, al. 2, let. d, P-LB, et dont elle doit prouver qu'elle les a prises35.

La FINMA fixe le niveau des remises annuellement, au plus tard à la fin du premier trimestre, ou à la demande de la banque, par voie de décision. Elle se fonde à cet effet sur une évaluation de l'ensemble de la banque selon différents critères, se servant en particulier d'un resolution effectivity test (RET) conforme aux concepts en vigueur à l'échelle internationale. Le test porte sur la structure des critères et sur leur satisfaction par la banque dans la pratique. Le niveau de la remise dépend de l'efficacité prévisible des mesures en termes d'assainissement (réduction des coûts de liquidation et facilitation de la liquidation) et du rapport coût/utilité de leur effet incitatif accru sur le management.

Il n'est donc pas prévu d'accorder un montant fixe de remise par critère rempli, auquel cas la remise totale correspondrait simplement à la somme de ces montants.

La satisfaction de chaque critère sera plutôt appréciée en relation avec celle des autres et compte tenu d'une pondération individuelle basée sur leur contribution à la réalisation de l'objectif fixé.

Pour atteindre cet objectif, la banque peut envisager également d'autres mesures, comme la réduction des interdépendances et des risques de contagion au sein du groupe. Dans cette optique, elle peut améliorer la transparence et, s'agissant des financements intragroupes, en allouer les coûts en tenant davantage compte du principe de causalité. Elle peut aussi chercher à atténuer le devoir implicite de porter assistance à l'intérieur du groupe, ainsi que le risque de saisie d'actifs par des autorités étrangères de surveillance et de faillite. Enfin, il est possible de tenir compte de mesures ordonnées par des autorités de surveillance étrangères en fonction de leur portée et de leur but, notamment lorsqu'elles se traduisent par une amélioration de la capacité générale de la banque à être assainie ou liquidée fondée sur le droit international en matière d'assainissement et d'insolvabilité ou qu'elles portent sur des concepts ou instruments équivalents de type bail in.

L'importance de la remise doit être limitée par un socle incompressible correspondant à 1 % des actifs pondérés en fonction des risques. En vertu du concept
sur lequel repose l'art. 9, al. 2, let. a, P-LB, l'importance systémique en tant que telle exige, indépendamment de la taille et de la part de marché de la banque, un complément minimal dans la composante progressive ­ prévue précisément en raison du problème de l'importance systémique et des risques particuliers qui en découlent.

La question se pose de savoir jusqu'à quelle part de la composante progressive il doit être possible d'accorder une remise. D'un côté, le socle mentionné plus haut constitue une limite. De l'autre, on ne peut pas ignorer que le financement de la mise en oeuvre du plan d'urgence ainsi que du maintien des fonctions systémiques nécessite de gros moyens. Sans anticiper sur le calibrage de la remise, on peut estimer réaliste de fixer à hauteur de 40 à 50 % la part de la composante progressive ne pouvant pas faire l'objet d'une remise.

35

Cf. rapport de la commission d'experts, chap. 3.3, «Mesure clé relative aux fonds propres», p. 31, et chap. 3.6 «Mesure clé relative à l'organisation», pp. 41 s.

4410

2.1.5.4

Compétence du Conseil fédéral d'édicter des ordonnances (art. 10, al. 4)

Les exigences particulières de l'art. 9, al. 2, P-LB seront concrétisées dans des ordonnances du Conseil fédéral et dans des dispositions d'exécution techniques émises par l'autorité de surveillance (art. 55, al. 1, LFINMA). En l'état, il est prévu de compléter l'OFR par un chapitre concernant les banques d'importance systémique, contenant des dispositions relatives aux fonds propres, au ratio de levier financier et à la répartition des risques. Les dispositions régissant les liquidités, telles qu'elles s'appliquent déjà aux grandes banques, figureront quant à elles dans une ordonnance qui leur sera propre. Enfin, les exigences organisationnelles applicables aux banques d'importance systémique seront arrêtées dans un chapitre ad hoc de l'OB. Si les ordonnances du Conseil fédéral ne fondent pas directement les droits et obligations des banques d'importance systémique, il appartiendra à la FINMA, en vertu de l'al. 1, de définir concrètement les exigences particulières que la banque devra remplir.

En ce qui concerne les exigences particulières relatives à l'organisation des banques d'importance systémique selon l'art. 9, al. 2, let. d, P-LB, l'OB prévoira la possibilité d'ordonner à la banque de procéder à des préparatifs visant à créer une entité juridique autonome en Suisse. Destinée à garantir le maintien des fonctions systémiques de la banque, elle ne devra pas être rattachée à l'échelon le plus élevé du groupe. En cas d'insolvabilité de la banque restante, cette entité juridique pourrait continuer d'exister indépendamment de cette dernière et ses parts pourraient soit être vendues immédiatement, soit tomber dans la masse en faillite. De plus, elle n'est pas prévue pour durer, mais doit plutôt servir à transférer les fonctions systémiques reprises de la banque dans une autre structure stable et durable dans un délai raisonnable, par exemple deux ans, ou, si ce transfert n'est pas possible, à en assurer la liquidation ordonnée. Selon le but visé, l'autorisation accordée à cette entité juridique autonome par la FINMA peut donc être de durée déterminée.

L'OB réglera également l'externalisation des fonctions systémiques de la banque.

Cette externalisation devra être précédée d'un désenchevêtrement fonctionnel des relations la concernant au sein du groupe. Ainsi, la FINMA pourrait ordonner une
structuration juridique et opérationnelle de la banque alignée sur ses secteurs d'activité, dans la mesure où cela faciliterait la possibilité d'externaliser et de maintenir les fonctions d'importance systémique de l'établissement.

Il faut également prévoir dans l'ordonnance une mesure visant à garantir le maintien des infrastructures d'importance systémique et de la fourniture des prestations de services ayant une importance systémique. A cet effet, il conviendrait de donner à la FINMA la compétence d'ordonner l'externalisation des secteurs concernés dans une société gérée de manière centralisée au sein du groupe ou dans une unité distincte hors du groupe. Le but serait d'augmenter ­ du fait de la séparation du reste de l'établissement ­ à la fois la résistance aux crises et à l'insolvabilité de cette unité déterminante pour le maintien des services bancaires et la résistance à la faillite des conventions de prestations de services.

4411

2.1.6

Mesures en matière de rémunération (art. 10a P-LB)

2.1.6.1

Mesures obligatoires en cas d'aide financière de l'Etat

Si, malgré la mise en oeuvre des exigences particulières liées au droit de surveillance, une banque d'importance systémique (cf. définition à l'art. 7, al. 1, P-LB) ou sa société mère se voit accorder une aide étatique, le Conseil fédéral ordonne en même temps des mesures limitant l'octroi de certaines rémunérations pour toute la période durant laquelle le soutien est accordé. Cette réglementation ne s'applique qu'en cas d'aide puisée dans les moyens de la Confédération. Cette aide inclut aussi bien les contributions financières directes de la Confédération (prêt, crédit relais, achat d'un emprunt à conversion obligatoire ou d'actions) que les mesures indirectes (garanties ou achat d'actifs illiquides par exemple).

L'aide de l'Etat peut provenir soit directement du budget de la Confédération, soit des ressources d'institutions publiques ou spéciales, comme la BNS.

La formulation ne laisse aucun doute: en cas d'octroi d'une aide étatique, des mesures portant sur les systèmes de rémunération des établissements financiers concernés devront être impérativement prises. Elles ne sont en aucun cas facultatives. De plus, leur durée correspond à celle du soutien de l'Etat.

2.1.6.2

Type de mesures

L'al. 2 cite deux mesures à la disposition du Conseil fédéral (cette énumération n'est pas exhaustive). Celui-ci peut d'une part interdire complètement ou partiellement le versement des parts variables du salaire qui ont été convenues entre la banque et son personnel tant que la banque concernée sollicite l'aide de l'Etat (let. a). Il peut d'autre part également ordonner une adaptation du système de rémunération de la banque d'importance systémique ou de la société mère des groupes ou conglomérats financiers d'importance systémique (let. b). Il peut s'agir, par exemple, de modifier les bases de calcul des rémunérations variables ou de limiter ces dernières à certains groupes de bénéficiaires. L'établissement concerné pourrait également voir ses parts variables de salaire liées à l'évolution à long terme de sa situation économique.

Cette disposition souligne le lien qui existe entre le volume des ressources étatiques mises à disposition et le paiement des rémunérations: les établissements financiers concernés ne doivent pas pouvoir financer des rémunérations variables avec les ressources de l'Etat. De telles injonctions devront figurer dans l'accord sur l'aide étatique passé avec la banque en question.

2.1.6.3

Réserve dans les accords de rémunération

La réserve que les banques d'importance systémique ou la société mère de groupes ou conglomérats financiers d'importance systémique selon l'al. 2 doivent formuler dans leurs accords de rémunération permet l'application des mesures selon l'al. 2.

Cette réserve doit garantir que les établissements financiers ne puissent opposer à ces mesures aucune clause contractuelle concernant les rémunérations variables qu'ils auraient précédemment conclue avec leurs collaborateurs.

4412

2.1.7

Dispositions relatives à l'assainissement

Lors de la consultation, les banques ont fait valoir que le contexte juridique en vigueur ne permettait pas de transférer rapidement et durablement des contrats ou des éléments du patrimoine d'une banque à une entité indépendante dans le but de maintenir les fonctions d'importance systémique. Selon les banques, les bases juridiques sont insuffisantes pour autoriser un tel transfert. Cette opération est aussi fortement susceptible de faire l'objet d'un recours, risque qui doit être écarté ou du moins atténué. Sauf mesures légales d'accompagnement, les banques ne sont pas en mesure, dans la situation juridique actuelle, d'élaborer un plan d'urgence réellement fonctionnel en cas de crise. Les dispositions prévues de l'art. 24, al. 3, à l'art. 32, al. 2bis, du projet prennent en considération de manière appropriée ces remarques en partie justifiées.

La procédure d'assainissement bancaire selon les art. 28 ss LB, adoptée par le Parlement le 18 mars 2011, doit continuer de s'appliquer à toutes les banques, même avec les adaptations proposées ici. Il n'est ni nécessaire, ni pertinent de prévoir une réglementation spéciale pour les banques d'importance systémique. Si l'insolvabilité menace une telle banque, la FINMA ordonnera les mesures protectrices nécessaires à la sauvegarde des intérêts des créanciers, comme pour tout autre établissement (cf.

art. 26 LB), et élaborera un plan d'assainissement en étroite collaboration avec les organes de la banque. Dans le cas d'une banque d'importance systémique, ce plan pourra se fonder sur un plan d'urgence existant, ce qui, du point de vue de la procédure, constitue la seule différence par rapport à une banque d'importance non systémique. Le fait que le plan d'assainissement d'une banque d'importance systémique prévoie en général le transfert de fonctions d'importance systémique à une entité indépendante ne justifie pas non plus un traitement spécial du point de vue de la procédure, et ce d'autant moins que dans le cas des banques ordinaires, les services bancaires peuvent déjà être transférés et maintenus de cette manière conformément à l'actuel art. 30 LB. De plus, la procédure d'assainissement d'une banque d'importance systémique ne recense et ne transfère pas uniquement les fonctions d'importance systémique. Tous ces éléments soulignent encore la nécessité
d'uniformiser la procédure indépendamment de l'importance de la banque et de ses fonctions. La seule disposition particulière proposée pour les banques d'importance systémique concerne l'impossibilité pour les créanciers représentant la majorité des créances de refuser le plan d'assainissement, contrairement au cas des autres banques.

2.1.7.1

Effet suspensif (art. 24, al. 3, P-LB)

Le recours contre les décisions de la FINMA est régi par les dispositions de la procédure fédérale. Ceci s'applique également aux décisions prises conformément aux chapitres XI et XII LB. L'actuel al. 2 ne restreint pas la qualité de la banque en question pour recourir contre une décision la concernant. Il limite au contraire la qualité des créanciers et des propriétaires de la banque pour recourir contre l'homologation du plan d'assainissement et les opérations de liquidation.

L'actuel al. 3 supprime l'effet suspensif des recours formés contre une décision prise selon les chapitres XI et XII LB pour autant que le juge instructeur ne le restitue pas ultérieurement sur requête d'une partie. Le projet de loi ajoute une phrase à l'al. 3: pour être homologué, le plan d'assainissement doit satisfaire à des exigences éle4413

vées, que la FINMA examine conformément à l'art. 31 LB. En particulier, ledit plan ne peut être homologué que s'il laisse présumer qu'il sera plus favorable aux créanciers qu'une faillite et tient compte de la priorité des intérêts des créanciers sur ceux des propriétaires, ainsi que de l'ordre de collocation des créanciers. Si les droits des créanciers et des propriétaires sont pris en considération de manière appropriée, l'intérêt des clients de la banque (même d'importance non systémique) au maintien sans interruption des services bancaires souvent vitaux justifie la mise en oeuvre immédiate du plan d'assainissement et le retrait de l'effet suspensif aux éventuels recours de la banque, des créanciers et des propriétaires.

2.1.7.2

Indemnisation (art. 24, al. 4, P-LB, nouveau)

La règle énoncée à l'al. 4 s'applique aux recours des créanciers et des propriétaires contre le plan d'assainissement. La banque concernée peut elle aussi former recours contre ledit plan, conformément aux dispositions générales de la procédure fédérale.

Si la banque fait recours, le tribunal (Tribunal administratif fédéral; cf. art. 33, let. e, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral36) peut redéfinir la compensation entre les entités concernées (cf. art. 31b) ou, dans le cas le plus extrême, déclarer nul le plan d'assainissement et ordonner l'annulation, du moins partielle, des transactions effectuées. Le recours de la banque est soumis aux règles ordinaires, à cette exception près qu'il n'exerce pas d'effet suspensif (al. 3). Si tel n'était pas le cas, les services bancaires ne pourraient pas être maintenus.

En relation avec les créanciers et propriétaires concernés concrètement par l'al. 4, le tribunal ne peut que prononcer une indemnisation en cas de recours contre le plan d'assainissement. L'annulation de ce dernier, c'est-à-dire le transfert inverse des actifs, des passifs et des contrats, est expressément exclue dans cette procédure. Ce dispositif se justifie par le fait qu'il faut empêcher qu'un seul créancier ou propriétaire ne puisse faire échouer l'intégralité du plan. Généralement d'ordre pécuniaire, les intérêts des recourants peuvent être intégralement indemnisés au moyen d'une compensation ou d'une garantie contre une éventuelle faillite. Est légitimée passivement dans cette procédure l'entité que le plan d'assainissement privilégie selon l'exposé des faits du recourant et qui, partant, est responsable de la compensation.

Le calcul de l'indemnité à verser au recourant repose toutefois sur la perte de valeur individuelle potentielle ou subie par ce dernier. A cet égard, le tribunal devra déterminer si le plan d'assainissement répartit de manière adéquate la substance présente dans la banque concernée entre l'ancienne et la nouvelle entité, conformément aux droits divergents des créanciers et des propriétaires (droit au maintien de la valeur des créances ou parts) et à l'intérêt (également) public au maintien des services bancaires. Le tribunal devra évidemment prendre en considération l'éventuelle compensation déjà intervenue en vertu du nouvel art. 31b P-LB.

36

RS 173.32

4414

2.1.7.3

Coordination avec les systèmes de paiement et de règlement des transactions sur titres (art. 27, al. 1, P-LB)

Actuellement, cet alinéa ne concerne que les mesures selon l'art. 26, al. 1, let. f à h, P-LB, c'est-à-dire certaines mesures protectrices. Rien ne justifie cependant de limiter les communications à ces mesures isolées, et ce d'autant que l'homologation d'un plan d'assainissement, avec transfert de valeurs à une autre entité, constitue par exemple une procédure qu'il faut coordonner avec les systèmes de paiement et de règlement des transactions sur titres. Le Parlement a déjà modifié l'art. 27, al. 3, pour des motifs analogues lors de la dernière révision de la LB.

2.1.7.4

Exclusion de la loi sur la fusion (art. 30, al. 3, P-LB)

Une seconde phrase a été ajoutée à cet alinéa, qui exclut expressément l'application de la loi du 3 octobre 2003 sur la fusion (LFus)37. Si les dispositions de la LFus s'appliquaient, le maintien des services bancaires ne serait pas envisageable dans les délais impartis au transfert des contrats ou du patrimoine à une autre entité en cas d'assainissement. La banque relais doit en effet être opérationnelle en l'espace de quelques jours, en général en un week-end. Le client doit pouvoir bénéficier des prestations bancaires sans subir d'interruption, faute de quoi la perte de confiance s'aggravera, et aura des conséquences la plupart du temps dramatiques. Le transfert aux conditions de la LFus (cf. art. 29 ss LFus) impliquerait, outre de nombreuses formalités, un bilan intermédiaire, un projet ou un contrat de scission, un rapport de révision consultable pendant deux mois, l'approbation ultérieure par l'assemblée générale et une protection formalisée des intérêts des créanciers et des travailleurs.

En cas d'assainissement d'une banque, cette procédure doit s'écarter des règles d'élaboration et d'approbation du plan d'assainissement, sans quoi le maintien des services bancaires devient illusoire. Dans le plan d'assainissement, les droits des créanciers et des propriétaires peuvent être défendus par la voie du recours, et ceux des travailleurs par le biais des art. 333 et 333a du code des obligations (CO)38.

2.1.7.5

Homologation du plan d'assainissement (art. 31, al. 1, let. d et al. 4, P-LB, nouveau)

L'ajout d'une lettre d à l'al. 1 vise le cas du transfert de valeurs patrimoniales et de contrats à une autre entité. Dans la mesure du possible, il faut éviter de séparer les rapports contractuels interdépendants (par ex. contrats de crédit hypothécaire assorti de garanties et les garanties correspondantes, contrats de dérivés de crédit conclus en lien avec un contrat-cadre). Ce faisant, on évite des frais subséquents superflus pour la banque comme pour les personnes concernées.

La publication du plan d'assainissement prévue à l'al. 4 cherche à rendre transparentes les mesures prises et à renforcer la confiance du public envers les nouvelles structures. Parallèlement, les propriétaires et les créanciers concernés obtiennent une base qui leur permet d'étudier les perspectives d'un éventuel recours.

37 38

RS 221.301 RS 220

4415

2.1.7.6

Refus du plan d'assainissement (art. 31a, al. 3)

Même en vertu de la procédure d'assainissement adaptée, des créanciers représentant la majorité des créances doivent pouvoir refuser un plan d'assainissement qui porte directement atteinte à leurs droits, conformément à l'art. 31a, al. 1 et 2, P-LB (refus qui entraîne alors l'ouverture d'une procédure de faillite à l'encontre de la banque). Cette règle ne doit pourtant pas pouvoir s'appliquer à l'assainissement d'une banque d'importance systémique, puisque l'intérêt public au maintien de fonctions d'importance systémique doit primer celui des créanciers à l'ouverture d'une faillite. L'al. 3 énonce expressément ce principe et renforce la sécurité juridique en relation avec le maintien de fonctions d'importance systémique même si, au moment du transfert desdites fonctions à une autre entité, aucune atteinte n'a généralement encore été portée aux droits des créanciers. Il reste à ces derniers la voie du recours selon l'art. 24, al. 4, P-LB pour faire valoir l'atteinte éventuelle à leurs droits et réclamer une indemnisation.

2.1.7.7

Compensation (art. 31b P-LB)

Il convient de préciser d'emblée que les créances et participations ne s'éteignent pas en cas de transfert, mais sont au contraire maintenues auprès de différentes entités juridiques. La loi réserve encore au seul cas où il n'est pas possible de prévenir l'insolvabilité d'une banque par un autre moyen (art. 31, al. 3, P-LB) la conversion de fonds de tiers en fonds propres, qui porte une atteinte directe aux droits de créance, ou la réduction des anciens fonds propres couplée à la création de nouveaux fonds propres, avec la dilution des droits des actionnaires qui s'ensuit. Le transfert d'une partie seulement du patrimoine et des contrats à une autre entité peut toutefois porter atteinte aux droits des créanciers ou des propriétaires en cas de dotation inégale entre l'ancienne et la nouvelle entité (ce qui préjudicie à leurs créances ou à leur participation). Le préjudice peut consister en une réduction de la couverture de responsabilité ou de la participation à l'entreprise. L'al. 1 oblige alors la FINMA à ordonner une évaluation neutre des valeurs patrimoniales transférées et des valeurs restantes.

Selon l'al. 2, la FINMA règle l'éventuelle compensation entre propriétaires et créanciers, ainsi que parmi les créanciers, en tenant compte de leur collocation. A ce titre, elle doit prendre en considération de manière appropriée l'intérêt public au maintien des services bancaires. Réglée dans le cadre d'un supplément au plan d'assainissement, la compensation peut faire l'objet d'un recours selon les conditions énoncées à l'art. 24 P-LB.

2.1.7.8

Action révocatoire (art. 32, al. 2bis, P-LB, nouveau)

Comme expliqué précédemment, le plan d'assainissement doit être mis en oeuvre immédiatement et les nouvelles entités doivent pouvoir exercer leurs fonctions sans délai. Cela n'est pas possible tant que des actions récursoires selon les art. 285 ss LP peuvent être menées contre des actes juridiques basés sur le plan d'assainissement, tels que le transfert de valeurs patrimoniales. Il convient donc d'exclure de telles

4416

actions et de renvoyer les éventuels lésés à la compensation selon l'art. 31a P-LB, ainsi qu'au recours selon l'art. 24 P-LB.

2.2

Chapitre VI Capital complémentaire

2.2.1

Généralités

Le nouveau chapitre VI de la LB relatif au capital complémentaire a pour objectif d'accorder aux banques la possibilité de faciliter et d'accélérer la création de capitalactions, de capital-participation ou d'autres fonds propres par le biais d'un abandon de créances dans une optique de prévention et de maîtrise des crises.

Le capital de réserve est adossé au capital autorisé en vertu des art. 651 s CO, tandis que le capital convertible est une nouveauté créée pour pallier à l'inadéquation du capital conditionnel selon les art. 653 ss CO. Cette inadéquation tient au fait que la conversion du capital conditionnel se fonde sur une déclaration de conversion de la part du créancier, alors que celle du capital convertible repose sur un événement déclencheur objectif.

Le recours à des instruments de capital de droit privé permet au marché d'apprécier et d'évaluer en continu l'établissement financier concerné, ce qui peut être utile pour détecter les crises précocement.

Le montant et la prise en compte des fonds propres requis continueront à être fixés par le Conseil fédéral dans le cadre de l'OFR et par la FINMA dans le cadre des dispositions d'exécution en la matière.

2.2.2

Principes (art. 11 P-LB)

2.2.2.1

Champ d'application

Toutes les banques ayant la forme de la société anonyme peuvent recourir aux nouvelles formes de fonds propres (art. 11, al. 1, P-LB). Indépendamment de leur forme juridique, toutes les banques peuvent en outre réaliser un but comparable à celui recherché par le capital convertible en émettant des emprunts assortis d'un abandon de créances (art. 11, al. 2, P-LB). Même si les formes de capital précitées doivent permettre en premier lieu aux banques d'importance systémique de maîtriser les crises, l'extension du champ d'application à toutes les banques s'inscrit dans l'intérêt d'une consolidation de l'ensemble du système financier et peut permettre aux banques d'importance non systémique de prévenir et de maîtriser des crises.

Toutes les banques peuvent prendre en compte le capital convertible en tant que fonds propres requis, pour autant que les prescriptions en la matière le prévoient.

Le chapitre VI ne s'applique pas qu'aux banques, mais aussi aux sociétés mères des groupes ou conglomérats financiers (sociétés mères). Celles-ci ne doivent pas nécessairement avoir la forme d'une banque. Cette extension s'explique par le fait qu'il n'y a pas qu'au niveau de chaque établissement individuel que les banques doivent respecter les exigences de fonds propres. Les groupes et conglomérats ont eux aussi à s'y conformer et sont soumis à une surveillance consolidée (art. 4 LB, 6 OFR et 11 à 14 OB).

4417

2.2.2.2

Fonctionnement et finalité

Le capital de réserve et le capital convertible sont créés dans la perspective de circonstances très spécifiques. Précisons une fois encore que ces deux types de capital interviennent exclusivement afin de prévenir ou de maîtriser des crises et qu'ils ne doivent aucunement entrer en concurrence avec des formes de capital existantes. Le capital de réserve et le capital convertible n'ont pas pour but d'offrir aux banques une possibilité nouvelle, plus souple, de se procurer des fonds propres. Ils sont au contraire étroitement liés aux exigences en matière de fonds propres et au droit de la surveillance, comme le précise l'art. 11, al. 4, P-LB. Les banques peuvent continuer à créer du capital conditionnel ou autorisé. Leurs statuts doivent définir le rapport entre les différentes formes de capital pour éviter toutes contradiction et ambiguïté.

Le capital de réserve représente une autorisation particulière accordée au conseil d'administration pour lever du capital-actions ou du capital-participation39. Le terme «capital de réserve» n'est pas tout à fait exact, mais il s'est déjà imposé dans le langage en raison de sa vigueur expressive, et sera donc conservé pour être reconnu plus facilement. L'art. 11, al. 3, P-LB prescrit que l'émission d'actions sur la base du capital de réserve doit permettre de renforcer la base de fonds propres et de prévenir ou maîtriser une crise de la banque. En ce sens, le capital de réserve est un instrument qui offre une marge de manoeuvre au conseil d'administration dans la planification de la stabilisation d'une banque en difficulté (recovery). La limitation dans le temps aux seules phases d'assainissement et de liquidation serait cependant trop restrictive. Les actions ou bons de participation émis sur la base du capital de réserve par le conseil d'administration doivent être placés sur le marché libre des capitaux tant que celui-ci est encore prêt à investir dans la banque en question.

Pour sa part, le capital convertible représente une augmentation conditionnelle du capital, qui s'effectue par la conversion automatique de fonds de tiers en capitalactions ou capital-participation à la survenance d'un événement déterminé. Ce n'est qu'à ce stade que le capital est créé. Le même problème terminologique se pose qu'avec le capital de réserve. Mais le terme «capital
convertible» est conservé ici aussi, pour les mêmes motifs.

Les emprunts assortis d'un abandon de créances de la part des créanciers selon l'art. 11, al. 2, P-LB permettent d'obtenir un effet comparable. Les droits du créancier s'éteignent en raison de la déclaration d'abandon conditionnel avec effet différé.

Du fait de cet abandon, les fonds de tiers diminuent au profit des fonds propres de la banque. Puisque la survenance de l'événement déclencheur ne donne pas lieu à l'émission de nouvelles actions ou bons de participation (par souci de concision, il sera uniquement question d'actions par la suite, ce terme faisant référence aux deux types de participations), la procédure ne déploie aucun effet du point de vue du droit des sociétés. Les conditions-cadres de la prise en compte doivent néanmoins être régies par l'OFR.

L'objectif spécifique des emprunts à conversion obligatoire et des emprunts assortis d'un abandon conditionnel des créances découle des prescriptions particulières relatives à leur prise en compte énoncées dans l'OFR. Les événements déclencheurs doivent ainsi être définis de manière à remplir leur objectif de régulation, c'est-à39

Ci-après, pour faciliter la lecture du document, les termes capital-actions et actionnaires recouvrent aussi le capital-participation et les participants.

4418

dire que l'augmentation des fonds propres doit intervenir soit dans le cadre d'une stabilisation (événement déclencheur dès 7 % d'actifs pondérés en fonction des risques) soit en tant que prologue à la phase d'assainissement et de liquidation (événement déclencheur fixé à 5 % des actifs pondérés par le risque).

2.2.2.3

Aspects relevant du droit de la surveillance

Malgré leur référence au droit de la surveillance, le capital de réserve et le capital convertible sont essentiellement des instruments de droit privé. Aussi chaque entreprise doit-elle jouir de la plus grande liberté possible, notamment celle d'aménager concrètement les instruments financiers en fonction de ses propres besoins. Pour autant, il faut garantir que ces deux formes de capital permettent d'atteindre les objectifs du droit de la surveillance. Tandis que l'art. 11, al. 3, P-LB limite les mesures liées au capital à la prévention ou à la maîtrise des crises, l'Etat exerce en plus son influence sur le capital convertible et les emprunts assortis d'un abandon de créances par le biais des prescriptions en matière de fonds propres. Celles-ci définissent en effet dans quelles conditions et dans quelle mesure ce capital peut être pris en compte en tant que fonds propres réglementaires.

Par ailleurs, selon l'art. 11, al. 4, 2e phrase, P-LB, la prise en compte de ce capital suppose que la FINMA a approuvé les conditions d'émission.

Ce contrôle du contenu porte en particulier sur le fonctionnement des mécanismes de conversion et d'abandon, sur la définition de l'événement déclencheur, ainsi que sur la question de savoir si les conditions statutaires sont réunies pour que les actions soient effectivement disponibles au moment de la conversion.

L'examen des conditions d'émission s'articule autour de deux axes essentiels. Le premier concerne la domiciliation en Suisse des banques qui émettent les instruments de capital, de manière à garantir que les fonds levés soient affectés aux entités concernées et disponibles dans la société suisse en vue de l'assainissement. Cet élément suppose toutefois l'adaptation des conditions fiscales (cf. ch. 1.6.4).

Le second se rapporte au droit applicable au for et aux conditions d'émission, deux critères qui conditionnent le niveau du risque de retard en relation avec la conversion ou l'abandon de créances. Supposons par exemple que des plaintes visant à bloquer certains fonds soient déposées et empêchent la conversion. Si le for compétent est situé en Suisse, et le cas jugé selon le droit suisse, le risque de retard et le risque de procès sont sensiblement moindres. L'application du droit suisse par des tribunaux suisses offre la sécurité nécessaire en matière de
droit et d'exécution dans un contexte d'assainissement, dans la mesure où l'on peut partir du principe que les magistrats helvétiques connaissent parfaitement les mesures liées au too big to fail prévues par le projet de loi. Le placement d'emprunts à conversion obligatoire au niveau international peut toutefois requérir une dérogation à cette règle. A cet égard, il faut distinguer les cas où il s'agit d'instruments de capital assortis à un événement à seuil élevé (niveau atteignant 7 % des actifs pondérés par le risque) ou bas (5 %), en précisant que, dans le second cas, il convient d'opter pour un critère plus strict en raison du but d'utilisation en cas de crise.

4419

2.2.3

Capital de réserve (art. 12 P-LB)

Le capital de réserve est censé permettre à une banque qui répond encore aux exigences du marché de réaliser rapidement et à des conditions facilitées une augmentation de capital dans la mesure du nécessaire. Pour autant que l'assemblée générale ait prévu à temps un capital de réserve, le conseil d'administration dispose d'un instrument souple qui lui permet de renforcer rapidement les fonds propres de l'établissement lorsqu'il prévoit ou constate un recul marqué de leur niveau.

2.2.3.1

Compétences de l'assemblée générale, teneur des statuts

Selon l'art. 12, al. 1, P-LB, la création d'un capital de réserve requiert une décision de l'assemblée générale ainsi qu'une modification des statuts. Cette décision habilite le conseil d'administration à augmenter le capital-actions et à émettre de nouvelles actions sur la base du capital de réserve.

La formulation employée («L'assemblée générale peut ...») donne à l'assemblée générale toute latitude pour imposer au conseil d'administration, par modification des statuts, des garde-fous pour l'augmentation du capital. Ce faisant, il lui incombe une tâche qui n'est pas simple, à savoir concilier les objectifs prudentiels d'une augmentation de capital et les intérêts des actionnaires. Elle fixe donc le montant maximum du capital de réserve et peut également limiter la durée de l'autorisation conférée au conseil d'administration, sans toutefois faire échec à la finalité prudentielle de l'opération. Une limitation ultérieure du capital de réserve est également licite, ce qui revient en définitive pour l'assemblée générale à révoquer l'autorisation donnée au conseil d'administration.

Les statuts indiquent le montant nominal total de l'augmentation du capital-actions ou du capital-participation à laquelle le conseil d'administration peut procéder, ce qui inclut la valeur nominale de chaque action et donne, par division, le nombre total d'actions (art. 12, al. 3, P-LB en relation avec les art. 651, al. 3, et 650, al. 2, ch. 2, CO). Ces compétences reviennent de par la loi à l'assemblée générale et ne peuvent pas être déléguées au conseil d'administration. Pour le reste, les dispositions de l'art. 651, al. 3 et 4, CO sont applicables, selon le renvoi figurant à l'art. 12, al. 3, P-LB.

La décision de créer un capital de réserve requiert la majorité qualifiée en vertu de l'art. 704 CO, qui sera complété en ce sens. Bien que le capital complémentaire ne puisse être créé qu'à seule fin de prévenir ou de maîtriser une crise (art. 11, al. 3, P-LB), l'assemblée générale prend sa décision en suivant le courant normal, de sorte que la nécessité d'une prise de décision facilitée devient caduque et que l'art. 704 CO doit s'appliquer.

2.2.3.2

Augmentation de capital par le conseil d'administration

Dans le cadre de l'autorisation donnée par l'assemblée générale, le conseil d'administration peut augmenter le capital-actions ou le capital-participation (art. 12, al. 3, P-LB en relation avec l'art. 651, al. 4, CO). Il édicte alors les dispositions 4420

nécessaires, à moins qu'elles ne figurent déjà dans la décision de l'assemblée générale (art. 12, al. 3, P-LB en relation avec l'art. 651, al. 4, 2e phrase, CO). Le conseil d'administration détermine en particulier les conditions d'émission, dont font partie notamment la fixation du montant de l'émission et la nature des apports.

Dans le cadre de l'autorisation donnée par l'assemblée générale, le conseil d'administration décide en toute indépendance de l'opportunité, de la date et du montant de l'augmentation du capital-actions. Ce faisant, il doit néanmoins respecter la finalité du capital de réserve définie à l'art. 11, al. 3, P-LB (cf. ch. 2.2.2.2).

Si le capital de réserve a été créé par augmentation du capital et émis par le conseil d'administration, la question se pose de savoir si, et dans quelle mesure, il faut réduire le capital de réserve «autorisé». L'art. 651a, al. 1, CO, qui prévoit qu'après chaque augmentation du capital-actions, le conseil d'administration réduit le montant nominal du capital de réserve autorisé qui figure dans les statuts (principe de l'épuisement), s'applique également au capital de réserve. A défaut d'obligation sur ce point, la fixation du montant nominal serait privée de l'autorisation de l'assemblée générale, ce qui rendrait concevable, en théorie du moins, une dilution illimitée et durable des droits des actionnaires.

2.2.3.3

Exclusion du droit de souscription

L'art. 12, al. 2, P-LB attribue au conseil d'administration la décision d'exclure le droit de souscription des actionnaires existants lors de l'émission des actions. Il prend en compte les intérêts des actionnaires en subordonnant l'exclusion à l'existence de motifs importants. Par principe, l'exclusion est licite dès lors qu'elle est justifiée par un intérêt matériel qualifié de la société et s'impose pour atteindre le but visé, que le principe de l'égalité de traitement des actionnaires est respecté et qu'elle obéit au principe de l'exercice raisonnable d'un droit.

Le capital de réserve ne pouvant être utilisé que pour prévenir ou maîtriser une crise, les exemples énoncés à l'art. 652b, al. 2, CO ­ acquisition de parties d'entreprise ou participation des travailleurs ­ ne sont pas pertinents (cf. art. 12, al. 3, let. b, P-LB).

En revanche, il est possible d'exiger notamment le placement rapide et sans difficulté des nouvelles actions de la part de l'investisseur. Vu la situation dans laquelle se trouve la banque, la réussite de l'augmentation de capital doit primer les intérêts de l'actionnaire, faute de quoi la société ou la banque risquerait de péricliter, avec comme conséquence une perte totale pour l'actionnaire.

Si l'exclusion du droit de souscription est admise, cette opération ne doit pas se traduire par une dilution du capital. Qui plus est, il faut prendre en considération la situation (de crise) particulière. C'est pourquoi les nouvelles actions doivent être émises aux conditions du marché. Une décote est cependant autorisée à condition qu'elle soit effectuée dans l'intérêt de la société, dans l'optique d'un placement rapide et complet. La formulation de l'art. 12, al. 2, P-LB renvoie, en ce qui concerne le prix d'émission, à la marge d'action du conseil d'administration qui n'est pas vérifiable par le juge; elle concrétise en ce sens le principe de la liberté d'appréciation en affaires.

4421

2.2.3.4

Relation avec le capital autorisé

D'une façon générale, le capital de réserve est la reproduction du capital autorisé prévu par le CO (art. 651 s.). Il est donc possible d'opérer en renvoyant très largement au capital autorisé. Les dérogations ne sont admises que dans la perspective de la réalisation de l'objectif prudentiel. A défaut d'explications dans ce qui précède, il convient de s'arrêter brièvement aux exclusions visées à l'art. 12, al. 3, P-LB. Aux termes de l'art. 652d CO, l'obligation d'apport peut être remplie par la conversion de fonds propres (dont la société peut librement disposer). Sachant que le capital de réserve est censé procurer un afflux de fonds à la société, une libération par le biais de fonds propres ne mènerait pas à l'objectif visé. L'exclusion de la limite du montant visée à l'art. 656b, al. 1 et 4, CO permet de constituer le capital de réserve avec des bons de participation.

2.2.4

Capital convertible (art. 13 P-LB)

2.2.4.1

Concept

Le capital convertible doit permettre à une banque d'augmenter ses fonds propres selon l'art. 9, al. 2, let. a, P-LB avec le moins d'incidences possible sur le jeu de la concurrence, en levant des fonds de tiers potentiellement substitutifs de fonds propres. En émettant des emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions (CoCo au sens strict), la banque conserve la possibilité d'un financement par des fonds de tiers et les avantages qui y sont liés, comme c'est le cas pour les instruments comparables mais évoqués uniquement à l'art. 11, al. 2, P-LB, que sont les emprunts assortis d'un abandon de créances (write off bonds). En période de crise, la conversion a pour effet de créer un nouveau capital-actions ou un nouveau capitalparticipation et de réduire l'endettement de la banque. Par la cessation des remboursements d'intérêts et des amortissements, cela a aussi pour effet d'améliorer la situation de la banque en matière de liquidités. Il s'agit là d'une décharge substantielle, comme le montre ce simple calcul: sur un montant total de 10 milliards de francs à 8 % par an (un taux plutôt bas), le reflux baisse de 800 millions de francs, ce qui renforce massivement le niveau de liquidités.

La principale différence par rapport au capital conditionnel réside dans le mécanisme de conversion. Le capital conditionnel octroie aux créanciers un droit de conversion qui leur permet de participer à l'évolution positive future du cours des actions. L'élément optionnel de l'emprunt convertible classique constitue un actif en soi. A l'inverse, la conversion intervient indépendamment de l'influence des créanciers, au moment où le seuil de déclenchement est atteint.

En cas de crise dans l'entreprise, les investisseurs supportent des charges qui incomberaient sinon à des tiers ­ l'Etat entre autres. Alors que les bailleurs de fonds externes ne subissent normalement des pertes qu'en cas de faillite ou d'assainissement, la créance des détenteurs d'obligations à conversion obligatoire sous certaines conditions s'éteint en cas de crise. Elle est remplacée par des bons de participation.

Au demeurant, les CoCo pourraient également être émis en vue de répondre aux exigences réglementaires dans le cadre des programmes de rémunération pour les dirigeants des banques d'importance systémique. Ainsi, les décideurs seraient directement impliqués dans les pertes de l'entreprise, ce qui permettrait d'atténuer les 4422

problèmes d'incitation inhérents aux programmes de bonus traditionnels (qui consistent à prendre ses bénéfices et à ne pas assumer les pertes).

2.2.4.2

Compétences de l'assemblée générale, teneur des statuts

Le capital convertible est constitué d'un emprunt converti automatiquement en actions ou en bons de participation de la société, en cas de survenance d'un événement défini au moment de l'émission. La création de capital convertible requiert, selon l'art. 13, al. 1, P-LB, une décision de l'assemblée générale arrêtant les éléments caractéristiques de l'emprunt à conversion obligatoire. Les compétences de l'assemblée générale en la matière ne peuvent être déléguées au conseil d'administration et sont donc inaliénables.

Vu sa finalité, le capital convertible doit être autorisé en principe dans des proportions illimitées à titre d'instrument servant à prévenir et maîtriser une crise.

L'assemblée générale n'en a pas moins la possibilité de faire figurer des limitations de montant dans les statuts. Une telle limitation pourrait avoir pour motif la crainte que les détenteurs d'emprunts à conversion obligatoire ne modifient radicalement les rapports de propriété de la banque. On peut opposer à cela que l'octroi de l'autorisation pour la banque d'exercer son activité suppose que les personnes physiques ou morales qui y détiennent, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou qui de toute autre manière peuvent exercer une influence notable sur la gestion de la banque (participation qualifiée), donnent la garantie que leur influence n'est pas susceptible d'être exercée au détriment d'une gestion prudente et saine de la banque40.

Il est par ailleurs de la compétence de l'assemblée générale de déterminer le nombre, l'espèce et la valeur nominale des actions, toute restriction à la transmissibilité des actions ainsi que les bases de calcul du prix d'émission. Ce qui revient à dire, sur ce dernier point, que l'assemblée générale fournit une grille ou, plus exactement, une formule permettant d'emblée au conseil d'administration de fixer le prix d'émission.

Les conditions ainsi définies par l'assemblée générale peuvent être aménagées de manière à ce que le conseil d'administration jouisse d'une certaine liberté pour déterminer ce prix. C'est là une condition nécessaire dans la mesure où le conseil d'administration, en raison de ses compétences en matière de placement des emprunts à conversion obligatoire, doit pouvoir réagir avec souplesse à l'évolution des prix et aux besoins
des investisseurs. L'exclusion du droit de souscription par l'assemblée générale intervient dans la perspective des actions futures issues de la conversion. Les actions requises du fait de la conversion doivent être créées sans droit de souscription car elles sont destinées aux détenteurs d'emprunts.

2.2.4.3

Compétences du conseil d'administration

Dans les limites de l'autorisation que l'assemblée générale lui a octroyée, le conseil d'administration peut, aux termes de l'al. 3, émettre des emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions. Il appartient donc au conseil d'administration 40

Art. 3, al. 2, let. cbis, LB.

4423

d'aménager concrètement une grande partie des emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions (al. 3). Dans la mesure toutefois où ceux-ci doivent être pris en compte en tant que fonds propres, ils doivent satisfaire aux exigences du droit de la surveillance.

Selon l'al. 3, il incombe au conseil d'administration de décider si, quand et pour quel montant des emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions peuvent être émis, et si et comment il convient de les répartir en diverses tranches. Pour des raisons techniques liées au marché ou pour des impératifs prudentiels, il peut être nécessaire d'émettre des emprunts de différentes durées. Une autre tâche qui incombe au conseil d'administration en vertu de l'al. 3 consiste à déterminer l'événement ­ ou les événements s'il y a plusieurs tranches ­ qui déclenche(nt) la conversion des emprunts en actions. Le conseil d'administration voit sa marge de manoeuvre, en principe étendue, limitée par le fait qu'il ne peut subordonner la conversion qu'à un événement objectivement constatable et non pas à la volonté d'un créancier, par exemple (cf. al. 1).

Il appartient également au conseil d'administration, aux termes de l'al. 3, de déterminer le prix d'émission ou, pour le cas où il n'y aurait pas lieu d'arrêter un chiffre concret, les règles servant à le déterminer.

Enfin, il s'agit de déterminer le volume d'obligations émises qui seront converties en cas de survenance de l'événement déclencheur. La loi laisse également cette décision à l'appréciation de la société.

De surcroît, lors de l'émission des emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions, le conseil d'administration fixe encore le rapport de conversion, c'est-àdire la part qui reviendra aux créanciers à titre de compensation en cas de conversion.

2.2.4.4

Exclusion du droit de souscription préférentiel

L'art. 13, al. 4, P-LB prévoit en principe pour le capital convertible un droit de souscription préférentiel des actionnaires, que l'assemblée générale peut toutefois supprimer sous certaines conditions.

L'exclusion du droit de souscription préférentiel par l'assemblée générale doit être justifiée par un motif important, à savoir un intérêt matériel qualifié de la société, lequel se détermine en fonction de la finalité du capital convertible, qui est de créer rapidement un apport supplémentaire en capital en cas de mauvaise marche des affaires. Il existe par contre un risque de dilution, dont il faut néanmoins s'accommoder compte tenu de la finalité évoquée. Vu leur signification économique restreinte, les droits de souscription préférentiels ont normalement une faible valeur, ce qui ne justifie pas pour autant leur suppression légale générale. Par contre, l'exclusion devrait se justifier dès lors que les emprunts à conversion obligatoire sont émis aux conditions du marché (d'où une valeur de toute façon nulle) ou, surtout, que la situation concrète exige un placement rapide et complet assorti d'une décote.

4424

2.2.4.5

Constatation par le conseil d'administration de l'événement déclencheur de la conversion

Si l'événement déclencheur de la conversion survient, le conseil d'administration doit en constater immédiatement la survenance par acte authentique. Celui-ci doit mentionner le nombre, la valeur nominale et le type des actions émises, le nouvel état du capital-actions ainsi que les adaptations nécessaires des statuts. Contrairement à la procédure applicable aux emprunts convertibles et à option traditionnels, les emprunts à conversion obligatoire ne requièrent pas de déclaration du créancier.

La conversion intervient automatiquement et, de surcroît, en une seule opération et non pas «au compte-gouttes». C'est pourquoi il faut déterminer concrètement le mécanisme de conversion. En fait, la survenance de l'événement déclencheur devrait provoquer de lui-même la conversion. Une décision de constatation du conseil d'administration s'impose néanmoins afin d'établir la sécurité du droit requise pour l'inscription au registre du commerce. Cette décision a un effet constitutif pour la conversion, autrement dit pour l'extinction des droits nés des emprunts et pour la création simultanée des droits des actionnaires. Aucun autre acte juridique n'est requis, d'autant moins qu'il n'y a pas de libération en espèces ou par compensation, mais que, de par la loi, les actions sont créées directement par conversion, ce qui éteint les droits de créance (art. 13, al. 7, P-LB). Afin de prévenir tout retard, une obligation de constatation a été introduite (cf. le verbe «devoir» dans le texte de l'al. 5), dont les membres du conseil d'administration répondent en droit civil. Si le conseil d'administration ne s'acquittait pas de cette obligation, l'autorité de surveillance serait contrainte, en vertu de l'art. 26 LB ou en nommant un chargé d'enquête, de prendre la décision elle-même par voie d'exécution forcée, ce qui signifierait le début de la phase d'assainissement.

2.2.4.6

Inscription immédiate au registre du commerce

Une fois que le conseil d'administration a pris la décision de constatation selon l'al. 5, celle-ci doit être immédiatement inscrite au registre du commerce, et ce, pour des raisons de sécurité du droit particulièrement importantes en temps de crise pour assurer l'efficacité de l'augmentation de capital. Dans les phases d'assainissement et de liquidation, durant lesquelles les emprunts à conversion obligatoire sous certaines conditions sont convertis puisque c'est là leur finalité, il est indispensable de procéder à une levée de capitaux rapide. Certes, la décision de constatation du conseil d'administration est constitutive (cf. al. 7) et son inscription au registre du commerce purement déclaratoire. Néanmoins, l'effet publicitaire de l'inscription de l'augmentation de capital, surtout sur le marché financier international ainsi qu'aux yeux des créanciers et des investisseurs, est loin d'être négligeable et il ne faut pas sousestimer le danger résidant dans le fait que ­ comme pour une augmentation de capital ordinaire ­ seule l'inscription au registre du commerce est jugée constitutive.

Aussi convient-il d'exclure les mesures conservatoires de protection juridique en vigueur, qui pourraient retarder l'inscription du nouveau capital. Sa connaissance de la situation étant limitée, l'office du registre du commerce peut en effet donner suite à une demande de blocage du registre non motivée sur le fond, qui, à elle seule, risque de retarder l'inscription de dix jours. D'autres retards tiennent au fait que le tribunal, qui ne juge qu'en procédure sommaire, ordonne en plus une mesure conservatoire. Sachant qu'une banque peut devenir insolvable en quelques jours, il 4425

faut impérativement éliminer le risque d'un blocage de l'inscription. Il est donc légitime de renvoyer les requérants à la possibilité consistant à faire valoir leur droit à des dommages-intérêts par la voie de la procédure ordinaire.

Contrairement aux dispositions de l'art. 653f CO, il n'est pas nécessaire qu'un expert-réviseur agréé confirme avoir vérifié que le nouveau capital a bien été créé.

S'agissant d'un emprunt à conversion obligatoire sous certaines conditions, la façon dont le capital est converti ne recèle pas de source d'erreur, à l'inverse d'une conversion au compte-gouttes sur une période prolongée, comme c'est le cas d'un emprunt convertible traditionnel. Pour le premier, en effet, l'augmentation du capital n'est pas étalée sur toute l'année et éventuellement assortie de prix de conversion différents, mais a lieu en une seule fois.

2.2.4.7

Relation avec le capital conditionnel

En raison d'une nature juridique qui distingue totalement le capital convertible du capital conditionnel, les prescriptions du CO relatives au capital conditionnel ne s'appliquent pas, à de rares exceptions près, que voici: ­

l'obligation d'apport au moins égal à la valeur nominale est également impérative pour le capital à conversion obligatoire (art. 653a, al. 2, CO);

­

les détenteurs d'emprunts à conversion obligatoire ne sauraient être lésés par une augmentation du capital-actions, par l'émission de nouveaux emprunts à conversion obligatoire ou de toute autre manière que si le prix de conversion est abaissé ou qu'une compensation équitable leur est assurée d'une autre façon (art. 653d, al. 2, CO).

Si les emprunts à conversion obligatoire s'éteignent par conversion, le conseil d'administration annule les dispositions statutaires relatives à l'augmentation du capital conditionnel.

2.3

Modification du droit en vigueur

2.3.1

Code des obligations

Les modifications apportées au CO consistent en des clauses restrictives concernant le capital autorisé (art. 651 CO) et le capital conditionnel (art. 653 CO). Elles s'imposent en raison des nouvelles prescriptions qu'il est proposé ici d'inclure dans la LB à propos du capital social complémentaire.

La majorité qualifiée visée à l'art. 704, al. 1, CO s'applique également au capital de réserve au sens des art. 11, al. 1, let. a, et 12 P-LB. En déléguant ses compétences en matière d'émission de capital de réserve au conseil d'administration, l'assemblée générale va même plus loin que ne le prévoient les dispositions en vigueur (art. 651 s CO) sur l'augmentation autorisée. Dans ces conditions, il n'est pas justifié, dans le cas du capital de réserve, de réduire les quorums légaux actuels concernant la création de capital autorisé. A noter par ailleurs qu'aucune urgence particulière ne s'impose lors de la prise de décision par l'assemblée générale, contrairement à l'émission d'actions par le conseil d'administration.

4426

En revanche, la décision de l'assemblée générale concernant la création de capital convertible selon les art. 11, al. 1, let. b, et 12 P-LB ne tombe pas sous le coup de l'art. 704, al. 1, CO. Le capital convertible s'insère dans la stratégie suisse en matière de surveillance, qui entend stabiliser le système financier. Il est donc adéquat de rapprocher les exigences liées à la décision de créer un capital convertible de celles qui concernent les augmentations de capital ordinaires (lesquelles obéissent aux dispositions de l'art. 703 CO).

2.3.2

Loi fédérale sur les droits de timbre

Les modifications apportées à la loi fédérale du 27 juin 1973 sur les droits de timbre (LT; RS 641.10) concernent, d'une part, la suppression sans exception du droit de timbre d'émission sur les obligations (fonds de tiers) et, d'autre part, l'exonération spéciale des droits de participation créés ou augmentés à partir de capital convertible (fonds propres). La modification relative aux fonds de tiers a pour but de traiter ces derniers comme ils l'étaient avant la modification de la loi fédérale du 4 octobre 1991 (RO 1993 222). Dans ce contexte, il est prévu d'abroger les articles suivants: art. 1, al. 1, let. a, ch. 4 et 5, art. 5a, art. 7, al. 1, let. f, art. 9a et art. 10, al. 3 et 4, LT.

Emprunt à conversion obligatoire (art. 6, al. 1, let. l, P-LT) Dans le domaine des fonds propres, une nouvelle disposition d'exception sera introduite, qui porte que les droits de participation créés ou augmentés au moyen du capital convertible selon l'art. 13, al. 1, LB sont exonérés du droit de timbre. Selon l'art. 13, al. 1, P-LB, seules les banques opérant sous la forme juridique de la société anonyme peuvent créer du capital convertible. La restriction aux banques d'importance systémique qui figurait à l'art. 6, al. 1, let. l, du projet de LT soumis à consultation a été abandonnée.

Echéance (art. 11, let. b, P-LT) Cette disposition ne s'applique plus qu'aux droits de participation. Les obligations de caisse et les papiers monétaires ne sont plus concernés du fait de la suppression du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers.

2.3.3

Loi sur la banque nationale

La modification de la LBN consacre l'adoption dans celle-ci de la compétence dévolue à la Banque nationale en matière de décision, conformément à l'art. 8, al. 1, P-LB.

2.4

Entrée en vigueur

L'entrée en vigueur est prévue au plus tôt pour 2012.

S'agissant des ordonnances d'exécution, des dispositions transitoires relatives aux prescriptions en matière de fonds propres garantiront une mise en place des nouvelles exigences du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2019 synchronisée avec celle des règles de Bâle III. Il faudra tenir compte également des incidences qu'aura la mise 4427

en oeuvre de Bâle III du fait de la définition plus rigoureuse des fonds propres éligibles.

Les prescriptions en matière de leverage ratio et de liquidités seront mises en application moyennant un délai de transition raisonnable, fixé par voie d'ordonnance, par rapport aux réglementations déjà appliquées individuellement aux deux grandes banques.

Les prescriptions en matière de répartition des risques prévoiront elles aussi un délai de transition adéquat afin que les établissements concernés disposent d'une période suffisante pour ajuster leurs positions vis-à-vis de leurs contreparties et procéder à la désimbrication des risques.

Quant aux prescriptions en matière d'organisation, un bref délai de transition sera sans doute adéquat.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Les changements prudentiels prévus réduiront le risque financier encouru par les pouvoirs publics, notamment par la BNS et la Confédération, sachant que la stabilité des établissements financiers d'importance systémique sera renforcée et que la probabilité d'une intervention coûteuse de l'Etat diminuera. Le gain de stabilité obtenu se soldera également par un rétrécissement de la fourchette de fluctuation des recettes fiscales issues du secteur financier, contribuant ainsi à la sécurité de planification de la politique financière.

Outre les conséquences favorables du projet sur les budgets publics, il faut aussi tenir compte des coûts. Ceux-ci ont trait en premier lieu aux recettes (impôts). Ils se subdivisent en conséquences (directes) des mesures fiscales et en conséquences (indirectes) des mesures prudentielles.

3.1.1

Conséquences fiscales directes

La suppression du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers se traduira pour la Confédération par des baisses de recettes annuelles de 350 millions de francs (bruts) en moyenne. Déduction faite des 130 millions de francs que la Confédération se verse à elle-même sur ses émissions, la réduction des recettes s'établit à 220 millions de francs nets41. Cette estimation repose sur la moyenne des recettes de dix années (2001­2010). Elle reflète les pertes de recettes attendues à plus long terme en raison de la réforme.

Les réactions des banques d'importance systémique aux nouvelles règles entraîneront, par suite des effets inhérents aux bénéfices et à la création de valeur ajoutée, d'autres baisses de recettes qu'il n'est toutefois pas possible de quantifier.

41

«Net» signifie ici déduction faite du droit de timbre que la Confédération se verse à ellemême sur ses propres émissions.

4428

Recettes brutes et recettes nettes du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers et répartition par catégorie d'émetteur, 2001 à 2010 Année

Recettes brutes

Part Confédération

Recettes nettes

Part cantons et communes

Part émetteurs privés et obligations de caisse

en millions de francs

en millions de francs

en millions de francs

en millions de francs

en millions de francs

393 333 408 393 310 295 264 220 345 527

182 193 266 202 123 96 77 42 64 70

211 140 142 191 187 199 187 178 281 457

40 26 41 45 36 14 8 14 32 51

171 114 101 146 151 185 179 164 249 406

Moyenne 349 2001 à 2010 Moyenne 350 2001 à 2010, chiffres arrondis

131

217

31

187

130

220

30

190

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Source: AFC

A court et à moyen terme, cependant, les incidences sur le budget de la Confédération seront plus importantes, étant donné que la levée de fonds de tiers est actuellement favorisée par le bas niveau des taux d'intérêt et que l'activité d'émission est très intense.

Les cantons et les communes profiteront de la suppression du droit de timbre d'émission, étant donné que leurs dépenses seront réduites de 30 millions de francs, ce qui entraînera entre autres un allégement pour les entreprises détenues par des collectivités publiques (cf. le diagramme suivant).

4429

Parts respectives des catégories d'émetteurs dans les recettes brutes du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers, moyenne 2007 à 2010

Source: AFC

Les conséquences financières de l'émission de CoCo par les banques dépendront de la question de savoir si ces CoCo se substituent à des fonds de tiers ou à des fonds propres existants. Dans la première hypothèse, il ne se passera rien, tandis que la seconde se traduira par des baisses de recettes sous forme de pertes de droit de timbre d'émission sur les droits de participation, et ce, que les CoCo soient convertis ultérieurement ou non. Par ailleurs, les baisses de recettes toucheront également l'impôt sur le bénéfice car les banques pourront déduire leurs charges d'intérêts et de primes sur les CoCo de l'assiette de l'impôt sur le bénéfice.

Dans le cas des banques d'importance systémique contraintes de constituer des fonds propres supplémentaires, les CoCo ne remplaceront sans doute que des fonds de tiers, de sorte qu'il n'en résultera pas de diminution des recettes. Pour les autres banques, le durcissement des prescriptions en matière de fonds propres consécutif à Bâle III aura également pour conséquence que les CoCo se substitueront en majorité à des fonds de tiers. Il n'est pas exclu, toutefois, que pour certains établissements déjà abondamment dotés en fonds propres, les CoCo remplacent aussi des fonds propres, si bien qu'il pourra en résulter des baisses de recettes au titre du droit de timbre d'émission sur les droits de participation et de l'impôt sur le bénéfice.

3.1.2

Conséquences financières indirectes par suite de changements de pratiques

Les exigences prudentielles impliquent que les banques d'importance systémique émettent des fonds propres de base (common equity) complémentaires ou des CoCo, ce qui influera sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes par quatre canaux, à savoir: 4430

­

le financement des besoins en capital;

­

la modification de la structure du capital;

­

les effets inhérents à la création de valeur ajoutée et aux bénéfices, et

­

les effets inhérents au patrimoine.

3.1.2.1

Financement des besoins en capital

Il faut d'abord que les établissements concernés se procurent du capital pour satisfaire aux exigences accrues de dotation en la matière. Ils peuvent le faire par le biais d'un financement externe en fonds propres ou de tiers (CoCo) ou d'un financement interne (autofinancement par thésaurisation de bénéfices).

Effet d'un financement par émission d'actions: Si les fonds propres de base (common equity) complémentaires ne sont pas créés par autofinancement mais par augmentation du capital sous forme de financement par émission d'actions (financement externe au moyen de fonds propres), ils seront frappés d'un droit de timbre d'émission au taux de 1 %. Il est toutefois probable que les établissements concernés créeront ces fonds propres de base complémentaires principalement par autofinancement, ce qui leur coûtera moins cher. La Confédération ne devrait donc retirer qu'un maigre surcroît de recettes du droit de timbre d'émission sur les fonds propres.

Effet d'un autofinancement: Tout au moins durant la phase de mise en conformité aux nouvelles exigences de fonds propres, une partie des fonds propres de base complémentaires sera autofinancée par thésaurisation de bénéfices. Ce faisant, la quote-part de distribution des bénéfices diminuera. La baisse de revenu des dividendes qui en résultera pour les investisseurs se traduira pour des étrangers par un recul de l'impôt résiduel sur les dividendes au titre de l'impôt anticipé. Pour les investisseurs en Suisse, elle se soldera par une baisse de volume de l'impôt sur le revenu et de l'impôt anticipé.

3.1.2.2

Modification de la structure du capital

A l'expiration de la phase de mise en conformité, les nouvelles exigences prudentielles entraîneront une restructuration du capital.

Effets de la restructuration du capital sur l'impôt sur le bénéfice: La dotation en fonds propres s'étant étoffée, la part des fonds de tiers diminuera, d'où une moindre possibilité de déduire les intérêts débiteurs de l'assiette de l'impôt sur le bénéfice.

De plus, le degré plus élevé d'autofinancement aura pour effet de réduire la composante prime de risque des intérêts débiteurs et, partant, d'élargir la base de calcul de l'impôt sur le bénéfice. Il en résultera un surcroît de recettes pour la Confédération, les cantons et les communes. L'instrument des CoCo nouvellement créé agira par contre en sens inverse: l'assiette de l'impôt sur le bénéfice rétrécira en l'occurrence, et ce, pas uniquement par le jeu de la composante des intérêts. La prime payée aux investisseurs sera elle aussi déductible à titre de charges. En conséquence, la question des effets nets de la restructuration du capital sur l'impôt sur le bénéfice reste ouverte.

4431

Effets de la restructuration du capital sur l'impôt sur le capital: Les fonds propres de base complémentaires élargiront l'assiette de l'impôt sur le capital, qu'ils soient autofinancés ou fassent l'objet d'un financement par des fonds de tiers. Partant de l'idée que l'assiette de l'impôt sur le capital des grandes banques (en 2008) est constituée de common equity pour 32 milliards de francs et de tier 1 à hauteur de 16 milliards de francs, et que ces banques visent désormais un common equity d'environ 80 milliards de francs, l'assiette de l'impôt sur le capital croîtra de 32 milliards de francs. Dans l'hypothèse d'un taux d'imposition du capital de 1,721 pour mille, cela se traduira pour les cantons et les communes, au terme de la phase d'adaptation à la base de common equity ainsi accrue, par des augmentations de recettes annuelles de 55 millions de francs.

Effets de la restructuration du capital sur l'impôt sur le revenu: La restructuration du capital des banques d'importance systémique aura une incidence sur la composition des revenus des investisseurs entrant en ligne de compte au regard de l'impôt: la part des revenus d'intérêts provenant d'instruments classiques de financement par des fonds de tiers diminuera par rapport à d'autres formes de revenus. En revanche, les revenus dégagés par les fonds propres de base (dividendes et gains en capital) ainsi que par les CoCo (intérêts et gains en capital sous forme de primes) augmenteront. Sachant que les gains en capital sur les participations détenues dans le patrimoine privé sont exonérés d'impôt, la recomposition des revenus des investisseurs se traduira par une diminution des recettes de la Confédération, des cantons et des communes.

3.1.2.3

Effets inhérents à la création de valeur ajoutée et aux bénéfices

Non seulement le nouveau contexte prudentiel influera sur le passif du bilan, mais il entraînera des changements parmi les opérations actives des banques. Les questions déterminantes à se poser en l'espèce sont les suivantes: ­

Quelles incidences ce nouveau cadre prudentiel aura-t-il sur l'éventail de l'offre des banques? Quelles opérations seront moins proposées ou totalement abandonnées, quelles sont celles qui seront de plus en plus pratiquées?

­

Comment évoluera le profil risque/bénéfice, tous secteurs d'activité confondus? Dans quelle mesure les secteurs a priori les plus rentables mais soumis à de fortes fluctuations entre bénéfices et pertes seront-ils remplacés par des secteurs d'activité aux perspectives bénéficiaires moins prometteuses mais plus stables?

­

Le volume d'affaires, une fois alimenté par l'émission de fonds propres de base complémentaires ou de CoCo, croîtra-t-il ou baissera-t-il? Le capital complémentaire ainsi créé pourrait se substituer à d'autres formes de capital, de sorte que le total du bilan n'augmenterait pas mais, au contraire, diminuerait.

­

Comment les activités exercées en Suisse évolueront-elles par rapport aux activités exercées à partir de l'étranger?

4432

Sur le plan fiscal, ces changements auront une incidence directe sur l'impôt sur le bénéfice par le biais des bénéfices générés. Quant à la création de valeur ajoutée répartie sous forme de salaires, de traitements ou de dividendes, elle influera indirectement sur l'impôt sur le revenu.

Le tableau que voici illustre les circonstances dans lesquelles les recettes fiscales soit diminueront, soit augmenteront.

Les recettes fiscales issues de bénéfices ou de salaires et de traitements imposables en Suisse diminueront si ...

Les recettes fiscales issues de bénéfices ou de salaires et de traitements imposables en Suisse ne diminueront pas ou augmenteront si ...

... les secteurs d'activité plus rentables sont remplacés par des secteurs moins rentables;

... les secteurs d'activité plus rentables ne sont pas remplacés par des secteurs moins rentables;

... le volume d'affaires baisse malgré l'émission de capital complémentaire sous forme de fonds propres de base (common equity) ou de CoCo du fait que ce capital complémentaire sera surcompensé par l'abandon d'autres formes de capital, de sorte que le total du bilan n'augmentera pas mais diminuera;

... le volume d'affaires croît du fait que le capital complémentaire sous forme de fonds propres de base (common equity) ou de CoCo ne se substituera pas, ou pas totalement, à d'autres formes de capital, de sorte que le total du bilan ne diminuera pas, voire même augmentera;

... les activités exercées en Suisse perdent en importance par rapport aux activités exercées à partir de l'étranger.

... les activités exercées en Suisse restent constantes ou gagnent en importance par rapport aux activités exercées à partir de l'étranger.

Somme toute, les effets de la création de valeur ajoutée et des bénéfices devraient être négatifs, avec les conséquences suivantes: l'assiette de l'impôt sur le bénéfice rétrécira, d'où une baisse des recettes fiscales collectées à ce titre par la Confédération, les cantons et les communes. Du fait de la diminution de la masse salariale et des distributions de dividendes, les recettes fiscales des trois collectivités publiques au titre de l'impôt sur le revenu baisseront elles aussi. La diminution des distributions de dividendes se traduira pour les investisseurs étrangers par un recul de l'impôt résiduel sur les dividendes au titre de l'impôt anticipé. Pour les investisseurs en Suisse, elle se soldera par une baisse de volume de l'impôt sur le revenu et de l'impôt anticipé.

3.1.2.4

Effets inhérents au patrimoine

Effets du patrimoine sur l'impôt sur la fortune: La valeur nette de l'entreprise et, avec elle, la valeur vénale des actions des banques d'importance systémique sera déterminée par la valeur actuelle de leurs bénéfices escomptés (free cash flow): vu les incidences des bénéfices décrites plus haut, le numérateur de la formule de calcul de la valeur actuelle diminuera. Si la restructuration du capital entraîne une augmentation des coûts de financement (weighted cost of capital), cela se soldera en outre par un relèvement du dénominateur de la formule en question. Les bénéfices et, le cas échéant, une impulsion supplémentaire par le jeu des coûts de financement plus élevés, auront pour effet d'abaisser la valeur vénale des actions. D'où un rétrécisse4433

ment de l'assiette de l'impôt sur la fortune et donc une diminution des recettes fiscales des cantons et des communes. Il est toutefois probable que ces incidences sont d'ores et déjà escomptées dans les cours des actions des établissements concernés. En conséquence, les effets inhérents au patrimoine ne devraient plus se traduire par une diminution supplémentaire des recettes.

Effets du patrimoine sur le droit de timbre de négociation: Les effets inhérents au patrimoine réduiront également la base de calcul du droit de timbre de négociation car les actions des banques d'importance systémique seront négociées à des cours inférieurs. Mais comme les cours reflètent dès à présent cette information, la Confédération ne subira sans doute pas non plus de diminution de recettes supplémentaire du fait des incidences du patrimoine sur le droit de timbre de négociation.

3.1.3

Résumé

Le tableau ci-après résume, par type d'impôt et effet, les incidences sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes.

Type d'impôt

Effet

Conséquences pour la Confédération

Conséquences pour les cantons et les communes

Droit de timbre d'émission sur les fonds propres, suppression restreinte aux CoCo

Allégement fiscal

Pas de diminution des recettes

­

Financement par émission d'actions

Surcroît de recettes (faible)

­

Droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers, suppression générale

Allégement fiscal

A long terme, diminution des recettes de 220 millions de francs

Diminution des dépenses de 30 millions de francs

Impôt sur le capital

Restructuration du capital

­

Surcroît de recettes pouvant aller jusqu'à 55 millions de francs par an une fois achevée la phase d'adaptation au durcissement des exigences de fonds propres

Impôt sur le bénéfice

Restructuration du capital

Conséquences encore incertaines: baisse ou augmentation des recettes

Conséquences encore incertaines: baisse ou augmentation des recettes

Bénéfices

Baisse des recettes

Baisse des recettes

Autofinancement

Baisse des recettes

­

Création de valeur ajoutée

Baisse des recettes

­

Impôt anticipé

4434

Type d'impôt

Effet

Conséquences pour la Confédération

Conséquences pour les cantons et les communes

Impôt sur le revenu

Autofinancement

Baisse des recettes

Baisse des recettes

Restructuration du capital

Baisse des recettes

Baisse des recettes

Création de valeur ajoutée

Baisse des recettes

Baisse des recettes

Impôt sur la fortune

Patrimoine

­

Baisse minime des recettes mais déjà intervenue (escomptée)

Droit de timbre d'émission

Effet inhérent au patrimoine

Baisse minime des recettes mais déjà intervenue (escomptée)

­

La suppression du droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers se traduira dans un premier temps pour la Confédération par une baisse des recettes fiscales de 220 millions de francs par an en chiffres nets. Les réactions des banques d'importance systémique aux nouvelles règles entraîneront, par suite des effets inhérents aux bénéfices et à la création de valeur ajoutée, d'autres baisses de recettes qu'il n'est toutefois pas possible de quantifier. Sous le régime du frein à l'endettement, ces diminutions structurelles de recettes doivent être compensées par des réductions de dépenses ou des augmentations d'impôts, à moins qu'elles le soient par un excédent structurel dans le budget.

3.1.4

Perspectives dans le cadre du projet de relance du marché suisse des capitaux

A moyen et à long terme, les baisses engendrées par les mesures issues du présent projet seront compensées en partie par des recettes supplémentaires au titre de l'impôt sur le bénéfice et le revenu, du fait de la relance du marché suisse des capitaux et, éventuellement, par des recettes accrues découlant du passage au principe de l'agent payeur, par suite des mesures du projet séparé visant à relancer le marché suisse des capitaux.

3.2

Conséquences pour le personnel

Le projet n'aura aucune conséquence sur le plan du personnel pour la Confédération.

3.3

Conséquences économiques

Le présent chapitre s'inspire notamment de l'estimation des incidences de la réglementation too big to fail de mars 2011, qui approfondit les conséquences économiques du projet too big to fail.

4435

Les interventions prudentielles ne constituent qu'un facteur parmi d'autres susceptibles d'influer sur le comportement et la compétitivité des acteurs du marché.

L'environnement macroéconomique international et les évolutions qui marquent les marchés financiers internationaux sont des facteurs au moins aussi importants, encore qu'imprévisibles. Désormais, le «Rapport sur les questions financières et fiscales internationales» du DFF, dont la parution sera annuelle, informera également sur les développements internationaux dans le domaine de la réglementation des établissements financiers d'importance systémique.

Les considérations qui suivent sont à interpréter dans ce contexte. Ne sont pas examinés les effets sur la concurrence de garanties d'Etat (explicites) accordées aux banques cantonales.

3.3.1

Problèmes inhérents au too big to fail

Les problèmes inhérents au too big to fail tiennent à la garantie implicite de l'Etat, c'est-à-dire à son obligation de maintenir en place les fonctions systémiques afin de préserver le système financier et l'économie réelle de dommages économiques graves. Diverses estimations fondées sur différents modèles de calcul évaluent dans une fourchette assez large les coûts économiques annuels de la garantie implicite de l'Etat: dans une étude récente, le Boston Consulting Group en estime la valeur agrégée pour les deux grandes banques suisses à une somme comprise entre 2,3 et 3,4 milliards de francs par an42.

Ce problème du too big to fail fait que les principaux mécanismes de marché ne fonctionnent plus, ou plus suffisamment bien, au point même, dans les cas extrêmes, d'excéder la limite de capacité financière de l'Etat. Les problèmes qui ont été identifiés sont les suivants: Risque moral: La garantie implicite de l'Etat envers les banques jugées trop grandes pour être mises en faillite pose un problème de responsabilité: les bénéfices des banques d'importance systémique peuvent être perçus à titre privé, alors que leurs pertes, en cas de crise, doivent être supportées en partie par l'Etat, autrement dit par la collectivité, ce qui constitue pour les banques une incitation à prendre des risques inconsidérés. La réglementation concernant les établissements trop grands pour être mis en faillite est propre à influencer l'attitude de la direction, mais aussi celle des investisseurs en titres bancaires, face aux risques. Deux mesures sont essentielles pour réduire la propension au risque de la direction de la banque: le devoir qu'a l'Etat d'éviter de sauver une banque et une menace de faillite crédible. Ces mesures devraient également inciter les bailleurs de fonds propres et de fonds de tiers à exiger une transparence accrue ainsi qu'une prime adéquate pour couvrir les risques de la banque. Ainsi, dans l'ensemble, la réglementation concernant les établissements trop grands pour être mis en faillite atténuera le risque moral lié à la garantie, implicite ou de fait, de l'Etat.

42

Source: Boston Consulting Group (2010). «Too big to fail: Value of Implicit Government Guarantee in Europe.» Selon d'autres estimations, la valeur de la garantie d'Etat varie pour la période 2004 à 2009 entre zéro les bonnes années et un maximum de 21 milliards de francs pour Credit Suisse et de 13 milliards de francs pour UBS au plus fort de la dernière crise financière. Source: Haefeli, Mario et Jüttner, Matthias P. (2010). The Value of the Liability Insurance for CS and UBS, National Centre of Competence in Research Financial Valuation and Risk Management, Working Paper No. 609.

4436

Subventions: Du point de vue économique, la garantie de l'Etat est comparable à une subvention. Les engagements d'une banque d'importance systémique gagnent ainsi en sécurité et obtiennent de ce fait une meilleure notation. Une telle banque profite sur le marché d'une décote sur le coût de ses fonds de tiers puisque l'Etat viendra à son secours en cas de crise et que les bailleurs de fonds ne seront pas indemnisés du risque encouru. Or, cette économie ne sera pas créditée à ceux qui assument le risque en cas de crise, à savoir au premier chef les contribuables. Cette assurance implicite amène les banques à prendre des risques plus importants qu'elles ne devraient au regard de l'économie nationale.

Distorsions de la concurrence: Du point de vue de la concurrence, cette décote sur le coût des fonds de tiers est problématique dans la mesure où les banques d'importance systémique peuvent se refinancer à des conditions plus avantageuses que les autres. Autrement dit, une banque à classifier parmi les établissements trop grands pour être mis en faillite jouit, du fait de la garantie de l'Etat et des conditions de refinancement plus favorables qui en découlent, d'un avantage par rapport à ses concurrentes, ce qui peut l'inciter à poursuivre sa croissance, aggravant ainsi le problème du too big to fail. Une telle subvention fausse le jeu de la concurrence et entraîne des coûts pour l'économie nationale. Mais dès que le mécanisme de sanction inhérent au marché fonctionnera grâce aux mesures proposées, les risques entrepreneuriaux se stabiliseront à un niveau raisonnable, ce qui contribuera à éliminer les distorsions de concurrence résultant de la garantie implicite de l'Etat.

Mutation des structures: Un autre problème inhérent à la garantie de l'Etat tient à son potentiel d'entrave à la mutation des structures, pourtant si importante pour l'économie: pour qu'une économie nationale fonctionne à long terme, il est essentiel que les entreprises mal gérées soient écartées du marché et que des entreprises nouvelles puissent y faire leur entrée. Cette mutation des structures est indispensable à une croissance durable de l'économie. Actuellement, les entreprises d'importance systémique mal dirigées ne sont pas contraintes de sortir du marché car elles jouissent de la garantie implicite de l'Etat. Or elles
entravent la mutation des structures, qui favorise la prospérité, et, partant, freinent la croissance à long terme.

Etablissements trop grands pour être sauvés (too big to be rescued): Dans le pire des cas, il peut arriver que les pertes d'une banque d'importance systémique soient telles qu'elles excèdent les capacités financières de l'Etat. Il est alors impossible de la sauver sans solliciter l'aide internationale ni provoquer des dommages macroéconomiques à long terme tels qu'un surendettement de l'Etat. Les mesures proposées dans la loi offrent aux banques des incitations à limiter leur dimension, contribuant ainsi (pour le cas où un soutien devait s'avérer nécessaire en dépit des mesures prises) à réduire le risque de voir la marge de manoeuvre financière de l'Etat considérablement restreinte.

Une mise en oeuvre rapide du train de mesures (policy mix) proposé promet, outre la prévention des crises et le désamorçage des problèmes évoqués plus haut, un profit supplémentaire: elle apaisera les incertitudes nourries par rapport à l'étranger et renforcera la confiance des acteurs du marché des capitaux dans la place financière.

Enfin, une mise en application rapide de la loi sera un atout dans la mesure où l'ensemble des règles sera en vigueur s'il survient une crise. Il convient cependant de souligner l'avantage qu'il y a à disposer de délais de transition suffisamment longs vu l'importance des coûts à assumer durant cette période.

4437

3.3.2

Conséquences des exigences en matière de fonds propres et de liquidités

3.3.2.1

Incidences sur la prévention et la maîtrise des crises

La principale utilité d'un durcissement des exigences en matière de fonds propres et de liquidités réside normalement dans la moindre probabilité de faillite de banques d'importance systémique et, partant, de crise du système bancaire tout entier. En raison de ses conséquences négatives pour l'économie réelle, une crise bancaire entraîne une diminution du produit intérieur brut. Le chômage augmente dans des proportions considérables. Le retour à une croissance économique «normale» prend beaucoup de temps.

En cas de crise, l'utilité de prescriptions plus rigoureuses en matière de fonds propres et de liquidités réside dans la garantie financière des fonctions systémiques (par le biais de la composante progressive) et dans le maintien de l'approvisionnement des agents économiques en liquidités, autrement dit dans la possibilité pour eux de recourir de façon illimitée à des apports de fonds, sans quoi les opérations de paiement ne fonctionneraient pas.

Ce bénéfice macroéconomique ressort d'études internationales consacrées aux incidences de telles exigences sur l'économie nationale43. Ces études portent sur l'évolution d'une banque internationale «moyenne» dans un pays «moyen»44. Leurs résultats sont simples à résumer: à long terme, le bénéfice macroéconomique des mesures proposées (relèvement de la quote-part de fonds propres pondérée en fonction des risques et définition plus stricte des fonds propres) l'emporte nettement sur leur coût, notamment durant la phase de transition.

Les études internationales mesurent le bénéfice macroéconomique d'un durcissement des exigences prudentielles au fait que la probabilité d'une crise est d'autant plus mince que les prescriptions en matière de dotation en capital et de liquidités sont plus rigoureuses. Du fait de ses conséquences néfastes pour l'économie réelle, une crise bancaire induit un fort repli du produit intérieur brut. Le chômage grimpe en flèche. Le retour à un rythme de croissance «normal» requiert une longue pério43

44

Le Comité de Bâle et le CSF ont présenté deux études sur les avantages et les coûts macroéconomiques de prescriptions plus sévères en matière de dotation en capital et de liquidités. L'une détermine le bénéfice net à long terme de telles prescriptions (An assessment of the long-term economic impact of stronger capital and liquidity requirements.

Basle Committee on Banking Supervision, August 2010 (LEI-Report)). L'autre, à laquelle la BNS a prêté un concours actif, est centrée sur les coûts macroéconomiques qu'entraîne la phase de transition vers des normes plus rigoureuses en matière de dotation en capital et de liquidités (Assessing the macroeconomic impact of the transition to stronger capital and liquidity requirements, Interim Report Macroeconomic Assessment Group (MAG) established by the Financial Stability Board and Basle Committee on Banking Supervision, August 2010).

Les modèles auxquels recourent ces études internationales ne sont pas pertinents pour la Suisse, faute de disposer de certaines données. L'Institute for International Finance (IIF), une organisation de banques à vocation internationale, a observé dans son étude intitulée «Impact on the Swiss Economy of Proposed Regulatory Reforms of the Banking Industry» les conséquences macroéconomiques des exigences plus rigoureuses en matière de dotation en capital liées au passage de Bâle II à Bâle III (selon les propositions de décembre 2009) sur la période allant de 2010 à 2020. Cette étude conclut que, d'ici à 2015, le PIB de la Suisse aura reculé de 2,6 % et que ce pays aura perdu quelque 120 000 emplois.

Toutefois, le modèle macroéconomique utilisé, les paramètres entretemps obsolètes de Bâle III et l'absence de prise en compte d'éléments modérateurs ou même positifs font apparaître ces résultats sous un jour peu réaliste.

4438

de. En d'autres termes, la probabilité réduite de la survenance d'une crise se traduit par un profit macroéconomique majeur45. Les études mentionnées chiffrent le bénéfice net à long terme, à savoir l'avantage d'une moindre probabilité de crise, déduction faite des coûts à long terme (sous la forme d'une hausse des taux du crédit), entre 1 et 2 % du PIB en moyenne par rapport à l'évolution de l'économie nationale, en l'absence de mesures prudentielles.

3.3.2.2

Incidences sur l'octroi de crédits en Suisse

Une économie nationale pourrait être confrontée à des coûts si les banques venaient à restreindre le volume des crédits qu'elles octroient et/ou à relever les taux du crédit. Les études susmentionnées tiennent compte de cette éventualité en partant de l'hypothèse qu'un resserrement des exigences en matière de fonds propres et de liquidités provoque nécessairement un renchérissement des coûts de refinancement des banques. Et si les banques répercutent ces coûts sur leur clientèle hypothécaire, il en résulte une réduction du volume de crédits octroyés et peut-être aussi du PIB.

S'agissant du marché suisse des crédits, il n'est pas exclu non plus que les banques concernées tentent de répercuter la hausse de leurs coûts de financement sur leurs clients. Voici, pour analyser la demande de crédits, un tableau qui fait état des crédits hypothécaires octroyés (à savoir le type de crédit le plus important) et des autres crédits, répartis par ménages et entreprises privées. Parmi les entreprises privées, les PME et les grandes entreprises font l'objet de chiffres distincts pour plus de précision. Il apparaît que les hypothèques représentent plus de 79 % du total des crédits commerciaux et que l'essentiel des hypothèques (96,5 %) échoit aux PME.

Volume des crédits en Suisse Total

Hypothèques

Autres crédits

Limites

en milliards de francs

en %

en milliards de francs

en %

en milliards de francs

en %

en milliards en % de francs

Entreprises privées ­ dont PME ­ dont grandes entreprises

225,8 206,3 19,5

4,5 5,4 ­4,7

164,4 158,8 5,5

7,5 7,8 ­0,8

61,5 47,5 14,0

­2,7 ­1,7 ­6,1

308,1 273,8 34,3

6,1 6,1 6,5

Ménages

596,6

3,8

564,6

4,1

32,0

­0,5

634,9

3,8

Source: BNS (octobre 2010)

45

Des études scientifiques consacrées aux conséquences de crises bancaires, recensées dans l'étude intitulée «An assessment of the long-term economic impact of stronger capital and liquidity requirements» du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, comparent la croissance et le niveau du PIB au lendemain d'une crise à sa croissance et à son niveau possibles en l'absence de crise. Les incidences d'une crise bancaire sur le PIB sont durables. Si l'on additionne les écarts annuels entre le PIB réel et le PIB possible sans crise, on constate qu'une économie nationale touchée par une crise bancaire perd au fil du temps, en moyenne, des prestations économiques représentant 60 % du niveau du PIB.

4439

La colonne figurant à l'extrême droite du tableau indique les limites de crédit accordées aux différents secteurs, tandis que les autres colonnes reproduisent l'utilisation effective de ces limites.

désigne le taux de croissance annuel sur la base d'octobre 2009 à octobre 2010.

Toutefois, les banques trop grandes pour être mises en faillite sont exposées sur le marché suisse du crédit ­ qu'il s'agisse de crédits hypothécaires ou de crédits aux PME ­ à une forte concurrence de la part d'autres banques qui ne sont pas d'importance systémique et échappent de ce fait à la nouvelle législation. Cette situation ne facilite pas la répercussion des coûts. Pour ne pas perdre leur part sur le marché suisse du crédit, qui en représente environ le tiers, ni un bon potentiel de ventes croisées, les deux grandes banques s'accommoderont sans doute d'une réduction de leurs marges. Mais même si elles devaient réduire leur offre de crédit, la demande pourrait continuer d'être satisfaite par les banques d'importance non systémique.

Le tableau ci-dessous présente une vue d'ensemble des parts de marché des grandes banques dans les opérations de crédit en Suisse.

Parts des grandes banques (GB) sur le marché suisse du crédit Volume de crédits en milliards de francs Total

Hypothèques

Autres crédits

Total Suisse Part de marché GB

822,4 33 %

728,9 32 %

93,5 40 %

Ménages Part de marché GB

596,6 33 %

564,6 33 %

32,0 34 %

PME Part de marché GB

206,3 34 %

158,8 28 %

47,5 46 %

Grandes entreprises Part de marché GB

19,5 33 %

5,5 32 %

14,0 33 %

Source: BNS (fin octobre 2010)

Une diminution à long terme des possibilités de financement par des fonds de tiers pour les entreprises apparaît comme un phénomène improbable. De même, le fait que près de 70 % des PME suisses ne disposent pas de crédits bancaires tend à indiquer que le lien entre le durcissement des prescriptions en matière de fonds propres pour les banques d'importance systémique, le volume des crédits et les variations du PIB est assez ténu, du moins en Suisse.

Les crédits spéciaux tels que les financements commerciaux et le financement des exportations, mais aussi, en partie, les crédits en blanc, marché sur lequel les grandes banques occupent une position de leader sont à considérer sous un angle différent.

En l'espèce, le durcissement des exigences en matière de fonds propres et de liquidités pourra entraîner des coûts macroéconomiques durant la phase de transition. Un renchérissement éventuel, voire un resserrement du crédit devraient pouvoir être évités grâce aux délais transitoires prévus pour la mise en conformité avec les exigences de dotation en capital.

4440

Quant à savoir si les restrictions consécutives aux prescriptions en matière de liquidités entraîneront un recul du volume des crédits, en particulier pour les PME, le doute est permis vu la concurrence qui sévit sur le marché du crédit. Une analyse empirique n'indique pour la Suisse aucune corrélation entre la détention de liquidités et l'octroi de crédits46. De surcroît, l'amélioration du jeu de la concurrence induite par le nouveau régime applicable aux liquidités conduira à stabiliser l'approvisionnement du marché du crédit, autrement dit à le rendre moins dépendant de la situation économique de certains prestataires de crédits.

Les mesures d'accompagnement fiscales contribueront sans doute à réduire les coûts sur le marché suisse des capitaux47, ce qui devrait rehausser l'attrait de cette forme de financement par rapport au crédit bancaire, du moins pour les grandes entreprises, et relâcher la pression sur la demande de crédits bancaires.

3.3.2.3

Incidences sur la concurrence et la création de valeur

Les conséquences pour la concurrence de la réglementation too big to fail peuvent être analysées aux niveaux national et international.

Niveau national Les mesures proposées permettent d'éliminer ­ en partie du moins ­ les distorsions de la concurrence entre les banques d'importance systémique et les autres banques.

Ces mesures ont donc un effet correcteur, contribuant ainsi à créer une égalité des conditions de concurrence (level playing field). Du fait de la réduction des distorsions, la concurrence peut mieux s'exercer. D'une part, cela conduit à une augmentation des innovations. De l'autre, la concurrence accrue a aussi pour effet une baisse des coûts et une réduction des marges. Cela peut être positif pour les entreprises ­ en particulier de taille modeste ­ qui, souvent, ne peuvent pas se financer par le biais du marché des capitaux.

Niveau international En raison du durcissement des exigences prudentielles, les banques suisses d'importance systémique pourraient avoir à supporter des coûts plus élevés que les banques étrangères de même type, notamment durant la phase initiale. Une longue période de transition donne aussi aux banques la possibilité de trouver d'autres voies pour financer leurs frais. Les avantages apparaîtront en principe au moment de la mise en oeuvre des mesures prévues. Il en résultera une solvabilité plus grande et, par conséquent, des coûts de refinancement moins élevés. Enfin, la compétitivité des banques suisses d'importance systémique dépendra de la façon dont les discussions à ce sujet seront menées sur le plan international ­ en particulier dans le cadre du CSF et du G20 ­ et de la façon dont la réglementation internationale évoluera pour les établissements d'importance systémique se trouvant en concurrence.

46

47

Le taux de liquidité des grandes banques a fortement fluctué de 1998 à 2008, dans une fourchette de 130 à 300 %. Durant cette période, pourtant, le volume des crédits octroyés en Suisse a été extrêmement stable, de sorte que l'on ne peut extrapoler une quelconque corrélation entre le volume des crédits en Suisse et la détention de liquidités par les banques.

Cela vaut en particulier pour la mise en oeuvre des mesures fiscales visant le droit de timbre d'émission et l'impôt anticipé (cf. ch. 1.6.4).

4441

Considérant l'ensemble de la place financière, les mesures proposées renforcent la confiance des investisseurs puisqu'elles contribuent à la stabilité du système. Cela peut être un avantage comparatif face à la concurrence internationale. Plus la place financière suisse sera attrayante, plus elle attirera d'investisseurs, ce qui aura un effet positif sur le volume des investissements. Grâce à cela, des emplois seront créés, augmentant le revenu économique global ainsi que les recettes fiscales.

A plus long terme, il est probable que la stabilité accrue et le risque réduit de crises bancaires auront un effet positif sur la compétitivité de la place financière suisse.

Ces effets positifs pour l'économie suisse en termes de revenus et d'emploi pourront largement compenser les possibles effets négatifs à court terme résultant de la mise en oeuvre des mesures dans les proportions qu'évoque le projet. La capitalisation renforcée des banques aura à moyen terme un effet positif sur les coûts de refinancement. Enfin, la réduction de la distorsion provoquée par le risque moral permettra une allocation plus efficace des ressources productives, contribuant ainsi à une augmentation de la création de valeur par l'économie.

Il résulte des modifications de la réglementation un risque financier moins élevé pour l'Etat, qui n'aura plus besoin d'intervenir en cas de crises. Une intervention étatique en faveur d'un établissement financier d'importance systémique pourrait, selon le type de liquidation, entraîner une augmentation sensible du taux d'endettement. A partir d'un certain volume, la dette de l'Etat aurait des conséquences négatives sur la croissance et l'emploi.

3.3.3

Conséquences des dispositions relatives à l'organisation et à la répartition des risques

3.3.3.1

Conséquences de la réduction des interdépendances au sein du secteur financier

Les nouvelles réglementations doivent permettre de diminuer les interdépendances entre les banques d'importance systémique et les autres banques suisses, le but étant de réduire les risques de contagion potentiels et, plus généralement, les interdépendances entre les banques.

Dans le cadre du présent projet de loi, les banques d'importance systémique doivent organiser les prestations qu'elles proposent aux autres banques (trafic des paiements, opérations sur devises, règlement des opérations sur titres, etc.) de façon qu'en cas de crise l'accès aux fonctions d'importance systémique soit garanti en toute circonstance. Le risque élevé encouru par les autres banques ­ du fait qu'elles dépendent de ces prestations ­ est ainsi réduit de manière décisive.

Les banques d'importance systémique, comme du reste les autres, seront tenues de réduire la concentration des risques en raison du durcissement des prescriptions en matière de diversification: cette limitation des interdépendances financières et opérationnelles vise à atténuer le danger de contagion d'un établissement à l'autre, autrement dit d'une propagation du risque d'insolvabilité. Les adaptations nécessaires, mais aussi l'abandon d'avantages de taille engendreront des pertes d'efficience et des surcoûts organisationnels au niveau de l'exploitation.

4442

3.3.3.2

Conséquences en termes de plans d'urgence et d'assainissement

Le processus d'adaptation déclenché à la suite du plan d'urgence à mettre en oeuvre pour maintenir les fonctions systémiques et des RRP (recovery and resolution plans, plans d'assainissement et de liquidation) peut amener une banque à reconsidérer sa stratégie commerciale, sa structure juridique et organisationnelle ainsi que la manière dont elle exerce son activité. S'agissant du plan d'assainissement (recovery plan), la banque doit étudier la faisabilité d'un assainissement autonome, sans recours aux deniers publics. Il s'agit pour la direction d'examiner la pertinence de ses secteurs d'activité par rapport à son métier de base ainsi que les possibilités dont elle dispose pour réduire rapidement les risques et se procurer des capitaux et des liquidités à court terme.

La mise en oeuvre et la maintenance du plan d'urgence destiné à assurer la continuité des fonctions systémiques ainsi que des RRP sont rendues très complexes par l'implication des secteurs d'activité les plus divers qui y contribuent. Le traitement en temps réel des données et la gestion des plans d'un groupe financier amènent la banque à mobiliser des ressources considérables. Les plans doivent s'adapter à l'évolution de la structure de l'entreprise et être actualisés de façon dynamique. Les éventuelles modifications de la structure organisationnelle résultant de la planification peuvent engendrer des coûts supplémentaires imputables à la restructuration mais aussi à des pertes d'efficience. Les préparatifs liés à l'externalisation et au maintien séparé des fonctions systémiques en Suisse au sein d'une entité indépendante, notamment, pourraient nécessiter selon des estimations un versement unique de plusieurs dizaines de millions de francs. A cet égard, il faut souligner que l'ampleur des coûts dépend de la conception retenue par la banque pour son plan d'urgence, du plan d'assainissement et de l'étendue des adaptations requises. Par ailleurs, les coûts de refinancement risquent d'augmenter, car l'option d'une liquidation dans le cadre des RRP supprime la garantie implicite de l'Etat.

Lors d'une crise, il est essentiel de pouvoir réagir vite et de manière réfléchie. Le plan d'urgence et les RRP posent des jalons à cet effet, et c'est là que réside leur utilité macroéconomique. Le plan d'assainissement permet de définir au préalable
les mesures relatives au capital et aux liquidités et d'analyser les possibilités et les conséquences d'une réduction rapide du potentiel de risque, augmentant ainsi significativement les perspectives d'un assainissement réussi sur la base du droit privé.

Grâce au plan de liquidation, qui comprend des informations essentielles mises à jour en temps réel, les autorités compétentes (exécutif, autorité de surveillance) peuvent déterminer les ressources nécessaires pour assurer la continuité des fonctions systémiques. Au demeurant, c'est un préalable à une liquidation éventuelle de la banque insolvable, qui fait en sorte que l'économie nationale perdra moins de capital et que la capacité d'octroi de crédits sera maintenue. Le fait d'assurer la continuité des fonctions systémiques préserve le fonctionnement du système financier durant une crise sans que l'Etat doive soutenir financièrement l'ensemble de la banque à cette fin.

4443

3.3.3.3

Conséquences pour la concurrence et la création de valeur

Si la mise en oeuvre des mesures en matière de répartition des risques et d'organisation des banques d'importance systémique tend à faire augmenter les coûts, elle amène aussi des avantages macroéconomiques du fait de la réduction des distorsions du marché et de l'augmentation de la stabilité du système.

Niveau national Les nouvelles règles ont une influence sur la concurrence entre les deux banques d'importance systémique et les autres banques. D'une part, il faut s'attendre à ce que l'avantage de financement des banques d'importance systémique par rapport aux autres établissements qui ne profitent pas d'une garantie étatique soit réduit en raison de la suppression de la garantie étatique de fait. La distorsion de la concurrence sera ainsi réduite et la capacité d'innovation renforcée. Par conséquent, les consommateurs pourraient profiter d'une offre élargie en matière de prestations et de produits. Si la concurrence fonctionne bien, ils peuvent aussi s'attendre à bénéficier des avantages en termes de coûts obtenus par l'amélioration de l'innovation et de l'efficacité.

En outre, l'intérêt des petites banques à réduire leur dépendance à l'égard des banques d'importance systémique dans le cas de certaines prestations bancaires pourrait conduire à l'établissement de nouveaux prestataires en Suisse pour ce type d'offres.

Cela inciterait les prestataires existants à être plus efficients. Dans l'ensemble, le marché financier helvétique devrait profiter de l'élimination des distorsions de la concurrence et de l'amélioration des offres de prestations ainsi que de l'augmentation de la capacité d'innovation et de l'efficacité.

En raison de leur taille, les banques d'importance systémique peuvent continuer à bénéficier d'avantages majeurs par rapport à la plupart de leurs concurrents nationaux. Elles ont accès à une large palette de clients, peuvent effectuer des ventes croisées et réaliser des économies d'échelle. La réglementation concernant les établissements trop grands pour être mis en faillite ne compromet pas en soi cette fonction de marché. Leur bonne connaissance des marchés, l'offre vaste en termes de produits et de prestations (opérations sur devises et transactions sur le marché des capitaux) et les processus bien rodés permettent aux deux grandes banques de maintenir leur compétitivité.
Dans le domaine de la création de valeur, les exigences organisationnelles peuvent conduire à ce que les banques fondent un plus grand nombre de filiales autonomes dans les différents pays et les dotent en conséquence d'un capital suffisant et d'une organisation indépendante. Dans ce cas, on verrait le nombre des sous-holdings ou des sous-groupes augmenter dans les juridictions concernées. En conséquence, les éléments contribuant à la création de valeur et, de ce fait, les emplois et les recettes fiscales pourraient quitter la Suisse.

Mais en ce qui concerne les strictes exigences quant au maintien des fonctions d'importance systémique, il faut partir du principe que les unités d'organisation concernées resteraient en Suisse en raison des exigences légales.

4444

Niveau international Au niveau international, les conditions-cadres des divers marchés sont décisives pour évaluer la compétitivité. Dans le contexte des vastes réformes en cours sur le marché financier américain (à l'exemple des obligations spéciales d'enregistrement des swap dealers dans le cadre de la loi Dodd-Frank) et dans certains Etats d'Europe (comme la taxe bancaire prévue en Allemagne), il convient de relativiser les incidences des exigences spécifiques de la Suisse à l'égard des banques trop grandes pour être mises en faillite.

L'amélioration, visée par les prescriptions relatives à l'organisation et à la répartition des risques, de la stabilité des banques d'importance systémique et de l'ensemble du marché financier helvétique est propre, à long terme, à accroître la réputation et l'attrait de la place financière suisse. En outre, il faut s'attendre à ce que les banques essaient, dans certains domaines, de compenser par leur capacité d'innovation les dispositions restrictives de la réglementation concernant les établissements trop grands pour être mis en faillite.

Cela peut avoir une influence positive sur la compétitivité des banques d'importance systémique. Celles-ci accroissent leur attrait auprès des investisseurs et des clients privés peu disposés à prendre des risques. Ce changement pourrait revêtir une signification particulière justement dans les régions définies par nos deux grandes banques comme des marchés en expansion.

3.3.4

Conséquences des mesures concernant les rémunérations variables

3.3.4.1

En dehors des périodes de crise

La nouvelle disposition légale ne devrait pas avoir d'impact majeur sur la compétitivité ni sur l'attrait des établissements financiers concernés en tant qu'employeurs.

En effet, il est improbable que la réglementation en la matière doive être appliquée et ce, d'autant moins que l'actuelle proposition de réglementation vise à résoudre le problème du too big to fail.

On peut supposer que même des banques d'importance non systémique pourraient prévoir une adaptation de leurs rémunérations variables en cas de crise, non seulement pour des raisons d'intérêt commercial, mais aussi à cause de la pression des milieux politiques et de l'opinion publique. La nouvelle disposition légale devrait ainsi contribuer à mettre sur un pied d'égalité toutes les banques présentes en Suisse.

Enfin, la réglementation pourrait inciter les bénéficiaires de bonus dans les banques d'importance systémique à ne pas courir de risques inconsidérés qui, certes, peuvent se révéler intéressants au niveau individuel, mais qui peuvent mettre en danger la banque. En effet, s'ils profitent à court terme de ces rémunérations variables très élevées, les bénéficiaires de bonus savent également qu'en cas de crise, ils devront y renoncer.

Des collaborateurs clés et des membres du conseil d'administration pourraient donc fort bien quitter une banque d'importance systémique pour ne pas risquer de perdre leur droit à la rémunération variable. Ils pourraient ensuite se faire engager comme conseillers externes, échappant à la réglementation puisqu'ils ne seraient plus enregistrés dans le système de rémunération de la banque concernée, mais indemnisés 4445

uniquement à la commission. Toutefois, le risque qu'ils ne puissent être remplacés par une personne valable semble relativement faible.

3.3.4.2

En temps de crise

En cas de crise, la nouvelle réglementation devrait représenter un désavantage concurrentiel pour les banques d'importance systémique. Si les rémunérations variables sont supprimées, en partie ou entièrement, il se pourrait que des banques d'importance non systémique débauchent le personnel qualifié des banques d'importance systémique concernées. Il faut toutefois s'accommoder de ce désavantage puisque la disposition légale a justement pour but d'éviter que les ressources de l'Etat ne servent à financer des bonus exagérés.

Si les banques d'importance systémique essaient de contourner la réglementation en réduisant les parts variables de rémunération, l'augmentation des parts fixes pourrait conduire à une plus faible flexibilité opérationnelle et à davantage de licenciements.

En effet, le rôle d'amortisseur joué par les parts variables de rémunération disparaîtrait.

3.3.4.3

Compétitivité par rapport à d'autres secteurs et aux autres pays

Par rapport à d'autres secteurs, la rétribution dans le secteur bancaire restera concurrentielle même en cas de limitation des rémunérations variables suite à l'octroi d'une aide publique (cf. Enquête suisse sur la structure des salaires, Office fédéral de la statistique). Sur le plan international, la nouvelle disposition ne devrait pas affecter la compétitivité ni l'attrait des banques d'importance systémique sur le marché de l'emploi, étant donné que de nombreux Etats étrangers connaissent des réglementations semblables.

3.4

Capital social requis pour satisfaire aux exigences prudentielles

3.4.1

Capital de réserve

L'instrument du capital de réserve fonctionne comme une augmentation de capitalactions autorisé et vise à faire en sorte qu'en cas de menace de crise, la banque concernée puisse émettre rapidement des fonds propres pour renforcer sa dotation en fonds propres, comme l'exigent les nouvelles règles prudentielles. Le succès de la levée de capital de réserve sur le marché dépend de la situation particulière de la banque émettrice et de l'aménagement des conditions d'émission du capital-actions en question.

4446

3.4.2

CoCo ­ capital convertible et emprunts assortis d'un abandon de créances

Les CoCo sont des titres de créance qui, en présence d'un événement déterminé (atteinte d'un seuil déclencheur, trigger en anglais), sont convertis en fonds propres ou amortis. Rappelons que dans le présent message, le terme CoCo (contingent convertible bonds), dont la définition n'est pas uniforme au niveau international, désigne sauf mention contraire des emprunts à conversion obligatoire en actions ou en bons de participation au sens de l'art. 13 P-LB et des emprunts assortis d'un abandon de créances (write off bonds) au sens de l'art. 11, al. 2, P-LB. Les propositions de la commission d'experts prévoient comme seuil un niveau de fonds propres tombé en deçà de la quote-part requise sur le plan prudentiel.

Les CoCo constituent un élément clé de la réglementation proposée en matière de fonds propres. Celle-ci fait la distinction entre deux types de CoCo. D'une part, il est possible d'émettre des CoCo pouvant être amortis ou transformés relativement tôt en fonds propres (seuil élevé) et donc de nature à améliorer la base de fonds propres lorsqu'une banque est menacée de crise, afin de contribuer à une stabilisation rapide avant même la phase proprement dite d'assainissement et de liquidation. Au lieu d'émettre ces CoCo à seuil élevé, une banque peut aussi satisfaire aux exigences en matière de capital faites aux banques trop grandes pour être mises en faillite par le biais de fonds propres de la plus haute qualité (common equity) dans des proportions correspondantes.

D'autre part, la banque doit émettre des CoCo qui sont convertis en fonds propres relativement tard (seuil bas). Ils doivent garantir une marge de manoeuvre suffisante en cas de menace d'insolvabilité.

Comme expliqué sous ch. 1.6.4.1, ces instruments devraient être émis sur le marché des capitaux helvétique et soumis au droit suisse, principalement pour des raisons de sécurité juridique (mot-clé: déclenchement de la conversion ou de l'amortissement) et d'application en cas de crise (mot-clé: réduction de la complexité). Les mesures fiscales prévues dans le projet ou, plus exactement, envisagées par le Conseil fédéral devraient contribuer au développement d'un marché suisse destiné à l'émission de CoCo (cf. chap. 3.1).

Les emprunts assortis d'un abandon de créances destinés à satisfaire aux exigences prudentielles devront remplir
des conditions d'aménagement analogues à celles qui s'appliquent au capital convertible. Comme il s'agit en l'occurrence d'un amortissement et non d'une conversion en capital-actions, la menace d'une action en justice et les risques juridiques s'en trouvent réduits.

Sachant qu'une fois l'amortissement effectué, il ne subsiste pas de substrat tel que des actions (dans le cas du capital convertible), il est permis de penser que le prix de ces emprunts ou, plus exactement, les intérêts à payer sur ces emprunts seront supérieurs à ceux des emprunts convertibles correspondants.

3.4.2.1

Chance commerciale pour les CoCo

Les CoCo sont un nouvel instrument, et il existe à ce jour très peu d'exemples d'émissions de ce type d'emprunts qui satisfassent aux exigences du Comité de Bâle. Le 14 février 2011, Credit Suisse a rendu public un accord passé avec deux 4447

investisseurs stratégiques portant sur l'émission d'emprunts convertibles pour un montant total de 6 milliards de francs, dont 3 milliards sont censés répondre aux critères requis pour des CoCo selon les mesures too big to fail proposées. La rémunération de ces CoCo est inférieure à ce qui était pratiqué jusqu'à présent pour les instruments hybrides. La conversion obligatoire interviendra si le ratio de fonds propres tier 1 (common equity tier 1 ou CET1) de Credit Suisse passe sous la barre des 7 %.

Les détails d'une émission publique de CoCo d'une valeur nominale de 2 milliards de dollars ont été communiqués le 17 février 2011. Emis eux aussi à l'étranger, ces CoCo sont négociés sur le marché secondaire. Ils sont rémunérés à 7,875 % pour une durée de 30 ans. Si le ratio CET1 descend au-dessous de 7 % ou si les autorités de surveillance notifient un avis de viability event à la banque, ils seront convertis.

Cet emprunt a été accueilli avec grand intérêt par le marché. La demande s'est établie à 22 milliards de dollars. En d'autres termes, l'émission a atteint plus de dix fois le montant de la souscription.

Le marché d'actions a réservé lui aussi un bon accueil à l'émission des CoCo.

L'action Credit Suisse a gagné 3,7 % entre la date de l'annonce de l'émission et le 17 février 2011. Durant ces trois jours, le SMI a progressé de 0,6 %.

Il existe d'autres exemples d'émissions de CoCo hors de Suisse. Le 12 mars 2010, Rabobank a émis un emprunt dont le fonctionnement ressemble beaucoup à celui des CoCo et qui satisfait probablement aux exigences de Bâle III. Dans ce cas toutefois, le seuil est encore fixé selon l'«ancienne» définition des fonds propres de base (tier 1) et non pas selon le ratio CET1. Rabobank a pu lever des fonds propres tier 1 à hauteur de 1,25 milliard d'euros, tandis que les offres de souscription totalisaient 2,6 milliards d'euros. Le taux servi sur cet emprunt d'une durée de 10 ans est de 6,875 %.

Vu le succès de cette première émission, la Rabobank a émis le 19 janvier 2011 un nouvel emprunt obligataire conçu sur le même modèle. Pour un volume d'émission de 2 milliards de dollars, l'émetteur a reçu des offres totalisant 6,5 milliards.

L'emprunt est rémunéré à 8,375 % et arrivera à échéance à l'été 2016. Le seuil, également défini en fonction du ratio tier 1, a été fixé à 8 %
de fonds propres de base. Si le ratio de fonds propres de Rabobank tombe au-dessous de ce seuil de 8 %, la valeur nominale de l'emprunt sera automatiquement abaissée.

Par ailleurs, Barclays Capital envisage de recourir à des CoCo pour le paiement des bonus. La moitié du bonus sera versée en CoCo que l'employé devra conserver au moins trois ans. Pendant cette période, l'employé percevra une rémunération de 10 % sur ses CoCo. Mais si la dotation de la banque passe au-dessous d'un certain seuil durant cette période, les CoCo seront convertis en actions Barclays.

L'agence de notation Fitch a déjà annoncé vouloir noter des CoCo assortis d'un seuil bas. Voilà franchi un pas important vers le développement d'un vaste marché48.

L'attrait des CoCo et, de ce fait, la demande qui en sera faite dépendront fortement comme pour tout autre produit, de leur prix, mais aussi, dans leur cas, de leur rendement et de la prime de risque. Une prime de risque attrayante par rapport aux obligations et actions permettra plus facilement de créer une demande suffisante. La 48

Communiqué de presse de Fitch du 8 novembre 2010: «Fitch clarifies that it expects to be able to rate new generation bank hybrid securities».

4448

prime de risque exigée par les investisseurs, c'est-à-dire le taux d'intérêt sur les CoCo, dépend largement de la probabilité de conversion ou d'amortissement et peut ainsi être influencée par la banque elle-même. La banque détermine par le biais de sa politique commerciale dans quelle mesure son ratio de fonds propres s'éloigne du seuil fixé. Plus les investisseurs jugeront important le risque encouru par une banque, plus la prime de risque qu'ils exigeront sera élevée. Les banques d'importance systémique peuvent abaisser leurs risques en augmentant leurs fonds propres ou en modifiant leur profil de risque.

3.4.2.2

Investisseurs potentiels, effet sur la répartition des risques

Le cercle des investisseurs potentiels pour les CoCo devrait idéalement être assez large, comprendre des investisseurs tant institutionnels que privés et se situer à l'échelon international. Pour éviter que la crise subie par une banque se répande par contagion à tout le secteur bancaire, il faut s'attendre à ce que les investissements faits dans les CoCo par les autres banques soient soumis à des prescriptions en matière de dotation en capital. Les entreprises d'assurance pourraient être intéressées à investir dans les CoCo du fait que leur rendement est plus élevé que celui des obligations traditionnelles. Du point de vue de la surveillance, les mêmes plafonds s'appliquent à un investissement dans la fortune liée d'un portefeuille d'assurances qu'aux actions ou obligations. En fonction de l'importance des investissements et des risques encourus, des adaptations spécifiques aux CoCo ne sont toutefois pas exclues.

Les CoCo émis par Credit Suisse en souscription publique ont surtout été acquis par des gestionnaires de fortune et des banques privées à l'intention de leurs clients institutionnels et privés mais aussi, dans une moindre mesure, par des caisses de pension49. Sur le plan géographique, l'essentiel de la demande provenait d'Asie et de Suisse. Le négoce sur le marché secondaire devrait contribuer à une plus grande diversification régionale.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet ne figure ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201150 ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201151. Les raisons découlent du présent document.

49 50 51

Selon les informations disponibles, il est permis de penser que les banques n'ont pas acquis de CoCo dans le dessein d'étoffer leur portefeuille.

FF 2008 639 FF 2008 7745

4449

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

5.1.1

Exigences particulières pour les banques d'importance systémique

Les exigences particulières d'une sévérité accrue proposées pour les banques d'importance systémique en ce qui concerne les fonds propres, les liquidités et l'organisation soulèvent la question de la légalité d'une telle distinction et d'un traitement différencié par rapport aux autres banques. L'art. 98, al. 1, Cst. donne le droit et le devoir à la Confédération de légiférer sur les banques et sur les bourses. Suivant l'opinion dominante, il s'agit de protéger le fonctionnement du système bancaire en tant que tel (protection du système), et pas seulement les biens de police classiques (protection des créanciers). L'art. 98 Cst. n'autorise toutefois pas à déroger au principe de la liberté économique. Seules sont autorisées les mesures conformes aux principes constitutionnels, entre autres celles qui visent le bon fonctionnement des marchés52. Le naufrage (incontrôlé) d'une entreprise d'importance systémique a, par définition, des conséquences intolérables pour l'ensemble de l'économie. De ce point de vue, la distinction entre les entreprises d'importance systémique et celles qui ne le sont pas applique le mandat donné au législateur à l'art. 98 Cst. de protéger le système. Aussi, des réglementations différentes pour les entreprises suivant qu'elles sont d'importance systémique ou non sont-elles fondamentalement licites, dans la mesure où elles sont justifiées par l'importance systémique et donc par des critères objectifs. Compte tenu des principes d'égalité de traitement (art. 8 Cst.) et de liberté économique (art. 27 Cst., celle-ci devant aussi protéger des distorsions de la concurrence), la discrimination ne saurait aller plus loin que ce qui est impératif pour la défense de l'intérêt public. Si les banques d'importance systémique sont soumises à des exigences accrues, il faut s'assurer que l'incidence de telles exigences sur la concurrence restera aussi limitée que possible. En toute logique, et s'agissant des fonds propres, le capital convertible est un moyen de satisfaire aux exigences en la matière, sans incidence majeure sur les coûts. Au demeurant, par rapport aux autres établissements, il y a lieu de faire dépendre le montant des fonds propres supplémentaires de l'importance systémique réelle de la banque concernée et, ce faisant, de son organisation et des risques qui pèsent sur elle. Quant
aux exigences particulières en termes d'organisation, les obligations portent surtout sur l'aspect fonctionnel et les mesures directes engagées par l'Etat sont liées au strict respect du principe de subsidiarité. C'est là le moyen de garantir autant que possible l'égalité de traitement et d'atténuer les distorsions de la concurrence.

5.1.2

Réglementation relative aux pratiques de rémunération

5.1.2.1

Liberté économique

L'intervention dans la politique de rémunération d'un établissement financier constitue une restriction de la liberté économique (art. 27 Cst.). Il en va de même pour la liberté des contrats, qui n'est certes pas mentionnée expressément dans la Constitu-

52

Cf. Ehrenzeller, St. Galler Kommentar sur l'art. 98 Cst., ch. marg. 2 s.

4450

tion, mais découle de la liberté économique53. Le Tribunal fédéral estime que la liberté des contrats est un élément central de la liberté économique54.

Une restriction de la liberté économique n'est pas exclue a priori. Mais si elle a lieu, cela doit être en phase avec l'art. 36 Cst., qui définit les conditions permettant la restriction des droits fondamentaux. Les restrictions les plus importantes doivent être mentionnées directement dans la loi. La restriction opérée au moyen de la nouvelle disposition nécessite donc une base légale. En outre, selon l'article constitutionnel susmentionné, elle doit être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé.

La restriction de la liberté économique implique par ailleurs certaines spécificités par rapport, d'une part, à l'intérêt public et, d'autre part, à l'égalité de traitement entre concurrents directs. Selon la doctrine et la jurisprudence, elle doit être conforme aux principes constitutionnels, et donc neutre du point de vue de la concurrence55. On considère comme conformes aux principes constitutionnels les mesures de police économique proportionnées, qui visent donc à agir contre une menace (...), certaines prescriptions de politique sociale et d'autres interventions en matière de liberté économique qui ne sont pas motivées par la politique économique56.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les mesures de politique économique et professionnelle qui entravent la libre concurrence dans le but d'assurer ou de favoriser certaines branches ou formes d'exploitation sont interdites57. De telles interventions dans la liberté économique nécessitent une base constitutionnelle explicite.

La jurisprudence établit également l'égalité de traitement entre concurrents directs.

La liberté économique interdit les mesures qui faussent la compétition entre concurrents directs et ne sont donc pas neutres du point de vue de la concurrence. Cette règle s'applique aussi bien aux mesures étatiques conformes aux principes constitutionnels qu'à celles qui sont licites, mais non conformes aux principes constitutionnels58.

5.1.2.2

Examen du nouvel article de loi

La nouvelle disposition de la LB crée la base légale nécessaire dans ce contexte.

Elle doit justifier les compétences et les obligations du Conseil fédéral, notamment le fait de faire dépendre le soutien étatique de l'établissement financier concerné du respect d'un certain nombre de prescriptions concernant les rémunérations variables.

Etant donné que l'établissement financier concerné sollicite des ressources étatiques, la mesure doit être justifiée sans équivoque par l'intérêt public: les mesures à prendre ont pour but d'empêcher que la banque d'importance systémique soutenue par les ressources de l'Etat ou la société mère de groupes financiers ou de conglomérats financiers d'importance systémique ne verse des rémunérations variables excessives.

D'une part, elles poursuivent un objectif moral; d'autre part, elles évitent que les 53 54 55 56 57 58

Cf. Vallender, St. Galler Kommentar sur l'art. 27 Cst., ch. marg. 38.

Cf. ATF 130 I 26, 41; 131 I 223, 230.

Cf. Vallender, ibid., art. 94, ch. marg. 5.

Cf. Vallender, ibid.

Cf. ATF 128 II 292 Cf. Vallender, ibid., art. 27 Cst., ch. marg. 28.

4451

impôts ne servent au financement de telles rémunérations et qu'en plus, la situation financière de l'établissement financier ne s'aggrave encore. Du reste, si une mesure devait véritablement nuire à la compétitivité de l'entreprise concernée sur le marché du travail, il conviendrait d'en tenir compte du point de vue de la proportionnalité.

L'examen sous l'angle de la proportionnalité montre ensuite que la disposition légale est à la fois appropriée et nécessaire pour atteindre le but fixé, à savoir empêcher que l'établissement d'importance systémique sollicitant des ressources étatiques ne distribue des bonus démesurés: les établissements financiers d'importance systémique doivent adapter leur système de rémunération aux directives du Conseil fédéral, notamment en ce qui concerne les rémunérations variables. Il convient de préciser qu'une aide publique n'est accordée que si, sans elle, la banque d'importance systémique risque de disparaître. La situation justifie donc de demander aux banques, avant même qu'aucune crise n'ait éclaté, qu'elles adaptent leur politique de rémunération et les accords passés avec leurs collaborateurs. Cela aura pour effet d'atténuer leur propension au risque et, par conséquent, le problème du risque moral.

Comme cela est mentionné au chapitre 3.3, la réglementation devrait se révéler un désavantage concurrentiel pour les établissements d'importance systémique en période de crise. Cependant, les expériences faites avec les établissements financiers soutenus par les ressources étatiques pendant et après la crise financière justifient une telle restriction de la liberté économique ainsi que de la liberté des contrats: il a été établi à plusieurs reprises qu'il était impossible d'imposer une obligation générale de limiter les pratiques excessives en matière de rémunération et que l'exigence de suspendre le paiement des rémunérations variables s'opposait la plupart du temps aux droits contractuels déjà évoqués et à des menaces d'actions judiciaires. En outre, il faut signaler que, selon la disposition proposée, le Conseil fédéral adaptera en permanence ses mesures aux particularités des différents cas et leur conservera ainsi une dimension raisonnable. Le principe de proportionnalité exigé par la Constitution sera ainsi également respecté.

Enfin, la liberté économique
implique l'égalité de traitement entre concurrents directs. Dans cette optique, la réglementation limitée aux banques d'importance systémique ne doit s'appuyer que sur des motifs objectifs. La mise en danger de toute l'économie par la faillite d'une banque d'importance systémique est un motif suffisant pour justifier une intervention ciblée dans les affaires de ces banques ou dans celles de la société mère de groupes financiers ou de conglomérats financiers d'importance systémique. Du fait de leur importance économique, il est justifié de qualifier de concurrents directs les seules banques d'importance systémique, à l'exclusion des autres établissements bancaires.

En résumé, la restriction de la liberté économique en cas de soutien étatique ou, plus précisément, l'obligation pour les établissements financiers concernés d'adapter leurs accords en matière de rémunération est conforme aux exigences des art. 27 et 36 Cst.

4452

5.1.3

Mesures fiscales

En matière fiscale, la Confédération doit disposer d'une base constitutionnelle expresse pour prélever des impôts. La compétence donnée à la Confédération pour prélever des droits de timbre sur les papiers-valeurs est fixée à l'art. 132, al. 1, Cst.

En matière de droits de timbre, les modifications envisagées sont donc conformes à la Constitution.

La Constitution fédérale ne pose pas de condition spécifique à l'aménagement des droits de timbre. Le législateur dispose donc d'une grande latitude. Il peut prélever une partie ou la totalité du droit de timbre d'émission. En revanche, comme le prévoit l'art. 127, al. 1, Cst., les principes régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, sont définis par la loi. En ce qui concerne le droit de timbre d'émission, ces questions sont régies par la LIA, qui règle notamment l'objet et le sujet de l'impôt. Les présentes modifications suppriment en partie le droit de timbre d'émission, notamment sur les obligations et les papiers monétaires. En outre, les droits de participation en sont exonérés dès lors qu'ils proviennent de la conversion de CoCo. Ces modifications sont couvertes par l'art. 132, al. 1, Cst.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les mesures fiscales envisagées n'affectent pas les obligations internationales de la Suisse et n'ont pas d'incidence sur les accords en vigueur avec l'Union européenne.

5.3

Délégation de compétences législatives

Selon l'art. 10, al. 4, P-LB, le Conseil fédéral concrétise les exigences particulières auxquelles sont soumises les banques d'importance systémique. La portée de cette délégation de compétences législatives est exposée sous ch. 2.1.5.6.

4453

4454