11.070 Message concernant une modification du Code civil suisse (Autorité parentale) du 16 novembre 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de révision partielle du Code civil suisse (Autorité parentale), en vous proposant de l'adopter.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2005 P

04.3250

Tâches parentales. Egalité de traitement (N 07.10.2005, Wehrli)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 novembre 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2450

8315

Condensé La révision du code civil proposée ici vise à faire de l'autorité parentale conjointe la règle, indépendamment de l'état civil des parents, et à établir ainsi l'égalité entre hommes et femmes dans ce domaine.

La révision du droit de la filiation, adoptée le 25 juin 1976, institua l'égalité entre l'enfant né hors mariage et l'enfant né dans le mariage. Cette égalité se limitait toutefois aux questions concernant le statut de l'enfant et ses droits successoraux.

Dans le domaine de l'autorité parentale, on continuait à établir une distinction de principe entre les parents mariés et les parents célibataires: alors que les enfants des premiers étaient soumis à l'autorité parentale conjointe de leur père et de leur mère, les enfants des seconds étaient placés sous l'autorité parentale exclusive de leur mère. Il a fallu attendre le 1er janvier 2000, date de l'entrée en vigueur du droit du divorce révisé, pour que les parents célibataires obtiennent le droit de demander l'autorité parentale conjointe. Son attribution est toutefois conditionnée à la présentation à l'autorité tutélaire, par les parents, d'une requête commune d'attribution de l'autorité parentale conjointe et d'une convention déterminant leur participation à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien de celui-ci (art. 298a CC). Cette possibilité a depuis été étendue aux parents divorcés, qui peuvent donc obtenir du juge, aux mêmes conditions, le droit d'exercer l'autorité parentale conjointe (art. 133, al. 3, CC).

Dans le postulat 04.3250 «Tâches parentales. Egalité» qu'il déposa le 7 mai 2004, le conseiller national Reto Wehrli demandait au Conseil fédéral d'examiner les possibilités de promouvoir l'autorité parentale conjointe pour les parents non mariés ou divorcés et de soumettre au Parlement des propositions en vue de réviser les dispositions pertinentes du code civil. Le 25 août 2004, le Conseil fédéral proposa d'accepter le postulat, ce que le Conseil national fit à une large majorité, le 7 octobre 2005, au terme d'un débat animé.

Le Conseil fédéral propose de faire de l'autorité parentale conjointe la règle, indépendamment de l'état civil des parents (art. 296, al. 2, P-CC). L'attribution de l'autorité parentale exclusive à l'un des parents doit rester possible, mais seulement si elle est nécessaire pour protéger les intérêts de l'enfant. Ce critère est déjà appliqué aujourd'hui pour déchoir des parents mariés de l'autorité parentale (art. 311 CC). La décision de retirer ou non l'autorité parentale revient
au juge lors d'un divorce (art. 298, al. 1, P-CC) et à l'autorité de protection de l'enfant dans le cas de parents non mariés qui se séparent (art. 298b, al. 2, P-CC). Le projet prévoit aussi que le parent qui s'occupe principalement de l'enfant puisse prendre seul les décisions courantes et urgentes concernant celui-ci (art. 301, al. 1bis, P-CC). Enfin, il règle, toujours au titre de mesure d'accompagnement, la modification du lieu de résidence de l'enfant et de ses parents (art. 301a P-CC).

8316

L'autorité parentale sert avant tout le bien de l'enfant (art. 296, al. 1, P-CC). Elle relève de la responsabilité des parents, au même titre que la contribution d'entretien, un sujet sur lequel le Conseil fédéral entend également formuler des propositions. Comme l'autorité parentale conjointe, le droit régissant la contribution d'entretien sera aménagé de manière qu'aucun enfant ne soit désavantagé en raison de l'état civil de ses parents.

8317

Table des matières 1 Grandes lignes du projet 1.1 Historique 1.2 Droit en vigueur 1.2.1 Parents mariés 1.2.2 Parents divorcés 1.2.3 Parents non mariés ensemble 1.3 Critiques à l'encontre du droit actuel 1.3.1 Prise en compte insuffisante du bien de l'enfant 1.3.2 Discrimination des pères en droit et en fait 1.3.3 Stigmatisation des parents non mariés ensemble 1.4 Genèse du projet 1.4.1 Etudes réalisées 1.4.1.1 Sondage sur le droit du divorce réalisé auprès des juges, des avocats et des médiateurs (mai 2005) 1.4.1.2 Programme national de recherche 52 (PNR 52): les enfants et le divorce ­ influence de la pratique du droit sur les transitions familiales 1.4.2 Interventions politiques 1.4.3 Avant-projet de 2009 1.4.4 Résultats de la consultation 1.4.4.1 Code civil 1.4.4.2 Code pénal 1.5 Grandes lignes du projet 1.5.1 Généralisation de l'autorité parentale conjointe 1.5.2 Mesures d'accompagnement: pouvoirs de décision substantiels pour le parent qui s'occupe de l'enfant 1.5.3 Clarification des compétences 1.5.4 Pas de mise sous tutelle des mères non mariées 1.5.5 Eléments écartés de la révision 1.5.5.1 Code pénal 1.5.5.2 Droit des mères non mariées à une contribution d'entretien et répartition du déficit 1.6 Droit comparé et rapport avec le droit européen 1.6.1 Droit comparé 1.6.2 Rapport avec le droit international 1.6.2.1 Conseil de l'Europe 1.6.2.2 Droit de l'Union européenne 1.6.2.3 ONU

8334 8334 8334 8337 8337 8338 8338

2 Commentaire 2.1 Code civil 2.2 Loi sur le Tribunal fédéral 2.3 Loi fédérale sur le droit international privé

8338 8338 8347 8348

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération et les cantons

8349 8349

8318

8320 8320 8320 8320 8321 8322 8325 8325 8325 8326 8326 8326 8326 8327 8328 8328 8329 8329 8330 8330 8330 8331 8332 8333 8333 8333

3.2 Conséquences dans le domaine informatique 3.3 Conséquences économiques 3.4 Nécessité de légiférer

8349 8349 8349

4 Liens avec le programme de la législature

8350

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.2 Délégation de compétences législatives

8350 8350 8350

Code civil suisse (Autorité parentale) (Projet)

8351

8319

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Historique

Dans sa révision du 25 juin 1976 des dispositions du code civil (CC; RS 210) relatives à la filiation1, le législateur mettait les enfants nés hors mariage et les enfants nés dans le mariage sur un pied d'égalité du point de vue de leur statut et de leurs droits successoraux. Ces modifications représentaient une avancée considérable vers un renforcement du bien de l'enfant et l'élimination des discriminations frappant les enfants nés hors mariage. Le législateur n'alla toutefois pas jusqu'au bout de sa démarche, puisqu'il limita aux parents mariés l'exercice de l'autorité parentale conjointe. Il rejeta la proposition du conseiller national Condrau de donner au moins au juge la possibilité de laisser l'autorité parentale aux deux parents après le divorce2, par crainte que cette solution ne favorisât les conflits dans les domaines de la garde des enfants et de l'exercice des relations personnelles.

En 1983, le Conseil fédéral se déclarait prêt, dans sa réponse au postulat Mascarin (83.346), à réexaminer la possibilité d'instaurer l'autorité parentale conjointe après un divorce. Depuis 1988, plusieurs juges de première instance ont en outre accordé l'autorité parentale conjointe à des parents divorcés. Le Tribunal fédéral a toutefois rappelé qu'une telle solution n'était pas admise par le droit suisse, et que seul le législateur pouvait modifier cet état de fait3.

La question de l'autorité parentale conjointe après un divorce se reposa lors de la révision du droit du divorce et de la filiation4, entrée en vigueur le 1er janvier 2000.

Bien que la proposition d'introduire une autorité parentale conjointe eût recueilli le soutien d'une majorité des participants à la procédure de consultation, le législateur refusa d'en faire une règle. L'autorisation d'exercer l'autorité parentale conjointe ne devait être accordée aux parents divorcés qu'à de strictes conditions. Depuis lors, l'autorité parentale conjointe peut être octroyée à ces mêmes conditions aux parents qui ne sont pas mariés ensemble.

1.2

Droit en vigueur

1.2.1

Parents mariés

Les parents mariés exercent l'autorité parentale en commun (art. 297, al. 1, CC).

L'attribution de l'autorité parentale au seul père ou à la seule mère est donc exclue, sauf dans les cas d'une séparation de corps (art. 297, al. 2, CC) ou d'un retrait de l'autorité parentale prononcée par l'autorité de protection de l'enfant (art. 311 et 312 CC).

1 2 3 4

RO 1977 237 BO 1975 N 1777 ATF 117 II 523 ss Message du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil suisse (état civil, conclusion du mariage, divorce, droit de la filiation, dette alimentaire, asiles de famille, tutelle et courtage matrimonial), FF 1996 I 1 ss.

8320

L'autorité parentale conjointe signifie que les parents d'un enfant prennent ensemble les décisions le concernant, sans qu'aucun d'eux n'ait une voix prépondérante. Les parents qui ne parviennent pas à s'entendre peuvent requérir l'intervention du juge (art. 172, CC). Ce dernier peut retirer son droit de représenter l'union conjugale à l'époux qui se montre incapable de l'exercer (art. 174, al. 1, CC). Dans ce cas, l'autre parent est amené à prendre seul les décisions concernant l'enfant.

Les parents détenteurs de l'autorité parentale conjointe représentent ensemble le «chef de famille». A ce titre, ils sont solidairement responsables des mauvais comportements de leurs enfants (art. 333, al. 1, CC). Les tiers peuvent présumer que chaque parent agit avec le consentement de l'autre (art. 304, al. 2, CC).

1.2.2

Parents divorcés

Le droit révisé du divorce, entré en vigueur le 1er janvier 2000, n'a rien changé au fait que l'autorité parentale soit attribuée à un seul des parents en cas de divorce (art. 133, al. 1, CC). S'ils veulent continuer d'exercer ensemble l'autorité parentale, les deux parents doivent en faire conjointement la demande au juge, qui s'assurera que cela est compatible avec le bien de l'enfant. Les parents soumettront par ailleurs au juge une convention déterminant leur participation à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien de celui-ci (art. 133, al. 3, CC).

Malgré ces conditions restrictives, l'autorité parentale conjointe séduit une part croissante des couples qui divorcent. De 15 % en 2000, la part des enfants de parents divorcés placés sous l'autorité conjointe de leurs parents est passée à près de 40 % aujourd'hui.

Office fédéral de la statistique: attribution de l'autorité parentale, de 2000 à 2010 Année

Mère

Père

Mère et père

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

6 373 8 569 8 463 8 744 8 926 10 898 10 450 8 846 8 254 7 707 7 776

523 682 826 734 738 935 966 745 672 616 580

1 189 2 861 3 379 3 319 3 998 4 487 4 678 4 981 5 137 5 432 7 002

A noter que l'autorité parentale conjointe n'est pas exercée partout avec la même fréquence. Elle est plus répandue en Suisse occidentale et au Tessin qu'en Suisse centrale et orientale.

8321

Office fédéral de la statistique: attribution de l'autorité parentale, par canton (2010) Canton

Mère

Père

ZH BE LU UR SZ OW NW GL ZG FR SO BS BL SH AR AI SG GR AG TG TI VD VS NE GE JU

1366 998 293 32 140 31 44 24 97 281 339 234 233 60 43 19 509 196 654 285 308 651 369 175 315 76

1.2.3

Parents non mariés ensemble

99 78 25 4 15 0 0 1 9 28 43 13 15 12 13 2 37 6 44 15 10 36 34 9 23 9

Mère et père

1095 792 269 12 119 28 34 30 93 301 178 133 219 51 67 9 402 127 472 235 287 835 269 317 533 95

Lorsque la mère n'est pas mariée avec le père, la loi attribue actuellement l'autorité parentale à la mère (art. 298, al. 1, CC). L'autorité de protection de l'enfant peut toutefois aussi accorder l'autorité parentale aux deux parents, si cela est compatible avec le bien de l'enfant. Dans ce cas, les parents célibataires doivent, comme les parents qui divorcent, soumettre au juge une convention déterminant leur participation à la prise en charge et à l'entretien de l'enfant (art. 298a, al. 1, CC).

Le nombre d'enfants dont les parents ne sont pas mariés ensemble a quasiment doublé ces dix dernières années. Près d'un cinquième des enfants qui naissent aujourd'hui en Suisse ont des parents célibataires. Cependant, on observe là encore des différences considérables selon les régions.

8322

Office fédéral de la statistique: enfants nés vivants, selon l'état civil de la mère (2000 à 2010) Année

Total5

Célibataire

Mariée6

Divorcée

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

78 438 72 295 72 372 71 848 73 082 72 903 73 371 74 494 76 691 78 286 80 290

7 009 6 681 7 065 7 501 8 154 8 174 9 363 10 073 10 942 11 790 12 651

70 069 64 219 63 918 62 924 63 377 62 890 62 103 62 447 (+5) 63 584 (+4) 64 266 (+22) 65 343 (+20)

1 275 1 308 1 327 1 340 1 477 1 760 1 825 1 890 2 073 2 120 2 202

Office fédéral de la statistique: enfants nés vivants, selon l'état civil de la mère et la région (2010) Région

Mariée

Célibataire

Autre état civil

Région lémanique Espace Mittelland Suisse du N-O Zurich Suisse orientale Suisse centrale Tessin

12 662 13 823 8 729 15 547 8 845 6 377 2 360

2 941 2 857 1 589 2 314 1 382 1 078 490

629 482 248 436 239 159 103

Total

65 343

12 651

2 296

Les dernières données disponibles concernant l'attribution de l'autorité parentale après un divorce portent sur l'année 2010. Il n'existe toutefois pas de statistique nationale précisant la proportion des parents non conjoints qui optent pour l'autorité parentale conjointe. La statistique des autorités tutélaires suisse renseigne uniquement sur le nombre de cas dans lesquels les autorités de protection de l'enfant attribuent chaque année l'autorité parentale conjointe. Ces mesures concernent également des enfants qui ne sont pas nés dans l'année. La statistique ne recense pas seulement les enfants de parents non mariés ensemble (art. 298a CC), mais aussi des enfants dont les parents avaient déjà divorcé au moment de demander l'autorité parentale conjointe (art. 133, al. 3, CC). Malgré ces lacunes de la statistique, le fait est qu'une part croissante des parents non mariés ensemble opte aujourd'hui pour l'autorité parentale conjointe.

5 6

Veuves comprises.

Chiffres entre parenthèses: cas concernant des partenariats enregistrés.

8323

Statistique des autorités tutélaires suisses ­ comparaison de 2000 à 2010 Année

Art. 298a et 134, al. 3, CC

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

539 872 1130 1139 1594 1511 1719 2101 2601 3231 3370

Ce résultat est confirmé par d'autres statistiques détaillées réalisées par plusieurs autorités de protection de l'enfant. Citons celle de la ville de Zurich, selon laquelle les enfants de parents non mariés ensemble représentent aujourd'hui une nette majorité des enfants placés sous autorité parentale conjointe.

Attribution de l'autorité parentale conjointe, par rapport au nombre d'enfants nés hors mariage, ville de Zurich, 2000 à 2010 Année

Naissances hors mariage

Autorité parentale conjointe ­ parents non mariés ensemble (art. 298a CC)

Autorité parentale conjointe ­ parents divorcés (art. 133, al. 3, CC)

Autorité parentale conjointe ­ parents non mariés, en % de toutes les naissances hors mariage

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

470 517 649 558 634 749 679 831 972 1109 1166

206 232 264 213 263 374 358 512 635 712 790

7 9 7 10 12 6 7 5 3 11 7

43.83 44.87 40.68 38.17 41.48 49.93 52.72 61.61 65.33 64.20 67.75

Il n'y a aucune statistique indiquant combien de parents décident de se marier pour obtenir l'autorité parentale conjointe sans avoir à se plier aux procédures prévues à l'art. 298a CC.

8324

1.3

Critiques à l'encontre du droit actuel

1.3.1

Prise en compte insuffisante du bien de l'enfant

L'autorité parentale est souvent considérée comme un droit des parents. Plutôt que d'un droit, c'est pourtant d'un devoir des parents qu'il est ici question: ceux-ci sont tenus de veiller au bien de leur enfant et d'en assurer l'éducation.

Dans le domaine de l'autorité parentale, la notion de «droit» des parents reflétera tout au plus la non-ingérence de principe de l'Etat dans les questions touchant à l'éducation et à la prise en charge des enfants. La doctrine considère l'autorité parentale comme un «droit-devoir» (Pflichtrecht)7, à savoir un droit impliquant des responsabilités. Cette vision des choses se traduit au niveau international par une tendance à privilégier le terme de responsabilité parentale (parental responsability) plutôt que celui d'autorité parentale. Il va de soit que tant le père que la mère assument une responsabilité identique à l'égard de l'enfant.

Le retrait de l'autorité parentale à l'un des parents signifie pour celui-ci qu'il n'aura en principe plus l'obligation de s'occuper de l'enfant et de son éducation. Pour ce dernier en revanche, cela revient à perdre l'un de ses parents. Le retrait de l'autorité parentale ne doit donc être prononcé que si le parent est incapable de s'occuper de l'enfant et de son éducation, et que la suppression de l'autorité parentale conjointe représente la meilleure solution pour le bien de l'enfant. Au mieux, le droit en vigueur ne tient compte de ce point de vue que dans les cas où les parents sont mariés. Pour les parents qui ne sont pas mariés ensemble et pour les parents divorcés en revanche, l'intérêt de l'enfant n'est pas déterminant pour justifier l'autorité parentale conjointe. Il convient de rappeler à cet égard que l'argument du bien de l'enfant, lorsque l'autorité parentale a été attribuée à un seul parent, est parfois utilisé abusivement, pour satisfaire des intérêts égoïstes8.

1.3.2

Discrimination des pères en droit et en fait

En plus de négliger le bien de l'enfant, le droit en vigueur discrimine le père qui n'est pas marié avec la mère. Alors que cette dernière acquiert l'autorité parentale en donnant naissance à l'enfant, l'autorité parentale du côté paternel, et donc l'autorité parentale conjointe nécessitent le consentement de la mère (voir le ch. 1.2.3). A défaut de celui-ci, le père est d'emblée privé de l'autorité parentale. Il a uniquement le droit d'entretenir des relations personnelles (généralement sous la forme d'un droit de visite limité dans le temps), d'être informé des événements particuliers survenant dans la vie de l'enfant et d'obtenir des renseignements sur son état et son développement (art. 273 ss CC). Il n'en est pas moins tenu de participer à son entretien, au même titre que les pères détenteurs de l'autorité parentale (art. 276 ss CC).

7

8

Voir ATF 136 III 353, consid. 3.1; voir Cyril Hegnauer, «Grundriss des Kindesrechts und des übrigen Verwandtschaftsrechts», Berne 1999, p. 180 («Elterliche Sorge ist unverfügbares, zweckgebundenes, fremdnütziges Pflichtrecht.») et Philippe Meier/Martin Stettler, «Droit de la filiation», 4e édition, Genève/Zurich/Bâle 2009, ch. marg. 442: «Il serait vain de tenter de donner une définition précise de l'autorité parentale, institution constituée d'un faisceau de responsabilités et de pouvoirs dont l'étendue varie en fonction de plusieurs facteurs, soit en particulier de l'âge et de la maturité de l'enfant.» Voir aussi l'article d'Alexandra Rumo-Jungo «Gemeinsame elterliche Sorge geschiedener und unverheitrateter Eltern», dans: Jusletter du 15 février 2010.

8325

La situation des pères qui divorcent se présente de manière semblable. Bien que le droit en vigueur considère que le père et la mère sont tous deux légitimés à exercer l'autorité parentale (voir le ch. 1.2.2), la réalité veut qu'en cas de conflit, le juge, qui est tenu de n'accorder l'autorité parentale qu'à l'un des parents, privilégie systématiquement celui qui a consacré le plus de temps à l'enfant pendant l'union conjugale9, c'est-à-dire la mère dans les couples où le partage des rôles obéit à un modèle classique. Voilà qui explique la très faible part des divorces qui débouchent sur l'attribution de l'autorité parentale aux seuls pères.

1.3.3

Stigmatisation des parents non mariés ensemble

Le nombre de couples non mariés ensemble qui ont des enfants est en constante hausse (voir le ch. 1.2.3). Par rapport aux parents mariés, les parents célibataires suscitent une méfiance irrationnelle, qu'ils doivent vaincre en persuadant l'autorité de protection de l'enfant que l'autorité parentale conjointe est dans leur cas compatible avec le bien de ce dernier. Ils sont en outre tenus de soumettre à l'autorité une convention déterminant leur participation à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien de celui-ci (art. 298a, al. 1, CC). Les parents mariés n'ont aucune obligation de cette nature. Ils sont libres de se répartir comme bon leur semble les rôles au sein de l'union conjugale, sans qu'aucune autorité ne cherche à savoir si cette répartition est dans l'intérêt de l'enfant.

Le droit en vigueur fait preuve d'une méfiance similaire à l'égard des mères non mariées, puisqu'il exige la nomination d'un curateur lorsque celles-ci donnent naissance à un enfant (art. 309 CC).

1.4

Genèse du projet

1.4.1

Etudes réalisées

1.4.1.1

Sondage sur le droit du divorce réalisé auprès des juges, des avocats et des médiateurs (mai 2005)

Le nouveau droit du divorce est entré en vigueur le 1er janvier 2000. Moins d'une année plus tard, le 13 décembre 2000, le conseiller national Jutzet a présenté le postulat (00.3681) «Application du nouveau droit du divorce», qui chargeait le Conseil fédéral de demander aux juges, aux avocats et aux autres spécialistes en la matière de tirer les enseignements de l'application du nouveau droit et, en fonction de ces résultats, de lancer dans les meilleurs délais une révision de la loi.

9

Voir ATF 136 I 178 ss, consid. 5.3: «La règle fondamentale en ce domaine est l'intérêt de l'enfant. Au nombre des critères essentiels, entrent en ligne de compte les relations personnelles entre parents et enfants, les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l'enfant personnellement et à s'en occuper, ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent; il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel.

Si le juge ne peut se contenter d'attribuer l'enfant au parent qui en a eu la garde pendant la procédure, ce critère jouit ici d'un poids particulier, les capacités d'éducation et de soin des parents étant d'ailleurs similaires.»

8326

Suite à ce postulat, l'Office fédéral de la justice a établi un questionnaire, qu'il a envoyé à 160 tribunaux de première et de deuxième instances, à 1510 membres de la Fédération suisse des avocats spécialisés dans le droit du divorce et à la Fédération suisse des associations de médiation. Quelque 950 personnes ont envoyé une réponse.

Les avis recueillis ne mentionnent pas de problèmes particuliers dans le domaine de l'autorité parentale conjointe10. Toutefois, à la question «Seriez-vous favorable à l'introduction en Suisse de la réglementation ­ déjà en vigueur dans différents pays ­ selon laquelle les parents divorcés conservent par principe l'exercice en commun de l'autorité parentale et le juge ne peut décider de l'attribution de cette autorité qu'à certaines conditions?», 36 % des personnes ont préconisé une telle réglementation, alors que 56 % l'ont rejetée. Quelques-uns des répondants suggèrent cependant des améliorations ponctuelles pour les pères qui n'ont pas l'autorité parentale. Les mesures proposées portent sur le complètement de l'art. 275a CC en vue de leur octroyer un véritable droit de participer aux décisions importantes, notamment en cas de déménagement à l'étranger. Un certain assouplissement des conditions régissant le droit de visite est également souhaité. Certaines autorités (école p. ex.)

devraient par ailleurs être obligées d'informer systématiquement les deux parents, indépendamment de la manière dont l'autorité parentale est réglée. Il est également suggéré d'appliquer de manière plus systématique l'art. 292 CP, qui prévoit de punir d'une amende le parent qui détient l'autorité parentale lorsque celui-ci ne respecte pas le droit de visite de l'autre parent. Plusieurs réponses évoquent en outre la possibilité de recourir à des services de conseil et de médiation, le cas échéant contre la volonté des personnes concernées. Enfin, une partie des répondants demande que l'on augmente le nombre des crèches et que l'on favorise le travail à temps partiel.

1.4.1.2

Programme national de recherche 52 (PNR 52): les enfants et le divorce ­ influence de la pratique du droit sur les transitions familiales

Entre la fin 2004 et la mi-2006, le Fonds national a réalisé une étude sur le thème des enfants et du divorce11. Placée sous la direction de Andrea Büchler et Heidi Simoni, cette étude a porté sur 2112 pères et mères divorcés des cantons de Zurich, de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne.

D'après les résultats de l'étude, 86 % des parents divorcés appliquent un modèle traditionnel de répartition des rôles, indépendamment des modalités d'attribution de l'autorité parentale fixées au moment du divorce. Dans seulement 16 % des cas d'attribution conjointe de l'autorité parentale, la prise en charge de l'enfant est effectivement assurée en commun par les deux parents.

Les pères d'enfants dont la mère est seule détentrice de l'autorité parentale sont 75 % à souhaiter partager cette dernière. A l'inverse, chez les parents divorcés qui ont opté pour une autorité parentale conjointe, tout en maintenant une répartition des

10

11

Rapport consécutif au sondage portant sur l'application du droit du divorce auprès des juges, des avocats et des médiateurs (synthèse des résultats), Office fédéral de la justice, mai 2005, ch. 11.

http://www.nfp52.ch/f_dieprojekte.cfm?0=0&kati=0&Projects.Command=details&get=33

8327

rôles traditionnelle, 29 % des mères et 9 % des pères souhaitent que l'autorité parentale soit attribuée à un parent unique.

Dans le cadre de l'étude précitée, Linus Cantieni a réalisé une thèse intitulée «Gemeinsame elterliche Sorge nach Scheidung; Eine empirische Untersuchung» (Berne 2007) («autorité parentale conjointe après le divorce: une étude empirique»).

Cette thèse confirme le fait que l'autorité parentale conjointe n'entraîne pas de rupture du modèle traditionnel de répartition des rôles appliqué par le père et par la mère pendant leur vie conjugale12. L'autorité parentale conjointe ne garantit pas non plus un renforcement ou une amélioration des liens entre l'enfant et le parent dont il ne partage pas le quotidien13. De même, l'attribution de l'autorité parentale conjointe n'entraîne pas a priori une plus grande responsabilisation des parents face à leur devoir d'entretien et aux échéances de paiement des pensions, qu'ils doivent respecter14.

1.4.2

Interventions politiques

Le postulat Wehrli (04.3250) «Tâches parentales. Egalité de traitement» du 7 mai 2004 chargeait le Conseil fédéral d'examiner les possibilités de promouvoir l'autorité parentale conjointe dans les cas où les parents ne sont pas mariés ensemble ou ne le sont plus, voire d'ériger l'autorité parentale conjointe en principe. Après avoir été accepté par le Conseil fédéral, le postulat a été transmis par une nette majorité du Conseil national (136 voix contre 44)15 le 7 octobre 2005, au terme d'un débat animé.

La motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (05.3713) «Droit du divorce. Révision des dispositions relatives à la compensation de la prévoyance et aux questions qui touchent les enfants» du 10 novembre 2005, qui visait principalement une modification des dispositions relatives à la compensation de la prévoyance (art. 122 à 124 CC), chargeait également le Conseil fédéral d'examiner différents points touchant à la situation des enfants et de faire des propositions au Parlement. La motion a été transmise par le Conseil national le 15 mars 2006 et par le Conseil des Etats le 19 décembre 2006.

1.4.3

Avant-projet de 2009

S'appuyant sur les deux interventions précitées, le Département fédéral de justice et police a élaboré un avant-projet de révision du code civil (AP-CC) et un rapport explicatif. La procédure de consultation lancée par le Conseil fédéral a duré du 28 janvier au 30 avril 2009.

12 13

14 15

P. 174 ss P. 189 ss. Bien que l'on ait observé quelques cas où des pères codétenteurs de l'autorité parentale se révélaient plus enclins à assumer leurs obligations, il faut garder à l'esprit que dans le droit actuel, l'attribution de l'autorité parentale résulte d'une démarche volontaire (voir ch. 1.2.2). Un tel effet positif existerait-il si l'autorité parentale conjointe était obligatoire? On peut se le demander.

P. 211 ss BO 2005 N 1502

8328

L'avant-projet visait principalement à faire de l'autorité parentale conjointe une règle applicable indépendamment de l'état civil des parents (art. 133a, al. 1, AP-CC [divorce] et art. 298, al. 1, AP-CC [reconnaissance])16. Selon l'art. 133a, al. 2, AP-CC, le juge ne devait attribuer l'autorité parentale à un seul parent que si cela semblait préférable pour le bien de l'enfant. L'art. 298, al. 2, AP-CC, prévoyait une exception similaire pour les parents qui n'étaient pas mariés ensemble. Une règle particulière était prévue pour l'action en paternité: le juge pouvait accorder l'autorité parentale conjointe s'il estimait une telle solution compatible avec le bien de l'enfant (art. 298d, al. 1, AP-CC).

L'avant-projet fixait en outre les dispositions applicables en cas de faits nouveaux, en particulier en cas de décès de l'un des parents (art. 298e et 298f AP-CC) et précisait les droits revenant au parent assumant la garde de fait (art. 298g AP-CC). Il transférait en outre certaines compétences décisionnelles de l'autorité de protection de l'enfant au juge, désormais appelé à statuer sur tous les litiges (art. 134b AP-CC).

Enfin, la règle selon laquelle un curateur devait impérativement être nommé pour l'enfant qui n'avait pas de père à sa naissance a été supprimée (art. 309 AP-CC).

Outre la révision du code civil, le Conseil fédéral a proposé de reformuler l'art. 220, al. 2, du code pénal (CP; RS 311.0), de manière à pouvoir punir toute personne refusant de confier le mineur au détenteur du droit de visite.

1.4.4

Résultats de la consultation

1.4.4.1

Code civil

La totalité des cantons, huit partis politiques et 37 organisations ont pris position sur l'avant-projet mis en consultation. 25 autres prises de position émanent d'organisations et de particuliers qui ont donné spontanément leur avis. Voici un résumé des opinions émises17: L'instauration de l'autorité parentale conjointe comme principe, tant pour les parents divorcés que pour les parents non mariés ensemble, a reçu un large soutien. Elle a été approuvée par 19 cantons (AG, BE, BL, BS, FR, GE, JU, LU, NE, NW, OW, SG, SO, SZ, TG, TI, UR, VD, VS), sept partis politiques (PCS, PDC, PRD, PES, PCC, PS, UDC) et 23 organisations. La révision a été rejetée par 7 cantons (AI, AR, GL, GR, SH, ZG, ZH), 1 parti politique (PEV) et 17 organisations. Les raisons du rejet varient. Certains pensent qu'une telle révision n'est pas nécessaire. D'autres estiment qu'elle ne va pas assez loin et aimeraient qu'elle inclue également d'autres éléments, comme la lutte contre la violence domestique ou le risque de pauvreté, auquel les familles monoparentales sont particulièrement exposées. Pour un petit nombre de participants, le projet de révision n'améliore en rien la prise en compte du bien de l'enfant.

16

17

L'avant-projet et le rapport d'accompagnement figurent à l'adresse http://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/gesellschaft/gesetzgebung/ elterlichesorge.html Le rapport détaillé de la procédure de consultation figure à l'adresse http://www.bj.admin.ch/etc/medialib/data/gesellschaft/gesetzgebung/ elterlichesorge.Par.0001.File.tmp/vn-ber-d.pdf

8329

Les autres points de la révision sont également controversés. Ainsi, près de la moitié des répondants rejette l'élargissement des compétences du juge aux dépens de celles de l'autorité de protection de l'enfant, lui préférant pour certains un renforcement de la médiation. Enfin, la décision de renoncer à désigner un curateur, lorsque le nouveau-né n'a pas de père, suscite plutôt l'incompréhension.

1.4.4.2

Code pénal

La modification de l'art. 220 CP a été approuvée par 17 cantons (AI, AR, BL, GE, GL, JU, LU, NW, OW, SG, SH, SO, TG, UR, VD, VS, ZG), 3 partis politiques (PEV, PRD, PCC) et 10 organisations. Elle a été rejetée par 7 cantons (AG, BE, BS, GR, NE, SZ, ZH), 4 partis politiques (PCS, PDC, PES, PS) et 21 organisations, au motif notamment qu'un tel renforcement des dispositions pénales ne contribuait pas à accroître le bien de l'enfant, et qu'il ne tenait pas compte du problème représenté par les parents qui ne font pas usage de leur droit de visite ou qui l'exercent de manière peu fiable.

1.5

Grandes lignes du projet

1.5.1

Généralisation de l'autorité parentale conjointe

Le projet d'autorité parentale conjointe tout entier vise un seul but: le bien de l'enfant (art. 296, al. 1, P-CC). C'est pour satisfaire ce but que l'art. 296, al. 2, P-CC fait de l'autorité parentale conjointe la règle, indépendamment de l'état civil des parents. L'enfant peut prétendre à ce que ses deux parents assument ensemble la responsabilité de son développement et de son éducation. Cela implique que la mère et le père soient traités de la même manière. La règle de l'autorité parentale conjointe doit inciter les tribunaux à prendre en considération non seulement la répartition des rôles entre les parents durant le mariage, mais aussi les perspectives d'évolution de ces rôles après le divorce.

L'autorité parentale conjointe devrait devenir la règle aussi pour les parents qui ne sont pas mariés ensemble. Toutefois, il n'y aura pas à l'avenir d'attribution «automatique» de l'autorité parentale conjointe. L'autorité de protection de l'enfant devra statuer sur l'autorité parentale si les parents n'arrivent pas à s'entendre (art. 298a, al. 1, et art. 298b, al. 2, P-CC). Cette solution délivre l'autorité tutélaire de l'obligation qu'elle a actuellement d'examiner systématiquement si l'autorité parentale conjointe, la participation des parents à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien sont compatibles avec le bien de l'enfant (art. 298a, al. 1, CC).

La loi ne prévoyant pas une telle obligation pour les parents mariés, il n'y a pas de raison de l'imposer aux parents célibataires qui sont disposés à assumer ensemble la responsabilité de leur enfant. Selon le Conseil fédéral, la solution proposée devrait garantir une décision équilibrée et transparente, tenant compte des intérêts contradictoires des pères et mères non mariés.

Pour obtenir l'autorité parentale conjointe, les parents non mariés ensemble doivent aujourd'hui soumettre à l'autorité de protection de l'enfant une convention déterminant leur participation à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien de ce dernier (art. 298a, al. 1, CC). Cette exigence sera abandonnée. En 8330

effet, pour les parents qui sont d'accord d'exercer ensemble l'autorité parentale, une telle formalité s'avère aussi vexatoire qu'inutile. A cela s'ajoute le risque qu'une telle convention, conclue sous d'heureux auspices, ne fasse par la suite obstacle à la résolution d'un éventuel conflit entre les parents. Enfin, il y a lieu de rappeler les réserves émises sur la conformité d'une telle convention avec la Constitution (Cst.; RS 101) et le droit international, du fait que celle-ci n'est exigée que des parents non mariés ensemble18.

L'utilité d'une telle convention semble demeurer pour les parents qui souhaitent divorcer par une requête commune. Etablie dans le cadre de la procédure de divorce, cette convention montrera au juge les solutions que les parents envisagent pour leurs enfants. On maintiendra donc en l'état l'art. 111 CC, qui a été révisé récemment.

1.5.2

Mesures d'accompagnement: pouvoirs de décision substantiels pour le parent qui s'occupe de l'enfant

Le bien de l'enfant représente le but premier de l'autorité parentale conjointe (art. 296, al. 1, P-CC). Ce but n'est pas atteint si l'un des parents instrumentalise cette autorité pour nuire à l'autre parent. Pour empêcher que cela ne puisse être le cas, le projet prévoit, au titre de mesure d'accompagnement, que le parent qui s'occupe de l'enfant peut prendre seul les décisions courantes ou urgentes (art. 301, al. 1bis, P-CC). Le projet tient ainsi compte de craintes très répandues parmi les mères qui élèvent seules leurs enfants. Il s'attache en outre à permettre le bon fonctionnement de l'autorité parentale conjointe dans les cas où elle est la plus difficile à exercer, c'est-à-dire lorsque les parents ne vivent pas (ou plus) ensemble et qu'ils éprouvent davantage de difficultés à se concerter.

L'autorité parentale conjointe ne doit pas priver les parents de leur liberté d'établissement (art. 24 Cst.), en les empêchant de déménager. Le projet veut cependant éviter qu'un déménagement n'entrave l'exercice de l'autorité parentale par l'autre parent (art. 301a, P-CC). Le cas échéant, un changement du lieu de résidence de l'un des parents sera soumis à l'approbation de l'autre ou à une décision du juge ou de l'autorité de protection de l'enfant.

Pour le reste, le projet s'abstient d'imposer aux parents exerçant l'autorité parentale conjointe un modèle particulier de répartition des rôles. Un parent ne peut donc pas déduire du principe de l'autorité parentale conjointe le droit de pouvoir effectivement s'occuper de l'enfant pendant la moitié du temps. A titre d'exemple, on ne décidera d'une garde alternée (ou partagée) que si celle-ci est la meilleure solution pour le bien de l'enfant.

18

On pourrait évidemment supprimer la discrimination des parents non mariés en exigeant des parents mariés qu'ils concluent eux aussi une telle convention. Dans sa réponse à la motion Roth-Bernasconi (10.3219) «Pour une responsabilité parentale conjointe» du 18 mars 2010, le Conseil fédéral explique pourquoi il rejette une telle solution. Selon lui, l'obligation de conclure une convention ne constitue par le bon moyen pour amener les parents à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l'enfant. Il est par ailleurs peu probable qu'une telle convention conduise les pères à s'occuper davantage des enfants et de leur éducation.

8331

1.5.3

Clarification des compétences

La nouvelle réglementation applicable à l'autorité parentale conjointe permet de clarifier les compétences, s'agissant des décisions à prendre au sujet de l'enfant.

Ainsi, le juge intervient désormais chaque fois que la question de l'autorité parentale se pose dans le cadre d'une procédure matrimoniale. Dans tous les autres cas, la compétence en la matière revient en principe à l'autorité de protection de l'enfant.

On a ainsi la garantie que les modifications touchant à l'attribution de l'autorité parentale et les modifications concernant le règlement des relations personnelles sont décidées par la même autorité, ce qui n'est pas le cas actuellement (art. 134, al. 4, CC).

A l'inverse, le Conseil fédéral renonce à la proposition présentée dans le projet mis en consultation, consistant à transmettre au juge l'ensemble des cas litigieux, que ceux-ci entrent ou non dans le cadre d'une procédure matrimoniale. Certains participants à la consultation ont souligné à juste titre qu'une telle extension de la compétence du juge contredisait les buts visés par le projet de révision du code civil (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de filiation) du 19 décembre 200819.

Comment en effet exiger de l'autorité de protection de l'enfant qu'elle fasse preuve de davantage de professionnalisme, alors que dans le même temps, on transfère au juge certaines de ses compétences décisionnelles? S'ajoute à cela le fait que les cantons sont libres d'instaurer ou non des tribunaux de la famille dotés des compétences requises. De nos jours, le droit public et le droit privé sont fortement imbriqués dans toutes les questions touchant au bien de l'enfant. La solution proposée a l'avantage d'en tenir compte. Il est donc judicieux de concentrer les procédures entre les mains de l'autorité de protection de l'enfant. Cette dernière conservera la compétence de trancher sur la contribution d'entretien, lorsque celle-ci n'est contestée par aucun des parents (art. 287 CC), alors que la décision appartiendra au juge en cas de désaccord entre ceux-ci (art. 276 ss CC).

Les modifications ponctuelles proposées dans la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral20 (art. 100, al. 2, let. c) et dans la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé21 (art. 63, al. 1, et 85, al. 4) contribueront également
à clarifier la situation.

En revanche, aucune adaptation de la législation ne semble nécessaire en ce qui concerne l'audition et la représentation des enfants. Ainsi, l'art. 298 du code de procédure civile (CPC)22 ­ entré en vigueur le 1er janvier 2011 ­ prévoit déjà que les enfants sont entendus personnellement. Selon l'art. 299 CPC, le juge ordonne en outre la représentation de l'enfant, si cela s'avère nécessaire. Cette mesure est valable indépendamment du fait que la maxime de disposition ne s'applique pas aux questions concernant l'enfant et que le juge est tenu d'établir les faits d'office (art.

277, al. 3, CPC). On retrouve des normes pratiquement identiques dans les nouveaux art. 314a et 314abis CC, relatifs au droit en matière de protection de l'adulte et de l'enfant, dont l'entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2013.

19 20 21 22

RO 2011 725 RS 173.110 RS 291 RS 272; RO 2010 1739

8332

Il n'est pas non plus nécessaire de modifier les dispositions légales concernant la médiation (familiale). L'efficacité de cet outil de prévention et de résolution des conflits, notamment lorsque des enfants sont impliqués, est incontestée. C'est pourquoi le nouveau code de procédure civile réserve une place centrale à la médiation.

Le juge peut désormais exhorter les parents à tenter une médiation chaque fois qu'un enfant est impliqué (art. 297, al. 2, CPC). Dans les affaires concernant le droit de l'enfant qui ne sont pas de nature patrimoniale, les parties ont droit à la gratuité de la médiation si elles ne disposent pas des moyens nécessaires et si le recours à la médiation leur est recommandé par le tribunal (art. 218, al. 2, CPC). Le nouveau droit en matière de protection de l'adulte et de l'enfant prévoit également la possibilité de recourir à la médiation, aux mêmes conditions que celles prévues dans le CPC (art. 314, al. 2, CC)23. Citons enfin la loi fédérale du 21 décembre 2007 sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes24, qui prévoit également la médiation. Selon l'art. 4 de cette loi, l'autorité centrale peut engager une médiation pour obtenir la remise volontaire de l'enfant ou pour faciliter une solution amiable. Il reste à présent à mettre à l'épreuve concrètement les nouvelles bases légales en matière de médiation, afin de juger de leur efficacité.

1.5.4

Pas de mise sous tutelle des mères non mariées

Le nouveau droit en matière de protection de l'adulte vise, outre à professionnaliser le travail des autorités de protection, à permettre à ces dernières de prendre des mesures adaptées à la situation. Les autorités de protection de l'enfant et de l'adulte ne doivent pas ordonner de mesures tutélaires qui ne sont pas nécessaires pour la protection des personnes concernées (et des tiers). C'est pourquoi le Conseil fédéral propose d'abroger l'art. 309 CC. On ne nommera de curateur à l'enfant que si sa protection l'exige. Le simple fait que la mère qui met au monde l'enfant n'est pas mariée ne justifie pas un tel besoin de protection. De manière générale, rien ne permet de croire qu'une mère non mariée est moins à même de protéger ses intérêts et ceux de ses enfants qu'une mère mariée.

1.5.5

Eléments écartés de la révision

1.5.5.1

Code pénal

Contrairement à l'avant-projet (voir ch. 1.4.3), le projet ne prévoit plus de sanctionner l'empêchement d'exercer le droit de visite. Seul demeure donc applicable l'art. 220 CP actuel, qui punit l'enlèvement de mineur25. Si l'on a renoncé à instaurer une nouvelle sanction, c'est parce que les litiges en matière de droit de visite sont 23

24 25

Voir aussi l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_457/2009 du 9 décembre 2009, selon lequel l'autorité de tutelle peut d'ores et déjà obliger les parents à participer à des médiations régulières sous la direction de spécialistes.

RS 211.222.32 L'art. 220 CP a été reformulé dans le cadre de la révision du code civil (protection de l'adulte, de la personne et de l'enfant), pour que l'autorité de protection de l'enfant ayant retiré la garde des enfants aux parents puisse elle aussi déposer une plainte pénale contre celui qui aurait retiré illégalement son enfant d'un foyer d'accueil.

8333

souvent très émotionnels, et que la menace d'une peine ne constitue pas un moyen efficace de les prévenir. En outre, il y a lieu de craindre que la sanction infligée à l'un des parents n'affecte indirectement l'enfant. Si nécessaire, le juge ou l'autorité de protection de l'enfant pourra toujours imposer le respect de règles concrètes et fixer une peine en cas de violation de celles-ci. A titre d'exemple, un juge du divorce pourrait ordonner à une mère de remettre l'enfant au père à un moment et à un lieu bien définis, et assortir sa décision de la menace d'une amende en cas de refus de l'exécuter (art. 343, al. 1, let. a, CPC en relation avec l'art. 292 CP).

1.5.5.2

Droit des mères non mariées à une contribution d'entretien et répartition du déficit

Une personne divorcée peut prétendre à une contribution d'entretien après son divorce (art. 125, CC). L'allocation d'une telle contribution, son montant et sa durée dépendent de différents facteurs, notamment de l'ampleur et de la durée de la prise en charge des enfants à assurer (art. 125, al. 2, ch. 6, CC). Aucune contribution d'entretien n'est en revanche prévue pour les parents non mariés, en cas de séparation. Plusieurs auteurs26 ont souligné les différences qui en résultaient dans le traitement des enfants de parents divorcés et des enfants de parents non mariés. Les mères non mariées ont seulement droit au versement des frais d'entretien pour les quatre semaines précédant et les huit semaines suivant la naissance (art. 295, al. 1, ch. 2, CC).

1.6

Droit comparé et rapport avec le droit européen

1.6.1

Droit comparé

Les législations européennes évoluent vers une amélioration de la situation juridique du père, que celui-ci soit ou non marié avec la mère. La plupart des législateurs semblent en effet privilégier l'autorité parentale conjointe, tant pour les parents divorcés que pour les parents qui ne sont pas mariés ensemble. Les modalités de son exercice varient toutefois grandement d'un pays à un autre.

Allemagne Les parents divorcés continuent d'exercer conjointement l'autorité parentale. Ils assument également ensemble la garde de l'enfant. Le juge peut mettre fin à l'autorité parentale conjointe dans deux cas: sur requête commune des parents (mais l'enfant âgé de plus de 14 ans peut l'empêcher en signalant son opposition), ou si l'intérêt de l'enfant le commande. La loi prévoit une répartition des compétences pour éviter que l'exercice de l'autorité parentale ne soit source de conflits entre les parents. Elle oblige ainsi ces derniers à prendre ensemble les décisions qui ont une importance considérable pour l'enfant, tandis que le parent qui en a la charge prend seul les décisions qui relèvent de la vie de tous les jours.

26

Voir notamment Alexandra Rumo-Jungo, «Betreuungsunterhalt bei getrennt lebenden nicht verheirateten Eltern ­ ein Denkanstoss», recht 2008, p. 27 ss; voir aussi Conférence suisse des déléguées à l'égalité entre femmes et hommes, «Document de base concernant la révision du droit du divorce», mars 2008.

8334

Les parents qui ne sont pas mariés ensemble détiennent l'autorité parentale conjointe sur déclaration commune établie avant ou après la naissance devant un notaire ou un service de la jeunesse (Jugendamt). La cohabitation des parents n'est pas nécessaire.

L'autorité qui reçoit la déclaration n'est pas habilitée à en apprécier l'opportunité; elle est seulement tenue de procéder à son enregistrement. Elle ne vérifie pas non plus si l'autorité parentale conjointe est compatible avec le bien de l'enfant. En l'absence d'une déclaration commune des parents, l'autorité parentale revient exclusivement à la mère, tandis que le père a le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant.

L'Allemagne travaille actuellement à la mise en conformité de sa législation après les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme dans les cas Zaunegger et Sporer (voir le ch. 1.6.2.1). Par suite de cet arrêt, la cour constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht) a exhorté les tribunaux à accepter les plaintes déposées par tout père célibataire dont la demande d'octroi de l'autorité parentale conjointe s'est jusque-là heurtée au veto de la mère27.

Autriche Les parents conservent l'autorité parentale conjointe après le divorce. Ils établissent une convention indiquant le parent chez qui l'enfant va habiter, qui est aussi celui qui en a la garde. La convention doit être ratifiée par un juge. Si les parents n'arrivent pas à s'entendre ou que leur décision est jugée incompatible avec le bien de l'enfant, il appartient au juge d'attribuer le droit de garde à la mère ou au père. Si les parents partagent le droit de garde et que l'un d'eux souhaite mettre fin à cette garde partagée, le juge confie la garde à l'un des parents en fonction du bien de l'enfant.

Si les parents ne sont pas mariés ensemble, l'autorité parentale revient à la mère. Le père et la mère peuvent cependant demander l'attribution de l'autorité parentale conjointe, à condition qu'ils vivent ensemble. Dans le cas contraire, ils peuvent régler par convention soit l'autorité parentale conjointe en général, soit le droit de garde ou de visite en particulier.

Belgique En cas de divorce, l'autorité parentale est attribuée à la fois au père et à la mère, sauf décision contraire du juge. Les parents doivent s'entendre sur la garde
de l'enfant et sur les autres décisions importantes le concernant. A défaut d'un tel accord ou si celui-ci est contraire à l'intérêt de l'enfant, le juge peut confier l'autorité parentale exclusivement au père ou à la mère. Le parent qui ne détient pas l'autorité parentale a le droit d'entretenir des relations personnelles avec son enfant.

Si les parents ne sont pas mariés ensemble, mais que la filiation est clairement établie, les parents assument ensemble l'autorité parentale, qu'ils vivent ou non sous le même toit. Comme en cas de divorce, le juge peut octroyer l'autorité parentale à un seul des parents.

27

BvR 611/07 et BvR 2464/07, arrêt du Premier Sénat de la cour constitutionnelle du 21 juillet 2010.

8335

France En principe, le père et la mère continuent d'exercer ensemble l'autorité parentale après le divorce. Le juge peut toutefois attribuer l'autorité parentale exclusivement à la mère ou au père. L'autre parent conserve le droit de visite et le droit d'être informé des décisions importantes concernant l'enfant.

De manière générale, l'autorité parentale conjointe s'applique aussi aux parents qui ne sont pas mariés ensemble, que ceux-ci vivent ensemble ou non. En revanche, il n'y a pas d'autorité parentale conjointe lorsque la filiation maternelle est établie, mais que le père refuse de reconnaître l'enfant dans la première année de sa naissance, ou que le tribunal, bien qu'ayant établi la filiation paternelle, refuse d'attribuer au père l'autorité parentale. Dans ce cas, la mère détient seule l'autorité parentale.

Les deux parents peuvent toutefois requérir auprès du Tribunal de grande instance l'attribution de l'autorité parentale conjointe. Cette dernière peut également être accordée par un tribunal de la famille.

Italie En cas de divorce, les deux parents conservent l'autorité parentale. Cette dernière est exercée conjointement, que les parents soient mariés, séparés ou divorcés (révision du 8.2.2006, no 54). L'autorité parentale n'est exercée par un seul parent que dans des cas exceptionnels.

Les parents qui ne sont pas mariés ensemble ont le droit d'exercer l'autorité parentale conjointe, à condition d'avoir tous deux reconnu l'enfant, et pour autant qu'ils vivent sous le même toit. Dans le cas contraire, l'autorité parentale revient au parent chez qui l'enfant habite ou, si celui-ci ne vit chez aucun de ses parents, au parent qui a le premier reconnu l'enfant.

Angleterre et Pays de Galles Les parents qui divorcent continuent d'exercer ensemble l'autorité parentale. Ils règlent de manière indépendante les modalités concernant la garde de l'enfant et ses relations avec son père et sa mère. Les décisions courantes concernant l'enfant sont prises par le parent chez qui ce dernier habite, tandis que les décisions importantes sont prises de concert par le père et la mère. Le juge ne statue sur l'attribution de l'autorité parentale ou sur des questions particulières touchant à l'éducation de l'enfant que si les parents ne parviennent pas à s'entendre ou que leur décision est susceptible de
nuire au bien de l'enfant.

L'autorité parentale conjointe peut être attribuée aux parents qui ne sont pas mariés ensemble, que ceux-ci vivent ou non sous le même toit, à condition qu'ils s'engagent par écrit à l'exercer ensemble. Le document, signé en présence d'un juge ou d'un greffier, est légalisé, puis remis au greffe principal de la Haute Cour de Londres, qui peut le rendre public. Le père peut également demander à un juge l'attribution de l'autorité parentale. Ce dernier accédera à sa demande, pour autant qu'il n'y ait pas de justes motifs laissant craindre que l'autorité parentale conjointe puisse nuire au bien de l'enfant.

Danemark En cas de divorce, les parents peuvent convenir de la poursuite de l'autorité parentale conjointe. La convention peut être conclue au moyen du formulaire proposé par l'autorité responsable, mais elle n'a pas besoin d'être enregistrée auprès de cette 8336

dernière pour avoir force obligatoire. L'autorité est cependant habilitée à en modifier les dispositions si la situation évolue de façon significative.

Une nouvelle loi entrée en vigueur le 1er octobre 2007 vise à encourager les parents à coopérer dans l'intérêt et pour le bien de l'enfant. L'autorité parentale conjointe implique que les parents s'entendent sur toutes les questions importantes concernant l'enfant, y compris sur le choix du domicile. En cas de désaccord dans un autre domaine, l'autorité compétente convie les parents à un entretien et statue en dernier ressort.

Si les parents ne sont pas mariés ensemble, la mère exerce seule l'autorité parentale dans un certain nombre de cas: lorsque les deux parents ont opté ensemble pour cette solution; sur décision de l'autorité responsable ou du tribunal; lorsque le père n'a pas reconnu l'enfant; lorsque le père n'habite plus depuis au moins dix mois avec l'enfant et la mère. Dans tous les autres cas, l'autorité parentale est en principe attribuée aux deux parents.

Le déménagement d'un parent sur le territoire national ou à l'étranger, que celui-ci soit ou non détenteur de l'autorité parentale, doit être annoncé à l'autre parent au plus tard six semaines à l'avance, pour que la question de l'autorité parentale puisse être réexaminée afin de trouver la meilleure solution possible pour l'enfant.

L'enfant qui ne vit que chez l'un de ses parents a toujours le droit d'entretenir des relations avec le parent qui n'assure pas la prise en charge. Le parent qui ne détient pas l'autorité parentale a le droit d'être informé des événements de la vie de l'enfant et de participer à la vie sociale de ce dernier.

1.6.2

Rapport avec le droit international

1.6.2.1

Conseil de l'Europe

L'autorité parentale conjointe s'impose de plus en plus dans les législations et dans la jurisprudence des Etats signataires de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Les arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l'homme le 3 décembre 2009 dans le cas Zaunegger contre Allemagne et le 3 février 2011 dans le cas Sporer contre Autriche devraient avoir pour conséquence que toute discrimination d'un parent lors de l'attribution de l'autorité parentale constituerait une violation de l'art. 14 CEDH (interdiction de discrimination) en liaison avec l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale)28. Ces arrêts visaient les législations allemande et autrichienne qui, comme celle de la Suisse, subordonnent au consentement de la mère l'attribution de l'autorité parentale conjointe à des parents non mariés ensemble.

Dans ces deux arrêts, la Cour européenne des droits de l'homme constate que l'art. 14 CEDH en liaison avec l'art. 8 CEDH n'interdit pas à un pays signataire d'attribuer l'autorité parentale à la seule mère dans un premier temps. Ce faisant, il faut toutefois garantir la possibilité pour le père d'obtenir lui aussi l'autorité parentale, d'une manière qui ne le discrimine en aucune façon par rapport à la mère. Le 28

Pour des informations détaillées sur cet arrêt et ses conséquences pour la Suisse, voir: Philippe Meier, L'autorité parentale conjointe; L'arrêt de la CourEDH Zaunegger c.

Allemagne ­ quels effets sur le droit suisse? Revue de la protection des mineurs et des adultes 2010, p. 246 ss.

8337

projet prend en compte cette exigence, puisque le père peut intenter une action contre la mère si celle-ci s'oppose au partage de l'autorité parentale.

1.6.2.2

Droit de l'Union européenne

Le droit de l'Union européenne (UE) n'aborde pas la question de l'autorité parentale conjointe. Est compétent en la matière le pays membre dans lequel vit l'enfant.

L'UE entend cependant créer un espace de sécurité juridique en amenant les pays membres à reconnaître les décisions prises sur son territoire en matière d'autorité parentale. A cet effet, le règlement (CE) no 2201/200329 détermine l'Etat membre à qui revient la compétence de statuer sur les questions relatives au divorce et à l'attribution de l'autorité parentale. Il définit en outre la manière dont une décision d'attribution de l'autorité parentale est reconnue et exécutée dans un autre Etat membre.

A noter que le droit de l'enfant d'être entendu figure dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne30. Ainsi, l'opinion des enfants doit être prise en compte pour tous les sujets les concernant, en fonction de leur âge et de leur maturité.

1.6.2.3

ONU

La convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant31, entrée en vigueur en Suisse le 26 mars 1997, oblige les Etats parties à respecter le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un deux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec eux, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 9, al. 3). L'enfant capable de discernement a par ailleurs le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, et à ce qu'on prenne en considération ses opinions, compte tenu de son âge et de son degré de maturité (art. 12). Le projet remplit les exigences de cette convention.

2

Commentaire

2.1

Code civil

Art. 133 et 134 Le divorce n'a en principe plus d'incidence sur l'exercice de l'autorité parentale. Le projet tient compte de ce changement, sous l'angle de la systématique, en réunissant sous le Titre huitième du code civil, consacré aux effets de la filiation, les dispositions relatives à l'autorité parentale. Au demeurant, les art. 133 et 134 P-CC tiennent 29

30 31

Règlement (CE) du conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000, JO no L 338 du 23.12.2003, p. 1.

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (2010/C 83/02), JO no C 83 du 30 mars 2010, p. 389.

RS 0.107

8338

compte, dans leur nouvelle formulation, du fait qu'il appartient désormais à l'autorité de protection de l'enfant, et non plus au juge, de statuer sur l'attribution de l'autorité parentale, une fois le jugement de divorce rendu. Sera donc compétente pour modifier l'attribution de l'autorité parentale l'autorité qui est actuellement habilitée à statuer sur une question connexe, à savoir la modification des relations personnelles (art. 134, al. 4, CC). La compétence du juge de statuer en cas de litige concernant la contribution d'entretien est maintenue. Le transfert de cette compétence à l'autorité de protection de l'enfant serait impossible sans une révision importante du code de procédure civile, qui n'est en vigueur que depuis le 1er janvier 2011.

Le terme «garde» mentionné à l'art. 133, al. 1, P-CC se réfère à la prise en charge effective de l'enfant. Le nouvel art. 301, al. 1bis, définit les droits du parent qui assure cette prise en charge. L'utilisation du terme «garde» permet entre autres un rattachement à l'art. 25, al. 1, CC, qui définit le domicile légal comme celui du parent ayant le droit de garde, lorsque le domicile ne ressort pas clairement de l'attribution de l'autorité parentale.

Art. 179, al. 1, et 275, al. 2 Les modifications apportées aux art. 179, al. 1, et 275, al. 2 P-CC sont d'ordre rédactionnel ou relèvent de la systématique. Elles sont rendues nécessaires par le fait que c'est désormais à l'autorité de protection de l'enfant qu'il reviendra de statuer sur une modification de l'autorité parentale, sauf si cette modification s'inscrit dans le cadre d'une procédure matrimoniale ou du règlement d'un litige concernant la contribution d'entretien.

Art. 270a Le 30 septembre 2011, le Parlement a voté le nouveau droit du nom32, qui réalise l'égalité de traitement entre les parents conjoints au moment de choisir le nom de l'enfant. A l'inverse, l'égalité de traitement n'est pas garantie pour les parents non mariés, mais dépend de l'attribution de l'autorité parentale. Le présent projet veut corriger cette inégalité. Tel qu'il est formulé, le nouvel art. 270a P-CC vise à donner aux parents célibataires exerçant l'autorité parentale conjointe les mêmes possibilités qu'aux parents mariés de choisir le nom de leur enfant, en lui donnant soit celui du père, soit celui de la mère. S'ils
n'arrivent pas à s'entendre, il reviendra à l'autorité de protection de l'enfant de statuer sur ce point, en tenant compte avant tout du bien de l'enfant.

Art. 296 L'al. 1 établit que l'autorité parentale doit servir avant tout le bien de l'enfant (voir ch. 1.5.1). L'al. 2 consacre le principe de l'autorité parentale exercée conjointement par le père et par la mère, indépendamment de leur état civil. Il reflète la conviction du législateur que le partage de l'autorité parentale est la solution qui défend le mieux l'intérêt de l'enfant, même lorsque les parents sont célibataires ou divorcés.

On n'y dérogera que dans des cas exceptionnels, lorsqu'il apparaîtra qu'une solution différente est plus favorable à l'enfant. Le parent qui ne veut pas de l'autorité paren-

32

FF 2011 6811 (texte sujet au référendum).

8339

tale conjointe devra démontrer le bien-fondé de sa position. Si rien ne s'y oppose, l'autorité parentale sera attribuée aux deux parents.

Le contenu de l'al. 3 correspond au droit en vigueur (art. 296, al. 2, CC), selon lequel seule une personne majeure peut exercer l'autorité parentale. Sur le plan rédactionnel, la formulation proposée correspond à celle approuvée par le Parlement dans le cadre du nouveau droit en matière de protection de l'adulte33. C'est ainsi qu'en allemand, le terme «mündig» est remplacé par celui de «volljährig», et que celui de «Vormundschaft» est remplacé par le terme «umfassende Beistandschaft».

L'art. 327a CC (tel qu'il figure dans le nouveau droit en matière de protection de l'adulte) dispose que l'autorité de protection de l'enfant nomme un tuteur lorsqu'aucun des parents de l'enfant n'exerce l'autorité parentale, parce qu'ils sont encore tous deux mineurs. Il n'est pas nécessaire de répéter ce principe, qui figure déjà à l'art. 298, al. 2, CC.

Art. 297 L'art. 297 P-CC règle les incidences du décès de l'un des parents sur l'autorité parentale. Selon l'al. 1, si les deux parents l'ont auparavant exercée conjointement, l'autorité parentale appartient alors de plein droit au survivant, sans que ni le juge, ni l'autorité de protection de l'enfant n'aient à intervenir. Cette règle, qui semble aller de soi, est conforme au droit en vigueur.

L'al. 2 prévoit, en cas de décès du parent qui exerçait seul l'autorité parentale, que l'autorité de protection de l'enfant attribue l'autorité parentale à l'autre parent ou qu'elle lui nomme un tuteur. L'option retenue dépendra de l'intérêt de l'enfant.

Cette solution permet à l'autorité de protection de l'enfant de prendre en compte les motifs qui avaient conduit à refuser l'autorité parentale conjointe.

Au demeurant l'art. 313 CC régit la modification du régime de l'autorité parentale.

Selon cet article, l'autorité de protection de l'enfant adapte à la nouvelle situation les mesures prises pour protéger l'enfant. Cette disposition est également applicable lorsque les mesures en question, par exemple le retrait de l'autorité parentale, ont été ordonnées dans le cadre d'une procédure de divorce ou d'une procédure de protection de l'union conjugale.

Art. 298 Au terme d'une procédure de divorce, l'autorité parentale reviendra en
principe aux deux parents divorcés. Le juge devra toutefois s'assurer que les conditions à l'exercice de l'autorité parentale conjointe sont toujours remplies. Ce n'est plus le cas si, au sens de l'al. 1, la sauvegarde des intérêts de l'enfant commande que l'autorité parentale soit retirée à l'un des parents. La même règle s'appliquera en cas de séparation de corps (art. 117 s. CC). Le principe sur lequel le juge s'appuiera pour déterminer si un retrait de l'autorité parentale conjointe se justifie est identique à celui défini à l'art. 298b, al. 2, P-CC.

A l'instar de l'autorité de protection de l'enfant34, le juge doit lui aussi se conformer aux maximes de la subsidiarité, de la complémentarité et de la proportionnalité.

C'est pourquoi l'al. 2 l'habilite à statuer uniquement sur le lieu de séjour et la prise 33 34

RO 2011 725 Voir ATF 136 III 353, consid. 3.3.

8340

en charge de l'enfant, sans que l'autorité parentale ne soit remise en question, lorsqu'il apparaît que les parents ne parviendront pas à surmonter leurs divergences sur ces points.

Le règlement des questions concernant l'enfant continue d'échapper à la maxime de disposition, tandis que l'établissement d'office des faits est maintenu (art. 277, al. 3, CPC). Cela signifie que le juge peut fixer pour l'autorité parentale des règles différentes de celles demandées conjointement par les deux parents. Selon l'al. 3, le juge qui a acquis la conviction qu'aucun des parents n'est en mesure d'exercer l'autorité parentale invite l'autorité de protection de l'enfant à nommer un tuteur pour l'enfant.

Le projet de révision de l'autorité parentale conjointe ne change à rien à l'art. 111 CC, relatif au divorce sur requête commune. Les époux devront toujours produire une convention complète sur les effets de leur divorce incluant les dispositions prises en commun relatives aux enfants.

Art. 298a L'art. 298a P-CC définit les règles instaurant l'autorité parentale conjointe lorsque la filiation paternelle est établie par reconnaissance (art. 260 CC). Les parents n'auront qu'à présenter une déclaration commune pour obtenir l'autorité parentale conjointe (al. 1).

L'al. 2 précise le contenu de cette déclaration. Les parents non mariés doivent y confirmer qu'ils sont disposés à assumer ensemble la responsabilité de leur enfant et qu'ils se sont entendus sur le mode de prise en charge de celui-ci, sur ses relations personnelles et sur la contribution d'entretien. Ils n'ont pas à détailler les solutions qu'ils ont choisies. En d'autres termes, alors que l'actuelle convention (art. 298a, al. 1 CC) exige des parents qu'ils déterminent leur participation à la prise en charge de l'enfant et la répartition des frais d'entretien de celui-ci, la nouvelle convention ne leur impose aucune obligation en ce qui concerne le mode de prise en charge de l'enfant, ses relations personnelles et la contribution d'entretien. C'est là le résultat d'un choix délibéré. La disposition actuelle trahit la méfiance dont le législateur a jusqu'ici fait preuve vis-à-vis des parents non mariés. Une telle perception apparaît aujourd'hui dépassée: les parents non mariés ne sont pas forcément de plus mauvais parents. Si l'on voulait continuer de
leur imposer un engagement ferme, il faudrait faire de même avec les couples mariés. C'est aussi pour cette raison que le Conseil fédéral a indiqué, dans sa réponse à la motion 10.3219 Roth-Bernasconi «Pour une responsabilité parentale conjointe», qu'il ne considérait pas que cette convention constituait une moyen efficace de prévenir ou de résoudre un conflit.

L'al. 3 n'en permettra pas moins aux parents désireux d'exercer ensemble l'autorité parentale de remettre cette déclaration à l'officier de l'état civil s'ils la déposent en même temps que la reconnaissance de l'enfant. Une telle déclaration sera donc possible avant même la naissance de celui-ci. S'ils la déposent plus tard, indépendamment de la reconnaissance de l'enfant, ils devront l'adresser à l'autorité de protection de l'enfant du lieu de domicile de l'enfant. La solution proposée permettra aux parents de remettre dans le cadre d'une même procédure la déclaration attestant leur volonté d'exercer l'autorité parentale conjointe et la reconnaissance de l'enfant. Il n'en résultera aucun travail supplémentaire pour l'office de l'état civil concerné, qui n'aura pas à vérifier la déclaration commune relative à l'autorité parentale. La procédure concrète sera réglée dans l'ordonnance sur l'état civil. Pour pouvoir être utilisée comme moyen de preuve, la déclaration relative à l'autorité 8341

parentale conjointe devra être rédigée sur un formulaire signé par les deux parents.

Les autorités de l'état civil ne la demanderont qui si elles doivent par ailleurs enregistrer la reconnaissance de l'enfant.

L'al. 4 rappelle que l'autorité parentale reviendra à la seule mère jusqu'au moment où les deux parents décideront de l'assumer conjointement. Du point de vue légal, la mère est détentrice de l'autorité parentale dès la naissance de l'enfant. Ce principe est repris tel quel dans le projet. Il s'agit d'éviter que ce dernier, qui vise uniquement à renforcer l'autorité parentale conjointe, ne vienne remettre en cause les dispositions qui régissent l'établissement de la filiation.

Art. 298b L'art. 298b P-CC s'applique lorsqu'un parent s'oppose à l'exercice conjoint de l'autorité parentale, parce qu'il considère que l'autre parent n'en est pas capable, ou parce qu'aucune entente n'a été trouvée sur les modalités concrètes de l'autorité parentale conjointe. Dans ce cas, l'al. 1 permet à l'autre parent de s'adresser à l'autorité de protection de l'enfant. L'al. 2 habilite cette dernière à instituer l'autorité parentale conjointe, pour autant que la sauvegarde des intérêts de l'enfant n'exige pas que la mère reste l'unique détentrice de cette autorité, ou que celle-ci soit attribuée au seul père.

On a volontairement opté ici pour le terme «intérêts», plutôt que pour celui de «protection» de l'enfant, ce dernier étant déjà utilisé dans le titre marginal de l'art. 307 CC, où il désigne une situation dans laquelle l'autorité de protection de l'enfant est tenue d'intervenir d'office. Il s'agit d'éviter qu'un conflit entre les parents n'amène l'autorité à considérer trop rapidement une telle intervention comme nécessaire.

Indépendamment de la terminologie utilisée, un parent ne peut se voir refuser l'autorité parentale (conjointe) que si l'autorité de protection de l'enfant aurait par ailleurs un motif de la lui retirer sitôt après la lui avoir accordée. Les critères sur lesquels l'autorité de protection de l'enfant doit fonder sa décision correspondront à ceux définis à l'art. 311 CC35. Selon ces critères, le retrait de l'autorité parentale peut être motivé par l'inexpérience, la maladie, l'infirmité ou l'absence du parent (ch. 1). Il peut aussi être commandé par le fait que les parents ne se sont
pas souciés sérieusement de l'enfant (ch. 2).

Au cours de la consultation, de nombreuses voix se sont élevées pour demander que la violence domestique soit explicitement ajoutée à la liste des motifs justifiant le retrait de l'autorité parentale conjointe (voir le ch. 1.4.4.1). Le Conseil fédéral comprend cette préoccupation36. La violence domestique remet en question non seulement l'autorité parentale conjointe, mais aussi la capacité de chacun des parents d'exercer l'autorité parentale. C'est pourquoi elle est ajoutée à l'art. 311, al. 1, ch. 1,

35

36

L'arrêt 5A_638/2010 du 10 novembre 2010 du Tribunal fédéral, qui ne figure pas dans le recueil officiel, repose encore sur le système actuel. Selon cet arrêt, si un parent n'a pas le droit de renoncer purement et simplement à l'autorité parentale conjointe, il n'est pas non plus tenu d'apporter la preuve que les conditions d'un retrait de l'autorité parentale au sens de l'art. 311 CC sont réunies (consid. 2.1). Cette décision reflète le droit en vigueur, qui n'applique pas systématiquement l'autorité parentale conjointe aux parents célibataires, mais qui la fait dépendre de la volonté de coopération des parents.

Voir la réponse du Conseil fédéral à l'interpellation Stump (10.3300) «Protection des enfants contre les violences domestiques».

8342

CC parmi les raisons justifiant de retirer l'autorité parentale à l'un des parents ou aux deux.

L'al. 3 habilite l'autorité de protection de l'enfant à régler, en même temps que l'autorité parentale, les autres questions qui opposent les parents dans les domaines de la prise en charge de l'enfant et de ses relations personnelles. L'autorité de protection de l'enfant ne peut pas statuer de manière contraignante sur la question de l'entretien. Ce domaine reste donc de la compétence du juge.

L'al. 4 règle le cas où la mère n'a pas l'autorité parentale, parce qu'elle est encore mineure par exemple. La possibilité d'obtenir l'autorité parentale conjointe sur la base d'une déclaration commune ne s'applique pas ici (art. 298a P-CC). L'autorité de protection de l'enfant est tenue d'intervenir d'office pour attribuer l'autorité parentale au père, si ce dernier remplit les conditions pour l'exercer. Est réservé le cas où un tuteur doit être nommé, si la sauvegarde des intérêts de l'enfant le commande. La décision doit prendre ici en compte les intérêts de la mère. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que le père qui exerce seul l'autorité parentale ne prenne des décisions qui puissent nuire à l'exercice de cette autorité par la mère, dans le cas où celle-ci serait proche de la majorité.

Art. 298c L'art. 298c P-CC porte sur l'action en paternité (après que celle-ci a abouti)37. Dans ce cas, c'est le juge qui attribue l'autorité parentale. Les critères justifiant un refus de l'autorité parentale conjointe sont les mêmes que ceux appliqués par l'autorité de protection de l'enfant chargée de statuer en vertu de l'art. 298b, al. 2, P-CC.

Art. 301, al. 1bis L'exercice de l'autorité parentale conjointe signifie que les parents prennent en principe ensemble toutes les décisions concernant l'enfant, sans qu'aucun d'eux n'ait de voix prépondérante ou ne soit privilégié pour une quelconque raison. Il n'y a pas d'intervention du juge ou de l'autorité de protection de l'enfant en cas de désaccord entre les parents, sauf si le conflit menace le développement de l'enfant (art. 307 ss CC).

Lors de la consultation, de nombreuses réserves ont été émises pour le cas où les parents vivraient séparément et que seul l'un d'eux s'occuperait effectivement de l'enfant et de son éducation. Ces réserves sont motivées par la
crainte que l'autorité parentale conjointe ne soit utilisée à des fins d'obstruction. C'est ce que veut empêcher le nouvel al. 1bis. Selon le ch. 1 de cet alinéa, le parent qui s'occupe de l'enfant peut prendre seul les décisions courantes ou urgentes. Le projet renonce volontairement à une plus grande différenciation, telle que la souhaiteraient certains spécialis-

37

Les actions en paternité sont aujourd'hui complètement marginalisées par les reconnaissances: des 13 314 filiations paternelles d'enfants nés hors mariage établies en 2008, seulement 194 (1,46 %) l'ont été par un jugement de paternité (source des données: Office fédéral de la statistique, 2008)

8343

tes de la doctrine38. Il reviendra donc au juge de déterminer quels sont les domaines couverts par les décisions courantes, comme il le fait déjà pour les compétences des parents nourriciers (art. 300 CC). Celles-ci concerneront probablement toutes les questions liées à l'alimentation, à l'habillement et aux loisirs. En seront en revanche exclues les décisions qui concernent un changement de domicile (surtout en cas de déménagement à l'étranger), d'école ou de religion, qui devront être prises par les deux parents, si l'on veut éviter que l'autorité parentale conjointe ne soit vidée de son contenu et de son sens39. Une disposition ad hoc règle le changement du lieu de résidence (art. 301a P-CC).

On déterminera les activités courantes ou les événements nécessitant des décisions urgentes sur la base de critères objectifs, sans tenir compte de ce qu'un parent considère subjectivement comme important. A titre d'exemple, un parent végétarien devra accepter que son enfant mange de la viande lorsqu'il est chez l'autre parent.

Est réservé le cas de l'abus d'un droit (art. 2, al. 2, CC).

Le ch. 2 autorise également un parent à prendre seul d'autres décisions si l'autre parent ne peut être atteint moyennant un effort raisonnable. C'est par exemple le cas lorsque celui-ci est parti en voyage sans laisser d'adresse ou de numéro de téléphone où le joindre.

La situation décrite à l'al. 1bis concerne uniquement la relation entre les parents. Les relations à l'égard de tiers sont toujours régies par l'art. 304 CC, qui reste inchangé.

Selon ce dernier, les père et mère sont, dans les limites de leur autorité parentale, les représentants légaux de leurs enfants à l'égard des tiers. Lorsqu'ils sont tous deux détenteurs de l'autorité parentale, les tiers de bonne foi peuvent présumer que chaque parent agit avec le consentement de l'autre.

Art. 301a Le nouvel art. 301a précise le lien entre l'autorité parentale et le droit de déterminer le lieu de résidence. Le projet de révision considère ce droit comme une composante à part entière de l'autorité parentale. Les parents qui l'exercent conjointement doivent décider ensemble chez lequel d'entre eux l'enfant va habiter (al. 1). Les exceptions sont réglées aux art. 298, al. 2, et 298b, al. 3, P-CC. Contrairement à la situation actuelle40, le juge des divorces ne pourra plus attribuer l'autorité parentale conjointe tout en réservant à un seul des parents le droit de décider du lieu de résidence de l'enfant.

38

39

40

Dans sa thèse, L. Cantieni (voir ch. 1.4.1.2) prône un système qui aille plus loin dans la différenciation des décisions, avec des décisions pouvant être prises par un seul des parents, tandis que d'autres affaires d'une certaine importance nécessiteraient une décision conjointe des deux parents. Dans ce dernier cas, le parent qui s'occupe principalement de l'enfant pourrait prendre la décision seul, mais l'autre parent pourrait s'adresser au juge en cas de désaccord. Ce schéma s'appliquerait à six domaines de décision: choix de l'école et de la profession de l'enfant, changement de domicile (sur le territoire suisse), hébergement par des tiers, participation à des activités sportives dangereuses, adhésion à une communauté religieuse ou sortie d'une telle communauté, décisions d'une portée juridique importante pour l'enfant (p. 280 ss).

L'ATF 136 III 353, consid. 3.2, définissait déjà comme suit les domaines concernés (traduction de l'allemand): «Les décisions de fonds portent pas exemple sur le choix du prénom (art. 301, al. 4, CC), sur la formation générale et professionnelle (art. 302 CC), sur l'éducation religieuse (art. 303 CC), sur toute intervention médicale ou événement déterminant dans la vie de l'enfant, comme la pratique d'un sport de compétition».

Cf. ATF 136 III 353, consid. 3.2.

8344

L'al. 2 règle la façon de procéder lorsqu'un parent veut déménager, seul ou avec l'enfant. Cette décision doit en principe être prise par les deux parents. Est réservé le cas où un changement du lieu de résidence n'a pas de conséquence significative pour l'exercice de l'autorité parentale par l'autre parent (p. ex. lorsque la distance séparant les deux domiciles ne s'en trouve pas sensiblement modifiée).

A l'al. 2, on a voulu éviter que l'un des parents puisse changer son lieu de résidence sans le consentement de l'autre, sauf si le changement de domicile n'a pas de conséquence significative pour l'exercice de l'autorité parentale par l'autre parent. Cette disposition vise à éviter que l'un des parents puisse mettre l'autre parent et l'enfant devant un fait accompli.

Si les parents ne parviennent pas à s'entendre sur leur lieu de domicile et celui de l'enfant, il reviendra au juge ou à l'autorité de protection de l'enfant de statuer. La décision sera prise avant tout dans l'intérêt de l'enfant. Si cet intérêt est préservé, l'autorisation de déménager pourra être accordée, si nécessaire après révision des modalités régissant la prise en charge et les relations personnelles de l'enfant41.

L'autorité pourra également interdire le déménagement, ou exiger que l'enfant soit placé chez l'autre parent ou hors de la famille, non sans avoir entendu l'enfant auparavant (voir ch. 1.5.3).

Le déménagement d'un parent à l'étranger fait l'objet d'une règle spéciale: à la différence d'un déménagement en Suisse, un départ n'est possible qu'avec le consentement de l'autre parent même s'il n'en résulte pas de conséquence significative pour l'exercice de l'autorité parentale. Entre ici en compte le fait qu'un déménagement à l'étranger s'accompagne souvent d'un déplacement de la juridiction à l'étranger. Toute décision prise en Suisse à propos de l'autorité parentale devient dès lors plus difficile à faire appliquer.

Si un parent déplace de son propre chef le domicile de son enfant dans un pays étranger signataire de la convention de La Haye sur l'enlèvement international d'enfants42 ou de la convention européenne sur la garde des enfants43, l'autre parent peut déposer une demande de retour de l'enfant victime d'un enlèvement international44. L'art. 220 CP s'applique au demeurant (voir ch. 1.5.5.1).

41

42 43

44

Voir aussi l'ATF 136 III 353, consid. 3.3 (traduction de l'allemand): «... il n'est pas admissible que le parent qui assume l'entier de la charge d'éducation se voie imposer une obligation de fait de demeurer à proximité du parent qui ne détient qu'un droit de visite, ce qui pourrait le cas échéant signifier pour lui une interdiction de déménager sur le territoire suisse (dans cet ordre d'idées voir aussi ATF 101 II 200). On tiendra compte de l'éloignement en adaptant de préférence les règles régissant les relations personnelles, par exemple en réduisant le nombre de week-ends mais en en allongeant la durée (si c'est possible, notamment pour les enfants scolarisés) ou en allongeant le séjour pendant les vacances, pour remplacer le droit de visite fixé par jours (cf. ATF 95 II 385, consid. 3, p. 388)».

Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (RS 0.211.230.02).

Convention européenne du 20 mai 2010 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (RS 0.211.230.01).

Voir sous http://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen.html ­ Enlèvement international d'enfants

8345

Art. 309 Les raisons qui justifient l'abrogation de l'art. 309 CC sont exposées au ch. 1.5.4.

Lorsqu'une mère non mariée met un enfant au monde, un curateur ne doit être nommé à l'enfant que si la protection de ce dernier l'exige. Les dispositions relatives à la protection de l'enfant (art. 307 ss CC) suffisent déjà à fonder une telle mesure.

L'art. 309 CC n'a donc plus de raison d'être.

L'abrogation de l'art. 309 CC n'affecte en rien le droit de l'enfant de connaître son ascendance, tel que le garantissent la constitution (art. 119, al. 2, let. g, Cst.) et le droit international public (art. 8 CEDH45). A lui seul, ce droit ne suffit toutefois pas à justifier la nomination d'un curateur à l'enfant dont la mère n'est pas mariée, d'autant moins que les tests ADN permettent aujourd'hui de déterminer à tout moment de manière fiable la filiation paternelle.

L'abrogation de l'art. 309 CC ne change en outre rien au régime applicable à la mère non mariée qui n'a pas atteint la majorité. Celle-ci n'a pas le droit d'exercer l'autorité parentale (art. 296, al. 3, P-CC), et il appartient à l'autorité de protection de l'enfant de décider si l'autorité parentale doit être attribuée au père ou s'il faut nommer un curateur à l'enfant (art. 298b, al. 4, P-CC). Pour que l'autorité de protection de l'enfant puisse remplir cette tâche, il faut que l'office de l'état civil lui annonce les cas d'enfants qui naissent de mères encore mineures. Aucune annonce n'est requise dans les autres cas46. Ainsi, il n'y a pas d'obligation d'annoncer l'absence (temporaire) d'accord entre les parents concernant l'exercice de l'autorité parentale conjointe. Ces derniers sont libres de requérir l'intervention de l'autorité de protection (art. 298b, al. 1, P-CC).

Art. 311, al. 1, ch. 1 Il ne fait pas de doute que la violence, et plus particulièrement la violence domestique, remet en question la capacité des parents à exercer l'autorité parentale. C'est la raison pour laquelle on a ajouté la violence aux motifs mentionnés dans la loi qui habilitent, ou plutôt obligent dans ce cas, l'autorité de protection de l'enfant à retirer l'autorité parentale au parent violent. Peu importe que l'enfant soit lui-même victime de cette violence ou qu'il ne subisse qu'indirectement les violences que l'un des parents fait subir à l'autre.

Art. 12,
al. 4 et 5, Titre final L'autorité parentale faisant partie des effets de la filiation, elle est à présent soumise à un nouveau chapitre du droit (art. 12, al. 1, titre final, CC). L'al. 4 précise ce que cela signifie pour les enfants dont un seul des parents exercera l'autorité parentale au moment de l'entrée en vigueur de la présente révision. Selon cet alinéa, les parents ou l'un d'entre eux auront la possibilité de s'adresser à l'autorité de protection de l'enfant du lieu de domicile de l'enfant pour que celle-ci statue sur l'autorité parentale conjointe. On a volontairement évité de restreindre ce droit de s'adresser à l'autorité de protection de l'enfant au seul parent privé du droit d'exercer l'autorité parentale parce qu'il en a été déchu au moment du divorce, en l'accordant aussi au 45 46

Arrêt Jäggi contre Suisse de la Cour européenne des droits de l'homme du 13 juillet 2006.

Actuellement, l'art. 50, al. 1, let a, de l'ordonnance du 28 avril 2004 sur l'état civil (RS 211.112.2).dispose que toutes les naissances d'enfants dont les parents ne sont pas mariés ensemble doivent être communiquées à l'autorité tutélaire.

8346

parent qui ne l'a jamais obtenue (père non marié avec la mère). L'autorité de protection de l'enfant statue comme elle le ferait pour les parents ayant divorcé ou pour les enfants nés après l'entrée en vigueur du nouveau droit. Elle prend donc sa décision en appliquant par analogie les art. 298a et 298b47. La mention «par analogie» se justifie par la nécessité de tenir compte de tous les changements qui ont pu survenir depuis le divorce ou la naissance; c'est là une chose indispensable si l'on veut que cette disposition, qui est axée sur le bien de l'enfant, déploie pleinement ses effets.

L'al. 5 fixe une limite à la rétroactivité en cas de divorce. Les parents ayant divorcé plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur du nouveau droit ne pourront donc pas demander la révision des modalités d'attribution de l'autorité parentale. Cette limite vise à éviter que des décisions ayant démontré leur bien-fondé ne soient remises en question. Elle vise aussi à préserver la confiance des parents dans la valeur des jugements rendus jusque-là par les tribunaux du divorce.

2.2

Loi sur le Tribunal fédéral

Art. 100, al. 2, let. c En vertu de l'art. 100, al. 1, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)48, les recours contre les décisions de droit civil rendues en dernière instance cantonale doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète. Les recours contre des décisions touchant des domaines spéciaux du droit sont à déposer dans les dix jours (art. 100, al. 2, LTF).

Font partie de ces domaines spéciaux, selon l'art. 100, al. 2, let. c, LTF, «les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants»49. Cette disposition ne tient pas compte du fait que les décisions relatives au retour d'un enfant en cas d'enlèvement international peuvent aussi se fonder sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants50. Qu'ils soient décidés en vertu de l'une ou de l'autre disposition, les retours sont soumis à la même procédure.

Le législateur l'a d'ailleurs précisé à l'art. 302, al. 1, let. a, CPC. D'où la nécessité de compléter l'art. 100, al. 2, let c, LTF.

47

48 49 50

Dans son message du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil suisse (état civil, conclusion du mariage, divorce, droit de la filiation, dette alimentaire, asiles de famille, tutelle et courtage matrimonial), le Conseil fédéral considérait le nouveau droit comme une modification importante des circonstances, permettant de réviser la décision relative à l'attribution de l'autorité parentale (FF 1996 I 174).

RS 173.110 RS 0.211.230.02 RS 0.211.230.01

8347

2.3

Loi fédérale sur le droit international privé

Art. 63, al. 1 L'art. 63, al. 1, de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)51 porte sur la compétence des tribunaux suisses de se prononcer sur les effets accessoires d'une procédure de divorce. Les art. 62 et 64 LDIP, qui portent eux aussi sur le domaine du divorce, contiennent une réserve en faveur de l'art. 85 LDIP, qui règle entre autres l'attribution de l'autorité parentale par le juge. C'est également le cas de l'art. 63, mais seulement à l'al. 2, alors que l'al. 1 ne contient aucune réserve de ce genre.

La controverse règne dans la littérature spécialisée quant aux conclusions à tirer de cette situation. Les avis à ce sujet divergent même dans la jurisprudence du Tribunal fédéral. Dans un arrêt rendu en 199252, le Tribunal fédéral a ainsi postulé que la réserve émise en faveur de l'art. 85 LDIP s'appliquait dans tous les cas. Dans un arrêt ultérieur, qui n'a pas été repris dans le recueil officiel, le Tribunal fédéral a au contraire estimé que l'omission d'une telle réserve à l'art. 63, al. 1, devait être considérée comme intentionnelle. Pour mettre fin à cette incertitude, une clarification s'impose à l'art. 63, al. 1.

L'art. 85 LDIP contient depuis le 1er juillet 2009 un renvoi à la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH 96)53. La loi faisait jusque-là référence à la précédente version de la convention, à savoir la Convention du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs54. La Suisse avait à l'époque émis une réserve à l'égard de cette convention, réserve qu'elle retira en 199355, après qu'il fût décidé que le régime des compétences prévu dans la convention devait primer celui découlant de l'art. 63, al. 1, LDIP, entre autre parce que le juge du lieu de domicile de l'enfant est généralement mieux en mesure que le juge en charge du divorce de statuer sur l'autorité parentale56.

Compte tenu de ce qui précède, il faut compléter l'art. 63, al. 1, d'une réserve en faveur de l'art. 85, pour préciser que le régime des compétences prévu par la CLaH 96, qui met elle aussi l'accent sur le lieu de résidence habituel
de l'enfant, de même que les dispositions complémentaires de l'art. 85 LDIP priment le régime défini à l'art. 63, al. 1, LDIP.

Art. 85, al. 4 Les versions française et italienne des dispositions ayant suscité une certaine confusion, elles sont harmonisées avec la version allemande, dont la teneur est correcte.

Les modifications apportées à la version française sont un peu plus substantielles que celles subies par la version italienne.

51 52 53 54 55 56

RS 291 ATF 118 II 184 ss RS 0.211.231.011 RS 0.211.231.01 RO 1993 2434 FF 1992 II 1174

8348

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération et les cantons

A l'exception des coûts mentionnés au ch. 3.2 relatifs à l'adaptation des outils informatiques, le projet n'a pour la Confédération ni conséquences financières, ni conséquences en matière de personnel.

En ce qui concerne les cantons, la révision proposée entraîne d'une part un allégement, d'autre part une augmentation de la charge administrative pour les autorités.

La suppression de la convention entre les parents non mariés qui s'entendent sur l'autorité parentale constitue un allégement, puisque l'autorité de protection de l'enfant n'aura plus à vérifier que le contenu de la convention et l'autorité parentale conjointe soient compatibles avec le bien de l'enfant (art. 298a CC). L'abrogation de l'art. 309 CC contribuera aussi à alléger les tâches de cette autorité, puisqu'il n'y aura plus d'obligation de nommer un curateur aux enfants qui naissent de mères non mariées. A l'inverse, l'autorité de protection de l'enfant pourrait voir sa charge de travail s'accroître quelque peu du fait qu'elle devra à l'avenir vérifier que la sauvegarde des intérêts de l'enfant est assurée (art. 298b, al. 2, P-CC), alors qu'aujourd'hui, la mère non mariée avec le père de l'enfant peut opposer son veto à l'autorité parentale conjointe. Il n'est pas possible de quantifier l'impact qu'aura la révision sur le volume de travail des autorités.

3.2

Conséquences dans le domaine informatique

Les parents non mariés ensemble peuvent adresser la déclaration commune demandant l'autorité parentale conjointe à l'officier de l'état civil, s'ils la déposent en même temps que la reconnaissance de l'enfant (art. 298a, al. 2, P-CC). Cette possibilité rend nécessaire l'adaptation du registre informatique de l'état civil. Le coût (unique) d'une telle adaptation est estimé à 200 000 francs. Les frais courants seront financés pour l'essentiel par des émoluments.

3.3

Conséquences économiques

Le projet n'a en principe pas de conséquences économiques.

3.4

Nécessité de légiférer

La protection de l'enfant et l'égalité entre les sexes sont deux principes dont la mise en oeuvre est hautement prioritaire, sur le plan politique comme sur le plan juridique (art. 8 et 11 Cst.). Sans une révision de la législation, la Suisse s'exposerait à une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de l'art. 8 en liaison avec l'art. 14 CEDH (voir le ch. 1.6.2.1).

8349

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet figure dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201157.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

La révision proposée s'appuie sur l'art. 122 Cst., qui dispose que la législation en matière de droit civil relève de la compétence de la Confédération. Le contenu des nouvelles dispositions prend en compte l'art. 11 Cst., selon lequel les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement. Enfin, le présent projet contribue à la mise en oeuvre de l'art. 8 Cst., qui dispose que l'homme et la femme sont égaux en droit.

5.2

Délégation de compétences législatives

Le projet ne comporte aucune délégation de compétences législatives. La délégation relative à la tenue du registre de l'état civil est déjà fixée à l'art. 48 CC. Conformément à la tradition établie, il revient aux tribunaux de mettre en oeuvre le code civil en ce qui concerne les dispositions laissant un certain pouvoir d'appréciation ou qui reposent sur des notions juridiques indéterminées.

57

FF 2008 712

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