Evaluation de l'Administration fédérale des douanes: pilotage stratégique, gestion des tâches et gestion des ressources Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 12 octobre 2010

Madame la présidente de la Confédération, Mesdames et Messieurs les conseillers fédéraux, La Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de mener une évaluation de l'Administration fédérale des douanes (AFD) portant sur le pilotage stratégique, la gestion des tâches et la gestion des ressources. Il s'agissait notamment d'évaluer la pertinence des bases normatives et des éléments de pilotage ainsi que de décrire et d'évaluer la collaboration de l'AFD avec les cantons.

Se fondant sur le rapport du CPA et ayant entendu le chef du Département fédéral des finances (DFF) et le directeur général des douanes, la CdG-E a tiré certaines conclusions, qu'elle expose dans le présent rapport.

Veuillez agréer, Madame la présidente de la Confédération, Mesdames et Messieurs les conseillers fédéraux, l'assurance de notre haute considération.

12 octobre 2010

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Claude Janiak La secrétaire, Beatrice Meli Andres

2010-2750

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Table des matières Liste des abréviations

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1 Introduction

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2 Constatations et recommandations 2.1 Pilotage stratégique et opérationnel de l'AFD: amélioration du modèle de pilotage de l'AFD 2.2 Collaboration entre le Cgfr et les cantons: clarification des tâches et des compétences du Cgfr 2.3 Abrogation de la disposition prévoyant un effectif minimal du Cgfr 2.4 Collaboration entre le Cgfr et l'armée

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3 Considérations finales

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Annexe Evaluation de l'Administration fédérale des douanes: pilotage stratégique, gestion des tâches et gestion des ressources.

Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

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Liste des abréviations AFD CdG-E Cgfr CPA DFF LD LOGA LParl OD OD-DFF Org DFF PJF

Administration fédérale des douanes Commission de gestion du Conseil des Etats Corps des gardes-frontière Contrôle parlementaire de l'administration Département fédéral des finances Loi du 18 mars 2005 sur les douanes, RS 631.0 Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010 Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, RS 171.10 Ordonnance du 1er novembre 2006 sur les douanes, RS 631.01 Ordonnance du DFF du 4 avril 2007 sur les douanes, RS 631.011 Ordonnance du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances, RS 172.215.1 Police judiciaire fédérale

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Rapport Remarque liminaire: Le présent rapport se fonde essentiellement sur l'évaluation du CPA (cf. annexe).

Considérant ce rapport comme un complément à ladite évaluation, la CdG-E se contente d'y exposer ses principales conclusions et recommandations.

1

Introduction

Après que les médias et le monde politique se sont fait l'écho de problèmes au sein de l'Administration fédérale des douanes (AFD), en particulier au sein du Corps des gardes-frontière (Cgfr), la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a demandé au Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'effectuer une évaluation de l'AFD. Cette évaluation devait porter sur le pilotage stratégique et opérationnel de l'AFD ainsi que sur la collaboration ­ dont il a régulièrement été question l'année dernière ­ entre le Cgfr et les organes de sécurité cantonaux ainsi que l'armée.

Le 11 juin 2010, le CPA a présenté son rapport à la CdG-E. Il constate que l'AFD a su gérer, ces dernières années, aussi bien les changements considérables qui ont frappé son environnement que différentes restructurations internes et réductions de personnel, tout en évitant des frictions importantes. Néanmoins, le CPA a identifié trois problèmes majeurs en raison desquels l'AFD rencontre des difficultés à accomplir ses tâches de manière efficace et pertinente. Afin de mieux comprendre le contexte et l'importance des problèmes identifiés par le CPA et de dégager d'éventuelles solutions, la sous-commission compétente de la CdG-E1 a auditionné, le 20 août 2010, le directeur général des douanes, Rudolf Dietrich, ainsi que le chef du département concerné, le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz.

Le présent rapport expose les conclusions que la commission a tirées de l'évaluation du CPA et de l'audition du 20 août. Le 12 octobre 2010, la CdG-E a approuvé le rapport et en a autorisé la publication conjointement avec celle de l'évaluation du CPA.

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Constatations et recommandations

2.1

Pilotage stratégique et opérationnel de l'AFD: amélioration du modèle de pilotage de l'AFD

Dans son évaluation, le CPA a constaté que, globalement, les instruments de pilotage dont dispose l'AFD sont conçus de manière pertinente; toutefois, il a relevé certaines faiblesses dans leur mise en oeuvre, notamment l'absence de lien entre les tâches et les ressources. Lors de l'audition menée par la CdG-E, le directeur général 1

La sous-commission DFF/DFE de la CdG-E est composée des membres suivants: Helen Leumann-Würsch (présidente), Peter Briner, Konrad Graber, Paul Niederberger, Maximilian Reimann et Markus Stadler.

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des douanes a pris position sur ces critiques, expliquant pourquoi l'AFD ne souhaitait et ne souhaite toujours pas devenir un office GMEB, et pourquoi lui-même considère malgré tout le mandat de prestations comme un instrument de pilotage utile.

La CdG-E reconnaît que l'AFD et le département font usage de l'éventail d'instruments existant, notamment du mandat de prestations, à des fins de pilotage. Elle estime toutefois qu'il faut encore améliorer la pertinence du modèle de pilotage et, surtout, du mandat de prestations. Il est vrai que ce dernier contient toutes les tâches dont doit s'acquitter l'AFD et les convertit en produits2; toutefois, la commission se demande s'il n'y a pas une lacune dans la conversion des tâches en produits: l'AFD souligne que, sur le terrain, elle peut s'organiser non pas en fonction des tâches et des produits, mais uniquement en fonction des processus, et que c'est pour cette raison qu'il n'est ni possible ni judicieux de relier les tâches et les produits avec les ressources. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si les produits ne devraient pas être définis différemment ou avec davantage de pertinence: le fait que les prestations composant un produit sont liées entre elles et peuvent se voir attribuer des ressources constitue en effet une condition essentielle à un pilotage axé sur les résultats. Comme l'a expliqué le directeur général des douanes, si une personne contrôle tout ce qui a trait à une certaine marchandise lors du passage à la douane, il faut décrire ce processus dans un produit.

Recommandation 1

Examiner la définition des produits

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure les produits tels qu'ils sont définis actuellement sont pertinents et utiles à un pilotage axé sur les résultats. Pour que le mandat de prestations ne soit pas uniquement une liste de tâches à assumer au sens d'une obligation de rendre des comptes, mais qu'il puisse aussi être utilisé pour le pilotage, il y a lieu de relier les tâches/produits (processus) avec les ressources. Dans ce contexte, le Conseil fédéral examinera si et comment l'accomplissement des tâches axé sur les processus peut être pris en compte dans la définition des produits. Il indiquera notamment quelles améliorations pourraient être apportées aux instruments de pilotage afin d'atteindre cet objectif.

Actuellement, le DFF se penche sur le réexamen et l'évolution du système de gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire (GMEB). Le Conseil fédéral examine différentes options envisageables, qui vont du développement du modèle actuel à l'élaboration d'un nouveau modèle de gestion axé sur les résultats pour l'ensemble de l'administration fédérale (modèle de convergence3). La CdG-E estime qu'il est indispensable que des enseignements soient tirés des difficultés rencontrées par l'AFD dans la définition des produits en raison de la complexité et de la diversité 2

3

Le terme «produit» est fréquemment utilisé dans les modèles de gestion administrative axée sur les prestations. Par «produit», on entend essentiellement les prestations de l'administration qui sont définies dans le cadre de mandats de prestations de sorte que, idéalement, des ressources puissent leur être attribuées et que leurs résultats soient mesurables au moyen d'indicateurs dans le cadre de systèmes de rapports.

09.088 Gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire. Evaluation et suite de la procédure. Rapport d'évaluation GMEB 2009 du 4.11.2009 (FF 2009 7151).

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de ses tâches ­ difficultés que d'autres services de la Confédération pourraient aussi rencontrer ­, afin de mettre éventuellement en place un modèle de gestion à grande échelle. Il s'agit notamment de trouver des solutions qui n'accroissent pas la bureaucratie de l'administration.

Recommandation 2

Tirer des enseignements visant à mettre en place un modèle de gestion global et axé sur les résultats pour l'ensemble de la Confédération

La CdG-E invite le Conseil fédéral à tenir compte des enseignements tirés du modèle de pilotage de l'AFD lorsqu'il développera un nouveau modèle de gestion axé sur les résultats pour l'ensemble de l'administration fédérale, et notamment à formuler des solutions de définition des produits axée sur les processus dans les services dont les tâches sont complexes et variées.

L'AFD applique quelque 150 lois et ordonnances pour les commanditaires les plus variés, dont de nombreux offices fédéraux. Le directeur général des douanes a déclaré à la commission que l'AFD devait assumer toutes ses tâches sans privilégier certaines au détriment d'autres et que, de fait, il était presque impossible de définir des priorités. Si la commission reconnaît que l'AFD ne peut renoncer à l'exécution de certaines lois, elle estime toutefois que celle-ci, eu égard au manque de ressources, doit fixer (ou du moins proposer) ­ à l'instar d'autres services administratifs ­ des priorités dans le cadre de son mandat législatif. Aux yeux de la commission, il est important que la fixation des priorités fasse l'objet d'une discussion et d'une décision au niveau politique: selon elle, l'actuel modèle de pilotage de l'AFD ne permet pas d'atteindre cet objectif. Les mandats de prestations sont attribués par le chef du DFF toutefois, comme l'a montré l'évaluation du CPA, le département n'a que peu d'influence sur le contenu de ces mandats. En conséquence, l'AFD fixe généralement elle-même des priorités, bien qu'elle ne le fasse que trop rarement. En outre, il y a lieu d'examiner la possibilité d'attribuer au Parlement un pouvoir de codécision approprié, à l'exemple du droit des commissions à être consultées sur les mandats de prestations GMEB (art. 44 LOGA) ou sur les ordonnances importantes du Conseil fédéral (art. 151 LParl).

Recommandation 3

Consulter une commission parlementaire

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner, dans l'optique du projet de révision du système GMEB, la possibilité que les mandats de prestations de l'AFD soient approuvés par le Conseil fédéral, puis traités par le Parlement et les commissions parlementaires compétentes, comme c'est déjà le cas pour les mandats de prestations des offices GMEB. Aux yeux de la commission, ce système permettrait de garantir que les principaux objectifs ­ notamment les priorités de l'AFD ­ soient fixés par les acteurs politiques et bénéficient ainsi d'une assise plus large.

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Le système de rapports au sein de l'AFD n'est actuellement ni efficace, ni pertinent.

Comme l'a déclaré le directeur général des douanes devant la commission, l'AFD est consciente de ce problème. Après l'échec d'un premier projet de système de rapports informatisé, l'AFD a l'intention de relancer un nouveau projet. La commission se déclare favorable au développement d'un système de rapports informatisé; toutefois, ce dernier doit pouvoir se fonder sur des définitions claires des prestations et des produits (cf. recommandation 1). En outre, la charge administrative induite par ce système devra rester acceptable.

Recommandation 4

Présenter un rapport sur un nouveau projet visant à mettre en place un système de rapports informatisé

La CdG-E invite le Conseil fédéral à lui présenter un rapport dans lequel il exposera les grandes lignes, le calendrier et les coûts d'un système de rapports informatisé au sein de l'AFD se fondant sur la mise en oeuvre de la recommandation 1.

2.2

Collaboration entre le Cgfr et les cantons: clarification des tâches et des compétences du Cgfr

La CdG-E est convaincue que la collaboration de l'AFD et du Cgfr avec les organes de sécurité cantonaux est généralement organisée de façon pragmatique et qu'elle fonctionne bien. Elle relève cependant un manque de clarté dans la répartition des tâches et des compétences entre la Confédération (AFD) et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure, répartition qui fait depuis longtemps l'objet de discussions sur le plan politique4 (cf. chap. 5.3, 6.3 et 6.4 du rapport du CPA, en annexe). Concrètement, il s'agit de savoir quelles tâches de police le Cgfr a le droit d'assurer pour les cantons.

Selon la Direction générale des douanes (DGD), le Cgfr se charge uniquement des missions qui ont un rapport évident avec les tâches douanières traditionnelles de l'AFD et qui permettent de créer ainsi des synergies. Il est clair en outre que le Cgfr ne peut exercer que les activités qu'un canton lui a déléguées sur la base d'une convention. Sur le fond, la commission estime que cette collaboration pragmatique et adaptée aux besoins est aussi bien pertinente qu'efficace. Elle a toutefois remarqué que les points de vue des cantons variaient passablement au sujet de la délégation des tâches au Cgfr et que l'ampleur de cette délégation différait d'un canton à l'autre. De plus, la CdG-E doute que toutes les tâches que le Cgfr exécute pour les cantons aient réellement un rapport avec les tâches douanières5. La commission n'ignore pas que le Cgfr constitue souvent une aide bienvenue, en particulier pour les cantons dont les ressources (policières) sont limitées. Cependant, le Cgfr ne doit pas devenir une police auxiliaire nationale.

La CdG-E en conclut qu'il est nécessaire d'établir des règles claires en ce qui concerne la collaboration entre le Cgfr et les cantons. Il convient notamment d'exa4 5

Postulat 10.3045 «Sécurité intérieure. Clarification des compétences» (déposé le 3.3.2010).

La presse a par exemple fait état d'un canton où le Cgfr était sollicité lors de cambriolages ou de cas de violence domestique.

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miner quelles tâches le Cgfr pourrait accomplir pour les cantons et quelles seraient alors ses compétences. La commission a noté que les normes en vigueur étaient claires seulement lorsqu'il s'agissait des tâches douanières de l'AFD. A son avis, les dispositions relatives aux tâches de sécurité policière présentent par contre certaines lacunes et laissent une trop grande liberté d'appréciation.

A ce propos, il y a lieu de souligner que les tâches et compétences du Cgfr ne sont pas indiquées de manière spécifique dans les lois et ordonnances en vigueur. En fait, les dispositions concernées ne font que constater l'existence du Cgfr: ­

Le Cgfr est mentionné pour la première fois à l'art. 91, al. 2, de la loi sur les douanes (LD)6: «Le Corps des gardes-frontière est une formation armée et portant l'uniforme.»

­

L'art. 106 LD précise que le personnel du Cgfr peut faire usage d'armes et détaille les circonstances dans lesquelles il peut le faire.

­

Aux termes de l'ordonnance sur les douanes (OD)7, le territoire suisse est divisé en arrondissements douaniers et en régions gardes-frontière, délimités par le DFF. L'OD énumère en outre les cas dans lesquels le personnel du Cgfr peut utiliser la contrainte et les armes à feu.

­

Enfin, l'ordonnance du DFF sur les douanes (OD-DFF)8 décrit les fonctions et les grades du Cgfr.

­

Dans la dernière version de l'ordonnance sur l'organisation du Département fédéral des finances (Org DFF)9, le Cgfr n'est plus mentionné expressément ­ alors qu'il l'était dans la version précédente.

Les bases légales concernant les tâches de police de sécurité de l'AFD et du Cgfr ­ tâches qui sont parfois contestées ­, consistent dans les art. 96 et 97 LD. L'art. 96 dispose que l'AFD «remplit des tâches de sécurité dans l'espace frontalier en coordination avec la police de la Confédération et des cantons afin de contribuer à la sécurité intérieure du pays et à la protection de la population». Quant à l'art. 97, il dispose que le DFF «peut confier à l'administration des douanes l'exécution de tâches de police dans l'espace frontalier si un canton frontalier le demande».

Recommandation 5

Clarifier les tâches et compétences du Cgfr

La CdG-E invite le Conseil fédéral à établir des règles plus claires en ce qui concerne les tâches et compétences du Cgfr, notamment au sujet de ses tâches de police de sécurité et celles qu'il exécute pour les cantons. Il s'agit d'examiner en particulier quelles tâches de police pourraient effectivement présenter des synergies avec les tâches douanières traditionnelles du Cgfr. Le Conseil fédéral veille aussi à ce que le Cgfr ne devienne pas une «police auxiliaire» nationale et, à cet effet, il détermine quelles tâches de police de sécurité le Cgfr peut exécuter à la demande d'un canton.

6 7 8 9

Loi du 18.3.2005 sur les douanes (RS 631.0).

Ordonnance du 1.11.2006 sur les douanes (RS 631.01).

Ordonnance du DFF du 4.4.2007 sur les douanes (RS 631.011).

Ordonnance du 17.2.2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances (RS 172.215.1).

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L'évaluation du CPA a également révélé que le Cgfr fournissait différentes prestations spéciales aux cantons, lesquelles étaient peu, voire pas du tout rétribuées (cf. chap. 5.3 du rapport du CPA).

Recommandation 6

Enquêter sur les prestations spéciales fournies aux cantons et prévoir des compensations adéquates

La CdG-E invite le Conseil fédéral à déterminer le nombre et le coût des prestations spéciales que l'AFD et le Cgfr fournissent aux cantons. Le Conseil fédéral étudie en outre la possibilité d'exiger des cantons une rétribution adéquate pour ces prestations.

D'une manière générale, la CdG-E constate que la délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de sécurité intérieure suscite d'incessants débats politiques. Elle en veut pour preuve la question des tâches de sécurité policière de la Police judiciaire fédérale (PJF), par exemple10. Cette délimitation découle en définitive de la hiérarchie des compétences entre la Confédération et les cantons, fixée par la Constitution. D'après celle-ci les questions douanières et la surveillance aux frontières relèvent de la Confédération, tandis que les tâches de police sont principalement du ressort des cantons. La CdG-E estime qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette hiérarchie fondamentale. Le Conseil fédéral devrait toutefois lancer un débat sur le sujet, en vue de faire une interprétation plus actuelle de cette hiérarchie des compétences et de présenter, dans le cadre de bases légales claires ­ que ce soit la future loi sur la police ou d'autres actes, voire au besoin la Constitution ­, une réglementation réaliste et transparente de la délimitation de ces compétences.

En ce qui concerne la subordination du Cgfr, il incombe également au Conseil fédéral de se prononcer dans le cadre de sa compétence en matière d'organisation.

La CdG-E a décidé de ne pas émettre de recommandations concrètes dans ces deux domaines, mais elle attend du Conseil fédéral qu'il élabore des propositions réalistes et pragmatiques, fondées sur des critères objectifs, et qu'il prenne les décisions appropriées.

2.3

Abrogation de la disposition prévoyant un effectif minimal du Cgfr

Dans son rapport, le CPA constate que la marge de manoeuvre concernant le pilotage de l'AFD est fortement restreinte en raison de la définition d'un effectif minimal du Cgfr dans l'arrêté fédéral relatif à Schengen11. Le directeur général des douanes et le chef du département concerné se rallient à cette observation.

10 11

Cf. rapport du 26 novembre 2009 de la Commission de gestion du Conseil des Etats intitulé «Contrôle relatif au groupe d'engagement », FF 2010 2189.

Arrêté fédéral du 17.12.2004 portant approbation et mise en oeuvre des accords bilatéraux d'association à l'Espace Schengen et à l'Espace Dublin, RS 362. La 2e phrase de l'art. 1, al. 3, prévoit que «[Le] Corps des gardes-frontière dispose d'un effectif au moins égal à celui du 31 décembre 2003».

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Selon la CdG-E, la définition d'un effectif minimal du Cgfr dans l'arrêté fédéral relatif à Schengen, adopté en 2004, pouvait se justifier dans le contexte politique de l'époque. Néanmoins, la commission est consciente que déterminer des effectifs dans une loi est problématique, voire contradictoire dans un contexte d'octroi de ressources humaines par ailleurs restrictif. En outre, cet arrêté a effectivement des conséquences majeures sur le pilotage de l'AFD: il a notamment eu pour effet que, dans le cadre des programmes d'allègement, l'AFD n'a pu supprimer des postes que dans la douane civile, et non dans le Cgfr. Selon le directeur général des douanes, c'est cela qui a contraint l'AFD à diminuer les prestations qu'elle fournit à l'économie.

Cette situation inquiète la commission, qui estime que les effectifs d'un office particulier ou ­ comme dans le cas qui nous occupe ­ d'une division d'un office ne doivent pas être déterminés dans le cadre d'une loi formelle, et qu'une telle détermination n'est de toute façon pas pertinente. Pour ces raisons, la commission souhaite que l'alinéa de l'arrêté fédéral relatif à Schengen en question soit abrogé; toutefois, il faudra veiller à ce que cette abrogation ne mène pas à une forte diminution de la protection des frontières et, partant, ne mette pas en péril la sécurité intérieure. C'est précisément cette crainte qui avait conduit le Parlement, au cours des débats concernant Schengen, à prévoir cet effectif minimal dans l'arrêté fédéral. Pour la CdG-E, il est clair qu'une protection efficace des frontières doit rester une priorité absolue; il faut donc se demander comment cet objectif pourra être atteint après une éventuelle abrogation de la disposition sur l'effectif minimal et quelle influence le Parlement pourra avoir sur la question. La commission envisage notamment la possibilité que le Parlement ou les commissions compétentes définissent des objectifs et des mesures à l'intention du Conseil fédéral, ou du moins les proposent dans le cadre d'une consultation. Actuellement, le législateur ne possède pas cette influence, étant donné que les mandats de prestations de l'AFD (contrairement aux mandats de prestations GMEB) ne sont pas soumis au Parlement ou aux commissions parlementaires compétentes.

Postulat

Examen en vue d'une abrogation de la disposition prévoyant un effectif minimal du Corps des gardesfrontière dans l'arrêté fédéral relatif à Schengen

Le Conseil fédéral est chargé d'examiner si et dans quelle mesure la disposition prévue à l'art. 1, al. 3, de l'arrêté fédéral relatif à Schengen selon laquelle le Corps des gardes-frontière (Cgfr) dispose d'un effectif au moins égal à celui du 31 décembre 2003, doit être abrogée.

Dans le même temps, il proposera des mesures permettant de garantir une protection des frontières efficace même après l'abrogation de la disposition prévoyant un effectif minimal du Cgfr. Il précisera également quelles possibilités d'influence seront ou pourront être octroyées au Parlement afin de permettre à ce dernier de fixer des objectifs ­ notamment l'objectif visant à assurer une protection efficace des frontières ­ à l'Administration fédérale des douanes et de vérifier que ces objectifs ont bien été atteints.

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2.4

Collaboration entre le Cgfr et l'armée

Dans son rapport, le CPA arrive à la conclusion que le pilotage et la mise en oeuvre de la collaboration entre le Cgfr et l'armée sont globalement adéquats, même s'il a parfois constaté, là aussi, un certain manque de clarté dans la délimitation des compétences (cf. chap. 5.4 du rapport du CPA). Par contre, le CPA porte un regard beaucoup plus critique sur le rapport coûts/avantages de cette collaboration.

Conformément à l'arrêté fédéral concerné12, le service d'appui est limité à la fin 2012 au plus tard. Il incombera au Parlement de décider d'une éventuelle nouvelle prolongation de la coopération de l'armée avec le Cgfr; le cas échéant, il devra tenir compte du fait que ces services d'appui doivent avoir une durée limitée, conformément à la loi sur l'armée et l'administration militaire. La CdG-E estime que si l'armée devait cesser d'apporter son soutien au Cgfr, il faudrait accorder une attention particulière à la dotation en personnel du Cgfr ­ sans obligatoirement garantir un effectif minimal ­, afin d'assurer une protection des frontières qui soit efficace (cf. ch. 2.2 du présent rapport).

3

Considérations finales

La CdG-E prie le Conseil fédéral de bien vouloir prendre position sur ses conclusions et recommandations ainsi que sur l'évaluation du CPA d'ici au 31 janvier 2011. Elle l'invite en outre à indiquer au moyen de quelles mesures et dans quel délai il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

12 octobre 2010

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Claude Janiak La secrétaire, Beatrice Meli Andres La présidente de la sous-commission DFF/DFE, Helen Leumann La secrétaire de la sous-commission DFF/DFE, Irene Moser

12

Arrêté fédéral du 19 décembre 2007 concernant l'engagement de l'armée pour le renforcement du Corps des gardes-frontière dans leurs tâches de protection de la frontière, FF 2008 139.

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