10.112 Message concernant le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et l'Argentine du 10 décembre 2010

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, un projet d'arrêté fédéral concernant le Traité d'entraide judiciaire en matière pénale du 10 novembre 2009 entre la Confédération suisse et la République argentine.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

10 décembre 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1790

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Condensé Dans sa lutte contre la criminalité internationale, la Suisse s'emploie à tisser, dans toutes les régions du monde, un vaste réseau de traités d'entraide judiciaire en matière pénale. Le traité conclu avec la République argentine, qui est soumis à l'approbation des Chambres fédérales par le présent message, apporte une pierre de plus à cet édifice. Il vise en particulier à renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme.

Point de la situation Face à la mondialisation croissante et au développement accru de réseaux transnationaux, la criminalité prend de plus en plus une dimension internationale. Aussi, pour être efficace, la lutte contre le crime doit-elle s'appuyer dans une plus large mesure sur la collaboration internationale. Les progrès techniques intervenus ces dernières années, notamment dans le domaine des télécommunications et de la transmission de données, permettent aux criminels de commettre plus facilement leurs forfaits par-delà les frontières. Au vu de cette évolution, la probabilité qu'un Etat parvienne à maîtriser seul les enjeux d'une lutte efficace contre le crime s'amenuise de jour en jour. Pour contrecarrer le déficit de sécurité qui peut en résulter, il importe de constituer, dans toutes les régions du monde, un réseau d'instruments juridiques dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale.

Le traité conclu avec la République argentine s'inscrit dans la droite ligne de cette stratégie.

Cet instrument établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions.

Teneur du traité Le traité d'entraide judiciaire conclu avec l'Argentine intègre les principes fondamentaux de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1) et de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1). Il est complété par des dispositions issues des instruments d'entraide judiciaire du Conseil de l'Europe et des Nations Unies.

Le traité tient compte des développements récents intervenus dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale (en particulier le Deuxième Protocole additionnel du 8 novembre 2001 à la CEEJ; RS 0.351.12).
Certaines dispositions du traité contribuent fortement à simplifier et à accélérer la procédure d'entraide judiciaire entre les deux Etats. Elles fixent en détail les conditions auxquelles doivent satisfaire les demandes d'entraide judiciaire et les échanges directs entre autorités centrales, indispensables pour assurer un traitement rapide des demandes peu claires ou incomplètes et pour dissiper les malentendus.

La suppression de certaines formalités, par exemple par la dispense des légalisations, simplifie elle aussi la procédure. Le traité permet l'audition par conférence

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vidéo, de même qu'à certaines conditions, la transmission d'informations sans demande d'entraide judiciaire. Il règle en outre la notification d'actes de procédure, l'audition par le tribunal et la restitution d'objets et de valeurs saisis. Sa mise en oeuvre n'exige aucune modification de la législation suisse.

Le traité ouvre la voie à une coopération plus efficace entre la Suisse et un pays supplémentaire situé hors Europe en matière de lutte contre la criminalité, et plus particulièrement en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme. Après le Pérou, l'Equateur, le Brésil, le Mexique et le Chili, l'Argentine est le sixième Etat d'Amérique latine avec lequel la Suisse a conclu un traité bilatéral.

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Table des matières Condensé

560

1 Partie générale 1.1 Contexte 1.2 Déroulement des négociations 1.3 Aperçu de la teneur du traité 1.4 Appréciation du traité

563 563 563 564 565

2 Commentaire des dispositions

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3 Conséquences 3.1 Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons 3.2 Conséquences économiques

579 579 579

4 Relation avec le programme de législature

579

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et forme de l'acte à adopter 5.2 Procédure de consultation

579 579 580

Arrêté fédéral portant approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et l'Argentine (Projet)

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Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Confédération suisse et la République argentine

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Message 1

Partie générale

1.1

Contexte

La Suisse et l'Argentine souhaitent collaborer de manière plus étroite dans la lutte contre le crime, et plus particulièrement contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme. L'Argentine adresse régulièrement des demandes d'entraide judiciaire à la Suisse. Celle-ci, place financière forte, a des avantages à collaborer avec les Etats d'Amérique du Sud, tant il est primordial que ses institutions financières ne soient pas détournées à des fins criminelles.

La collaboration entre Etats est indispensable pour assurer une lutte efficace contre la criminalité transfrontalière, raison pour laquelle la Suisse ne cesse d'étendre son réseau de traités d'entraide judiciaire internationale en matière pénale. En ce qui concerne l'Amérique latine, la Suisse a déjà conclu des traités bilatéraux d'entraide judiciaire avec le Pérou, l'Equateur, le Mexique et le Brésil. Les Chambres fédérales ont approuvé un traité d'entraide judiciaire avec le Chili le 3 octobre 2008, qui n'est pas encore entré en vigueur.

Les demandes présentées par l'Argentine ne correspondent pas toujours aux standards usuels en matière d'entraide judiciaire internationale. Un traité d'entraide judiciaire moderne, réglant de manière détaillée les exigences requises pour une demande d'entraide judiciaire et énumérant précisément les motifs permettant de refuser l'entraide peut contribuer à remédier à ces lacunes. Le traité comporte différentes dispositions visant à simplifier et à accélérer la collaboration entre les deux Etats.

1.2

Déroulement des négociations

Un premier tour de négociations entre une délégation suisse et une délégation argentine a eu lieu à l'automne 2003 à Buenos Aires. Il a été suivi d'un deuxième tour de négociations en avril 2004 à Berne, à l'issue duquel les chefs de délégation suisse et argentin ont paraphé le traité, finalement approuvé par le Conseil fédéral le 18 août 2004. La signature a ensuite été repoussée pour divers motifs, dont un changement au sein du gouvernement argentin. L'Argentine souhaitait par ailleurs faire dépendre la signature du traité de la conclusion d'un protocole additionnel qui contiendrait la définition des infractions fiscales en général et de l'escroquerie en matière fiscale en particulier et des dispositions précisant comment interpréter ces notions.

Durant plusieurs années, les autorités suisses et argentines se sont consultées à ce sujet par l'intermédiaire de divers canaux. La Suisse a réaffirmé à réitérées reprises son intention de signer le traité paraphé et son refus de négocier un protocole additionnel ou une déclaration d'intention. Elle s'est néanmoins ralliée le 23 juillet 2008 au compromis proposé par les Argentins, consistant à remplacer l'art. 3, par. 1, let. c, du traité paraphé par une formulation figurant déjà dans le traité d'entraide judiciaire

563

conclu entre la Suisse et le Brésil1. Ce remplacement, qui implique uniquement de préciser ce qui se fait déjà en pratique, n'étend en rien la portée du traité.

Le Conseil fédéral a approuvé la version modifiée du traité le 18 septembre 2009. Il a été signé à Buenos Aires le 10 novembre 2009 par l'ambassadeur de Suisse en Argentine et le ministre des affaires étrangères argentin.

1.3

Aperçu de la teneur du traité

Le traité d'entraide judiciaire conclu entre la Suisse et l'Argentine établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions. Les parties contractantes s'engagent à s'accorder, conformément aux dispositions du traité, l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute enquête et procédure pénale. Jusqu'ici, les art. XV à XVII de la Convention d'extradition des criminels du 21 novembre 1906 entre la Suisse et la République argentine2 ne fondaient que partiellement l'entraide judiciaire en matière pénale. De même, certains traités multilatéraux relatifs à la poursuite d'infractions spécifiques ne contenaient que des obligations rudimentaires en termes de collaboration. Si ces règles ne couvraient pas le cas concret, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide judiciaire aux autorités argentines que sur la base et dans les limites de sa législation nationale.

Le traité est conforme aux dispositions des instruments multilatéraux d'entraide judiciaire du Conseil de l'Europe3 et des Nations Unies4, et à l'EIMP5. Il s'appuie en outre sur des traités d'entraide judiciaire que la Suisse a déjà conclus avec d'autres Etats d'Amérique latine6 ou d'Asie7.

Un acquis majeur de cet instrument réside dans la réduction sensible de la durée de la procédure d'entraide judiciaire en Suisse comme en Argentine. Cette accélération résulte de trois éléments principaux: premièrement, l'instauration de deux autorités centrales ­ pour l'Argentine, le Ministère des affaires étrangères et pour la Suisse, l'Office fédéral de la justice ­ qui communiquent directement entre elles (art. 23); deuxièmement, la définition détaillée du contenu de la demande d'entraide (art. 25); troisièmement, l'abandon des exigences de forme (art. 27).

Par analogie avec l'art. 74a EIMP, le traité prévoit la remise à l'Etat requérant en vue de confiscation d'objets et valeurs saisis par l'Etat requis (art. 12).

Eu égard aux possibilités offertes par les technologies modernes de télécommunication, un article régit l'audition par conférence vidéo (art. 21). Fondée sur le Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ, cette disposition s'applique lorsque la

1 2 3

4 5 6 7

564

RS 0.351.919.81 RS 0.353.915.4 Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (RS 0.351.1) et deuxième Protocole additionnel du 8 nov. 2001 à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.12).

Par ex. Convention des Nations Unies du 15 nov. 2000 contre la criminalité transnationale organisée (RS 0.311.54).

Loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (RS 351.1).

Pérou (RS 0.351.964.1), Equateur (RS 0.351.932.7), Mexique (RS 0.351.956.1), Brésil (RS 0.351.919.81) et Chili (FF 2008 103).

Hong Kong (RS 0.351.941.6) et Philippines (RS 0.351.964.5).

comparution de la personne concernée sur le territoire de l'Etat requérant est inopportune ou impossible.

A certaines conditions, des informations pourront être transmises à l'autre Etat contractant sans qu'il soit nécessaire que ce dernier présente une demande d'entraide judiciaire au préalable (art. 30). Cette transmission spontanée apporte une contribution décisive à la lutte contre le crime: l'échange de renseignements pertinents, effectué le plus tôt et le plus rapidement possible, constitue en la matière une arme de prime importance. La transmission a pour objectif de soutenir l'ouverture et l'exécution d'une procédure d'enquête ou d'une procédure pénale dans l'Etat destinataire des informations ou de permettre à ce dernier de présenter une demande d'entraide judiciaire.

1.4

Appréciation du traité

Le traité d'entraide judiciaire conclu avec l'Argentine s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée par le Conseil fédéral afin de tisser un réseau d'accords bilatéraux dans toutes les régions du monde et d'intensifier ainsi la lutte contre la criminalité internationale. Au vu des conditions actuelles, un Etat ne peut plus, à lui seul, combattre efficacement le fléau de la criminalité internationale. Comme elle l'a fait avec d'autres pays d'Amérique latine, la Suisse noue donc des liens contractuels avec un nouvel Etat important sur le continent sud-américain. Ce renforcement de la collaboration internationale en matière judiciaire contribue de plus à améliorer la sécurité intérieure de la Suisse, dans la mesure où il vise à empêcher que des criminels abusent de sa place financière et qu'elle devienne une plaque tournante de la criminalité internationale ou un refuge pour les criminels.

Grâce à ce traité, la République argentine et la Confédération suisse peuvent coopérer plus étroitement en matière de lutte contre la criminalité internationale, notamment contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme. Tout en s'appuyant sur les principes éprouvés de l'entraide judiciaire internationale, le texte du traité intègre les dernières évolutions en la matière. Il s'inscrit dans le prolongement des accords que la Suisse a conclus jusqu'ici dans ce domaine. Il s'agit d'un instrument moderne et efficace, qui répond aux exigences de la pratique. Sa mise en oeuvre n'exige aucune adaptation du droit suisse.

2 Art. 1

Commentaire des dispositions Obligation d'accorder l'entraide judiciaire

Le par. 1 oblige les Etats contractants, sur la base du droit international public, à s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible. Une demande d'entraide doit, par conséquent, être exécutée dans le cadre du traité s'il n'y a pas de motif d'inapplicabilité (art. 2) ou de refus (art. 3).

Le par. 2 prescrit que les Parties s'échangent la liste des autorités compétentes pour présenter des demandes d'entraide judiciaire. Cette disposition doit être interprétée à la lumière de l'art. 23. Elle n'autorise pas les autorités de poursuite pénale à communiquer directement entre elles, mais implique qu'elles présentent leurs demandes d'entraide judiciaire par l'intermédiaire de leurs autorités centrales respectives.

565

Le par. 3 dispose que l'Etat requis ne peut invoquer le secret bancaire pour refuser l'entraide judiciaire. Le principe selon lequel le secret bancaire ne saurait entraver ni empêcher l'entraide judiciaire n'a rien de nouveau. Le secret bancaire peut en effet être levé à certaines conditions et pour autant que l'entraide judiciaire puisse être accordée, en vue de permettre l'exécution d'une procédure pénale étrangère. Divers instruments internationaux consacrent ce principe8.

Le par. 4 contient une liste non exhaustive des mesures qu'il est possible de demander au titre de l'entraide judiciaire. Comme le précise la let. i, d'autres mesures sont envisageables à la condition qu'elles soient compatibles avec les buts du traité et qu'elles soient acceptables pour les Etats contractants.

Art. 2

Inapplicabilité

Cette disposition définit les actes qui sont exclus du champ d'application du traité, à savoir la recherche, l'arrestation et la détention de personnes poursuivies pénalement ou condamnées en vue de leur extradition et l'exécution de jugements pénaux. Il s'agit là d'une délimitation classique du champ d'application d'un traité d'entraide judiciaire.

Art. 3

Motifs pour refuser ou différer l'entraide judiciaire

Cette disposition énumère les motifs qui peuvent justifier le refus de l'entraide judiciaire ou l'ajournement des mesures demandées. Afin de garantir l'entraide judiciaire la plus large possible et de conserver une certaine marge d'action face à l'évolution du droit, ces motifs sont présentés sous la forme potestative. Lorsque, dans un cas d'espèce, il existe un motif de refus au sens du traité, l'Etat requis détermine, à la lumière de son droit interne, s'il est tenu de refuser l'entraide.

La liste des motifs de refus que l'Etat requis peut faire valoir au sens du par. 1 est exhaustive: ­

Ainsi, il n'est pas tenu d'accorder l'entraide si la procédure ouverte à l'étranger se rapporte à une infraction politique, militaire ou fiscale (let. a à c).

S'agissant de la possibilité de refuser les demandes se rapportant à des infractions fiscales, possibilités que l'on trouve habituellement dans les traités d'entraide judiciaire, le texte apporte une précision en prévoyant que l'entraide pourra être accordée dans le cas d'une escroquerie en matière fiscale9. L'art. 3 précise, comme l'ont souhaité les autorités argentines, que si la demande se rapporte, selon le droit suisse, en partie seulement à des infractions fiscales, l'Etat requis peut limiter, pour cette partie, l'utilisation des informations et moyens de preuve fournis. Ainsi, si les faits décrits dans la demande d'entraide judiciaire se rapportent en partie à de l'escroquerie en matière fiscale, en partie à de l'abus de confiance et en partie à de la soustraction d'impôt, les informations et moyens de preuve fournis ne pourront

8

9

566

Cf. par ex. l'art. 12, par. 2, de la Convention internationale du 9 déc. 1999 pour la répression du financement du terrorisme (RS 0.353.22), l'art. 18, par. 8, de la Convention des Nations Unies du 15 nov. 2000 contre la criminalité transnationale organisée (RS 0.311.54) et l'art. 46, par. 8, de la Convention des Nations Unies du 31 oct. 2003 contre la corruption (RS 0.311.56).

Conditions déterminant l'escroquerie en matière fiscale; ATF 125 II 250.

être utilisés par l'Etat requérant que pour poursuivre l'escroquerie en matière fiscale et l'abus de confiance, mais pas la soustraction d'impôt. Cette disposition est conforme à la règle de la spécialité inscrite à l'art. 13 du traité, selon laquelle les renseignements, documents ou objets obtenus par voie d'entraide ne peuvent, dans l'Etat requérant, être utilisés dans aucune procédure pénale relative à une infraction pour laquelle l'entraide judiciaire ne peut être fournie. Le droit suisse s'appliquera lorsqu'il s'agira de déterminer si les faits décrits dans la demande d'entraide judiciaire argentine constituent une escroquerie en matière fiscale.

­

L'entraide judiciaire pourra également être refusée si l'Etat requis estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis (let d.). Selon la conception juridique suisse, la notion d'«ordre public» couvre également le respect des droits fondamentaux, dont font notamment partie le droit à la vie, l'interdiction de la torture ou de tout autre traitement ou peine cruel, inhumain ou dégradant et les garanties élémentaires de procédure. Au niveau mondial, ces garanties sont notamment statuées par le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques10 («Pacte ONU II»).

­

L'entraide pourra, en outre, être refusée si la demande vise des faits pour lesquels la personne prévenue a été acquittée ou condamnée par l'Etat requis, à condition que la sanction éventuellement prononcée soit en cours d'exécution ou ait déjà été exécutée (let. e). Ce motif de refus découle du fait que nul ne peut être poursuivi pénalement deux fois pour les mêmes actes (ne bis in idem)11.

­

Il y a également matière à refuser l'entraide s'il existe des raisons sérieuses de croire que la demande d'entraide a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des raisons liées à sa race, à sa religion, à son origine ethnique, à son sexe, ou à ses opinions politiques ou que, pour l'un des motifs cités, faire droit à la demande porterait préjudice à la personne en question (let. f).

­

L'entraide judiciaire peut également être refusée s'il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure pénale menée à l'étranger ne respecte pas les garanties contenues dans les instruments internationaux de protection des droits de l'homme, en particulier dans le Pacte ONU II12 (let. g).

Le par. 2 donne à l'Etat requis la faculté de différer l'entraide judiciaire lorsque l'exécution de la demande serait préjudiciable à une procédure pénale en cours dans cet Etat. Si, par exemple, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, l'Etat requérant demandait la remise de moyens de preuve dont l'Etat requis a besoin dans le cadre d'une procédure pénale conduite sur son territoire, ce dernier Etat pourrait surseoir à la remise jusqu'à ce que cette procédure soit close.

10 11 12

RS 0.103.2 ATF 123 II 464, consid. 2b, avec renvois; ATF 118 V 269, consid. 2.

RS 0.103.2

567

Les par. 3 et 4 règlent la procédure à suivre lorsque l'Etat requis entend refuser ou différer l'entraide judiciaire. En pareil cas, l'Etat requis est tenu d'informer l'Etat requérant des motifs de sa décision (par. 3, let. a). Simultanément, il doit examiner si l'entraide judiciaire peut néanmoins être accordée aux conditions qu'il estime nécessaires (let. b). Tout refus total ou partiel de l'entraide judiciaire doit être motivé (par. 4).

Art. 4

Nature de l'infraction

Cette disposition précise quelles infractions ne peuvent être considérées comme des «infractions politiques» (art. 3, par. 1, let. a) par l'Etat requis. Il s'agit d'infractions qui, bien qu'ayant une composante politique, revêtent un tel degré de gravité qu'il serait particulièrement choquant de refuser l'entraide. Le traité indique clairement que ces infractions spécifiques ne tombent pas sous le coup de la définition des «infractions politiques», et partant qu'elles n'en sont pas. Cette catégorie regroupe les crimes contre l'humanité, les détournements d'avions, les prises d'otages, l'utilisation d'armes de destruction massive et, de manière générale, les violations graves du droit international humanitaire. L'art. 4 s'inspire de l'art. 3, al. 2, EIMP.

Art. 5

Droit applicable

Le par. 1 consacre le principe selon lequel les demandes sont exécutées conformément au droit de l'Etat requis. En Suisse, elles le seront conformément à l'EIMP et au droit procédural déterminant des cantons et de la Confédération.

Le par. 2 permet de déroger au principe susmentionné: l'Etat requérant peut expressément exiger que la demande d'entraide judiciaire soit exécutée conformément à son propre droit procédural. L'Etat requis ne doit donner suite à cette exigence que si son droit national ne s'y oppose pas. L'application de cette clause dérogatoire peut se révéler judicieuse notamment dans les cas où l'Etat requérant ne peut exploiter les moyens de preuve que s'ils ont été recueillis à l'étranger selon la procédure prévue par son propre droit. Une disposition similaire figure à l'art. 65 EIMP et à l'art. 8 du Deuxième protocole additionnel à la CEEJ.

Art. 6

Mesures de contrainte

Un Etat contractant peut refuser l'exécution d'une demande d'entraide lorsqu'elle implique le recours à des mesures de contrainte, alors que les faits qui sont à l'origine de la demande ne sont pas punissables dans chacun des deux Etats (par. 1).

Si la Suisse est l'Etat requis, elle ne peut, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, ordonner des mesures de contrainte que si les faits décrits dans la demande d'entraide judiciaire correspondent aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. La règle selon laquelle toute mesure coercitive exige préalablement la « double punissabilité » de l'infraction pour laquelle l'entraide est demandée est une règle-clef du droit suisse en matière d'entraide judiciaire. Elle est, du reste, statuée à l'art. 64 EIMP et dans la déclaration formulée par la Suisse s'agissant de l'art. 5, par. 1, CEEJ.

Le par. 2 précise que la condition de la double punissabilité est également remplie lorsque les Etats contractants placent l'infraction dans des catégories différentes ou lorsqu'ils utilisent une autre terminologie pour la qualifier, le critère déterminant étant que les faits soient réprimés dans les deux Etats.

568

La notion de «mesures de contrainte» est définie selon le droit interne de l'Etat requis. En droit suisse, elle recouvre par exemple les perquisitions, les mises sous séquestre et l'audition de témoins avec commination d'une peine.

Art. 7

Mesures provisoires

Un Etat contractant peut exiger de l'autre que soient ordonnées des mesures provisoires en vue de maintenir une situation existante, de protéger des intérêts juridiques menacés ou de mettre en sûreté des éléments de preuve. Toutefois, l'Etat requis n'ordonnera de telles mesures que si certaines conditions sont remplies. La réglementation prévue à l'art. 6 s'inspire du libellé de l'art. 18 EIMP et figure également, quoique de façon moins détaillée, à l'art. 24 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ.

Le par. 1 permet aux autorités judiciaires de l'Etat requis d'ordonner des mesures provisoires, telles que le blocage de comptes bancaires, si l'Etat requérant l'exige expressément. Une mesure provisoire ne peut toutefois être ordonnée que si l'octroi de l'entraide judiciaire est admissible dans le cas d'espèce, autrement dit s'il n'existe aucun motif manifeste de refuser l'entraide. La mesure doit être conforme au principe de la proportionnalité13.

S'il y a péril en la demeure, l'Etat requis peut ordonner en vertu du par. 2 des mesures provisoires avant même d'avoir reçu une demande formelle d'entraide judiciaire.

Il suffit que l'envoi de cette demande ait été annoncé. En l'occurrence, les renseignements fournis par l'Etat requérant doivent, cependant, être tels qu'ils permettent à l'Etat requis de vérifier si toutes les conditions permettant d'ordonner les mesures provisoires sont remplies. L'Etat requis est tenu de limiter dans le temps l'application d'une mesure provisoire, en respectant le principe de la proportionnalité. A cet effet, il impartit à l'autre Etat un délai adapté aux circonstances pour présenter une demande formelle d'entraide judiciaire. Si ce délai n'est pas respecté, les mesures provisoires sont levées.

Art. 8

Présence de personnes participant à la procédure

Cette disposition permet aux personnes qui participent à une procédure ouverte dans l'Etat requérant (un juge d'instruction, un procureur ou un défenseur) d'assister à l'exécution de la demande d'entraide dans l'Etat requis. Encore faut-il que l'Etat requis y ait consenti expressément. Une disposition analogue figure à l'art. 4 CEEJ.

En Suisse, la mise en oeuvre de cette disposition est régie par l'art. 65a EIMP. La présence de personnes qui participent à la procédure ouverte à l'étranger, lors d'actes d'entraide, ne doit pas déboucher sur une participation active de ces personnes à la procédure d'entraide dans l'Etat requis. Il incombe au juge chargé d'exécuter la demande d'entraide de diriger la procédure. Il doit prendre les mesures propres à éviter une utilisation anticipée ou indue, dans le cadre d'une procédure étrangère, des informations recueillies. A défaut d'une telle réglementation, le fait d'associer ces personnes aux actes d'entraide reviendrait de facto à éluder les dispositions régissant la procédure d'entraide14.

13 14

Cf. ATF 130 II 329 consid. 3 ss.

ATF 1A.259/2005 du 15 nov. 2005, consid. 1.2, avec renvois.

569

Art. 9

Dépositions de témoins sur le territoire de l'Etat requis

Cette disposition définit la procédure à suivre lorsqu'une personne doit être entendue en qualité de témoin sur le territoire de l'Etat requis. Le par. 1 consacre le principe selon lequel les témoins sont entendus conformément au droit de l'Etat requis. Ce principe vaut, en particulier, pour le droit de refuser de témoigner. Cependant, la personne entendue peut également refuser de déposer si le droit de l'Etat requérant le lui permet.

Les par. 2 et 3 ont trait aux effets juridiques du refus de témoigner. Si la personne entendue refuse de témoigner en vertu du droit de l'Etat requérant, les autorités de cet Etat doivent arrêter une décision dûment motivée statuant sur la licéité du refus de déposer, décision qu'ils communiquent aux autorités de l'Etat requis. En tout état de cause, la personne qui fait valoir le droit de refuser de témoigner n'encourt aucune sanction légale.

Art. 10

Remise de documents, de dossiers ou d'autres éléments de preuve

L'art. 9 touche à ce qui constitue le coeur même de l'entraide judiciaire. L'Etat requis remet à l'Etat requérant les documents, dossiers, objets ou éléments de preuve dont celui-ci a demandé la production pour les besoins d'une procédure pénale. Les modalités de la remise sont inspirées de la réglementation figurant à l'art. 74 EIMP.

Art. 11

Dossiers de tribunaux ou d'instruction

L'Etat requis doit mettre à la disposition des autorités de l'Etat requérant des actes de tribunaux ou d'instruction si ces pièces sont nécessaires à l'exécution d'une procédure judiciaire. Toutefois, ces actes ne peuvent être remis que s'ils se rapportent à une procédure close. Quant aux pièces afférentes à une procédure pendante, elles ne peuvent être remises qu'avec l'autorisation de l'autorité centrale de l'Etat requis. En Suisse, cette autorisation est délivrée par l'Office fédéral de la justice.

Art. 12

Restitution d'objets et de valeurs

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité internationale, il est capital, non seulement de pouvoir transmettre des moyens de preuve en vue de la poursuite des auteurs d'infractions, mais encore de soustraire le plus rapidement possible à leur possession les objets ou valeurs acquis délictueusement, autrement dit les biens provenant de l'infraction, pour les remettre aux autorités judiciaires de l'Etat contractant qui conduisent la procédure pénale. La remise des biens provenant de l'infraction est un autre volet essentiel de l'entraide judiciaire qui vient s'ajouter à la transmission d'éléments de preuve au sens des art. 10 et 11 du traité. La réglementation est en harmonie avec l'art. 74a EIMP.

Le par. 1 constitue la base juridique permettant à l'Etat requis de restituer aux autorités judiciaires de l'Etat requérant les biens saisis provenant d'une infraction. Cette disposition s'applique aussi aux valeurs de remplacement. S'agissant de l'utilisation qui doit en être faite, dans l'Etat requérant, le par. 1 dispose que les objets et valeurs ou, à défaut, leur valeur de remplacement, sont restitués en vue de leur confiscation.

Avant que la restitution n'ait lieu, il importe de satisfaire les tiers qui feraient valoir de bonne foi des droits sur les objets ou valeurs séquestrés.

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Le par. 2 prévoit que la restitution n'est généralement possible que si l'Etat requérant produit une décision de confiscation définitive et exécutoire. Si le traité n'indique pas explicitement qu'il est possible de déroger à cette règle, la formule «en règle générale» implique toutefois que des exceptions sont possibles. Pour la Suisse, l'art. 74a, al. 3, EIMP, indique expressément que la remise peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant.

On peut envisager une remise à un stade précoce, c'est-à-dire sans que l'Etat requérant ait prononcé une décision entrée en force et exécutoire, lorsqu'il existe des indices qui donnent clairement à penser que les objets et valeurs saisis ont été acquis délictueusement et que ceux-ci peuvent être attribués sans réserve à une personne ou à un groupe de personnes déterminés. En pareil cas, la jurisprudence du Tribunal fédéral établit15 qu'il n'est pas indiqué que la Suisse attende la clôture de la procédure pénale pour restituer à l'Etat requérant les biens provenant de l'infraction.

Art. 13

Utilisation restreinte

Cette disposition définit la règle de la spécialité, à laquelle la Suisse attache une grande importance. Elle précise l'utilisation qui peut être faite dans l'Etat requérant des informations et des moyens de preuve obtenus par voie d'entraide. La règle de la spécialité est établie à l'art. 67 EIMP, dont la présente disposition s'inspire; elle est rappelée également dans la réserve que la Suisse a formulée à propos de l'art. 2, let. b, CEEJ.

Le par. 1 précise la portée de ladite règle: les informations et moyens de preuve obtenus par voie d'entraide judiciaire ne peuvent, dans l'Etat requérant, être utilisés que dans des procédures pénales relatives aux poursuites d'infractions pour lesquelles l'entraide judiciaire peut être accordée. L'intérêt principal de cette disposition pour la Suisse est que les renseignements, documents et objets transmis ne puissent, dans l'Etat requérant, être utilisés dans une procédure visant une infraction fiscale, à moins qu'il ne s'agisse d'un cas d'escroquerie en matière fiscale au sens du droit suisse16. Utiliser ces informations dans le cadre de procédures fiscales reviendrait à détourner l'entraide judiciaire de son but. L'interdiction d'exploiter les informations transmises s'applique également aux faits qualifiés d'infractions politiques ou militaires.

Le par. 2 fixe les modalités d'application de la règle de la spécialité: l'Etat requérant doit solliciter le consentement de l'Etat requis s'il entend utiliser les pièces obtenues à la faveur de l'entraide à des fins autres ou dans le cadre d'une procédure autre que celles qui avaient donné lieu à la demande. En Suisse, l'autorité compétente pour donner ce consentement est l'Office fédéral de la justice. Les let. a à c énumèrent les cas dans lesquels l'Etat requérant peut se dispenser de demander ce consentement.

15 16

ATF 131 II 169, consid. 6 (entraide judiciaire au Nigeria).

Cf. art. 3, al. 3, EIMP.

571

Art. 14 à 18

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires; comparution de témoins et d'experts

Les dispositions sur la notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires et sur la citation à comparaître de témoins et d'experts sont, dans une large mesure, calquées sur la CEEJ (art. 7 à 10 et 12). Nous nous bornerons par conséquent à commenter les points suivants.

Art. 14

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires

La demande tendant à la notification d'une citation à comparaître d'une personne faisant l'objet de poursuites pénales dans l'Etat requérant et se trouvant sur le territoire de l'Etat requis doit parvenir à l'autorité centrale de cet Etat au plus tard 45 jours avant la date fixée pour la comparution (par. 4). Dans le cadre de l'entraide judiciaire entre Etats Parties à la CEEJ, celle-ci prévoit un délai de 30 jours17. Celuici s'est révélé trop court lorsque la demande de notification émane d'Etats extraeuropéens. Cela explique que l'on ait également prévu un délai de 45 jours dans les traités d'entraide judiciaire conclus avec le Brésil18 et le Mexique19 notamment.

Art. 18

Sauf-conduit

Pendant 30 jours, la personne citée à comparaître jouit, sur le territoire de l'Etat requérant, d'une immunité contre toute poursuite ou restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ de l'Etat requis.

Toutefois, son sauf-conduit expirera si, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de l'Etat requérant pendant 30 jours consécutifs, elle ne l'a pas fait (par. 3). La durée de validité du sauf-conduit prévue par le traité est plus longue que celle qui est fixée entre Etats européens (seulement 15 jours en vertu de l'art. 12, par. 3, CEEJ).

La durée de 30 jours prévue dans le traité avec l'Argentine est identique à celle qui figure dans les traités d'entraide conclus avec d'autres Etats extra-européens, dont le Mexique20, le Brésil21 et le Chili22.

Art. 19

Etendue du témoignage dans l'Etat requérant

Cette disposition, qui est le pendant de l'art. 9, règle le cas du témoin qui, résidant sur le territoire de l'Etat requis, doit être entendu dans l'Etat requérant.

Le par. 1 dispose que la personne qui comparaît à titre de témoin ne peut pas être contrainte à témoigner ou à produire des moyens de preuve lorsqu'elle jouit du droit de refuser de témoigner en vertu de la législation de l'un des Etats contractants. En pareil cas, l'autorité ne peut recourir à la contrainte ni pour obtenir le témoignage ni pour imposer la production des moyens de preuve.

Le par. 2 a trait aux modalités de l'audition de témoins.

17 18 19 20 21 22

572

Cf. la déclaration formulée par la Suisse à propos de l'art. 7, par. 3, CEEJ (RS 0.351.1).

Art. 14, par. 4 (RS 0.351.919.81) Art. 15, par. 4 (RS 0.351.956.3) Art. 18, par. 4 (RS 0.351.956.3) Art. 18, par. 3 (RS 0.351.919.81) Art. 18, par. 3 (FF 2008 103)

Art. 20

Remise de personnes détenues

Cette disposition est calquée sur l'art. 11 CEEJ. Elle est complétée par deux paragraphes: le par. 3, qui régit le cas où la peine privative de liberté imposée à la personne remise échoit pendant que celle-ci se trouve dans l'Etat requérant et le par. 5, qui impose à l'Etat requis d'imputer le temps durant lequel la personne sera détenue dans l'Etat requérant sur la durée de la détention préventive et de la peine. Ce dernier ajout en faveur du détenu figure également dans les traités d'entraide conclus avec le Mexique23, le Brésil24 et le Chili25.

Art. 21

Audition par conférence vidéo

Les progrès techniques dans le domaine des télécommunications ouvrent de nouvelles perspectives aux autorités de poursuite pénale. Les nouvelles technologies permettent en particulier d'auditionner des personnes dans l'Etat contractant où elles résident, grâce à une liaison vidéo directe. L'art. 21 règle les conditions auxquelles les témoins et les experts ainsi que, dans certains cas, les personnes poursuivies pénalement ou les suspects peuvent être entendus par conférence vidéo. Le recours à la conférence vidéo est limité aux cas dans lesquels il est inopportun ou impossible que les personnes à entendre comparaissent sur le territoire de l'Etat requérant pour y être entendues (par. 1). La procédure est subordonnée à des exigences précises qui visent à garantir le respect des droits de l'homme: l'Etat requis consent à l'audition par conférence vidéo à condition que le recours à cette technique ne soit pas contraire aux principes fondamentaux de son droit (par. 2). En outre, le respect des principes élémentaires de procédure doit être garanti (par. 5).

Les par. 1 à 7 traitent de l'audition par conférence vidéo de témoins et d'experts. Ils définissent les conditions auxquelles est subordonné le recours à la conférence vidéo et la procédure à suivre en la matière:

23 24 25

­

Un Etat contractant peut demander à entendre une personne par conférence vidéo lorsqu'il est impossible que cette personne se rende dans cet Etat ou inopportun qu'elle y comparaisse pour y être entendue (par. 1). Tel peut être le cas, par exemple, lorsqu'il y a risque de collusion ou de fuite, que l'état de santé ou l'âge de la personne concernée ne lui permet pas de se déplacer ou encore lorsqu'il y a nécessité d'assurer la protection d'un témoin. Cette disposition pourrait également s'appliquer lorsque la personne concernée risque des poursuites pénales dans l'Etat qui a requis son audition. Il est également envisageable de recourir à la conférence vidéo lorsque la présence d'un témoin ou d'un expert est indispensable au déroulement d'une autre procédure dans l'Etat requis. Enfin, l'audition par conférence vidéo pourrait se justifier lorsqu'un témoin appréhendé dans l'un des deux Etats contractants fait l'objet d'une procédure d'extradition vers un Etat tiers.

­

L'Etat requis est tenu d'organiser l'audition par conférence vidéo pour autant que le recours à cette méthode ne soit pas, dans le cas d'espèce, contraire aux dispositions fondamentales de son droit et à condition qu'il dispose des moyens techniques nécessaires (par. 2). Dans l'hypothèse où la Suisse serait l'Etat requis, cela signifierait que, lors de l'audition par conféArt. 20, par. 4 (RS 0.351.956.3) Art. 20, par. 4 (RS 0.351.919.81) Art. 20, par. 4 (FF 2008 103)

573

rence vidéo, le droit à un procès équitable devrait être respecté. Cependant, l'audition de témoins et d'experts par conférence vidéo ne saurait être refusée pour le seul motif que le droit de l'Etat requis ne prévoit pas le recours à cette méthode ou ne régit pas certaines modalités auxquelles doit obéir l'audition. En outre, le fait que l'Etat requis ne dispose pas des moyens techniques nécessaires ne saurait être considéré comme un motif de refus suffisant dans l'hypothèse où l'Etat requérant pourrait mettre ces moyens à la disposition de l'Etat requis.

­

Dans la demande, il y a lieu d'exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas d'espèce, il n'est pas opportun ou possible que la personne à entendre comparaisse personnellement devant les autorités de l'Etat requérant (par. 3).

­

Si l'audition par conférence vidéo est acceptée, l'autorité compétente de l'Etat requis est tenue de citer à comparaître la personne concernée selon les formes prescrites par le droit interne (par. 4). Cette obligation vise à garantir que toutes les mesures appropriées seront prises pour assurer la présence de cette personne à la conférence vidéo.

­

Le déroulement de la conférence vidéo obéit aux règles essentielles de procédure (par. 5). Les principes fondamentaux du droit de l'Etat requis doivent être respectés pendant l'audition (let. a). L'autorité judiciaire compétente de cet Etat assiste à l'audition. Elle est tenue de prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir le respect des prescriptions de son droit national.

Elle doit intervenir immédiatement si elle constate que l'autorité judiciaire de l'Etat requérant ne respecte pas ces prescriptions et use, durant l'audition, de moyens déloyaux ou incorrects dans le but d'influencer le résultat de celle-ci. Elle peut, par exemple, débrancher le microphone ou interrompre la liaison.

Pour l'audition elle-même, deux options sont possibles: soit la personne est interrogée directement par l'autorité judiciaire de l'Etat requérant au moyen de la liaison vidéo, soit elle l'est par l'autorité judiciaire de l'Etat requis sous la direction de celle de l'Etat requérant. Dans les deux cas, le droit applicable est celui de l'Etat requérant (let. c). De même, dans les deux cas, la personne entendue doit disposer des mêmes droits que ceux dont elle jouirait si elle s'était rendue dans l'Etat requérant pour y être auditionnée.

A l'instar d'une audition classique, la personne à entendre est, au besoin, assistée d'un interprète (let. d); elle doit également pouvoir bénéficier des mesures de protection nécessaires (let. b).

Le droit de refuser de témoigner est soumis aux mêmes règles que lors d'une audition classique (let. e). Lorsqu'un témoin refuse de déposer ou fait de fausses dépositions, la législation de cet Etat s'applique comme elle s'appliquerait si l'audition avait lieu dans le cadre d'une procédure nationale (par. 7).

Le par. 8 autorise l'audition par conférence vidéo de personnes poursuivies pénalement ou de suspects aux conditions suivantes: ­

574

L'autorité judiciaire de l'Etat requérant et celle de l'Etat requis se sont mises d'accord sur la méthode d'audition et les modalités d'exécution.

­

L'accord passé entre les Etats contractants doit être conforme à leur droit interne et aux instruments internationaux en la matière, notamment au Pacte ONU II26.

­

La personne poursuivie pénalement ou le suspect doit avoir consenti à être entendu par conférence vidéo.

A la différence de ce qui vaut pour les auditions de témoins et d'experts, l'Etat requis n'est pas tenu de consentir à l'audition par conférence vidéo d'un prévenu ou d'un inculpé, même si la personne concernée a donné son accord. Il appartient à l'autorité centrale de l'Etat requis de décider s'il y a lieu de procéder à une telle audition et, dans l'affirmative, de déterminer sous quelle forme elle aura lieu.

Cette réglementation s'inspire de l'art. 9 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ. Des dispositions similaires figurent dans plusieurs autres traités bilatéraux d'entraide judiciaire, en particulier dans ceux conclus avec le Brésil27, le Mexique28 et le Chili29.

Art. 22

Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

Cette disposition, qui s'inspire des art. 13 et 22 CEEJ, oblige les Etats contractants à se communiquer des données du casier judiciaire. Lorsque l'un des Etats contractants est saisi par l'autre d'une demande de renseignements relatifs à son propre casier judiciaire, il est tenu de les lui fournir. Par ailleurs, chacun des Etats contractants doit informer l'autre, à intervalles réguliers, des sentences pénales prononcées contre ses propres ressortissants.

Le par. 1 a trait aux demandes d'informations du casier judiciaire présentées dans le cadre d'une procédure pénale. Les informations à communiquer sont celles que l'Etat requis transmet à ses propres autorités judiciaires dans une procédure nationale.

Le par. 2 prévoit que des extraits du casier judiciaire peuvent également être transmis dans un cadre autre que pénal, par exemple aux fins d'une procédure civile ou administrative revêtant certains aspects civils. En l'occurrence, la transmission est régie par le droit interne de l'Etat requis. En Suisse, la communication d'extraits du casier judiciaire à des autorités étrangères est réglée par l'art. 23 de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire30.

Le par. 3 porte sur la communication automatique à l'autre Etat contractant des sentences pénales prononcées contre des ressortissants de cet Etat. L'obligation d'informer se limite aux inscriptions telles qu'elles figurent dans le casier judiciaire.

On ne saurait inférer de cette disposition une quelconque obligation de transmettre des jugements complets.

26 27 28 29 30

RS 0.103.2 Art. 21 (RS 0.351.919.81) Art. 21 (RS 0.351.956.3) Art. 21 (FF 2008 103) Ordonnance VOSTRA; RS 331

575

Art. 23 à 29

Autorité centrale; voies de transmission; contenu et exécution de la demande; dispense de légalisation; langue; frais

Les modalités applicables à la procédure d'entraide judiciaire sont pratiquement identiques à celles que prévoient d'autres instruments bilatéraux en la matière. Elles s'inspirent également de la CEEJ (art. 14 à 17 et 20) et du Deuxième Protocole additionnel à cette convention (art. 4 et 5). Au nombre des principales dispositions réglant la procédure figurent les suivantes.

Art. 23 et 26

Autorité centrale; Exécution de la demande

Dans chacun des deux Etats, une autorité centrale compétente pour la transmission des demandes d'entraide judiciaire est instaurée. Elle est l'interlocuteur des autorités nationales chargées d'exécuter lesdites demandes, elle est également responsable de l'examen préalable de celles-ci et coordonne leur exécution. L'autorité centrale remplit, en outre, une fonction de médiation lorsque l'ampleur de la collaboration demandée donne lieu à des difficultés ou à des malentendus entre l'autorité requérante et l'autorité requise ou que la demande doit être complétée. En Suisse, ces tâches incombent à l'Office fédéral de la justice. Elles ressortent de l'EIMP (en particulier des art. 17, al. 2 à 4, 29 et 78 ss), qui attribue à cet office trois fonctions, à savoir examiner préalablement les demandes, les transmettre et en contrôler l'exécution. Dans ce contexte, la compétence décisionnelle dont dispose l'office dans les limites de l'art. 79a EIMP n'est pas sans importance puisque, dans certaines circonstances, celui-ci peut statuer lui-même sur l'exécution d'une demande d'entraide judiciaire. Quant à l'exécution concrète, elle est régie par les dispositions pertinentes de l'EIMP et par les normes de procédure pénale des cantons et de la Confédération.

Art. 27

Dispense de légalisation et d'authentification et d'autres formalités

La dispense de légalisation constitue un important progrès dans les relations avec les Etats d'Amérique latine puisque ces Etats attachent une grande importance au respect des formalités de procédure. Selon la réglementation convenue, les moyens de preuve recueillis en Suisse et transmis par le canal de l'Office fédéral de la justice seront acceptés comme moyens de preuve par l'Argentine sans autre formalité, justification ou attestation d'authenticité. Cette disposition vise à simplifier et à accélérer la procédure. Elle est également applicable aux dossiers qui sont transmis à la suite d'une dénonciation au sens de l'art. 31.

Art. 28 et 32

Langue et traduction

Les demandes d'entraide judiciaire doivent être rédigées dans la langue de l'Etat requis. Lorsque la Suisse est l'Etat requis, la demande d'entraide judiciaire émanant de l'Argentine doit être traduite dans l'une des trois langues officielles, déterminée de cas en cas par l'Office fédéral de la justice en sa qualité d'autorité centrale. La traduction, y compris celle des documents afférents à l'exécution de la demande obtenus, incombe à l'Etat requérant.

En vertu de l'art. 32, en cas de transmission spontanée d'informations et de moyens de preuve, ainsi qu'en cas de dénonciations aux fins de poursuite et de confiscation, seule la traduction de la lettre de transmission de l'autorité centrale est obligatoire, les documents joints en étant dispensés.

576

Art. 29

Frais liés à l'exécution de la demande

La réglementation prévue s'agissant des frais correspond à celle qui est usuelle dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale: en règle générale, les Etats s'accordent gratuitement assistance. Ils ne peuvent déroger à ce principe que dans les cas expressément cités.

Art. 30

Transmission de moyens de preuve et d'informations sans demande

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale, il peut arriver qu'au cours de leurs investigations, les autorités d'un Etat contractant recueillent des informations et des moyens de preuve qui peuvent également présenter un intérêt pour les autorités judiciaires d'un autre Etat. En pareils cas, il est dans l'intérêt de la poursuite pénale que de tels informations et moyens de preuve puissent, à certaines conditions, être transmis aux autorités de cet autre Etat, sans qu'il ait à présenter préalablement une demande d'entraide judiciaire. L'échange, le plus tôt et le plus rapidement possible, des informations obtenues est une arme décisive dans la lutte contre la criminalité. La présente disposition est calquée sur l'art. 11 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ. On retrouve des normes similaires dans les instruments bilatéraux que la Suisse a récemment conclus en matière d'entraide judiciaire31. L'idée de la transmission spontanée est inspirée de l'art. 10 de la Convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment d'argent32.

Le par. 1 définit les conditions auxquelles la transmission spontanée d'informations est admissible en dehors de toute procédure d'entraide judiciaire: il faut que la transmission des informations soit de nature à permettre à l'autre Etat de présenter une demande d'entraide judiciaire (let. a) ou d'ouvrir une procédure pénale (let. b) ou encore à faciliter, dans cet autre Etat, le déroulement d'une instruction pénale en cours (let. c). Cette disposition ne vaut que pour les moyens de preuve et informations recueillis par un Etat contractant dans le cadre d'une enquête menée par ses propres autorités. Les informations doivent être échangées par le canal des autorités centrales et dans les limites fixées par le droit national. Comme il s'agit d'une simple disposition potestative, les Etats contractants n'ont aucune obligation d'en faire application.

Le par. 2 confère à l'autorité centrale qui transmet les informations et les moyens de preuve la faculté d'en restreindre l'utilisation. Elle peut soumettre cette utilisation aux conditions prévues par son droit national. Ces conditions auront force obligatoire pour les autorités de l'Etat destinataire.

L'art. 67a EIMP définit les modalités à suivre lorsque la Suisse est l'Etat qui communique spontanément des informations et des moyens de preuve.

Art. 31

Dénonciation aux fins de poursuite et de confiscation

Cette disposition couvre les cas visés dans la quatrième partie de l'EIMP. Elle assure que les infractions dont un Etat contractant n'est pas en mesure de poursuivre les auteurs ne restent pas sans suite. En pareille occurrence, le par. 1 donne à l'Etat 31

32

Art. 15 du traité d'entraide judiciaire avec les Philippines (RS 0.351.964.5), art. 29 du traité d'entraide judiciaire avec le Brésil (RS 0.351.919.81), art. 30 du traité d'entraide judiciaire avec le Mexique (RS 0.351.956.3) et art. 32 du traité d'entraide judiciaire avec le Chili (FF 2008 103).

RS 0.311.53

577

contractant concerné la possibilité de demander à l'autre Etat d'ouvrir une procédure pénale et de fournir à ce dernier les moyens de preuve nécessaires. Cette manière de procéder s'impose lorsque l'autorité compétente d'un Etat contractant a des indices concrets qu'une infraction a été commise mais n'est pas elle-même en mesure de mener à bien une procédure pénale. Tel peut être le cas lorsqu'une personne qui s'est rendue coupable d'une infraction dans l'un des Etats contractants se réfugie sur le territoire de l'autre Etat et qu'il est impossible de l'extrader (par exemple, en raison de sa nationalité). Un autre cas de figure peut être que l'un des Etats contractants dispose d'informations concrètes selon lesquelles une infraction a été commise contre l'un de ses ressortissants sur le territoire de l'autre Etat, mais qu'il ne peut pas engager lui-même de poursuites contre l'auteur de l'infraction, car, cette fois encore, l'extradition n'entre pas en ligne de compte.

Cette disposition est également applicable lorsqu'un Etat contractant possède des indices selon lesquels des valeurs ou des objets provenant d'une infraction se trouvent sur le territoire de l'autre Etat contractant. En pareil cas, le premier Etat peut demander à l'autre de confisquer les biens provenant de l'infraction.

Le par. 2 fonde, pour l'Etat contractant qui reçoit une dénonciation au sens de cet article, une obligation d'informer: son autorité centrale est tenue de communiquer à l'autre Etat la suite qui a été donnée à la dénonciation et de lui transmettre, au besoin, une copie de la décision rendue. Cependant, on ne saurait inférer de cette disposition une quelconque obligation, pour l'Etat qui reçoit la dénonciation, d'engager lui même des poursuites pénales ou de confisquer les biens provenant de l'infraction.

Par analogie avec l'art. 27, la dénonciation et les moyens de preuve transmis sont dispensés de toute légalisation (par. 3).

Art. 33 à 36

Autres accords ou arrangements; consultations; règlement des différends; entrée en vigueur et dénonciation

Le chapitre VII contient les dispositions finales usuelles des traités d'entraide judiciaire. L'art. 33 précise les relations existant entre le traité et d'autres dispositions de droit international ou du droit national des Etats contractants et entre le traité et une pratique bien établie. Le par. 2 de cet article prévoit l'abrogation des dispositions relatives à l'entraide de la Convention d'extradition des criminels du 21 novembre 1906 entre la Suisse et la République argentine33.

En cas de difficultés quant à l'application du traité ou à sa mise en oeuvre en général ou dans le cas d'espèce, les autorités centrales des Etats contractants procèdent à un échange de vues conformément aux dispositions de l'art. 34. Si elles ne parviennent pas à éliminer elles-mêmes le différend, l'art. 35 statue que celui-ci doit être réglé par la voie diplomatique. Cette solution figure également dans les accords d'entraide judiciaire conclus avec Hong Kong34, les Philippines35 et le Chili36. L'art. 36 définit la procédure à laquelle obéissent l'entrée en vigueur et la dénonciation du traité.

33 34 35 36

578

RS 0.353.915.4 Art. 37 (RS 0.351.941.6) Art. 32 (RS 0.351.964.5) Art. 37 (FF 2008 103)

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons

Le traité fonde de nouvelles obligations pour la Suisse. Cette remarque vaut plus précisément pour l'Office fédéral de la justice, autorité centrale par laquelle transiteront les demandes d'entraide judiciaire entre la Suisse et l'Argentine.

La charge de travail supplémentaire qui en résultera pour les autorités suisses compétentes en matière d'entraide judiciaire dépendra du nombre de demandes à traiter et de la complexité des cas. Sur la base des éléments dont nous disposons actuellement, nous pouvons estimer que le traité n'induira pas de coûts supplémentaires ni n'exigera un accroissement des effectifs au niveau de la Confédération. Le cas échéant, le département mettra à disposition les ressources requises pour absorber le surcroît de travail.

Au niveau des cantons, on ne saurait exclure totalement que le traité impose des charges supplémentaires à certaines autorités chargées d'exécuter les demandes d'entraide judiciaire. L'ampleur de ces charges dépendra du nombre et de la complexité des demandes ainsi que du temps qu'il faudra consacrer à leur exécution.

3.2

Conséquences économiques

Sur le plan économique, la conclusion du traité n'aura pas d'effets pour la Suisse.

4

Relation avec le programme de législature

Le projet est mentionné dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201137.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et forme de l'acte à adopter

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)38, la Confédération est compétente en matière d'affaires étrangères. La conclusion de traités internationaux est donc de son ressort. Le corollaire de cette compétence est que le Conseil fédéral signe les traités internationaux et les soumet à l'approbation de l'Assemblée fédérale en application de l'art. 184, al. 2, Cst. L'approbation de traités internationaux incombe à l'Assemblée fédérale conformément à l'art. 166, al. 2, Cst.

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qu'ils

37 38

FF 2008 710 RS 101

579

contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Dans le cas du traité d'entraide judiciaire avec l'Argentine, les deux premières conditions ne sont pas réunies. En effet, l'art. 36, par. 2, prévoit que cet instrument est dénonçable. Par ailleurs, le traité ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale.

Il reste à déterminer si la troisième condition est remplie, autrement dit si le traité contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit ou si sa mise en oeuvre nécessite l'adoption d'une loi fédérale. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement39, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Sont importantes les dispositions qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale selon les critères posés à l'art. 164, al. 1, Cst.

Le traité d'entraide judiciaire négocié avec l'Argentine contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Il crée pour les Etats contractants l'obligation de s'accorder une entraide judiciaire aussi large que possible ­ obligation qui a des incidences sur les droits et les devoirs des individus. Ces dispositions doivent être qualifiées d'importantes dans la mesure où, si elles devaient être édictées sur le plan national, elles le seraient sous la forme d'une loi fédérale, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. En conséquence, l'arrêté de l'Assemblée fédérale portant approbation du traité est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5.2

Procédure de consultation

Dans le cas du présent traité, la procédure de consultation au sens de l'art. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation40 n'a pas été nécessaire. En effet, le contenu du traité correspond, pour l'essentiel, à celui des traités déjà conclus en la matière. Le traité avec l'Argentine ne s'écarte, de manière substantielle, ni de l'EIMP, ni des traités bilatéraux ou multilatéraux que la Suisse a conclus par le passé. Au contraire, il étend le réseau des traités dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale et poursuit par la coopération internationale la politique du Conseil fédéral en matière de sécurité intérieure. Jusqu'à présent, le bien-fondé de ces traités n'a, sous l'angle politique, jamais été remis en cause et aucune raison ne donne à penser qu'il puisse en aller différemment du traité avec l'Argentine.

39 40

580

RS 171.10 RS 172.061