02.024 Message concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le message concernant le projet de loi fédérale sur les étrangers.

Par ailleurs, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1983

P

82.385

Nouvelle loi sur les étrangers (N 7.3.83, Oehen)

1983

P

82.414

Politique à l'égard des étrangers (N 7.3.83, groupe socialiste)

1990

P

89.809

Rapport sur les perspectives de la politique des étrangers (E 22.3.90, Weber)

1990

P

90.493

Densité démographique de la Suisse (N 22.6.90, Seiler Hanspeter)

1991

P

90.697

Séjour et établissement des étrangers. Révision de la loi (N 11.3.91, Fankhauser)

1993

M 92.3049 Loi sur les migrations (E 7.10.92, Simmen; N 7.6.93)

1993

P

93.3043 Lignes directrices pour une loi sur les migrations (N 7.6.93, Commission des institutions politiques CN 92.3049)

1993

P

92.3066 Définition d'une nouvelle politique démographique (N 18.6.93, Keller Rudolf)

1993

P

93.3320 Politique en matière de réfugiés (N 8.10.93, Eymann Christoph)

1995

P

93.3369 Permis C et absence prolongée (N 24.3.95, Zisyadis)

1996

P

94.3473 Permis d'établissement et conjoint étranger (N 4.10.95, Bühlmann; E 3.6.96)

1997

P

97.3013 Réglementation du droit de résidence des conjoints étrangers (N 17.6.97, Commission des institutions politiques CN 95.088)

1999

P

99.3034 Principes pour la future politique en matière d'étrangers (E 16.3.99, Commission des institutions politiques CE 97.060 [Minorité Reimann])

2002­0229

3469

1999

M 98.3445 Promotion des connaissances des langues usuelles du pays auprès de la population étrangère (E 15.12.98, Simmen; N 17.6.99)

1999

P

97.3149 Lutte contre la traite des blanches (N 20.4.99, Bühlmann)

1999

P

97.3577 Amnistie pour les 'sans-papiers' (N 20.4.99, Fankhauser)

1999

P

99.3188 Naturalisation facilitée de ressortissants étrangers (N 8.10.99, Heim)

1999

P

99.3079 Une politique des étrangers et de l'asile cohérente (E 2.6.99, Merz; N 7.10.99)

1999

P

99.3033 Principes pour la future politique en matière d'étrangers (E 16.3.99, Commission des institutions politiques MCE (97.060); N 7.10.99)

2000

P

99.3617 Intégration des étrangers. Campagne d'information (N 24.3.00, Groupe socialiste)

2000

P

98.3465 Etrangers résidant en Suisse. Promotion d'une langue nationale (N 14.6.00, [Bircher]-Heim)

2000

P

99.3137 Mieux informer les candidats à l'immigration en Suisse (N 14.6.00, [Hasler Ernst]-Freund)

2000

P

99.3616 Création d'un bureau pour l'intégration des étrangers (N 14.6.00, Groupe socialiste)

2000

P

00.3233 Acceptation des étrangères et étrangers (N 23.6.00, Commission spéciale CN 00.016 [Minorité Hollenstein])

2000

P

00.3195 Combler les graves erreurs du passé et ne pas les répéter (N 20.6.00, Commission spéciale CN 00.016; E 3.10.00)

2000

P

00.3232 Stabilisation du pourcentage des étrangers (N 27.9.00, Commission spéciale CN 00.016 [Minorité Pfister Theophil])

2000

P

01.3002 Mesures contre l'immigration illégale et améliorations de l'exécution des décisions de renvoi (Commission des institutions politiques CE (99.301); E 6.3.01)

2000

P

99.3504 Mariages blancs conclus en vue d'obtenir le droit de séjour (N 20.3.01, Heim)

2001

P

00.3039 Intégration des chercheurs formés par les EPF (N 27.9.00, Neirynck; E 2.10.01)

2001

P

01.3473 Sans-papiers. Concrétisation des cas de rigueur (N 10.12.01, Leuthard)

2001

P

01.3592 Réglementation du séjour en Suisse des jeunes sans-papiers (N 10.12.01, Vermot-Mangold)

3470

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

8 mars 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

3471

Condensé Depuis toujours, la population résidante de nationalité étrangère contribue fortement à la prospérité de notre pays. Sa présence constitue aussi une richesse culturelle pour notre société. Il est par conséquent du devoir de la Confédération de réglementer le statut des étrangers, de l'examiner régulièrement et de l'adapter aux besoins.

En 1993, la motion Simmen (92.3049) demandait au Conseil fédéral d'élaborer un vaste projet loi sur les migrations. A la suite de cette motion, l'ancien directeur de l'Office fédéral des réfugiés, Peter Arbenz, a établi un rapport sur la politique migratoire suisse.

En 1996, le Conseil fédéral a institué une commission d'experts «migration» (commission Hug) qu'il a chargée d'élaborer des propositions concrètes en vue de l'adoption d'une future politique migratoire. Dans son avis, le Conseil fédéral a relevé que les propositions correspondaient largement aux objectifs qu'il s'était fixés en la matière. A l'instar de la commission Hug, il a rejeté, en raison des difficultés juridiques, législatives et politiques qu'une telle option supposait, la création d'une vaste loi sur la migration, susceptible de chapeauter la législation sur les étrangers, la loi sur l'asile et d'autres domaines de politique migratoire. Au terme de la révision totale de la loi sur l'asile, le Conseil fédéral a communiqué sa décision de procéder à une révision totale de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers datant de 1931 (LSEE). Une première révision totale de ladite loi avait été rejetée de justesse par le peuple en 1982.

En 1998, une commission d'experts a été chargée d'élaborer un projet de nouvelle loi sur les étrangers (LEtr). Afin de bénéficier d'une situation initiale claire, la procédure de consultation concernant la LEtr a été renvoyée au lendemain du vote sur les accords bilatéraux avec la Communauté européenne (CE); elle a duré jusqu'au mois de novembre 2000. Alors que les participants à la consultation se sont exprimés à l'unanimité en faveur de la révision totale de la LSEE, ils ont émis des avis très divergents en ce qui concerne la finalité et les objectifs de la nouvelle loi.

Le projet de loi réglemente principalement l'admission et le séjour des ressortissants des Etats non-membres de l'UE ou de l'AELE (Etats tiers), qu'il s'agisse d'un séjour avec
ou sans activité lucrative, dont le statut n'est pas régi par la législation sur l'asile.

Leur droit au regroupement familial et l'encouragement de leur intégration sont également traités dans ce projet.

L'amélioration du statut juridique et la simplification des procédures administratives proposées visent à faciliter l'intégration des étrangers séjournant en Suisse, à écourter les procédures pour les employeurs et les autorités et à assurer une application uniformisée de la loi.

Les droits et les devoirs des étrangers ainsi que les mesures supplémentaires indispensables à la lutte contre les abus et à la sauvegarde de la sécurité et de l'ordre publics sont réglementés dans le projet de loi de manière appropriée. Les nouvelles dispositions sont modernes, dûment fondées et reprennent dans une large mesure la pratique actuelle.

3472

A. Admission des ressortissants d'Etats tiers en vue de l'exercice d'une activité lucrative (système binaire d'admission).

Les dispositions afférentes à l'admission de ressortissants d'Etats tiers en vue de l'exercice d'une activité lucrative constituent l'essentiel du projet de loi. L'admission et le séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE sont régis presque exclusivement par l'accord bilatéral avec la CE et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes qui entrera en vigueur le 1er juin 2002. Cet accord s'étendra également aux Etats membres de l'AELE. Après la période transitoire, les personnes dont le statut est régi par cet accord ne seront plus soumises à aucune limitation en matière d'admission sur le marché du travail.

En revanche, l'admission des ressortissants d'Etats tiers est limitée aux travailleurs qualifiés qui sont indispensables (système binaire d'admission). Définie déjà en 1991 par le Conseil fédéral quant à son principe, cette politique sera désormais consacrée dans une loi. En outre, les qualifications personnelles requises en matière d'admission y seront précisées.

Les expériences réalisées ces dernières années ont montré qu'il était indiqué de limiter l'admission des ressortissants d'Etats tiers en vue de l'exercice d'une activité lucrative aux travailleurs susceptibles de s'intégrer durablement aux plans professionnel et social. Des dérogations à ces prescriptions strictes d'admission sont possibles en particulier lors de l'admission en vue du regroupement familial, d'un séjour de formation ou pour des raisons humanitaires majeures.

L'opportunité d'un assouplissement des prescriptions d'admission relatives aux ressortissants des Etats tiers en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne sera examinée que lorsque les effets de l'application de l'accord sur la libre circulation seront connus et que les possibilités de recrutement de travailleurs peu qualifiés dans les Etats membres de l'UE ou de l'AELE ­ à des conditions de rémunération et de travail correctes ­ seront effectivement épuisées.

B. Amélioration du statut juridique et de l'intégration Le projet améliore la situation des étrangers qui séjournent légalement et durablement dans notre pays. Il s'ensuit une simplification considérable des procédures, actuellement un peu lentes, ce qui est aussi dans l'intérêt de l'économie suisse.

Après avoir franchi les obstacles de la procédure d'admission, les étrangers bénéficieront à certaines conditions ­ également par attraction de l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes ­ d'une plus grande mobilité (avant tout simplification des procédures lors du changement de canton, de profession ou d'emploi et accès au regroupement familial pour les titulaires d'une autorisation de courte durée et les étudiants).

Il y a lieu d'encourager l'intégration des étrangers dont le séjour est légal et durable.

Outre les principes de politique d'intégration contenus dans le projet de loi, les mesures d'encouragement adoptées jusqu'ici à l'échelon fédéral seront poursuivies. Il s'agit notamment d'améliorer la coordination des programmes d'intégration de même que la collaboration avec les cantons. L'accent est mis sur l'importance de la volonté manifestée par les étrangers de s'intégrer.

3473

C. Lutte contre les abus et sauvegarde de la sécurité et de l'ordre publics Les infractions et les abus commis, également dans d'autres pays, par une minorité d'étrangers requièrent la mise en place de nouvelles mesures. Tel est notamment le cas des filières de passeurs, du travail au noir et des abus du regroupement familial. Par conséquent, il importe que les autorités compétentes puissent prononcer des mesures d'éloignement adéquates à l'encontre des personnes qui ont enfreint ou menacent la sécurité et l'ordre publics ou qui représentent une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse.

3474

Message 1

Partie générale

1.1

Situation initiale

1.1.1

Historique

Jusqu'au début de la Première Guerre mondiale, les ressortissants des Etats avec lesquels notre pays avait conclu un traité d'établissement pouvaient s'établir en Suisse sans la moindre restriction. En principe, leur activité lucrative n'était soumise à aucune limitation. Dans la pratique, cette liberté d'établissement déployait aussi ses effets pour les ressortissants des Etats qui n'avaient conclu aucun traité d'établissement avec la Suisse. Notre pays ne refusait le séjour ou l'établissement que lorsque la sécurité et l'ordre publics étaient menacés. Les tâches de police des étrangers relevaient de la stricte compétence des cantons.

Les débuts de l'industrialisation au 19e siècle firent constamment augmenter la population étrangère. La proportion d'étrangers résidant sur notre sol, qui s'élevait à 3 % en 1850, atteignit 14,7 % en 1910, puis 15,4 % en 1914. Les hostilités mirent un terme à la liberté de circulation.

Se fondant sur les pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été conférés, le Conseil fédéral édicta, le 21 novembre 1917, une ordonnance concernant la police frontière et le contrôle des étrangers (RO 1917 989). L'entrée et le séjour des étrangers furent ainsi soumis à un contrôle général de police des étrangers. Cette ordonnance fut suivie, le 17 novembre 1919, d'une ordonnance sur le contrôle des étrangers qui assouplissait les dispositions sévères relatives aux visas (RO 1919 947). Depuis cette époque, les traités d'établissement qui sont encore en vigueur sont interprétés de telle façon que les Etats d'accueil ont le pouvoir de décider librement de l'admission des étrangers. D'ailleurs, les Etats contractants reconnaissent tacitement ou expressément cette limitation.

Le Conseil fédéral édicta ensuite l'ordonnance du 29 novembre 1921 sur le contrôle des étrangers (RO 1921 829) toujours en application de pouvoirs extraordinaires.

Cependant, pour remplacer cette ordonnance par une loi fédérale ordinaire, il fallut amender la Constitution. Le 25 octobre 1925, les Chambres fédérales adoptèrent l'art. 69ter Cst. La Confédération fut ainsi habilitée à légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. Le 26 mars 1931, la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) fut adoptée. Elle entra en vigueur le 1er janvier 1934 (RS 142.20)
et l'est encore actuellement.

De nombreux étrangers quittèrent la Suisse dès le début de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. La crise économique des années trente causa aussi le départ d'un grand nombre d'étrangers, tant et si bien que la proportion de la population étrangère en Suisse était de 5,2 % en 1941.

Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'essor conjoncturel accrut le besoin de main-d'oeuvre étrangère en Suisse. On considéra tout d'abord cette évolution comme un phénomène passager, car d'une façon générale, on pensait que la maind'oeuvre étrangère ne séjournerait pas durablement dans notre pays, d'où la politique d'admission libérale appliquée jusqu'en 1963. Le nombre des travailleurs étrangers ayant rapidement augmenté au début des années soixante, le Conseil fédéral décida 3475

au printemps 1963 de limiter leur admission par des ordonnances visant au plafonnement de l'effectif maximal des étrangers par entreprise. Les mesures prises entre 1963 et 1970 se traduisirent par une nette diminution des taux d'accroissement.

En 1970, le Conseil fédéral remplaça les mesures de plafonnement par entreprise par une limitation générale des étrangers désireux d'entrer en Suisse afin d'y exercer une activité lucrative. Au cours des années septante, à la suite de la grave récession que connut notre pays, la proportion de la population étrangère résidant en Suisse diminua fortement. Alors que ce pourcentage d'étrangers n'avait cessé d'augmenter jusqu'en 1974 pour atteindre 16,8 %, il retomba à 14,1 % en 1979. Au début des années quatre-vingt, la proportion de la population résidante permanente de nationalité étrangère s'était largement stabilisée.

Une nouvelle loi sur les étrangers qui avait vu le jour le 19 juin 1981 fut rejetée en votation pop00000000ulaire le 6 juin 1982 (FF 1982 II 453). Elle avait été conçue comme contre-projet indirect à l'initiative populaire «être solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers». Les ordonnances portant sur les limitations alors en vigueur furent soumises à une révision totale. Se fondant sur les art.

18, al. 4 et 25, al. 1, LSEE, le Conseil fédéral édicta, le 6 octobre 1986 l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21). Différents points incontestés de la loi sur les étrangers, qui venait d'être rejetée, furent consacrés dans l'ordonnance.

Si la limitation ne concernait jusqu'alors que les étrangers exerçant une activité lucrative, l'OLE s'étendait désormais aussi aux étrangers sans activité lucrative.

En Suisse, la haute conjoncture des années quatre-vingt créa un grand nombre d'emplois qui ne purent être pourvus que grâce à l'engagement d'une nouvelle main-d'oeuvre étrangère. Aussi la population étrangère résidant en Suisse augmentat-elle en conséquence. Une stabilisation sensible n'intervint qu'au cours des années nonante. Alors que le taux de croissance annuel se situait encore fin 1991 à quelque 63 000 personnes, soit à 5,7 %, ce taux retomba à 7118 personnes, soit à 0,5 %, en 1998. Cette évolution est due principalement à la conjoncture défavorable de ces dernières années et au changement, en
septembre 1991, de politique du Conseil fédéral à l'égard des étrangers. Cette politique prévoyait notamment la suppression progressive des possibilités de recrutement de personnes en provenance d'Etats hors de l'UE ou de l'AELE, dépourvues de qualifications particulières ou n'étant pas appelées à assumer une fonction clé (cf. FF 1991 III 316). Ces mesures touchaient principalement les ressortissants de l'ex-Yougoslavie (voir également le rapport du Conseil fédéral sur la politique à l'égard des étrangers et des réfugiés, FF 1991 III 316).

Contrairement à la situation due à la récession des années septante, le nombre des étrangers n'accusa pas de baisse aussi marquée au cours des années nonante.

L'explication la plus plausible de ce phénomène est sans aucun doute l'absence de régime obligatoire d'assurance-chômage dans les années septante. En effet, ne pouvant pas encore bénéficier de ce genre de prestations, la plupart des étrangers quittaient notre pays lorsqu'ils perdaient leur emploi ou risquaient de le perdre. Or, ce ne fut plus guère le cas lors de la dernière récession qui frappa la Suisse. Le nombre peu élevé de départs de Suisse est aussi dû au fait que nombre d'étrangers sont titulaires d'une autorisation d'établissement.

3476

Actuellement, un taux de croissance élevé de la population étrangère tend à augmenter à la suite d'une situation économique sensiblement plus favorable. En 1999, ce taux s'élevait à 1,5 %, soit 20 759 personnes et en l'an 2000 à 1,1 %, soit 15 712 personnes. Par rapport à l'ensemble de la population, la population résidante permanente de nationalité étrangère représentait fin août 2001, 1 407 203 étrangers, soit 19,6 % de la population1.

Il convient de constater d'une manière générale qu'outre la forte pression migratoire existant dans le domaine de l'asile depuis les années quatre-vingt, c'est surtout la situation économique qui exerce une forte influence sur l'effectif des étrangers. La quantité disproportionnée actuelle de chômeurs étrangers ne remplissant pas les exigences du marché du travail quant à leurs qualifications professionnelles s'explique sans aucun doute par le nombre important de transformations d'autorisations saisonnières en autorisations à l'année.

Entre 1965 et 1995, sept initiatives s'opposant à la surpopulation étrangère ont été déposées. Six d'entre elles ont été rejetées en votation populaire, alors qu'une initiative a été retirée. La dernière initiative populaire déposée, à savoir l'initiative populaire «pour une réglementation de l'immigration» (FF 1999 2352) avait pour objectif prioritaire de réduire à 18 % la proportion de la population étrangère résidante en Suisse. Elle fut balayée par le peuple le 24 septembre 2000 par 1 330 224 voix (63,8 %) contre 754 626 (36,2 %) et fut refusée par tous les cantons. Trois autres initiatives contre la surpopulation étrangère ont avorté au stade de la récolte des signatures (en 1987, 1991 et 1997).

D'autres objets ont été rejetés en votation populaire. Il s'agit de l'initiative «être solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» (1981), de deux modifications constitutionnelles visant à faciliter l'acquisition de la nationalité (1983 et 1994) et d'une initiative populaire «contre l'immigration clandestine» (1996).

Les principales révisions partielles de la LSEE ont eu pour objet une nouvelle réglementation des autorisations et des compétences (RO 1949 I 222 1277; FF 1948 I 1293), l'institution de l'admission provisoire (RO 1987 1665; FF 1986 I 1; avec d'autres modifications ultérieures), un renforcement
des dispositions pénales (RO 1988 332; FF 1986 III 233), la nouvelle réglementation du regroupement familial des ressortissants suisses et des étrangers établis (RO 1991 1034 1043; FF 1987 III 311), l'introduction de mesures de contrainte en matière de droit des étrangers en 1994 et l'abolition de l'internement (RO 1995 146; FF 1994 301), l'adoption de l'art. sur l'intégration et des dispositions sur la protection des données, ainsi que le remplacement de l'admission provisoire collective par des dispositions dans la loi sur l'asile sur la protection temporaire (RO 1999 1111; FF 1996 I 1).

1

Titulaires d'une autorisation de séjour à l'année ou d'une autorisation d'établissement; hormis les saisonniers, les titulaires d'autorisations de courte durée, les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les fonctionnaires internationaux.

3477

1.1.2

Contexte actuel de la politique à l'égard des étrangers

A la suite de la motion Simmen, le Conseil fédéral fut chargé, en mars 1993, d'élaborer une loi sur les migrations. Sur mandat du chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) de l'époque, l'ancien directeur de l'Office fédéral des réfugiés (ODR), Peter Arbenz, élabora un rapport sur la politique suisse en matière de migration, présenté en mai 1995. Envoyé en procédure de consultation la même année, il suscita des réactions très mitigées.

En septembre 1996, le Conseil fédéral institua la commission d'experts «Migration», qu'il chargea de présenter des propositions concrètes en vue d'une future politique migratoire, tenant compte des conclusions du rapport Arbenz et du résultat de la procédure de consultation précitée. En août 1997, la commission d'experts livra un rapport au Conseil fédéral. Le Conseil fédéral se prononça le 8 juin 1998, déclarant que les conclusions et les propositions de la commission d'experts concordaient largement avec les objectifs qu'il s'était fixés en matière de migration.

Avec la révision de l'OLE, entrée en vigueur le 1er novembre 1998 (RO 1998 2726), le Conseil fédéral modifia sa politique de recrutement compte tenu des propositions de la commission d'experts «Migration». Fondée jusque-là sur le modèle dit «des trois cercles», elle fut remplacée par un «système binaire d'admission». Ainsi, lorsque les chômeurs suisses ou les étrangers à la recherche d'un emploi ­ qui ont déjà été admis pour exercer une activité lucrative ­ ne possèdent pas les qualifications requises en vue de pourvoir les postes vacants, les milieux économiques ont la possibilité de recruter des travailleurs provenant en priorité des pays de l'UE et de l'AELE, ce qui est déjà le cas depuis 1991. L'innovation consistait à limiter le recrutement en provenance de tous les autres pays aux seuls travailleurs bénéficiant de bonnes qualifications. De plus, des motifs particuliers doivent justifier cette exception. Comme c'était déjà le cas auparavant, l'admission pour les motifs suivants n'est pas soumise à ce principe: obligations de droit international public, motifs humanitaires importants, regroupement familial, formation ou perfectionnement professionnels.

L'initiative populaire «contre les abus dans le droit d'asile» a été déposée le 13 novembre 2000. L'objectif de cette initiative est de
diminuer l'attrait de la Suisse en tant que pays d'asile au moyen de différentes mesures. Ainsi, notamment, les compagnies d'aviation concessionnaires pour le trafic de ligne qui ne contrôlent pas ou pas suffisamment que leurs passagers respectent les conditions d'entrée en Suisse feraient l'objet de sanctions. Le présent projet de loi tient compte de cette demande (cf. ch. 1.3.12 et art. 88 s.). Quant à la réglementation de l'admission provisoire, le Conseil fédéral pourra édicter des prescriptions plus sévères, notamment concernant le choix du lieu de résidence et de l'activité lucrative, lorsque le renvoi ou l'expulsion de l'étranger n'est pas possible à cause de son manque de collaboration (art. 80, al. 7). Ce point avait aussi été soulevé par les auteurs de l'initiative. Le Conseil fédéral propose le rejet de l'initiative populaire (FF 2001 4511).

Depuis l'été 2001, différents groupes d'étrangers clandestins (sans-papiers) occupent des églises et des bâtiments publics. Ils exigent une réglementation collective du séjour des personnes se trouvant en Suisse illégalement. Connu depuis longtemps déjà, ce problème a été porté sur la place publique et a fait l'objet de nombreuses interventions parlementaires. Les autorités fédérales et les cantons sont conscients de la nécessité d'examiner de manière plus approfondie certains cas, pour lesquels 3478

l'octroi d'une autorisation de séjour par les autorités cantonales compétentes et par la Confédération serait justifié. Tel est le cas des familles dont les enfants scolarisés depuis longtemps sont bien intégrés ou des personnes dont l'état de santé nécessite un séjour en Suisse.

La pratique humanitaire constante s'est révélée adéquate et, au sens du présent projet de loi, elle peut être poursuivie. Le Conseil fédéral, tous les cantons et la grande majorité des parlementaires sont arrivés à la conclusion qu'une réglementation collective ou une amnistie des personnes qui séjournent en Suisse sans autorisation n'entre pas en ligne de compte. Les expériences réalisées, notamment dans certains Etats membres de l'UE, ont montré qu'une amnistie ne permettait pas de réduire notablement le nombre de clandestins. Par ailleurs, pareille mesure ne fait que récompenser les abus en matière de droit à l'égard des étrangers, y compris les abus commis par les employeurs. Il y a en effet des liens étroits entre le séjour illégal et le travail au noir. Au vu de la nécessité d'agir dans ce domaine, le Conseil fédéral a transmis au Parlement, en janvier 2002, le message concernant la loi fédérale contre le travail au noir.

L'accord sur la libre circulation des personnes2 joue un rôle essentiel en ce qui concerne la définition de la politique suisse en matière d'admission. Cet accord régit très largement le statut juridique des ressortissants des Etats membres de l'UE et il prévoit un passage progressif à la libre circulation des personnes3. Cet accord entrant en vigueur prochainement, les dispositions légales afférentes aux ressortissants des Etats tiers devront également être adaptées aux exigences actuelles.

1.1.3

Motifs de la révision totale de la LSEE

En raison des difficultés juridiques, législatives et politiques qui y sont liées, le Conseil fédéral refuse d'élaborer une loi-cadre sur la migration chapeautant à la fois la LSEE et la loi sur l'asile (LAsi). Toutefois, la refonte de la LAsi étant accomplie, le Conseil fédéral souhaite soumettre la LSEE, qui date de 1931, à une révision totale.

Cette manière de procéder correspond aux conclusions de la commission d'experts «Migration» (cf. ch. 1.1.2).

De façon générale, le fait que les principales dispositions de la législation sur les étrangers, en particulier dans le domaine du marché du travail et de l'activité lucrative, soient contenues dans des ordonnances du Conseil fédéral, est considéré comme un manque de légitimité. Pour y remédier, toutes les modifications de l'ordonnance envisagées par le Conseil fédéral sont mises en consultation chaque année. La très large délégation de compétence législative au Conseil fédéral dans l'actuelle LSEE n'est pas conforme à la règle selon laquelle les principes de base doivent figurer dans une loi. La révision totale de la LSEE, conçue jusqu'alors comme une loi-cadre, permettra d'améliorer, de régler plus exhaustivement et d'adapter le statut des étrangers. Ainsi, la légitimité politique de la réglementation sur les étrangers s'en trouve renforcée.

2 3

FF 1999 6319; message FF 1999 5440 Cet accord s'appliquera partiellement aussi aux Etats de l'AELE. Quant au Liechtenstein, le Protocole du 21 juin 2001, qui fait partie intégrante de l'accord, est applicable (FFl 2001 4729)

3479

Par ailleurs, il a également été tenu compte, dans l'élaboration de la présente loi, des demandes figurant dans la motion du 3 mars 1999 de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (99.3033; transmise aux deux Chambres fédérales sous forme de postulat). Cette intervention parlementaire exige en particulier une limitation de la population étrangère résidante permanente de nationalité étrangère au moyen d'une politique d'admission restrictive à l'égard des Etats qui ne font pas partie de l'UE et de l'AELE, un renforcement de la promotion de l'intégration des étrangers, une lutte systématique contre les abus dans le domaine du droit des étrangers et l'instauration de meilleures bases légales pour l'exécution du renvoi des étrangers sans droit de séjour.

Le 21 novembre 2001, le Conseil fédéral a adopté un message4 prévoyant la naturalisation facilitée des étrangers de la deuxième ou de la troisième génération ainsi qu'une simplification des procédures en matière de naturalisation.

1.1.4

Mandat et objectifs de la commission d'experts

Le 10 septembre 1998, le chef du DFJP a institué une commission d'experts, qu'il a chargée de l'élaboration d'un projet de révision totale de la LSEE.

Dans le cadre de son mandat, la commission a été invitée à respecter les principes suivants: ­

La nouvelle loi contient les principes généraux de la politique suisse en matière de migration et réglemente les droits et devoirs des étrangers en matière d'entrée, de sortie, de séjour et d'exercice d'une activité lucrative dans notre pays. Elle contient en outre les bases nécessaire pour soutenir efficacement l'intégration des étrangers qui séjournent durablement dans notre pays.

­

Les propositions du rapport de la commission d'experts «Migration», publié en août 1997, de même que celles du rapport final du groupe de travail «Exécution des renvois» (Confédération et cantons), du 31 mars 1998 sont prises en considération.

­

Les expériences des autres Etats et les efforts d'harmonisation au plan européen sont également considérés.

­

Les dispositions constitutionnelles et les engagements internationaux (CEDH notamment) demeurent réservés.

1.2

Composantes de la politique migratoire

1.2.1

Situation initiale

Compte tenu du mandat conféré à la commission et des propositions de la commission d'experts «Migration», le projet envoyé en consultation comprenait les principes généraux de la politique suisse en matière de migration. Or, la politique migratoire englobe, outre les domaines spécifiques du droit en matière d'asile et d'étrangers, d'autres secteurs, tels que la politique extérieure en matière de migra4

FF 2002 1815.

3480

tion. Les principes fixés dans la nouvelle loi sur les étrangers devraient donc également être pris en considération dans l'élaboration et l'application d'autres lois. Tant la commission d'experts chargée de la révision totale de la LSEE qu'une majorité des milieux consultés sont parvenus à la conclusion que les difficultés législatives qui en résulteraient et le manque de caractère contraignant de ces principes ne contribueraient guère à rendre la politique migratoire plus cohérente. C'est pourquoi le projet de loi ne contient pas les principes généraux de la politique migratoire: ils sont néanmoins commentés plus en détail dans le présent message.

Les migrations locales et intercontinentales sont une constante de l'histoire de l'humanité. Le 20e siècle n'est pas une exception. Il est marqué par des mouvements de population volontaires (attrait d'une économie en forte croissance, exode rural) mais surtout forcés (fuite devant un régime totalitaire, émigration due à une crise politique ou économique, à une guerre ou à une catastrophe naturelle).

Après la guerre froide, la globalisation confère une dimension nouvelle aux migrations. La mondialisation de l'information, l'interdépendance croissante des économies et la libéralisation des échanges de biens, de services et de capitaux accentuent la visibilité des marchés et l'attrait des pays industrialisés et des pôles de développement. Parallèlement, la marginalisation et la paupérisation de vastes régions, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine, témoignent d'un accroissement des disparités économiques et sociales, elles-mêmes facteurs de crises et de mouvements non volontaires de populations.

Depuis les années septante et l'apparition du phénomène cyclique des crises économiques, les pays européens ont développé des politiques d'immigration restrictives, reposant sur le postulat d'un contrôle efficace des frontières et des mouvements de personnes au niveau régional. Toutefois, la globalisation requiert désormais de nouvelles restrictions de la politique d'immigration, car elle met en question certains objectifs, tels que celui d'une stabilisation de la population étrangère.

L'accessibilité accrue de l'information, le développement des moyens de communication et de transport de longue distance, la prolifération des filières de
passeurs, la mobilité professionnelle et les exigences accrues de l'économie constituent autant de caractéristiques de la globalisation comportant de fortes potentialités en termes de migration. A cela, il convient d'ajouter les conséquences des migrations non volontaires dues à la paupérisation et à la poussée démographique, ainsi qu'à la persistance de crises humanitaires et de conflits internes sur de nombreux points du globe.

A la lumière de ces développements, la migration est désormais de plus en plus perçue comme un phénomène à la fois durable et incontournable, qui affecte diversement les sociétés selon les perspectives envisagées: source de problèmes politiques, économiques et sociaux, mais aussi facteur de développement pour les pays européens, source d'avantages et de profits mais aussi facteur de fuite de cerveaux pour certains pays du Sud. Pour plusieurs Etats du Nord, l'immigration semble devenue une réalité dont il s'agit désormais de tirer les conséquences aux plans intérieur et extérieur. Ainsi, au plan intérieur, il convient de prendre en considération les questions liées à la croissance démographique (négative dans les pays industrialisés notamment) de même que les exigences du marché du travail et de l'intégration. Au plan extérieur, la gestion et le contrôle des mouvements migratoires ainsi que la prévention de déplacements non volontaires de population représentent un nouveau défi. Les chapitres qui suivent rendent compte de la situation en Suisse dans les trois

3481

domaines prioritaires: démographie, marché du travail et prévention des migrations non volontaires.

A l'échelle internationale, les migrations sont un phénomène dont les caractéristiques sont encore à établir et à analyser. Les paramètres d'une concertation et d'une coopération impliquant l'ensemble des acteurs ­ pays d'origine, de transit et de destination des migrants dont les intérêts sont souvent très différents ­ sont à déterminer, en l'absence de structure internationale. La pression croissante des mouvements de populations, en particulier sur les pays industrialisés, devrait toutefois favoriser la réflexion et le développement d'une concertation internationale, à laquelle la Suisse a grand intérêt à prendre part.

1.2.2

Evolution démographique en Suisse

La population croît, mais elle vieillit Lors du premier recensement, en 1860, la Suisse comptait 2,5 millions d'habitants.

Aujourd'hui, elle en compte 7,164 millions. Parallèlement à cette croissance, on constate un vieillissement démographique, c'est-à-dire une diminution de la proportion des jeunes et une augmentation de celle des personnes âgées. Cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines décennies.

Les migrations: un impact très important sur la démographie de la Suisse Pour la Suisse et l'économie suisse, l'immigration et l'émigration ont toujours été très importantes. Liées à la conjoncture, elles sont très fluctuantes et ont un impact considérable sur la dynamique démographique du pays. Ainsi, de 1986 à 1994, la différence entre le nombre d'immigrations et le nombre d'émigrations a dépassé la différence naturelle (différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès), avec un maximum de 61 400 personnes en 1991, la différence naturelle ne s'élevant alors qu'à 23 600 personnes. Après une chute du nombre des immigrations entre 1991 et 1997, la différence migratoire est à nouveau largement positive (16 100 personnes en 1999).

Baisse de la population dès 2030 environ L'Office fédéral de la statistique a développé trois scénarios concernant l'évolution démographique de la Suisse et l'évolution de la population active de 2000 à 2060.

Le scénario de référence («tendance») poursuit les évolutions observées au cours des dernières années. Selon ce scénario, la population continuera de s'accroître durant une trentaine d'années, atteignant 7,416 millions d'habitants en 20285. Au-delà, la différence migratoire ne parviendra plus à compenser la différence naturelle négative et la population commencera à décroître: en 2060, la Suisse comptera 7,061 millions d'habitants. Le rythme de l'évolution diffère considérablement selon la catégorie de nationalité. La population de nationalité suisse suit la même évolution que l'ensemble de la population, alors que la population étrangère poursuit sa croissance jusqu'en 2060, où elle atteindra 1,609 million (soit une augmentation de 202 500 personnes). Cette croissance est le fait des ressortissants des pays hors UE, dont l'effectif augmentera de 48 % (917 000 en 2060, contre 596 100 en 1999), alors que 5

Les scénarios démographiques 2000-2060 portent sur la population résidante permanente, dont sont exclus les étrangers effectuant un séjour de courte durée en Suisse et les requérants d'asile.

3482

celui des ressortissants des pays de l'UE diminuera de 12 % (692 100 en 2060, contre 810 500 en 1999)6.

En 2035, un résidant sur quatre sera âgé de 65 ans ou plus Les effectifs des moins de 65 ans diminueront. En 2060, la Suisse n'en comptera plus que 5,379 millions, contre 6,083 millions en 2000 (soit un recul de 11 %). La décroissance la plus forte concerne les personnes âgées de 20 à 39 ans, avec une diminution de 16 %. L'effectif des personnes âgées de moins de 20 ans diminuera de 11 % et celui des personnes de 40 à 64 ans de 7 %. L'évolution des effectifs de ces trois classes d'âge dépend cependant des hypothèses de fécondité retenues et de la permanence des flux migratoires. En revanche, ces hypothèses ont peu d'influence sur l'évolution de la population âgée (65 ans ou plus), dont la croissance est inéluctable: à partir de 2035, un résident sur quatre sera âgé de 65 ans ou plus, contre un sur six actuellement.

Une population active en diminution dès 2015 Selon le scénario «tendance», la population active poursuivra son augmentation jusqu'en 2014, année où elle atteindra 4,182 millions (+4 % par rapport à 2000).

Dès ce moment, le nombre de personnes actives ne cessera de baisser. En 2060, il atteindra 3,664 millions, en recul de 9 % par rapport à 2000. A l'inverse de l'évolution de la population active en général, le nombre de personnes actives étrangères ne diminuera pas. Il passera de 835 000 en 2000 à 961 000 en 2060 (+15 %).

La part d'étrangers dans la population active augmentera donc sensiblement: de 21 % en 2000, elle atteindra 26 % en 2060.

Les aînés représenteront une charge accrue pour la population active Le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus pour 100 actifs de 20 à 64 ans augmentera très nettement: il passera, au sein de la population suisse, de 36 actuellement à 63 en 2060. Il franchira le cap des 40 en 2011, des 50 en 2023 et des 60 en 2031. Pour la population étrangère, le rapport entre aînés et personnes actives est trompeur en raison du fréquent retour au pays après la fin d'une activité professionnelle en Suisse (en 2000, la Suisse ne comptait que 10 étrangers âgés de 65 ans ou plus pour 100 personnes actives étrangères de 20 à 64 ans).

6

Il convient de signaler que le scénario "tendance" ne prévoit pas une compensation de la baisse de la population active par l'immigration.

3483

Evolution de la population résidante permanente de 1860 à 2060 9'000

Observations 8'000

Scénario "tendance" A-00-2000 Scénario "dynamique positive" B-00-2000

Nombre de personnes (en milliers)

7'000

Scénario "dynamique négative" C-00-2000

6'000

5'000

4'000

3'000

2'000

1'000

0 1860

1880

1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

2040

2060

Année

L'immigration: un remède au vieillissement de la population ?

Si l'immigration et l'émigration de main-d'oeuvre étrangère a souvent permis par le passé de réguler le marché suisse du travail, elle n'est pas la panacée. En effet, les mouvements migratoires ne sont que partiellement maîtrisables et les immigrants sont, eux aussi, de futurs retraités. Parallèlement à la politique migratoire, d'autres éléments peuvent contribuer à atténuer les conséquences économiques du vieillissement de la population: nous pensons ici notamment à des gains de productivité ou à une meilleure exploitation du potentiel de travail de la population résidante (p. ex.

en réaménageant les horaires de travail et les infrastructures scolaires pour aider les femmes à concilier travail et famille ou en encourageant ­ par la voie d'incitations financières aussi bien que par une meilleure formation continue ­ les plus de 55 ans à maintenir une activité professionnelle). Signalons encore que la Suisse, en raison de son système de prévoyance professionnelle reposant sur trois piliers et de son faible niveau de chômage, est loin d'être le pays le moins armé pour faire face au vieillissement de sa population.

1.2.3

Politique d'admission

Les objectifs de la politique d'admission se fondent largement sur les propositions de la commission d'experts «Migration» d'août 1997. La politique migratoire ­ en particulier la politique en matière d'admission ­ est exposée à différents conflits d'intérêts, étant donné la disparité des attentes des différents domaines politiques.

Au moment de leur application, il est toutefois inévitable d'évaluer à nouveau les différents intérêts en jeu. En ce qui concerne l'admission de main-d'oeuvre étrangère, ce sont davantage les intérêts économiques que les aspects humanitaires qui sont prioritaires. En revanche, les intérêts économiques du pays ou les chances

3484

d'intégration professionnelles à long terme de l'étranger concerné ne sont pas déterminants dans l'admission d'un cas pour des motifs humanitaires majeurs.

Il importe de ne pas perdre de vue que l'admission d'un étranger est une décision autonome appartenant à tout Etat souverain, sous réserve de ses obligations de droit international public. Autrement dit, en règle générale, il n'existe ni droit à l'entrée ni droit au séjour.

1.2.3.1

Admission des travailleurs

Système binaire d'admission A l'instar du Conseil fédéral, les milieux consultés estiment pour la plupart qu'il faut continuer de limiter l'admission des travailleurs étrangers qui ne sont pas des ressortissants des Etats de l'UE et de l'AELE, dans le respect des obligations de droit international public.

C'est pourquoi le présent projet de loi reprend le système binaire d'admission. Ce système se fonde sur le principe de l'ouverture réciproque à l'égard des Etats membres de l'UE dans le cadre de la transposition de l'accord sur la libre circulation des personnes. Cet accord s'étendra aux Etats membres de l'AELE (accord amendant la convention instituant l'Association européenne de libre-échange)7. Le Conseil fédéral a déjà procédé au remplacement du modèle des trois cercles par un système d'admission binaire lors de la révision de l'OLE du 21 octobre 1998.

Selon le projet de loi, une autorisation de séjour ou une autorisation de courte durée en vue de l'exercice d'une activité lucrative doit être délivrée en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE et de l'AELE, en application de l'accord sur la libre circulation des personnes. Ce n'est que dans le cas où aucun travailleur correspondant au profil requis ne peut être recruté au sein des Etats membres de l'UE et de l'AELE que des autorisations seront délivrées à des ressortissants d'autres Etats, à condition toutefois qu'ils occupent des postes de cadres, de spécialistes ou qu'ils soient qualifiés. Lorsque des autorisations de séjour sont délivrées à ces personnes, on attend d'elles qu'elles s'adaptent au milieu professionnel et que leurs connaissances linguistiques ainsi que leur âge leur permettent de s'intégrer durablement tant dans environnement social et professionnel.

Admission dans l'intérêt de l'économie suisse Le projet de loi fixe les règles d'admission pour les ressortissants d'Etats tiers au chapitre 4. Il importe en particulier de rendre les décisions d'admission dans l'optique qu'elles servent les intérêts économiques du pays à long terme. Ce critère mentionné à de nombreux endroits n'est pas défini plus précisément dans le projet de loi, mais il concerne bien, au premier chef, le domaine du marché du travail. Afin d'avoir une vue d'ensemble de la situation économique, la Confédération peut obliger les cantons à rendre
compte des autorisations délivrées.

La notion «intérêts économiques du pays» est assez vague d'un point de vue légal et n'est pas exhaustive; elle ne peut être toujours interprétée de façon identique. En effet, elle dépend en particulier de la situation effective du marché du travail. Il incombe aux autorités du marché du travail ­ et ce, dans le cadre de leur pouvoir 7

FF 2001 4775 ss

3485

d'appréciation ­ d'examiner concrètement chaque cas au vu des conditions économiques et de la situation donnée sur le marché de l'emploi. L'examen des intérêts économiques du pays doit, en effet, favoriser une évolution économique durable tout en tenant compte des aspects politiques et sociaux du pays. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d'oeuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers au sein de l'économie.

Il s'agit plutôt d'intégrer les étrangers durablement et à long terme dans le marché du travail et la société, d'assurer une évolution régulière du taux de l'emploi et d'améliorer structure de notre marché du travail, objectif formulé à l'art. 1 OLE (art. 16). Il ne faut pas promouvoir au premier chef des intérêts économiques à court terme. Les dispositions légales devraient surtout éviter que l'entrée en Suisse des nouveaux étrangers en provenance des Etats tiers ne se traduise par une nouvelle vague d'immigration de main-d'oeuvre peu qualifiée, présentant des problèmes accrus d'intégration8.

Il convient aussi d'éviter que les étrangers nouvellement entrés dans notre pays fassent une concurrence inopportune aux travailleurs en Suisse et provoquent ainsi un dumping salarial et social par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail. Il est vrai aussi qu'il s'agira de favoriser avant tout la main-d'oeuvre européenne en vertu de l'accord sur la libre circulation des personnes. Cependant, cette mesure ne devrait pas protéger les marchés intérieurs de la concurrence étrangère.

A la différence du régime actuel, une ouverture contrôlée du marché lors de l'admission d'indépendants est effectivement souhaitée en vue de stimuler la concurrence. La concurrence stimule les performances de notre économie et garantit à long terme que les entreprises suisses restent compétitives à l'échelle internationale.

Dispositions légales fixant des normes d'appréciation et renonciation à l'introduction d'un système à points En élaborant le projet de loi, les experts ont examiné la possibilité d'introduire un système à points permettant d'admettre les ressortissants d'Etats hors UE et AELE en vue de l'exercice d'une activité lucrative par la délivrance d'une autorisation de courte durée ou
d'une autorisation de séjour. Calqué sur le modèle des lois sur l'immigration australienne et canadienne, ce système à points se fonde sur une notation de critères déterminés à l'avance (formation, expérience professionnelle, connaissances linguistiques, âge, etc.) par les autorités compétentes en matière d'immigration. La pondération des différents critères est déterminée d'avance.

L'étranger est admis lorsqu'un nombre minimum de points est atteint.

Ce système à points a été comparé au modèle traditionnel dans lequel l'autorité compétente prend sa décision sur la base de dispositions légales et de directives prévoyant les critères déterminants d'admission.

8

La politique d'admission généreuse de personnel auxiliaire et de saisonniers adoptée au cours de ces trente dernières années s'est traduite par un accroissement du nombre d'étrangers peu qualifiés. Ce phénomène a augmenté le chômage des étrangers, entravé les transformations structurelles indispensables dans l'économie et ralenti la productivité.

3486

Le système à points présente les avantages suivants: ­

Il est plus transparent que la réglementation actuelle et rend l'appréciation des autorités plus objective. Les bases de décision des autorités sont claires pour tout le monde et faciles à contrôler.

­

Il assure une application égale et uniforme dans tous les cantons grâce aux critères standardisés.

­

La marge d'appréciation étant plus limitée, les secteurs, les régions et les entreprises peuvent moins facilement imposer aux autorités leurs propres intérêts, qui risquent de contrecarrer les objectifs économiques du pays. La prise en compte des intérêts particuliers est dès lors limitée.

Ce système présente toutefois des inconvénients: ­

L'uniformisation des critères d'admission complique le traitement des cas particuliers, par exemple celui des investisseurs, des sportifs, des artistes ou d'autres personnes possédant des connaissances particulières. La possibilité prévue par le système à points d'attribuer un «bonus spécial» dans ces cas-là relativise l'objectivité de tout le système.

­

Un modèle à points prévu par la législation fédérale fixe des critères uniformes; il restreint ainsi le pouvoir d'appréciation des autorités, qui se révèle malgré tout nécessaire pour appliquer une politique restrictive d'admission.

­

La mise en oeuvre d'un tel système engendrerait un travail administratif considérable.

­

Un système à points manque de flexibilité puisque l'importance des différents critères ne peut être constamment adaptée à l'évolution de l'économie.

­

Le système donne une apparence de précision, qui, de fait, ne peut être atteinte dans la pratique. En outre, il ne peut exclure le pouvoir d'appréciation étant donné que les cas particuliers exigent de toute façon des dérogations.

Par conséquent, le Conseil fédéral estime qu'un système fondé sur des dispositions légales conférant une liberté d'appréciation des conditions personnelles d'admission (art. 23) doit être préféré au système à points.

Finalement, l'abandon du système à points a été dicté par le fait qu'il est surtout indiqué lorsqu'il s'agit, par exemple, de mener une politique d'occupation des sols ou d'atteindre des objectifs démographiques. Or notre pays n'a pas l'intention de délivrer des autorisations de séjour sans que l'étranger dispose d'un contrat de travail.

Le présent projet de loi reprend, en outre, les principes actuels et essentiels de l'admission: système d'admission binaire (art. 20, anciennement art. 8 OLE), nombres maximums d'autorisations (art. 19, anciennement art. 12 OLE), priorité des travailleurs en Suisse par rapport aux étrangers qui entrent en Suisse (art. 20, anciennement art. 7 OLE), contrôle des conditions de rémunération et de travail (art. 21, anciennement art. 9 OLE).

Si cela répond de manière avérée à un besoin, l'admission peut être assortie de la condition pour l'employeur ­ et c'est là une innovation ­ de créer des places de formation (art. 22).

En vue de pratiquer une politique d'admission cohérente, il importe toutefois que les autorités fédérales disposent des instruments nécessaires pour rectifier les décisions 3487

cantonales allant à l'encontre des intérêts économiques du pays (art. 17 et 18). Par conséquent, la disposition selon laquelle l'Office fédéral des étrangers (OFE) doit donner son approbation (art. 94, anciennement art. 18, al. 3 et 4, LSEE) est maintenue.

Les principaux critères d'admission seront fixés par le Parlement et inscrits dans la loi, alors que les dispositions d'application de la loi seront édictées par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance.

Relation entre le marché du travail et la politique en matière d'asile Pour les raisons exposées ci-dessus, l'admission sur le marché du travail suisse est limitée aux fonctions dirigeantes, aux spécialistes et aux autres travailleurs qualifiés.

Or, cette politique d'admission, restrictive quant à son principe, pourrait amener les immigrants ne disposant pas des qualifications suffisantes à éviter cet écueil par le biais d'une demande d'asile. Il y a donc un certain conflit d'intérêts entre une politique de marché du travail à long terme et une admission à court terme de personnes relevant du domaine de l'asile, disposant, le plus souvent, d'une qualification professionnelle peu élevée. Le Conseil fédéral est conscient de la demande accrue de main-d'oeuvre moins qualifiée en période de haute conjoncture, à laquelle les travailleurs en Suisse ne peuvent satisfaire.

Cependant, le nombre des personnes dans le monde qui souhaitent immigrer dépasse de loin la demande venant du marché du travail suisse et, par ailleurs, le profil de qualification des requérants d'asile ne répond pas, dans la plupart des cas, aux besoins des employeurs. C'est pourquoi le problème de la vague des requérants d'asile ne peut pas non plus être résolu par un recrutement ponctuel dans certains Etats tiers. Bien au contraire, ce serait un véritable appel à l'immigration qui susciterait à son tour de nouveaux flux migratoires (on parle d'ailleurs d'un phénomène de migration en chaîne).

Dans l'ensemble, seule une petite partie des requérants d'asile exerce une activité lucrative. On admet que leur nombre s'élève à environ 15 000 à 20 000 personnes, soit environ 20 %. Au cours de ces dernières années, leur quotité de gain est restée constante et ceci indépendamment de l'évolution de la conjoncture. Comparée à l'ensemble de la population active de notre pays (environ 3,6
millions de personnes, dont 910 000 étrangers), leur importance sur le marché du travail est donc pratiquement insignifiante, puisqu'elle ne représente que 0,55 % de l'ensemble de la population active.

1.2.3.2

Admission dans le domaine de l'asile

Vu les profondes mutations, tant mondiales que nationales, survenues au cours de ces dernières décennies dans le domaine migratoire, il est compréhensible que la politique suisse en matière de réfugiés et d'asile ait, elle aussi, changé. Au début des années quatre-vingt encore, l'accueil des différents groupes de réfugiés, même en nombre assez important, causait peu de problèmes. Cependant, les développements tels que l'augmentation de la population mondiale, une disparité économique et sociale s'accroissant sans cesse entre les nations industrielles et les pays en développement, la fin de la guerre froide, ainsi que la montée de conflits régionaux, accentuèrent et multiplièrent encore les flux migratoires. Toutes ces transformations s'exprimèrent par une augmentation massive du nombre de requérants d'asile à la 3488

fin des années quatre-vingt. Ce phénomène se traduisit à son tour par une thématisation et une politisation exacerbées des débats menés autour de la politique en matière d'asile. Il est vrai que cette dernière fut aussi de plus en plus liée à la politique en matière d'étrangers en général que suivait notre pays. Grâce à plusieurs modifications légales et à certaines mesures d'organisation, il fut possible d'accélérer la procédure d'asile. Depuis lors, c'est surtout l'obligation de sortie du pays que doivent imposer les autorités fédérales et cantonales qui pose problème. Ce qui explique la concentration des efforts sur ces domaines, afin de trouver aux multiples problèmes des solutions adéquates légalement applicables et compatibles avec les principes humanitaires.

Du reste, le processus d'intégration européen modifie considérablement le contexte international de notre politique en matière d'asile. Le traité d'Amsterdam, qui régit au niveau communautaire les politiques intérieures et les politiques de sécurité des Etats de l'UE influence bien sûr aussi l'énoncé de notre propre politique autonome dans le domaine des étrangers et de l'asile en particulier. Aujourd'hui déjà, notre législation en la matière est imprégnée dans une mesure non négligeable par des prescriptions provenant de l'espace européen. Il importera à l'avenir de déterminer quelles seront les institutions et les formes de coopération qui permettront à la Suisse de participer à ce processus sous une quelconque forme.

La Convention de Genève de 1951 relative aux réfugiés et la nouvelle loi du 26 juin 1998 sur l'asile, en vigueur depuis le 1er octobre 1999, sont les fondements légaux de notre politique en matière d'asile. Ces dispositions définissent qui a le statut de réfugié et qui peut, dès lors, prétendre à la protection de la Suisse. Sont considérées comme réfugiés les personnes qui, dans leur pays d'origine ou dans leur dernier pays de résidence, subissent de graves préjudices en raison de leur appartenance raciale, religieuse ou sociale, de leur nationalité ou de leur opinion politique ou ont des raisons de craindre d'être exposées à ces préjudices. L'objectif de la procédure d'asile consiste donc à pouvoir reconnaître, parmi les nouveaux requérants d'asile, ceux qui peuvent prétendre à une protection en vertu des critères
établis par les dispositions en vigueur.

La politique suisse en matière d'asile repose sur deux principes essentiels: d'une part, la personne doit être menacée ou poursuivie dans son Etat d'origine selon des critères reconnus par le droit international public pour obtenir l'asile et, d'autre part, notre pays s'efforce d'apporter rapidement une aide sur place en faveur des personnes qui souffrent dans les régions sinistrées par la guerre ou par une catastrophe naturelle. Par ailleurs, la Suisse participe aux actions communautaires internationales mises sur pied pour protéger ou soutenir les groupes de population en difficulté. Lorsqu'il est impossible de secourir une région en raison de risques trop élevés, notre pays peut accueillir passagèrement les groupes de personnes concernés sur son territoire. Parallèlement, le Conseil fédéral s'efforce, par la voie de la coopération internationale, de prendre des mesures efficaces visant à enrayer les causes de la fuite de la population et de la migration involontaire.

Le traitement des personnes cherchant asile et protection en Suisse repose sur le fait que la collectivité publique assume ses responsabilités politiques à l'égard des personnes relevant du domaine de l'asile et fait tout pour assurer la coexistence de ces populations. Il est dès lors clair que les conditions de vie des requérants d'asile se fondent sur les valeurs fondamentales socio-politiques suisses.

3489

1.2.3.3

Admission des membres de la famille pour des raisons humanitaires et pour répondre à des impératifs culturels et scientifiques

Le regroupement familial a une grande importance, également quantitative. La possibilité de faire venir sa famille peut favoriser l'intégration des étrangers. La réglementation régissant le regroupement familial doit être remaniée. La principale innovation proposée touche les étrangers titulaires d'une autorisation de courte durée, ainsi que les personnes en formation qui pourront également faire venir des membres de leur famille. En même temps, toutes les dispositions seront prises afin de pouvoir lutter efficacement contre les abus (exigence de la cohabitation des conjoints, punissabilité des mariages de complaisance).

La politique d'admission doit également comporter des aspects humanitaires. Dans les cas de rigueur, une exception aux dispositions générales d'admission est expressément prévue pour les victimes de la traite des êtres humains. Les nouvelles dispositions maintiennent le principe de l'admission facilitée à l'égard de personnes qui pourraient ainsi mieux être protégées contre leur exploitation professionnelle ou sexuelle (danseuses de cabaret).

Les scientifiques, artistes et autres personnes actives dans le domaine de la culture devront pouvoir être admis, même si leur entrée en Suisse ne répond à aucune utilité économique. L'échange scientifique et culturel a souvent aussi des répercussions positives sur les performances et l'attrait du site économique suisse.

La nouvelle loi sur l'asile, entrée en vigueur le 1er octobre 1999, a déjà consacré quelques innovations (p. ex., la création d'un statut pour les personnes à protéger), de telle sorte qu'il n'est pas nécessaire que ce nouveau projet de loi prévoie des modifications fondamentales en matière d'asile (cf. cependant le ch. 1.3.2). Dans un but de clarification, il sera précisé dans la loi sur l'asile que seules les dispositions du présent projet de loi régissent l'activité lucrative et la participation à des programmes d'occupation des requérants d'asile et des personnes à protéger. Le Conseil fédéral devra toutefois bénéficier de la compétence de déroger aux dispositions d'admission ordinaires.

1.2.4

Migration et politique extérieure

Le déficit en matière de sécurité au sens large est à l'origine des migrations pour des motifs professionnels plus ou moins dictées par les circonstances, comme la migration forcée, donc la fuite.

La coopération internationale de la Suisse ­ qu'il s'agisse de la coopération au développement ou de la coopération avec l'Europe de l'Est ­, les missions de promotion de la paix et d'aide humanitaire du Département fédéral des affaires étrangères ou de l'aide économique et financière du Département fédéral de l'économie ­ visent à remédier à ces manques. La coopération tente de réduire la misère, de mieux satisfaire les besoins de base dans les pays du Sud. Elle apporte son aide pour améliorer le tissu socio-économique ou réformer les structures dans les pays en transition, veille au respect des droits de l'homme, à la protection de l'Etat de droit et à la démocratisation. Elle combat la corruption et oeuvre en faveur d'un gouvernement adéquat, de la promotion et du maintien de la paix, ainsi que de l'utilisation judicieuse des ressources naturelles. Par le biais de ces activités, elle peut exercer une 3490

influence qui aura un effet préventif général sur la migration. Tous les efforts déployés par la coopération sont donc susceptibles de réduire la nécessité de recourir à la migration involontaire.

L'efficacité de la coopération n'étant possible que sur la durée, ses effets généraux en matière de prévention des migrations ne porteront leurs fruits qu'à long terme. Et, tout comme la pauvreté, la migration induite par la nécessité et la migration forcée sont un défi mondial qu'un pays isolé, telle la Suisse par exemple, ne peut relever.

Au contraire, pour faire face à ces problèmes, il est nécessaire que toute la communauté des nations réunisse ses forces. Autrement dit, tant les gouvernements que les organisations multinationales, les organes des sociétés civiles et de l'économie privée doivent y contribuer. Une nation ne parviendra pas à elle seule à freiner l'immigration provenant d'un pays d'origine déterminée, et cela même si la coopération internationale se concentre entièrement sur ce pays de provenance. Par ailleurs, celle-ci n'a pas la moindre influence directe sur le choix du pays de destination des émigrants.

Dans deux domaines, la coopération de la Suisse a une efficacité spécifique et à court terme en matière de prévention migratoire.

Il s'agit, d'une part, de l'aide sur place pour les personnes déplacées et les réfugiés.

Dans ce cas, l'aide humanitaire de la Suisse s'occupe notamment du logement, de la nourriture, de l'eau potable et de la santé de ces populations sinistrées. Au besoin, elle forme les personnes déplacées dans le pays en question ou ayant fui le pays et contribue à ce que ce flux migratoire ne cherche pas refuge dans notre pays. L'aide sur place contribue ainsi à endiguer la migration secondaire. Il est vrai qu'il est très difficile de quantifier l'efficacité de l'aide humanitaire.

Il s'agit, d'autre part, de l'aide au retour des personnes à protéger et de celles ne pouvant prétendre à un séjour définitif. La Direction du développement et de la coopération planifie et réalise les composantes de l'aide structurelle sur place dans le cadre des programmes d'aide au retour, tels que ceux qui ont été mis en place en faveur des réfugiés de la violence de Bosnie/Herzégovine et, plus tard, du Kosovo.

Les moyens financiers requis par ces programmes sont alimentés par le
crédit-cadre réservé à l'aide au retour de l'ODR. La coopération internationale de la Suisse et, au premier chef, notre aide humanitaire, fournissent ainsi une contribution directe aux chances de réintégration correcte et ordonnée dans le pays d'origine.

Le besoin de notre économie en main-d'oeuvre bien qualifiée, voire hautement qualifiée (par exemple dans les technologies de l'information), également en provenance de régions non communautaires, constitue l'un des conflits d'intérêts et d'objectifs majeurs entre la coopération et l'économie. Ce besoin, dont notre principe binaire d'admission tient compte en particulier, peut naturellement conduire à un exode des cerveaux dans les pays en développement et les pays en transition, bien que ces spécialistes soient indispensables au développement de ces Etats. Il y a donc lieu de trouver des mécanismes compensatoires.

Les conflits de ces dernières années dans l'ex-Yougoslavie ont montré l'impact des affrontements violents sur l'immigration en Suisse. C'est pourquoi les missions civiles de promotion de la paix revêtent une grande importance. La politique de la Suisse en la matière vise, au moyen d'instruments appropriés, à favoriser le déroulement positif du dialogue et des processus de négociation s'agissant de la promotion de la paix et d'apporter son soutien aux principaux acteurs politiques engagés dans cette mission. Les objectifs de la politique de promotion de la paix consistent à 3491

contribuer à la prévention de la violence ou à la résolution des conflits. Le Conseil fédéral participe ainsi dans une large mesure à la réduction des flux migratoires et de l'afflux de réfugiés.

La politique extérieure en matière de migration la plus efficace qui soit n'est pas celle qui vise la réduction de la migration proprement dite, mais au contraire celle qui cherche à supprimer les causes de la migration involontaire ou induite par la nécessité.

La suppression de causes telles que la violation des droits de l'homme, la violence et le paupérisme, la coopération internationale dans le domaine de la politique migratoire et l'accueil de personnes cherchant refuge ont une grande importance. Dans ce domaine, la coopération de la Suisse avec les autres Etats européens d'accueil est prioritaire.

Une meilleure cohérence entre les différents instruments de politique extérieure, notamment la coopération au développement, la politique économique extérieure et celle pratiquée à l'égard des réfugiés, pourrait sans doute aussi contribuer à diminuer la migration forcée.

Il est vrai que la politique extérieure dans le domaine de la migration vise également à intensifier la coopération internationale en matière d'asile et de réadmission des étrangers et à réglementer de la circulation transfrontalière des personnes.

1.2.5

Politique d'intégration des étrangers

L'introduction d'un art. sur l'intégration des étrangers dans la LSEE (art. 25a) a permis à la Confédération de soutenir financièrement les cantons et les communes les plus actifs dans ce domaine. L'ordonnance sur l'intégration des étrangers (OIE) est entrée en vigueur le 1er octobre 2000. De surcroît, la Confédération a la possibilité de verser des contributions financières pour favoriser l'intégration sociale, professionnelle et culturelle des réfugiés reconnus et des personnes à protéger ayant droit à une autorisation de séjour (art. 91, 4 al., LAsi)9.

Le projet de loi reprend désormais les grands principes de la politique d'intégration et met en évidence l'importance de la volonté des étrangers de s'intégrer dans notre pays. Il relève la nécessité de considérer l'intégration comme un processus réciproque. Enfin, ces nouvelles dispositions devraient permettre d'améliorer la coordination des efforts entrepris en matière d'intégration tant à l'échelon fédéral que sur le plan cantonal.

Le processus d'intégration de la population résidante permanente de nationalité étrangère n'est possible que si tous les niveaux de la société sont pris en considération. Dans le passé, l'accent était mis avant tout sur l'intégration professionnelle. Désormais, le déploiement d'efforts accrus s'impose, en particulier dans les domaines de la formation, du perfectionnement et de l'acquisition des connaissances linguistiques. Pour lutter contre le problème du chômage des étrangers, il importe d'abaisser les barrières structurelles ­ encouragement de la mobilité professionnelle et géographique ­ et de réorienter la politique d'admission en privilégiant notamment le recrutement de travailleurs qualifiés et spécialisés dans les Etats nonmembres de l'UE ou de l'AELE.

9

RS 143.20

3492

Pour les personnes bénéficiant d'un statut provisoire (en particulier les requérants d'asile, les étrangers admis à titre provisoire et les personnes à protéger), l'aide au retour et à la réintégration est prioritaire dans la mesure où leur renvoi paraît imminent. Dans ces cas-là, les dispositions de l'art. 93 LAsi permettent à la Confédération d'octroyer une aide financière. De telles mesures ne peuvent cependant empêcher ou entraver l'exécution des décisions de renvoi prises ultérieurement par les autorités.

Il importe de soutenir les demandes actuelles relatives à la procédure de naturalisation facilitée et à la participation des étrangers à la vie politique. Le 21 novembre 2001, le Conseil fédéral a adopté un message10 concernant la modification des dispositions relatives à la naturalisation. Or, dans ces domaines, on ne réalisera des progrès que si l'on prend au sérieux la résistance, extrêmement forte au sein d'une partie de la population, et qu'on en tienne compte dans les projets d'intégration.

Les droits fondamentaux consacrés dans la Constitution, dont peuvent se prévaloir toutes les personnes vivant en Suisse, sont considérés comme acquis et contribuent grandement à favoriser l'intégration des étrangers. C'est pourquoi des dérogations ne sont possibles que lorsque la situation de l'étranger le justifie et que la Constitution ou une loi le prévoit.

1.2.6

Sauvegarde de la sécurité et de l'ordre publics

Une politique migratoire, large et crédible, doit aussi comprendre des mesures administratives et pénales, permettant d'appliquer les dispositions du droit des étrangers et de sauvegarder la sécurité et l'ordre publics ainsi que la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Certains participants à la consultation en ont faussement déduit que les autorités manifestaient une attitude xénophobe. Cependant, vu les expériences faites jusqu'ici, ces mesures s'avèrent indispensables et prennent même une place particulièrement importante dans l'actuel projet de loi, en raison des exigences actuelles en matière de réglementation dans ce domaine, même si, en fin de compte, elles ne concernent qu'un nombre relativement faible de personnes.

Les dispositions du régime actuel quant aux mesures d'éloignement à l'égard des étrangers sont maintenues dans le projet de loi et sont adaptées au besoin.

Désormais, l'échange de données entre les autorités et ­ ce qui est nouveau ­ avec les entreprises de transport sera clairement réglementé et les possibilités de saisies des données à des fins d'identification ont été adaptées aux récentes méthodes technologiques (p. ex., données biométriques).

La politique en matière de visas joue un rôle très important dans la prévention de l'immigration clandestine. Toutefois, elle ne peut déployer tous ses effets qu'avec le concours des autres nations.

10

FF 2002 1815

3493

1.3

Grandes lignes de la nouvelle loi

1.3.1

Conception

La réglementation de l'admission et du séjour des ressortissants d'Etats tiers ne relevant pas du domaine de l'asile en vue de l'exercice d'une activité lucrative ou non, ainsi que du regroupement familial sont les points principaux du projet de loi. Il contient en outre des dispositions importantes en matière d'intégration des étrangers.

Les nouveaux droits conférés par la nouvelle loi et les simplifications administratives qu'elle prévoit devraient faciliter l'intégration des étrangers séjournant durablement dans notre pays, augmenter leur mobilité et garantir l'application uniforme de cette loi. Ces droits correspondent à l'état d'esprit contemporain; ils sont fondés et reprennent une grande partie de la pratique actuelle.

De nombreux représentants des milieux interrogés en procédure de consultation ont exprimé la crainte que la création de nouveaux droits puisse se traduire par un afflux de recours auprès du Tribunal fédéral. Ce risque a été pris en considération. En effet, le recours ne doit être déféré au Tribunal fédéral que lorsque le refus d'un droit met en cause la présence de l'étranger en Suisse.

Les différentes clauses, soit l'amélioration du statut des étrangers, les obligations de ces derniers, les mesures indispensables à la lutte contre les abus et celles ayant trait à la protection de la sécurité et de l'ordre publics, ont été définies avec pondération.

1.3.2

Relation avec la révision partielle de la loi sur l'asile et d'autres projets législatifs

Le présent projet de loi présente quelques points communs avec d'autres projets législatifs qui se trouvent actuellement à différents stades de la procédure législative.

Il convient de mentionner la révision de la réglementation sur la nationalité proposée dans le message du Conseil fédéral du 21 novembre 200111, la révision partielle de la loi sur l'asile ainsi que la loi fédérale sur le traitement de données relevant des domaines des étrangers et de l'asile au moyen d'un système d'information (LFDEA). Tandis que la procédure d'identification de personnes par le biais de profils ADN sera réglée dans la future loi fédérale sur l'analyse génétique humaine, les procédures de recours seront définies dans la loi sur le Tribunal fédéral (révision totale de l'organisation judiciaire)12.

La révision partielle de la loi sur l'asile devrait comprendre la modification de certaines dispositions de la LSEE ayant un rapport étroit avec le domaine de l'asile, modifications qui, partant, n'avaient pas à être intégrées dans le présent projet de loi.

Ce projet de révision partielle envoyé en consultation prévoyait un droit à l'octroi d'une autorisation de séjour aux apatrides, une disposition concernant la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion en relation avec la procédure à l'aéroport et l'instauration d'une nouvelle réglementation de l'admission provisoire. Il vise en outre à améliorer le statut des personnes qui sont admises à titre provisoire lorsqu'un séjour durable est envisageable et qu'elles ne sont pas responsables de l'inexécutabilité du renvoi.

11 12

FF 2002 1815

FF 2001 4000

3494

Mentionnons aussi le message concernant le projet de nouvelle loi fédérale contre le travail au noir que le Conseil fédéral a adopté en janvier 2002. Le durcissement des dispositions pénales prévues dans ledit projet de loi constitue une partie des mesures adoptées par le Conseil fédéral pour combattre le travail au noir13.

Le Département fédéral de justice et police tiendra compte des interdépendances des différents projets et veillera à garantir les adaptations nécessaires.

Rappelons enfin que l'initiative populaire «contre les abus en matière d'asile» exige, elle aussi, certaines modifications du droit à l'égard des étrangers (cf. message du Conseil fédéral du 15 juin 200114).

1.3.3

Relation avec l'accord bilatéral avec la CE et l'AELE sur la libre circulation des personnes

L'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, ainsi que ses Etats membres prévoit pour les ressortissants des Etats membres de l'UE, leur famille ainsi que certains prestataires de services de ces Etats une réglementation à la fois très large et exhaustive de la circulation des personnes (avant tout en matière d'entrée, d'admission, de séjour, d'exercice d'une activité lucrative et de regroupement familial). L'accord sur la libre circulation s'étend également aux Etats membres de l'AELE (Accord amendant la Convention instituant l'Association Européenne de Libre-Echange15).

Dès lors, les ressortissants d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE ne seront soumis que subsidiairement à la loi sur les étrangers, à savoir lorsque l'accord bilatéral et les dispositions d'exécution du Conseil fédéral ne contiendront aucune disposition dérogatoire ou que le projet de loi ne prévoira pas une situation juridique plus favorable16.

Ce sera le cas tout particulièrement pour l'autorisation d'établissement (qui n'est ni limitée, ni assortie de conditions), ainsi que pour l'admission des prestataires de services appartenant à un Etat membre de l'UE, pour autant que leur séjour ne soit pas réglementé dans l'accord bilatéral. Les mesures d'éloignement prévues dans le présent projet de loi restent applicables aux ressortissants de l'UE; elles devront être interprétées en vertu des directives et règlements déterminants de la CE et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Dans de tels cas, les services compétents examinent minutieusement, aujourd'hui déjà, les intérêts privés et publics.

Les dispositions prévues sur l'intégration, notamment dans le domaine de la promotion de l'intégration des étrangers, s'appliquent évidemment aussi aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE.

Dans le projet de loi et dans le présent message, la notion d'«étranger» se rapporte dès lors principalement aux personnes qui ne sont ressortissantes ni d'Etats de l'UE ni de l'AELE.

13 14 15 16

FF 2002 3371 FF 2001 4237 FF 2001 7729 Convention de Vaduz du 21 juin 2001 qui entrera en vigueur parallèlement à l'accord FF 1999 5440

3495

L'accord sur la libre circulation contient des dispositions très favorables en matière de regroupement familial des ressortissants des Etats membres de l'UE. Ces mesures devraient aussi s'appliquer aux membres étrangers de la famille de citoyens suisses, faute de quoi ils seraient discriminés par rapport aux ressortissants des Etats membres.

1.3.4

Relation avec les autres dispositions du droit international public

Divers accords internationaux auxquels la Suisse est partie peuvent avoir une incidence sur la législation nationale relative à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers. A noter qu'en vertu de l'art. 84, al. 1, let. c, de la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ)17, la voie du recours de droit public est ouverte à l'encontre de décisions prises en dernière instance cantonale pour violation de traités internationaux. Contrairement à certains accords bilatéraux, les accords multilatéraux ne consacrent en principe aucun droit à s'installer librement dans un pays qui n'est pas le sien.

1.3.4.1

Les accords multilatéraux au niveau européen

1.3.4.1.1

Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 (CEDH)18

Diverses dispositions de la CEDH ont un impact sur le sort de l'étranger se trouvant dans notre pays. Selon la jurisprudence, les droits qu'elle garantit sont directement applicables19.

C'est le cas de l'art. 3 CEDH qui consacre l'interdiction de la torture, et dont on déduit que nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un Etat dans lequel il risque d'être victime de torture ou de traitements inhumains ou dégradants (principe du non-refoulement). Tout étranger se présentant à la frontière ou se trouvant déjà sur le territoire de l'Etat peut invoquer ce principe. La légalité ou l'illégalité du séjour ne jouent aucun rôle20. La protection offerte par l'art. 3 CEDH, également inscrite à l'art. 25, al. 3, Cst., ne souffre aucune exception.

En droit en matière d'étrangers, l'art. 3 CEDH ne peut être invoqué que si l'étranger doit être renvoyé de Suisse21. L'art. 63 du présent projet prévoit le renvoi immédiat de l'étranger qui ne possède pas d'autorisation de séjour mais qui devrait en avoir une ou qui ne remplit pas les conditions d'entrée. S'il s'oppose au renvoi, il peut exiger une décision formelle, contre laquelle il peut recourir (art. 63, al. 2). Le recours n'a pas d'effet suspensif. Cette règle est conforme à l'art. 3 CEDH dans la mesure où, avant de prononcer la décision de renvoi, l'autorité compétente examine si son exécution est conforme au principe du non-refoulement et si le renvoi apparaît 17 18 19 20 21

RS 173.110 RS 0.101 ATF 120 Ia 179 Walter Kälin, Grundriss des Asylverfahrens, p. 234; Nicolas Wisard, Les renvois et leur exécution en droit des étrangers et en droit d'asile, p. 420 ATF non publié du 7 novembre 1994 dans la cause M.c. CE ZH

3496

licite, exigible et possible. Le retrait de l'effet suspensif ne concerne que l'étranger en situation irrégulière, cas dans lequel une exécution rapide de la décision de renvoi s'impose pour sauvegarder l'intérêt public. L'étranger conserve en tout temps la possibilité de déposer une demande d'asile si son renvoi doit l'exposer à de sérieux préjudices.

L'art. 5 CEDH confère à tout individu un droit à la liberté et à la sûreté et vise à interdire les arrestations et les détentions arbitraires. Il énumère les situations dans lesquelles un individu peut être privé de sa liberté personnelle, de même qu'il énonce les droits qui doivent être garantis à toute personne détenue ou arrêtée, comme le droit d'être informé sur les raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle (al. 2), le droit d'être traduit devant un tribunal (al. 3), le droit de recourir devant un tribunal afin qu'il soit statué à bref délai sur la légalité de la détention et ordonner la libération si la détention est illégale (al. 4). L'art. 5 CEDH ne s'applique qu'aux seules mesures privatives de liberté. Celles-ci se distinguent des restrictions à la liberté de circuler qui tombent sous le coup du Protocole 4 à la CEDH22 et de l'art. 12 du Pacte II23. La simple détention au sens strict n'est pas comprise comme une privation de liberté.

A l'inverse, toute limitation de la liberté ne tombe pas sous le coup de l'art. 5 CEDH24. Pour déterminer si un étranger est privé de sa liberté, la jurisprudence internationale estime qu'il faut partir de la situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d'exécution de la mesure considérée. Entre privation et restriction de liberté, il n'y a qu'une différence de degré ou d'intensité, non de nature ou d'essence25.

Dans le cadre du présent projet, la question s'est posée à propos de l'étranger refoulé séjournant dans la zone de transit d'un aéroport (art. 64, al. 3). Ce séjour n'est pas considéré comme une privation de liberté au sens de l'art. 5 CEDH. L'art.

64, al. 3 vise l'étranger autre que le requérant d'asile dont l'entrée en Suisse a été refusée et qui séjourne dans la zone de transit en vue de préparer son départ. Tant qu'il n'est pas requérant d'asile, il peut en tout temps poursuivre son voyage. Une
procédure particulière pour l'assigner dans la zone de transit n'est pas nécessaire, contrairement à ce qui est prévu par la LAsi lorsque l'étranger a déposé une demande d'asile (art. 22, al. 2). Un examen de la situation par un juge n'est pas nécessaire. Si l'étranger s'oppose à son refoulement, il peut exiger une décision formelle, contre laquelle il peut recourir (art. 64, al. 2, du projet). Demeurent réservées les dispositions sur l'admission provisoire (art. 78 du projet) et sur l'asile (art. 22, al. 1, LAsi). Si le séjour en zone de transit dure plus de quinze jours, l'entrée en Suisse est autorisée, à moins que des mesures de contrainte aient été ordonnées.

Par ailleurs, la détention administrative et l'assignation à résidence de l'étranger n'a pas d'autorisation de séjour ou l'interdiction qui lui est faite de pénétrer dans une région déterminée, ordonnées dans le cadre des mesures de contrainte (art. 71 à 77),

22

23 24 25

La Suisse n'a ni signé, ni ratifié ce protocole qui consacre différentes garanties comme l'interdiction d'expulser ses propres ressortissants ou encore l'interdiction d'expulsions collectives.

voir ch. 1.3.4.2 ATF 123 II 197 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 juin 1996, Rec. 1996-III, 848, ch. 42; ATF 123 II 193

3497

sont conformes à l'art. 5 CEDH. Ces mesures, déjà prévues par la LSEE26, sont en principe considérées comme des restrictions de la liberté de mouvement et non comme des mesures privatives de liberté. D'autre part, une personne peut être privée de sa liberté s'il existe contre elle une procédure d'expulsion ou d'extradition en cours (art. 5, al. 1, let. f, CEDH). Selon la jurisprudence internationale, il suffit que lesdites procédures soient en cours. Il n'est pas nécessaire qu'elles soient légales27.

L'art. 72, al. 2, du projet qui prévoit que l'autorité doit prendre sans délai une décision quant au droit de séjour de la personne mise en détention, est conforme à cette jurisprudence.

L'art. 6 CEDH consacre le droit à un procès équitable, lequel implique le droit d'accès aux tribunaux, le droit d'être jugé par un tribunal compétent, indépendant, impartial et établi par la loi, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable ou encore le principe de la publicité des débats. Le champ d'application de cet article est limité aux jugements portant sur les contestations sur des droits et obligations de caractère civil ou sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il ne s'applique donc pas aux contestations sur le séjour des étrangers28.

L'art. 8 CEDH garantit le respect de la vie privée et familiale. Le projet de loi, notamment les dispositions sur le regroupement familial (art. 41 à 50), en tient compte et fonde de nouveaux droits par rapport à la LSEE. Ainsi, la famille du titulaire de l'autorisation de séjour a droit à une autorisation de séjour (art. 43) et le regroupement familial est possible pour la famille du titulaire d'une autorisation de courte durée (art. 42).

Par famille, il faut comprendre le conjoint et les enfants de moins de 18 ans. Ceci est conforme à l'art. 8 CEDH, qui ne définit pas la famille mais vise à protéger toute relation entretenue avec des parents proches qui jouent un rôle essentiel au sein de la famille à la condition que cette relation soit étroite et effectivement vécue. Le droit au respect de la vie familiale peut ainsi s'étendre aux grands-parents, aux petitsenfants, aux nièces et neveux ou encore aux frères et soeurs29..

La jurisprudence du Tribunal fédéral n'admet l'application de l'art. 8 CEDH qu'aux
relations entre conjoints et entre parents et enfants mineurs. Pour les enfants majeurs et les autres membres de la famille, des conditions supplémentaires sont exigées. La personne concernée doit se trouver dans une situation de dépendance physique ou psychique telle qu'elle est empêchée de vivre de manière indépendante30.. Le projet répond à ces exigences dans la mesure où il permet la délivrance d'une autorisation de séjour lorsque des motifs humanitaires l'exigent (art. 30, let. b). D'autre part, pour établir l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'UE, il autorise le regroupement familial jusqu'à 21 ans pour les enfants de citoyens suisses (art. 41, al. 2).

S'agissant des concubins, leur relation est de manière générale protégée par l'art. 8 CEDH. Elle s'apprécie en fonction de la réalité de la relation, qui doit, dans sa 26 27 28

29 30

Message à l'appui d'une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, FF 1994 I 301 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, Rec.1996, 1982 ch.112 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire M.c.France du 5 octobre 2000, §33ss; Arthur Haefliger/Frank Schürmann, Die EMRK und die Schweiz, p.147; ATF non publié du 5 mars 1998 dans la cause S.-G. c. TA VD.

Arrêt de la Cour européenne des droits de homme, M.c. Belgique, Série A, N.31, ch. 45 ATF 120 Ib 257

3498

nature même, pouvoir être assimilée à un lien familial31.. L'existence de motifs d'ordre juridique rendant un mariage impossible constitue un élément important de l'appréciation. Le projet ne règle pas expressément le sort des concubins dans la mesure où, en règle générale, ils ont la possibilité de se marier. Si tel n'est pas le cas, ils peuvent être autorisés à vivre ensemble par la délivrance d'une autorisation pour des motifs humanitaires (art. 30, let. b). Dans la pratique actuelle, cette autorisation leur est délivrée lorsqu'ils ont des enfants communs et qu'ils vivent en communauté familiale.

Quant aux couples homosexuels, ils ne bénéficient pas de la protection de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH mais en revanche, et à certaines conditions, de celle du respect de la vie privée32. Une loi fédérale est actuellement à l'étude en vue de leur attribuer un statut spécifique33. Elle devrait régler la délivrance d'une autorisation de séjour au partenaire étranger, raison pour laquelle le présent projet ne prévoit pas de disposition en leur faveur.

Par ailleurs, le projet de loi pose de nouvelles conditions au regroupement familial, telles la cohabitation pour le conjoint étranger d'un citoyen suisse (art. 41) ou encore le délai du regroupement familial (art. 46). Ces limitations ne portent toutefois pas atteinte aux relations familiales, qui ne sont rendues ni impossibles, ni compliquées à l'excès. Le droit à la protection des relations familiales et à la vie privée n'est pas absolu et peut être restreint aux motifs prévus par l'art. 8, al. 2, CEDH.

L'ingérence dans ces droits est licite si elle est prévue par la loi et si elle répond à un intérêt légitime de l'Etat comme la sauvegarde et le respect de la sécurité et de l'ordre publics. L'atteinte doit être proportionnée au but à atteindre. Ainsi, lorsque l'expulsion d'un étranger condamné a pour conséquence une séparation de la famille, il faut prendre en compte la durée du séjour en Suisse, la situation familiale et l'intensité des liens familiaux, la nationalité des personnes en cause et l'exigibilité du départ des membres de la famille34. La limitation du regroupement familial pour des motifs d'ordre et de sécurité publics, prévue à l'art. 50 LEtr, va dans ce sens.

L'art. 13 CEDH garantit le droit de disposer d'un recours effectif
devant une instance nationale impartiale et indépendante35. Selon la jurisprudence internationale, cette garantie conventionnelle ne peut toutefois être invoquée que lorsque les droits ou libertés reconnus par la CEDH ont été violés36..

De manière générale, le projet de loi garantit des voies de droit effectives au sens de l'art. 13 CEDH. Le refus de l'entrée en Suisse (art. 6, al. 2), le renvoi immédiat (art.

63) et le renvoi à l'aéroport (art. 64 LEtr) qui sont, dans un premier temps, ordonnés sans exigence de forme, peuvent, sur requête de l'étranger, faire l'objet d'une décision formelle, susceptible de recours (art. 6, al. 2; 63, al. 2 et 64, al. 2). Il faudrait en outre qu'une autre disposition de la Convention, comme l'art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ou l'art. 3 (principe du non-refoulement), ait été violée.

31

32 33 34 35 36

Philippe Grant, La protection de la vie familiale et de la vie privée en droit des étrangers, p. 279 ATF 126 II 425 Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe; voir http://www.ofj.admin.ch/f/index.html Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 2 août 2001, B.c. Suisse, Rec. 54273/00, § 48 Nicolas Wisard, op. cit. p. 64 ss Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention (EMRK), p. 425

3499

1.3.4.1.2

Protocole no 7 à la CEDH du 22 novembre 198437

Le protocole contient certaines garanties procédurales en cas d'expulsion (art. 1).

Ainsi, l'étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un Etat ne peut être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi. Il doit pouvoir faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion et faire examiner son cas (art. 1, al. 1). Cette garantie n'est accordée qu'à l'étranger qui réside dans l'Etat en question depuis un certain temps et qui a une autorisation de séjour valable38..

Elle ne s'applique pas au renvoi d'étrangers refoulés à la frontière, de touristes ou de passagers en transit, ni même d'étrangers se trouvant illégalement dans le pays (entrée irrégulière ou autorisation venue à échéance). Par ailleurs, un étranger peut être expulsé avant même d'avoir pu exercer ses droits, lorsque son expulsion est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité nationale (art. 1, al. 2). Dans ce cas, l'intéressé doit être autorisé à exercer ses droits après son expulsion.

Au moment de l'entrée en vigueur du protocole, le droit suisse connaissait l'expulsion pénale (art. 55 du code pénal du 21 décembre 1937; CP39), l'expulsion administrative (art. 10 LSEE) et l'expulsion de personnes compromettant la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse, prononcée par le Conseil fédéral (art. 70 de l'ancienne Cst., aujourd'hui art. 121, al. 2, Cst.). Si les deux premières formes d'expulsion remplissaient les conditions de l'art. 1 du protocole, tel n'était pas le cas de l'expulsion dite politique. Dans ce dernier cas en effet, l'étranger expulsé pour menace de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse n'était pas autorisé à faire valoir ses droits après son expulsion, raison pour laquelle la Suisse a dû émettre une réserve.

Le présent projet prévoit l'expulsion pour sauvegarder la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, qui peut être prononcée par l'Office fédéral de la police (art. 67).

Un recours est ouvert contre cette décision. La réserve doit pourtant être maintenue dans la mesure où l'expulsion dite politique, qui peut être prononcée par le Conseil fédéral, reste possible dans des cas tout à fait particuliers.

1.3.4.1.3

Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Echange40

Cette convention reconnaît à certaines conditions un droit à l'octroi d'une autorisation d'exercer une activité lucrative aux entreprises et aux travailleurs ressortissant d'un pays membre de l'AELE (art. 16). Vu l'application directe de la Convention, les droits qu'elle confère n'ont pas été repris dans le projet. De plus, le séjour et l'établissement des ressortissants de l'AELE vont être réglés par un accord bilatéral comparable à celui signé avec l'UE.

37 38

39 40

RS 0.101.07; v. message relatif à l'approbation des Protocoles n° 6, 7 et 8 à la Convention européenne des droits de l'homme FF 1986 II 614 RS 311.0 RS 0.632.31

3500

1.3.4.1.4

Accord général sur le commerce des services du 15 mars 1994 (accord GATS)41

Seules certaines dispositions de l'accord GATS sont directement applicables et confèrent aux individus des droits directement justiciables. Cet accord, qui touche aux prestataires de services, instaure des principes tels que l'égalité de traitement entre prestataires, la transparence et la libéralisation progressive des conditions d'accès au marché et au traitement national, ainsi qu'une procédure d'admission sur le marché du travail. En droit en matière d'étrangers, cela implique le respect du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions d'admission et de séjour à des fins de fourniture temporaire de services.

Au moment de la ratification de l'accord GATS, la Suisse s'est réservé l'octroi d'un traitement préférentiel pour les ressortissants des Etats de l'UE et de l'AELE (admission et séjour) afin de tenir compte de sa législation nationale sur les étrangers et des négociations bilatérales en cours avec l'UE. Depuis lors, l'accord sur la libre circulation a été adopté. La réserve qui a été faite doit pourtant être maintenue dans la mesure où l'admission sur le marché du travail demeure réglée différemment pour les ressortissants de l'UE et de l'AELE et les autres.

Parallèlement aux engagements généraux, notre pays a pris des engagements spécifiques en ce qui concerne l'accès au marché du travail et le traitement national de certaines catégories de personnes (transfert de cadres, dirigeants, spécialistes et autres personnes indispensables). Dans la mesure où ces engagements ont une application directe, ils n'ont pas été repris dans le projet.

1.3.4.1.5

Convention européenne du 26 novembre 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants42

Cette convention vise à compléter le système prévu par la CEDH de contrôle de l'interdiction générale de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH). Elle instaure des visites effectuées par un comité international en vue de renforcer la protection des personnes privées de liberté et dont certains droits doivent être respectés dès le début de la détention, comme le droit d'informer les membres de sa famille ou un tiers de son choix, le droit d'être examiné par un médecin ou encore le droit de consulter un avocat (avocat de la première heure). Ces exigences valent pour toutes les détentions, qu'elles soient pénales ou administratives. Au regard du droit suisse, cette convention ne soulève aucune difficulté particulière.

41 42

RS 0.632.20 RS 0.106

3501

1.3.4.2

Les autres accords multilatéraux

1.3.4.2.1

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I)43

Ce pacte international consacre des droits tels que le droit au travail, le droit à des conditions de travail justes ou encore le droit à la sécurité sociale (art. 6 à 15). Ces droits ont le caractère de simples déclarations de principe44. Ils ne s'adressent pas aux particuliers, mais au législateur en tant que lignes directrices, ce que la jurisprudence du Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer.

Dans la mesure où les droits reconnus dans le Pacte I sont garantis à tout individu, indépendamment de sa nationalité, une réglementation spécifique dans le droit des étrangers ne s'impose pas.

1.3.4.2.2

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II)45

Certains droits consacrés par le Pacte II sont également garantis par la CEDH, comme le droit de disposer d'un recours utile devant une instance nationale (art. 2, al. 3, let. a, Pacte II; art. 13 CEDH), l'interdiction de la torture (art. 7, Pacte II; art. 3 CEDH) ou encore le droit à la liberté personnelle (art. 9, Pacte II; art. 5 CEDH) (voir ch. 1.3.4.1.1).

L'art. 12 garantit à toute personne qui se trouve légalement sur le territoire de l'Etat le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence (al. 1). Cette liberté de mouvement et de résidence n'est pas absolue et souffre l'exception de l'ordre public (al. 3). En adhérant au Pacte II, la Suisse a formulé une réserve en faveur de la législation fédérale en matière de police des étrangers46. En effet, la LSEE prévoyait que le séjour des étrangers était soumis à autorisation et que les autorisations de séjour et d'établissement n'étaient valables que pour le canton qui les avait délivrées.

Le présent projet prévoit que le titulaire d'une autorisation d'établissement bénéficie de la mobilité géographique et professionnelle dans toute la Suisse, à moins qu'il existe un motif de révocation à son encontre (art. 36, al. 3). En revanche, le titulaire d'une autorisation de séjour ou de courte durée et le frontalier doivent obtenir une autorisation pour changer de canton (art. 38). Le titulaire d'une autorisation de séjour y a droit s'il n'est pas au chômage et qu'il n'existe pas de motif de révocation à son encontre (art. 36, al. 2). Le frontalier bénéficie également de ce droit après cinq ans d'activité ininterrompue en Suisse (art. 38). Enfin, le titulaire d'une autorisation de courte durée n'a aucun droit de changer de canton, mais il est possible d'autoriser le changement. L'opportunité de lever la réserve au Pacte II pourra être examinée à l'issue de la procédure législative.

43 44

45 46

RS 0.103.1 Walter Kälin/Giorgio Malinverni/Manfred Nowak, La Suisse et les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, p. 59 et 66; message sur l'adhésion de la Suisse aux deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme et une modification de la loi fédérale d'organisation judiciaire; FF 1991 I 1137 RS 0.103.2 Kälin/Malinverni/Nowak, op. cit. p. 96; message; FF 1991 I p.1139

3502

L'art. 13, tout comme l'art. 1 du Protocole N° 7 à la CEDH, prévoit des garanties procédurales en matière d'expulsion (voir ch. 1.3.4.1.1). Ainsi, un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d'un Etat ne peut être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons impérieuses de sécurité ne s'y opposent, il doit avoir la possibilité de faire valoir les motifs qui militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par une autorité compétente. Cette disposition ne s'applique pas aux clandestins ou aux illégaux, ni même aux étrangers entrés légalement mais pas encore titulaires d'une autorisation de séjour47. Elle ne confère à l'étranger aucune protection de fond mais vise uniquement à ce que les procédures de renvoi soient conformes au principe de l'interdiction de l'arbitraire, principe déjà garanti par l'art. 9 Cst. A la différence de l'art. 1 du Protocole N° 7 à la CEDH, elle ne prévoit pas la possibilité pour l'intéressé de faire valoir ses droits après son expulsion. Aussi, la législation suisse est-elle pleinement conforme à cette disposition.

1.3.4.2.3

Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale48

Cette convention vise à combattre la discrimination raciale sous toutes ses formes et dans tous les domaines de la vie. Les Etats demeurent libres de traiter différemment leurs propres ressortissants et les ressortissants étrangers, tant que cette distinction ne poursuit pas un but de discrimination raciale ou n'a pas un tel effet. La Convention ne confère pas un droit à l'admission.

Au moment de ratifier cet instrument, la Suisse a jugé opportun de réserver la législation en matière d'admission des étrangers sur le marché du travail suisse. Sa politique actuelle en la matière repose sur un système binaire, qui distingue les ressortissants de l'UE et des autres Etats. Cette distinction n'étant pas en contradiction avec la Convention dans la mesure où elle repose sur un accord avec les pays concernés, la Suisse pourrait retirer sa réserve. Toutefois, afin de conserver une certaine marge de manoeuvre à l'avenir, il importe de la maintenir49.

1.3.4.2.4

Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes50

Cette convention vise à éliminer toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ce dans tous les domaines de la vie. Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l'exploitation de la prostitution des femmes (art. 6).

47 48

49 50

Kälin/Malinverni/Nowak, op. cit. p. 59 RS 0.104 Concernant le retrait de la réserve relatif à l'art. 14, cf. FF 2001 5649 RS 0.108

3503

Cette convention joue un rôle dans le contexte des autorisations de séjour délivrées aux danseuses de cabaret. Leur statut est réglé par l'OLE et par des directives fédérales et des directives cantonales. Malgré ce cadre réglementaire censé les protéger, il est notoire que des abus existent, en raison notamment des difficultés et du manque de volonté de contrôler la situation. La prostitution, le proxénétisme voire la traite d'êtres humains se révèlent en contradiction avec les buts visés par la Convention. Le présent projet ne règle pas de manière expresse le statut des danseuses de cabaret. Elle permet toutefois des exceptions aux conditions d'admission pour protéger les personnes susceptibles d'être exploitées en raison de leur activité (art.

30, al. 1, let. d) ou pour permettre de régler le séjour de personnes victimes de traite des êtres humains (art. 30, al. 1, let. e). Des dispositions d'exécution pourront être prises par le Conseil fédéral (art. 30, al. 2).

1.3.4.2.5

Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants51

Accroître l'efficacité de la lutte contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier sont les buts visés par cette convention. Aucun Etat n'expulsera, ne refoulera ou n'extradera un individu vers un autre Etat où il y a de sérieux motifs de croire qu'il risque d'être soumis à la torture (art. 3). C'est le principe du non-refoulement, également contenu dans l'art.

3 CEDH (voir le commentaire au ch. 1.3.4.1.1).

1.3.4.2.6

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant52

Cette convention vise à garantir à l'enfant une meilleure protection en fait et en droit. Sans accorder à l'enfant ou à ses parents un droit justiciable à la réunion de la famille, elle exige que toute demande d'entrée ou de sortie du pays en vue de réunir la famille soit considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence (art. 10, al. 1).

La législation suisse sur les étrangers en vigueur au moment de la ratification ne répondait pas pleinement à ces exigences. En effet, les étrangers titulaires d'autorisations de séjour temporaire, comme les saisonniers, les étudiants ou les curistes, ou d'une autorisation de courte durée ne pouvaient faire valoir leur droit au regroupement familial. Aussi, la Suisse a-t-elle formulé une réserve à cette disposition.

Le projet de loi contient une modification d'importance puisqu'elle accorde un droit au regroupement familial à tous les titulaires d'autorisations de séjour (art. 43), et qu'elle en donne la possibilité aux titulaires de d'une autorisation de courte durée (art. 44). L'accord sur la libre circulation prévoit également le regroupement familial dans ces cas-là. Par conséquent, la nouvelle réglementation sur les étrangers permettrait à la Suisse de retirer la réserve qui a été formulée. Cependant, comme les 51

52

RS 0.105 RS 0.107

3504

dispositions sur l'asile ne permettent pas la réunion de la famille dans toutes les situations, par exemple lorsqu'il s'agit d'étrangers admis provisoirement, ladite réserve doit être maintenue.

1.3.4.2.7

Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale53

Cette convention, signée par la Suisse, est en cours de ratification. Elle vise à institutionnaliser un système de coopération entre Etats d'accueil et Etats d'origine, en vue de lutter contre les abus en matière d'adoption internationale.

Sa mise en oeuvre en droit suisse a nécessité l'élaboration d'une loi d'application54 qui comprend l'introduction d'un nouvel art. 70 dans la LSEE. Cette disposition confère un droit de séjour à l'enfant destiné à l'adoption en Suisse. Si l'adoption prévue n'a pas lieu, l'enfant conserve ses droits, ainsi qu'un droit à l'établissement cinq ans après l'entrée en Suisse. La convention et la loi, adoptée par le Parlement le 22 juin 2001, entreront vraisemblablement en vigueur le 1er janvier 2003. Tous ces droits sont repris par l'art. 47 du présent projet.

1.3.4.3

Les accords bilatéraux

L'accord sur la libre circulation des personnes (voir le ch. 1.3.3) est l'accord bilatéral le plus important dans le domaine de la migration.

D'autres traités et accords d'établissement ont été conclus par notre pays. A ce jour, nous avons passé des traités d'établissement avec 33 pays55, dont 21 ne font pas partie de l'UE ni de l'AELE. Selon la jurisprudence, ces traités ne confèrent plus un droit à la délivrance d'une autorisation de séjour ou d'établissement56. La clause de libre circulation prévue par ces traités ne s'applique qu'aux ressortissants des Etats contractants déjà titulaires d'une autorisation d'établissement. Ces derniers ont le droit de changer de canton sauf s'il existe un motif d'expulsion.

Quant aux accords d'établissement, il s'agit de compléments aux traités d'établissement précités qui reconnaissent un droit à l'autorisation d'établissement après une période déterminée de résidence. A ce jour, la Suisse a conclu des accords d'établissement avec dix pays, tous membres de l'UE57, ainsi qu'avec le Liechtenstein. Les ressortissants de ces pays ont un droit à l'autorisation d'établissement après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans dans notre pays, ce qui va plus

53 54 55

56 57

FF 1999 5129 Loi fédérale relative à la Convention de la Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale; FF 2001 2770 Afghanistan, Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Chili, Chine, Colombie, Croatie, Danemark, Équateur, Espagne, États-Unis, Éthiopie, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Inde, Iran, Islande, Italie, Japon, Liberia, Liechtenstein, Macédoine, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Roumanie, Turquie, Yougoslavie.

ATF 119 IV 65; 120 Ib 360 Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas et Portugal.

3505

loin que l'art. 32, al. 2, du présent projet qui lui prévoit un tel droit après un délai de dix ans.

A noter que la Suisse a conclu avec les Etats-Unis d'Amérique un «Memorandum of Understanding», prévoyant l'octroi de l'autorisation d'établissement après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans dans notre pays58. Toutefois, il ne s'agit pas d'un droit à l'établissement.

Notre pays a conclu de nombreux autres accords bilatéraux dans des domaines spécifiques comme la réadmission et le transit, la sécurité sociale, la suppression de l'obligation du visa et du passeport, l'entrée et la sortie dans la zone frontalière ou encore l'échange de stagiaires59. De même, des accords ont été passés avec l'Italie, l'Espagne et la France en relation avec l'engagement de travailleurs de ces pays. Ces accords sont en grande partie dépassés par l'accord sur la libre circulation. En vertu de l'art. 2, al. 1, du projet, ils restent néanmoins applicables.

1.3.4.4

Autres accords internationaux non applicables en Suisse

D'autres accords internationaux ont des incidences sur la législation nationale relative à l'entrée, au séjour et à l'établissement des étrangers. Certains ne sont pas encore ratifiés par la Suisse ou ne sont pas signés du tout. Ils ne sont donc pas en vigueur mais pourraient l'être à moyen ou long terme. Il s'agit notamment de la Convention européenne d'établissement de 1955, de la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961, révisée en mai 1966, du Protocole No 4 à la CEDH du 16 novembre 1963, de la Convention européenne du 24 novembre 1977 relative au statut juridique du travailleur migrant et de la Convention des Nations Unies du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

1.3.5

Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative

Le système binaire d'admission (accord sur la libre circulation des personnes et admission limitée des ressortissants des Etats tiers), les nombres maximums (art.

19), la priorité des travailleurs en Suisse par rapport aux nouveaux arrivés (art. 20), les qualifications personnelles requises (art. 23), ainsi que le contrôle des conditions de rémunération et de travail (art. 21) sont les éléments principaux de l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative. L'admission sur le marché du travail doit toujours répondre à un intérêt économique global, à long terme, de notre pays (art.

17 et 18) et elle peut, de plus, être assortie de la condition posée à l'employeur de créer des places de formation (art. 22).

La présentation détaillée de l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative figure sous le ch. 1.2.3.1.

58 59

FF 1995 III 641 Directives de l'OFE sur l'entrée, le séjour et l'établissement des étrangers, ch. 011.3

3506

1.3.6

Réglementation du séjour

1.3.6.1

Abolition du statut de saisonnier et introduction d'une autorisation de courte durée

La législation en vigueur prévoit, outre l'autorisation d'établissement d'une durée indéterminée (art. 6 LSEE), plusieurs sous-catégories d'autorisation de séjour de durée déterminée, pour les titulaires d'une autorisation de séjour à l'année, saisonnière ou de courte durée (art. 5 LSEE et dispositions correspondantes de l'OLE).

Le présent projet de loi maintient en principe la distinction entre séjours de courte durée et séjours durables. Cette distinction est indispensable, puisqu'elle doit répondre aux différents besoins et buts du séjour.

Le projet de loi propose tant une réduction du nombre de types d'autorisation qu'une simplification de la procédure. A l'instar de la majorité des milieux consultés, le Conseil fédéral estime que le statut de saisonnier ne peut être maintenu, en raison des problèmes qu'il pose sur les plans économique et social pour les ressortissants d'Etats tiers.

Cependant, les autorités cantonales pourront encore délivrer des autorisations de courte durée aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE pour des activités saisonnières (avant tout l'industrie du bâtiment, le tourisme et l'agriculture) comme l'accord sur la libre circulation le prévoit. Les activités saisonnières garderont leur importance, bien qu'en raison du développement économique de ces dernières années et du changement de la politique de recrutement opéré par le Conseil fédéral, la délivrance des autorisations saisonnières ait accusé une baisse significative. Cependant, des autorisations de courte durée ne seront accordées aux ressortissants d'Etats tiers ­ comme c'est le cas actuellement ­ que lorsqu'il s'agira de cadres, de spécialistes et de main-d'oeuvre qualifiée.

Aux termes du projet de loi, les ressortissants d'Etats tiers recevront une autorisation uniforme de courte durée pour un séjour d'une année au plus avec ou sans activité lucrative. Il sera possible de faire prolonger cette autorisation jusqu'à deux ans, mais il ne s'agira pas d'un droit. Le but du séjour sera toujours déterminé (en particulier des activités liées à des projets définis).

Pour pallier le risque d'un détournement du but recherché par ce statut de séjour temporaire, il convient d'édicter une règle très claire d'interruption du séjour avant l'octroi de toute nouvelle autorisation. Les critères seront arrêtés
dans une ordonnance d'exécution. On peut partir de l'idée qu'une interruption d'une année devrait suffire (cf. art. 26, al. l, OLE). Des exceptions à cette obligation d'interruption doivent être possibles, lorsqu'il s'agit d'une activité de nature régulière et que l'on peut exclure un abus dans le cas précis. Les exigences quant à la qualification professionnelle devraient également réduire le risque d'abus.

La possibilité de simplement transformer l'autorisation de courte durée (aujourd'hui, l'autorisation saisonnière) en une autorisation de séjour, inscrite en partie dans les conventions bilatérales avec les différents Etats de l'UE et qui s'applique à tous les ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE, deviendra caduque à l'échéance des dispositions transitoires de l'accord sur la libre circulation prévues pour le maintien du contingent. Le projet de loi ne prévoit pas la possibilité de transformer une autorisation de courte durée en autorisation durable pour les ressortissants des Etats tiers, comme c'était le cas jusqu'à la fin de l'année 1994.

3507

1.3.6.2

Autorisation de séjour

Il y a lieu de continuer de délivrer l'autorisation de séjour, de durée limitée mais susceptible d'être prolongée, pour des séjours de plus d'une année. Comme jusqu'ici, il sera possible de fixer des conditions, en particulier concernant le but du séjour. Ce principe est applicable notamment aux séjours de formation ou en vue de l'exercice d'une activité durable (par exemple, en cas de transfert de cadres aux termes de l'accord GATS, signé par la Suisse). Un droit à la prorogation de l'autorisation de séjour doit exister après un séjour de cinq ans, à condition qu'il n'y ait pas de motifs de révocation (notamment, violation ou menace de la sécurité et de l'ordre publics, dépendance de l'aide sociale; art. 61). On tient ainsi compte de l'intégration progressive des titulaires.

1.3.6.3

Autorisation d'établissement

Comme jusqu'ici, l'autorisation d'établissement confère le meilleur statut aux étrangers. Elle doit rester de durée indéterminée et inconditionnelle, et ne doit être retirée que dans des cas individuels d'une extrême gravité. Par ailleurs, les titulaires d'une autorisation d'établissement pourront se prévaloir de la liberté économique (art. 27 Cst.).

Désormais, après un séjour légal de dix ans en Suisse, l'étranger devrait avoir un droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement, pour autant qu'il ait été titulaire d'une autorisation prévue par la présente loi. Ce droit implique évidemment qu'il n'existe aucun motif de révocation, tel que la violation ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics ou la dépendance de l'aide sociale (art. 61).

Aux termes du projet, lorsque les étrangers se sont intégrés avec succès, l'autorisation d'établissement peut être accordée au bout de cinq ans déjà (art. 33, al.

4). Ce faisant, on mettra surtout l'accent, outre sur l'intégration sociale et professionnelle, sur la connaissance de l'une de nos langues nationales. Cette possibilité est susceptible d'encourager les étrangers dans leurs efforts d'intégration.

Aujourd'hui, tous les ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE, ainsi que des Etats-Unis, obtiennent ­ soit en vertu d'accords en matière d'établissement ou pour des motifs de réciprocité ­ une autorisation d'établissement après un séjour légal et ininterrompu en Suisse de cinq ans. Dans les autres cas, l'autorisation d'établissement est en général délivrée après dix ans, pour autant qu'aucun intérêt public ne s'y oppose.

1.3.6.4

L'autorisation frontalière

L'accord sur la libre circulation contient également des dispositions détaillées sur les frontaliers s'appliquant aux ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE. L'obligation de regagner le domicile une fois par semaine (au lieu du retour quotidien requis actuellement) sera désormais aussi applicable aux quelque 700 frontaliers ressortissants des Etats tiers. Par analogie à la réglementation proposée pour l'autorisation de séjour, l'étranger frontalier ayant exercé une activité lucrative

3508

ininterrompue durant cinq ans disposera en principe d'un droit à la prolongation de la durée de validité de l'autorisation frontalière et au changement d'emploi.

1.3.6.5

Mobilité géographique et professionnelle

Par analogie aux dispositions de l'accord sur la libre circulation, les titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement ayant satisfait aux conditions strictes d'admission (conditions d'entrée sévères), doivent pouvoir bénéficier, à certaines conditions, de la mobilité géographique et professionnelle la plus étendue possible à l'intérieur du territoire suisse (ce droit comprend le changement de canton, d'emploi ou de profession; art. 36 et 37).

Cette mobilité répond aux besoins actuels de l'économie du pays et peut notamment contribuer à éviter le chômage. En outre, elle simplifiera considérablement les travaux des autorités et des démarches administratives des employeurs. Elle ne pourra être limitée que pour sauvegarder des intérêts publics qui le méritent.

Les titulaires d'une autorisation de courte durée ou d'une autorisation frontalière ne bénéficieront ­ durant les cinq premières années ­ que d'une mobilité géographique et professionnelle restreinte (art. 36, al. 1, et 38).

1.3.7

Regroupement familial

1.3.7.1

Situation initiale

L'objectif du regroupement familial est de permettre aux étrangers séjournant en Suisse de vivre en famille. Il constitue l'un des motifs d'admission les plus importants, limitant les possibilités de contrôle de l'immigration. Ainsi, en 2000, le regroupement familial représentait près de 43 % de l'immigration. Sont inclus dans ce pourcentage tant les conjoints étrangers de ressortissants suisses (environ 13 %) que les parents d'étrangers qui séjournent déjà en Suisse (environ 30 %).

Aujourd'hui, l'étranger bénéficie, outre d'un droit conféré à certaines conditions par les art. 7, al. 1, et 17, al. 2, LSEE, d'un droit au regroupement familial relevant du droit international public prévu dans la CEDH (cf. ch. 1.3.4.1). Le regroupement familial des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE sera régi par l'accord sur la libre circulation.

Le projet de loi prévoit d'améliorer le statut juridique de l'étranger dans le domaine du regroupement familial, et ce également en vue d'encourager leur intégration. Par ailleurs, le Conseil fédéral ­ comme les autorités d'exécution ­ est conscient du risque accru d'abus lié à l'obtention facilitée d'une autorisation de séjour ou d'établissement par le biais du regroupement familial, d'où la nécessité de prévoir de nouvelles mesures destinées à lutter contre les abus.

3509

1.3.7.2

Regroupement familial pour les membres étrangers de la famille d'un citoyen suisse

L'accord sur la libre circulation prévoit des droits étendus en matière de regroupement familial en faveur des ressortissants d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE.

Ainsi, il admet un droit au regroupement familial des ascendants et des descendants en ligne directe, soit des grands-parents et des petits-enfants, lorsque leur entretien est garanti. Le regroupement familial est admis pour les enfants jusqu'à leur 21e année. S'ils sont plus âgés et que leur entretien est garanti, le regroupement est également admis. Les époux et les enfants bénéficient en outre d'un droit à l'exercice d'une activité lucrative60.

Cette réglementation devra aussi s'appliquer par principe aux membres de la famille de ressortissants suisses, sans quoi ces derniers subiraient une discrimination par rapport aux ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE (art. 41).

1.3.7.3

Droit au regroupement familial pour les titulaires d'une autorisation d'établissement ou de séjour

Le droit en vigueur demeurera applicable aux personnes titulaires d'une autorisation d'établissement (art. 42; art. 17, al. 2, LSEE). En vue d'une amélioration générale du statut juridique des titulaires d'une autorisation de séjour, le projet de loi prévoit également un droit au regroupement familial pour le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans. Ce nouveau droit implique toutefois que les membres de la famille habitent ensemble, que l'étranger qui fait venir sa famille en Suisse dispose d'un logement convenable et qu'il subvienne aux besoins de sa famille sans recourir à l'aide sociale (art. 43). Ces conditions sont analogues au régime actuel prévu dans l'ordonnance (art. 38 et 39 OLE) et aux réglementations pratiquées par les autres pays d'Europe occidentale (cf. ch. 6). Ce nouveau droit conduira certainement à une harmonisation de la pratique; autrement dit, il n'y a pas lieu de s'attendre à une augmentation du flux migratoire.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral61,, un droit au regroupement familial génère un droit du conjoint et des enfants d'exercer une activité lucrative dépendante ou indépendante dans toute la Suisse (art. 45). Les personnes qui disposent d'un droit de séjour légal peuvent faire valoir un droit à la liberté économique, au sens de l'art. 27 Cst. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice.

1.3.7.4

Possibilité de regroupement familial pour les titulaires d'une autorisation de courte durée

La réglementation actuelle en vertu de laquelle les saisonniers, les titulaires d'une autorisation de courte durée, les stagiaires et les étudiants n'ont aucune possibilité de solliciter le regroupement familial (art. 38, al. 2, OLE) a souvent été critiquée, car elle a pour conséquence la séparation de la famille.

60 61

Art. 3, annexe I de l'accord sur la libre circulation des personnes ATF 122 1212 ss

3510

Dans le domaine de la formation et du perfectionnement, la réglementation appliquée en Suisse suscite fréquemment l'incompréhension étant donné que de nombreux Etats connaissent une pratique beaucoup plus généreuse. Les personnes hautement qualifiées ne sont souvent disposées à exercer une activité lucrative passagère en Suisse que si elles peuvent emmener leur famille avec elles. D'ailleurs et notamment dans un esprit de réciprocité, notre pays autorise exceptionnellement le regroupement familial aux personnes inscrites dans les hautes écoles.

Le Conseil fédéral propose donc de donner aux titulaires d'autorisations de courte durée la possibilité d'obtenir le regroupement familial sans pour autant qu'il en découle nécessairement un droit. Etant donné que l'autorisation de courte durée ne donne aucun droit à séjourner de manière durable, le regroupement familial est dès lors, lui aussi, de durée limitée. Les autorités cantonales peuvent autoriser le regroupement familial si les conditions prévues pour les titulaires d'autorisations de séjour (logement convenable, moyens financiers suffisants; art. 44) sont remplies.

La crainte que des difficultés de scolarisation des enfants de titulaires d'autorisations de courte durée ne surgissent paraît infondée. En règle générale, les parents renoncent à faire venir des enfants en âge de scolarisation dans un pays où ils ne séjourneront vraisemblablement que pour une courte durée.

1.3.7.5

Principes de cohabitation des membres de la famille

Contrairement à la réglementation en vigueur, le projet de loi prévoit la subordination du droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour du conjoint étranger d'un citoyen suisse à la cohabitation des conjoints, comme le prévoit la loi actuellement en vigueur pour le conjoint d'un titulaire de l'autorisation d'établissement. L'octroi d'un droit au séjour implique donc l'existence effective d'une relation conjugale et la volonté de la conserver.

Demeure expressément réservée la possibilité d'élire domicile séparé selon le droit du mariage et ce pour des motifs professionnels ou pour d'autres motifs importants et compréhensibles (art. 48; cf. également FF 1979 II 1179). En règle générale, l'absence de communauté conjugale sans motif plausible constitue un indice important de mariage de complaisance.

En cas de dissolution du mariage, il importe cependant d'éviter que le retrait du droit au séjour ne cause un cas individuel d'une extrême gravité (cf. ch.1.3.7.6.). La condition de la cohabitation des conjoints a d'ailleurs été vivement controversée en procédure de consultation. Tandis que les autorités cantonales d'exécution et la plupart des partis politiques plébiscitaient expressément cette solution, les syndicats, les oeuvres sociales et les organisations féminines l'on rejetée.

Lors des délibérations sur l'initiative parlementaire Goll «Droits spécifiques accordés aux migrantes» (96.461), le Conseil national s'est opposé, le 7 juin 1999, à l'exigence de la cohabitation comme condition de l'obtention du droit de séjour du conjoint. Il a accepté une proposition de la commission des affaires politiques du Conseil national visant à modifier la LSEE62. En prévision des délibérations qui

62

FF 1999 2540 et BO 1999 E 964

3511

devront avoir lieu au sujet du présent projet de loi, le Conseil des Etats n'a pas encore débattu de cette initiative parlementaire63.

1.3.7.6

Maintien du droit de séjour après dissolution de la famille dans des cas de rigueur

Pour éviter des cas de rigueur, le droit de séjour du conjoint et des enfants sera maintenu même après la dissolution du mariage ou du ménage commun, lorsque des motifs personnels graves exigent la poursuite du séjour en Suisse (art. 49). Cette solution correspond largement à la proposition du 7 juin 1999 de la Commission des institutions politiques du Conseil national relative à l'initiative parlementaire Goll «Droits spécifiques accordés aux migrantes» (96.461; cf. ch. 1.3.7.5).

La poursuite du séjour en Suisse peut s'imposer lorsque le conjoint demeurant en Suisse est décédé ou lorsque la réinsertion familiale et sociale dans le pays d'origine s'avère particulièrement difficile en raison de l'échec du mariage. Tel est notamment le cas lorsqu'il y a des enfants communs, étroitement liés aux conjoints et bien intégrés en Suisse. Il convient toutefois de bien prendre en considération les circonstances qui ont conduit à la dissolution de l'union conjugale. S'il est établi que l'on ne peut exiger plus longtemps de la personne admise dans le cadre du regroupement familial qu'elle poursuive la relation conjugale, dès lors que cette situation risque de la perturber gravement, il importe d'en tenir compte dans la décision.

En revanche, rien ne devrait s'opposer à un retour lorsque le séjour en Suisse a été de courte durée, que les personnes n'ont pas établi de liens étroits avec la Suisse et que leur réintégration dans le pays d'origine ne pose aucun problème particulier. Il importe d'examiner individuellement les circonstances. Les pratiques cantonales seront aussi harmonisées en ce qui concerne l'octroi d'un droit de séjour. Quelquesuns des milieux interrogés en procédure de consultation se sont déclarés contre la création d'un nouveau droit de séjour découlant de la loi, en raison des surcharges probables au niveau de l'administration de la justice. Ils sont d'avis que la disposition prévue actuellement pour prolonger la durée de validité de l'autorisation de séjour dans des cas de rigueur suffit amplement.

1.3.7.7

Restrictions en matière de regroupement familial

L'intégration des enfants est considérablement facilitée lorsque le regroupement familial intervient rapidement. Une formation scolaire suffisamment longue en Suisse constitue sans doute une base solide de réussite future, car les enfants y acquièrent les indispensables aptitudes linguistiques. Par conséquent, les étrangers (conjoint et enfants) pourront en principe faire valoir leur droit au regroupement familial dans un délai de cinq ans (art. 46). Les demandes de regroupement familial déposées après ce délai ne seront admises qu'exceptionnellement, pour des raisons familiales majeures.

Cette solution permet d'éviter que des demandes de regroupement familial soient abusivement déposées en faveur d'enfants qui sont sur le point d'atteindre l'âge de

63

BO 2001 E 898 ss

3512

travailler. Dans ces cas, le but visé en premier lieu n'est pas une vie familiale mais un accès facilité au marché suisse du travail.

Malheureusement l'admission facilitée dans le cadre du regroupement familial engendre fréquemment des abus, notamment des mariages de complaisance. Une politique des étrangers crédible implique une lutte efficace contre ces abus. Par conséquent, le droit au regroupement familial est exclu lorsqu'il est invoqué abusivement, notamment pour éluder les prescriptions d'admission (art. 50).

1.3.7.8

Nouvelles mesures de droit civil pour lutter contre les mariages de complaisance

Mesures proposées Les autorités de l'état civil sont confrontées au problème des mariages de complaisance. Il arrive de plus en plus souvent qu'un mariage soit envisagé dans le seul but de procurer à un fiancé un droit de séjour (mariages aux fins d'un séjour ou mariages de complaisance)64.

En vertu de l'art. 2, al. 2, du code civil; CC65, de telles unions peuvent déjà être refusées actuellement («l'abus manifeste d'un droit n'est protégé»)66. Il y a abus lorsque les fiancés n'entendent pas fonder une communauté conjugale (art. 159 CC)67, mais cherchent uniquement à éluder les prescriptions d'admission du droit en matière d'étrangers.

Lors de la procédure de consultation, la majorité des cantons et des organisations intéressées, tous les partis gouvernementaux, sauf le Parti socialiste, et d'autres organisations concernées, notamment l'Association suisse des officiers de l'état civil, ont demandé à ce que soient aménagées des dispositions légales claires permettant de combattre les mariages de complaisance non seulement en droit des étrangers et en droit pénal mais également en droit civil.

64

65 66

67

Les études menées à ce sujet au sein de la Commission internationale de l'état civil, dont font partie la plupart des Etats européens, confirment que la conclusion de mariages simulés est un phénomène en constante augmentation. Voir l'étude "La fraude en matière d'état civil dans les Etats membres de la CIEC", rédigée par Madame Isabelle GuyonRenard avec le concours du Secrétariat général de ladite commission, Strasbourg décembre 2000, p. 8, diffusé sur le site Internet de la CIEC sous http://perso.wanadoo.fr/ciec-sg/CadrEtudeFraude.htm.

Voir également Sandoz, Mariages fictifs: à la frontière du droit et de l'éthique, publié in Revue de l'état civil (REC) 2000, p. 413 s.; Suter Kasel-Seibert, Le mariage fictif, Etude de droit comparé, thèse, Zurich, 1990, p. 17 RS 210 Voir la décision du Département des constructions (Office de la justice) du canton de Soleure du 24 septembre 1998, publiée in REC 1999, p. 107 et celle de la Direction de la police et des affaires militaires du canton de Berne du 21 octobre 1999, publiée in REC 1999, p. 442. La jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 113 II 5 et arrêt du 9 octobre 1987, publié in REC 1988, p. 44) et plusieurs auteurs vont dans le même sens (Hegnauer/Breitschmid, Grundriss des Eherechts, Berne 2000, p. 47, n. 513; SutterSomm, Vier Probleme des schweizerischen Eheschliessungsrechts, publié in REC 1994, p. 332 ss (336); Werro, Concubinage, mariage et démariage, Berne, 2000, p. 76, n. 298; contra Sandoz, Le point sur le droit de la famille, publié in RSJ 97 (2001), p. 93 et Mariages fictifs: à la frontière du droit et de l'éthique, publié in REC 2000, p. 413).

Voir l'ATF 119 II 264 ss; Hausheer/Reusser/Geiser, Die Wirkungen der Ehe im allgemeinen, Art. 159 à 180 CC, Berne 1999, p. 61, n. 6; Werro, Concubinage, mariage et démariage, Berne, 2000, p. 30 s., n. 56.

3513

Le projet prévoit donc que l'officier de l'état civil dispose à l'avenir d'une norme explicite lui permettant de refuser son concours lorsque l'un des fiancés ne veut manifestement pas fonder une communauté conjugale mais éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers (art. 97a CC). D'autre part, si l'abus est découvert ou établi après coup, de telles unions pourront être annulées d'office comme en cas de bigamie ou d'incapacité durable de discernement (art. 105, ch. 4, CC). Il est enfin prévu que l'annulation prononcée par le juge ait pour effet de faire cesser la présomption légale de paternité (art. 109, al. 3, CC).

L'introduction d'une nouvelle cause d'annulation du mariage ne nécessite aucune modification de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP)68. En effet, en vertu de l'art. 45, al. 2, LDIP, un mariage célébré à l'étranger dans l'intention manifeste d'éluder les causes d'annulation prévues par le droit suisse n'est pas reconnu en Suisse, si la fiancée ou le fiancé sont suisses ou s'ils ont tous deux leur domicile dans notre pays. Cette disposition sanctionne a priori des cas parti-culièrement évidents d'atteinte à l'ordre public suisse en exigeant un rapport étroit avec la Suisse («Binnenbeziehung») ainsi qu'une fraude à la loi. Quant aux cas qui ne sont pas directement couverts par la loi et qui présenteraient des liens suffisamment forts avec notre pays (cas où un seul des fiancés est domicilié en Suisse p. ex.), il sera toujours possible de les appréhender par le biais de la réserve générale de l'ordre public figurant à l'art. 27, al. 1, LDIP69.

Effets sur l'état du personnel et conséquences financières Il n'est pas exclu que l'application de la réglementation envisagée entraîne un supplément de travail au sein des offices de l'état civil, de leurs autorités de surveillance et des tribunaux.

Ces tâches supplémentaires devraient toutefois pouvoir être assumées sans engagement de personnel supplémentaire. Les offices d'état civil ne doivent en effet envisager un refus de coopérer que dans les cas manifestes d'abus, soit les cas flagrants.

Les plaintes suite aux décisions d'annulation ultérieure de mariage devraient également rester relativement rares70. Quant aux autorités fédérales, elles devront élaborer les dispositions d'exécution nécessaires et
assumer par la suite leurs fonctions de haute surveillance (conseils et avis fournis de cas en cas par les autorités chargées de l'exécution, recours contre des décisions cantonales inappropriées).

Constitutionnalité et relation avec les droits fondamentaux Les art. 14 (droit au mariage et à la famille) et 122, al. 1 (droit civil), Cst. constituent la base des dispositions prévues.

68 69

70

RS 291 Voir Bucher, Droit international privé suisse, t. II: Personnes-Famille-Successions, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1992, p. 143, no 380, p. 144, no 384 et p. 147, no 396; Siehr in Honsell/Vogt/Schnyder, Internationales Privatrecht, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, ad art. 45 LDIP, p. 334, no 5, p. 336 à 338, nos 10 et 13, p. 339 s., no 17; Othenin-Girard, La réserve d'ordre public en droit international privé suisse, Personnes-Famille-Succession, thèse, Zurich, 1999, p. 368 s., no 576; Volken, IPRG Kommentar, Zurich, 1993, ad art. 45 LDIP, p. 400.

Lorsque le motif de nullité des mariages dits de nationalité (mariage contracté par une femme étrangère avec un citoyen suisse dans l'intention unique d'acquérir la nationalité suisse) existait encore, l'on dénombrait globalement une vingtaine de cas d'annulation de mariage par année (voir les données publiées dans l'Annuaire statistique de la Suisse 1994 pour les années 1985, 1989, 1990 et 1991, p. 43).

3514

La garantie constitutionnelle du droit au mariage vise aussi bien la liberté individuelle de se marier que l'existence du mariage en tant qu'institution71.. L'abus manifeste, en tant que violation du principe de la bonne foi, n'est pas protégé (art. 5, al. 3, Cst.). Pour des raisons liées à la sécurité du droit, il est indiqué de concrétiser ce principe dans une norme. Par ailleurs, les restrictions importantes aux droits fondamentaux doivent figurer formellement dans une loi (art. 36, al. 1, Cst.).

La disposition prévue confère par conséquent à l'officier de l'état civil un droit explicite de refuser son concours en cas de mariage de complaisance72.

La déclaration ultérieure de nullité du mariage nécessite également l'édiction d'une disposition dans une loi (art. 36, al. 1, Cst. et art. 104 CC)73. En raison de l'ampleur de la décision, les autorités sont en outre tenues de procéder rapidement au refus de prêter leur concours au mariage ou de l'annuler rapidement (art. 29, al. 1, Cst.)74.

Compte tenu de la nature du droit au mariage et de l'enjeu de la cause pour les intéressés, l'art. 29, al. 1, Cst. imposera généralement à l'autorité de traiter les affaires de refus de célébrer ou d'annulation du mariage dans des délais relativement brefs.

Relation avec le droit européen Le refus de célébrer le mariage et la possibilité de l'annuler ultérieurement sont connus dans la plupart des Etats européens75.

Voici comment se présente la situation dans les pays limitrophes de la Suisse.

En Allemagne, il est procédé à l'annulation d'office des mariages fictifs, soit des unions où les époux ont refusé d'assumer les obligations matrimoniales, en particulier de vivre en communauté conjugale. L'officier de l'état civil est tenu de refuser son concours lorsque, à l'évidence, une telle union est projetée. Des normes explicites ont été introduites avec la réforme du droit de la conclusion du mariage, entrée en vigueur le 1er juillet 199876.

En Autriche, les mariages qui sont contractés par un époux non dans le but de fonder une communauté conjugale mais dans l'intention d'acquérir un nom de famille ou une nationalité sont annulés à la demande du procureur d'Etat. L'officier de l'état

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76

Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, ad art. 12 (FF 1997 I 1 ss).

La jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 54 aCst. qui correspond matériellement à l'art. 14 nCst., précise que le mariage peut être refusé en cas d'abus manifeste de l'institution du mariage (FF 1977 I 1 ss).

La liste des causes d'annulation prévues dans le code civil est exhaustive, FF 1997 I 1 ss, ch. 224.1).

Auer/Malinverni/Hosttelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, Berne, 2000, ch. 1236 ss et étude précitée «La fraude en matière d'état civil dans les Etats membres de la CIEC», p. 45.

Le refus de célébrer est prévu dans les pays suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Luxembourg et Pays-Bas. Ces pays plus l'Italie et le Portugal prévoient en outre l'annulation des mariages abusifs. Voir le tableau synoptique n° 4 publié en annexe à l'étude précitée «La fraude en matière d'état civil dans les Etats membres de la CIEC», p. 36 ss.

Voir les §§ 1310 al. 1, 1314, al. 2 et 1353, al. 1, du Bürgerliches Gesetzbuch, in Bergmann/Ferid, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht, Francfort-sur-le-Main et Berlin, 1999, ad Allemagne, p. 50 ss; Krömer, Die Neuordnung des Kindsschaftsrechts und des Eheschliessungsrechts in der Bundesrepublik Deutschland, publié in REC 1999, p. 169 ss (p. 182 s.), Wagenitz/Bornhofen, Handbuch des Eheschliessungsrechts, Erläuterungen mit Materialien und Ausführungsvorschriften, Franfort-sur-le-Main et Berlin, p. 99 ss

3515

civil refuse son concours lorsqu'il apparaît manifestement qu'il s'agit d'un mariage de complaisance77.

En France, l'officier de l'état civil a la faculté de surseoir à la célébration du mariage dans les cas où plusieurs éléments objectifs sont de nature à faire présumer un mariage fictif. Il saisit alors le procureur de la République qui peut faire opposition au mariage. Faute d'intervention du procureur dans les délais légaux, le mariage doit être célébré. De tels mariages peuvent être attaqués pour défaut de consentement par les époux ou le ministère public78.

En Italie, le mariage de complaisance peut être annulé à la demande de chaque conjoint79.

Les mesures de lutte contre les mariages fictifs sont conformes à la CEDH. Celle-ci interdit les empêchements disproportionnés au droit au mariage consacré à l'art. 12 ainsi que les limitations qui touchent à la substance même du droit. Elle ne protège pas les mariages fictifs et les législations nationales peuvent limiter le droit au mariage par des mesures de contrôle de l'immigration sans violer non plus l'art. 14, qui prohibe les discriminations fondées notamment sur la race et l'origine nationale80. S'agissant du droit de voir sa cause traitée dans un délai raisonnable (art. 6, al. 1, CEDH et art. 29, al. 1, Cst.), la réforme proposée tient également compte des études effectuées au sein de la Commission internationale de l'état civil81.

Quant à l'UE, elle n'est en principe pas compétente pour légiférer dans les affaires civiles liées au mariage82.

1.3.8

Intégration

Le présent projet de loi contient un chapitre, dans lequel les objectifs et les principes de l'intégration des étrangers sont définis. L'intégration vise à favoriser la coexistence des deux communautés ­ population suisse et population étrangère ­ sur les fondements de valeurs communes et du régime de l'Etat de droit (art. 51, voir aussi

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Voir les §§ 23 et 28 de la loi autrichienne sur le mariage, Bergmann/Ferid, Internationales Ehe- und Kindschaftrecht, Francfort-sur-le-Main, 1993, p. 52 s., 142 s. et le tableau synoptique n° 4, annexé à l'étude précitée de la CIEC (p. 36).

Voir les art. 146, 175­2 et 184 du code civil français, in Bergmann/Ferid, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht, Francfort-sur-le-Main et Berlin, 1995, ad France, p. 67, 70 s.; voir également l'étude précitée "La fraude en matière d'état civil dans les Etats membres de la CIEC", p. 17 Voir l'art. 123 du code civil italien, in Bergmann/Ferid, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht, Francfort-sur-le-Main et Berlin, 1996, ad Italie, p. 59. Le tableau synoptique n° 4, annexé à l'étude précitée de la CIEC (p. 37) indique que la nullité du mariage peut également être demandée par tout intéressé.

Décisions de la Commission européenne des droits de l'homme des 16 octobre 1996 (Sanders c/France; DR 87-A, p. 160 ss) et 3 décembre 1997 (Krüger c/Pays-Bas; DR 91-A, p. 66 ss).

Voir l'étude précitée «La fraude en matière d'état civil dans les Etats membres de la CIEC».

Voir cependant la résolution du Conseil de l'Union européenne du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance, diffusée sur le site Internet de l'Union européenne sous http://europa.eu.int/eur-lex/fr/lif/dat/1997/fr_397Y1216_01.html. Selon les termes de la résolution, celle-ci «est sans préjudice de la faculté pour les états membres de vérifier, le cas échéant, avant la célébration du mariage si celui-ci est un mariage de complaisance».

3516

le ch. 1.2.5). L'intégration constitue une tâche globale et commune qui doit permettre aux étrangers séjournant légalement et durablement dans notre pays de jouir de l'égalité des chances dans les domaines économiques, sociaux et culturels (art. 53).

Cela implique cependant une volonté d'intégration personnelle des étrangers, dont l'autorité compétente tiendra compte lorsqu'elle exercera son pouvoir d'appréciation (art. 52).

La Confédération, les cantons et les communes créeront des conditions générales favorables à l'intégration professionnelle et sociale des étrangers. En la matière, les autorités prendront en considération avant tout les besoins spécifiques des enfants et des adolescents (art. 53). Les efforts d'intégration à l'échelon fédéral et cantonal devront être coordonnés (art. 56). Pour faciliter l'intégration des étrangers, il convient d'informer correctement les populations suisse et étrangère. Au besoin, les autorités compétentes pour l'octroi des autorisations se chargeront de certaines tâches d'information (art. 55).

Enfin, la Confédération peut allouer des subventions en vue de l'encouragement de l'intégration sociale des étrangers (art. 54). Le Conseil fédéral institue une commission consultative ­ la Commission fédérale des étrangers - qui se penchera sur les questions de la politique migratoire et de l'intégration; elle formulera des propositions d'attribution des contributions financières (art. 57).

1.3.9

Contrôle à la frontière

Selon le droit en vigueur, le Conseil fédéral est compétent pour réglementer le contrôle des personnes à la frontière (art. 25, al. 1, let. a, LSEE). L'exécution incombe en principe aux cantons frontaliers. En vertu d'une convention entre le DFJP et le DFF datant de 196483, le contrôle des passeports aux points de passages routiers et aussi, en partie, dans le trafic fluvial ainsi que dans les trains régionaux, est assuré exclusivement par les autorités douanières de la Confédération; ces contrôles sont fondés sur l'art. 59 de la loi fédérale sur les douanes84 relatives au concours des agents de douane à l'exécution de prescriptions fiscales et de police ou d'autres prescriptions fédérales étrangères aux douanes. Les polices cantonales assurent uniquement le contrôle des personnes dans les gares et les aéroports internationaux. La surveillance de la frontière en dehors des postes frontière ouverts au grand trafic frontalier relève également de la compétence du Corps des gardes-frontières.

L'art. 59 de la loi sur les douanes a été jugé comme insuffisant pour fonder la pratique actuelle85. Cette lacune sera désormais comblée. Le groupe de travail «examen du système de sécurité intérieure de la Suisse» (USIS), mis en place en novembre 1999 conjointement par la Conférence des directrices et des directeurs des départements cantonaux de justice et police et le DFJP a pour tâche d'analyser tout le système de sécurité intérieure de la Suisse. La structure de l'Etat fédéral et les capacités des corps de police cantonale et municipale arrivent à saturation, notamment dans les domaines de la lutte internationale contre le crime organisé, de la maîtrise des problèmes migratoires et des tâches de la police de sûreté. L'adéquation de la répartition actuelle des tâches entre les services fédéraux, d'une part, et entre la Confédé83 84 85

Circulaire du DFJP aux directions des polices cantonales, du 14 mai 1964 RS 631.0 cf. le message à l'appui d'un projet de loi sur les étrangers; FF 1978 II 165

3517

ration et les cantons, d'autre part, est à l'examen. Tel est également le cas du contrôle des personnes à la frontière. Cela étant, le projet de loi ne doit pas anticiper les résultats du projet USIS. Cependant, dès lors qu'il doit désigner les organes compétents en matière de contrôle à la frontière, ce domaine incombera en principe, comme jusqu'ici, aux cantons. Si une autre solution devait être proposée dans le cadre du projet USIS, par exemple l'attribution aux services fédéraux du contrôle à la frontière, une modification légale pourrait être introduite au cours de la procédure législative.

Le contrôle à la frontière vise tant à empêcher les entrées clandestines en Suisse qu'à éviter les sorties illégales à destination des pays voisins. Il convient toutefois de relever que ces contrôles ne sont que sporadiques, en fonction des risques du moment et des ressources disponibles en personnel. Vu le nombre (environ 700 000) d'entrées quotidiennes enregistrées, il est impossible d'effectuer un contrôle sans failles de l'identité et des conditions d'entrée. Certes, un contrôle systématique des passeports a lieu dans les aéroports, mais en général pas davantage.

Pour lutter contre l'activité de passeurs et l'immigration clandestine, ainsi que pour améliorer l'échange d'informations entre les autorités concernées, il y a lieu d'examiner l'opportunité du stationnement d'agents de liaison dans nos représentations qui sont dans des pays considérés comme exposés. Ces agents pourraient également seconder le personnel des compagnies aériennes lors des contrôles effectués à l'embarquement et renforcer le dépistage des falsifications de documents.

D'autres pays ont déjà réalisé des expériences très encourageantes de stationnement sur place d'agents spécialisés.

1.3.10

Mesures d'éloignement

Le projet de loi prévoit une réserve générale selon laquelle tous les droits et autorisations accordés peuvent être retirés lorsque l'étranger enfreint la sécurité et l'ordre publics et montre ainsi qu'il n'est pas disposé ou pas apte à se conformer à notre ordre juridique et à nos us et coutumes.

Ce principe s'applique aussi aux personnes qui, par leur comportement, mettent en péril les valeurs fondamentales de notre Etat de droit démocratique, la sécurité intérieure et extérieure ou les relations de la Suisse avec les pays étrangers. Pour ordonner pareilles mesures, il faut que des indices concrets permettent de conclure que la présence de la personne présente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Un soupçon de comportement punissable n'est pas nécessaire dans tous les cas.

Les autorités compétentes pourront continuer d'ordonner une révocation des autorisations. Induire en erreur les autorités en fournissant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels durant la procédure d'autorisation constitue le principal motif de révocation.

La révocation d'une autorisation sera aussi possible lorsque l'étranger a enfreint la sécurité et l'ordre publics, en Suisse ou à l'étranger, ou qu'il représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse.

Les motifs de révocation de l'autorisation d'établissement ­ statut de police des étrangers le plus favorable ­ sont restreints (art. 62). Ils correspondent en principe

3518

aux motifs d'expulsion prévus aux termes des dispositions de l'art. 10 LSEE, ce qui a pour effet de simplifier la législation.

Selon le projet de loi, l'expulsion pour des motifs politiques prévue à l'art. 70 aCst., reprise à l'art. 121, al. 2, nCst., devrait être maintenue86. Or, cette mesure ne doit plus être ordonnée par le Conseil fédéral lui-même mais par les autorités fédérales compétentes en matière de sauvegarde de la sûreté intérieure et extérieure (art. 67).

Elle peut également faire l'objet d'un recours devant l'autorité de recours compétente. Ainsi, on tient suffisamment compte des garanties en matière de voies de droit prévues par l'art. 13 CEDH.

Dans des cas sensibles sur le plan politique, le Conseil fédéral a toujours la possibilité d'ordonner une expulsion en se fondant directement sur l'art. 121, al. 2, Cst. (tel que ce fut le cas dans les affaires Maurice Papon ou Ahmed Zaoui). Pareilles décisions du Conseil fédéral ne sont pas susceptibles de recours. Pour des motifs de confidentialité, il est en outre justifié d'appliquer la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)87 de manière restrictive.

Enfin, lorsque l'étranger est indésirable en Suisse en raison de la menace qu'il représente pour la sécurité et de l'ordre publics, les autorités compétentes pourront prononcer une décision d'interdiction d'entrée (actuel art. 13 LSEE) faisant obstacle à toute tentative d'entrée ou de retour en Suisse.

1.3.11

Dispositions pénales et sanctions

Le projet de loi prévoit un durcissement des dispositions pénales. Dans la perspective d'une bonne collaboration avec nos pays voisins, il importe de combattre systématiquement l'entrée et la sortie clandestines ainsi que l'activité de passeurs.

En outre, une grande importance est accordée à la lutte contre le travail au noir. Il s'agit en premier lieu de punir systématiquement les employeurs. Par rapport au droit en vigueur, les peines qui leur sont infligées doivent être plus sévères. Le travail au noir doit perdre de son intérêt et les employeurs ne doivent pas être pénalisés moins sévèrement que les étrangers qui travaillent au noir. De surcroît, il est indispensable d'intensifier les contrôles et la coopération et de répartir clairement les compétences entre les différents services concernés (autorités du marché du travail et police des étrangers, organisations patronales et syndicats).

Désormais, une peine sera infligée à celui qui aura, durant la procédure, induit en erreur les autorités chargées de l'octroi d'une autorisation (art. 113), comme le prévoit d'ailleurs l'art. 14 de la loi fédérale du 22 mai 1974 sur le droit pénal administratif88. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la législation sur les étrangers comporte une lacune. En effet, la loi fédérale sur le droit pénal administratif ne s'applique que si la poursuite et le jugement de l'infraction ont été délégués à une 86

87 88

D'après l'art. 121, al. 2, Cst. (art. 70 aCst.), le Conseil fédéral a le droit d'expulser des étrangers qui menacent la sécurité intérieure et extérieure de la Confédération. C'est le Conseil fédéral qui ordonne ces mesures lorsqu'il existe une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure et que le cas en question a une portée politique plus ou moins importante ou encore qu'il existe des motifs de politique intérieure ou extérieure.

Le Ministère public de la Confédération est chargé de l'exécution de la décision relevant du Conseil fédéral. Cette mesure ne se fonde pas sur la LSEE. (art. 10, al. 4, LSEE) RS 172.021 RS 313.0

3519

autorité administrative de la Confédération (ATF 125 IV 148). Actuellement, seul le séjour illégal en Suisse est punissable. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une autorisation obtenue frauduleusement peut conduire à un séjour légal. Dès lors, la nécessité d'adapter la législation s'impose. L'initiative parlementaire Hans Hess (00.420)89, adoptée par le Conseil des Etats et transmise au Conseil national, poursuit le même objectif. Elle n'a pas encore été traitée au sein du Conseil national en raison de l'existence du présent message.

Selon l'art. 85, l'étranger et les tiers participant à la procédure doivent fournir des indications correctes et complètes sur les éléments essentiels au règlement du séjour.

Dans le droit en matière d'étrangers, cette obligation de collaborer revêt une grande importance, renforcée par les nouvelles dispositions pénales.

Les employeurs qui enfreignent de manière répétée les dispositions en la matière devront prendre à leur charge la totalité des frais qu'ils auront ainsi occasionnés pour la collectivité. En cas de récidive, leurs demandes d'engager un étranger peuvent leur être refusées. Lors de la procédure de consultation, des participants ont proposé d'exclure de l'adjudication de marchés publics les employeurs qui ont enfreint les dispositions légales en la matière. Ces mesures sont prévues par la future loi fédérale contre le travail illicite.

1.3.12

Sanctions à l'encontre des entreprises de transport et échange de données

Les entreprises de transport aérien devront désormais assumer un devoir de diligence lors du transport de passagers à destination de notre pays. Elles devront prendre toutes les dispositions nécessaires pour ne transporter que les personnes disposant, au moment de l'embarquement, des documents de voyage requis (art. 87).

Lorsque l'entrée d'un passager sera refusée, la compagnie aérienne sera tenue de prendre à sa charge les frais d'assistance, comprenant les frais de subsistance et de retour. Lorsqu'une compagnie aérienne enfreindra son devoir de diligence, elle devra prendre à sa charge tous les frais d'assistance non couverts (art. 88). Par ailleurs, si elle transporte des passagers qui ne sont pas munis des documents de voyage requis, elle sera punie d'une amende de 5000 francs au plus pour chacun de ces passagers (art. 89).

La responsabilité des entreprises de transport aérien et des autorités en matière de contrôle des documents de voyage, d'assistance et de renvoi de passagers sont régis par l'annexe 990de la Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale91 (annexe 9). Pour les autres entreprises de transport, il n'existe pas de dispositions internationales comparables.

En vertu de l'art. 37 de ladite convention, les normes et les recommandations figurant à l'annexe 9 doivent faciliter le trafic aérien international. Mentionnons en particulier, dans ce contexte, le devoir de diligence des compagnies aériennes lors du contrôle des documents de voyage avant l'embarquement (ch. 3.39 de l'annexe 9), l'assistance des passagers après l'atterrissage jusqu'au contrôle d'entrée (ch. 3.38.1), l'assistance et le renvoi des passagers en cas de refus d'accorder l'entrée (ch. 3.46), 89 90 91

FF 2001 5164 et 5178 Dans la teneur de sa 10e version, en vigueur depuis le 31 août 1997 RS 0.748.0

3520

ainsi que la coopération entre les autorités et les entreprises de transport aérien (ch. 3.40, 3.44 et 3.46.1). Notre pays n'a émis aucune réserve quant à l'exécution de ces normes. C'est pourquoi, en vertu de l'art. 38 de la convention susmentionnée, ces dispositions sont contraignantes; en relation avec l'art. 122f de l'ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation92, elles sont immédiatement applicables.

Les normes et recommandations de l'annexe 9 ne font état d'aucune sanction lorsque le devoir de diligence a été violé lors du contrôle des documents de voyage des passagers. D'ailleurs, aux termes du ch. 3.41, ces dispositions interdisent aux Etats membres de punir une entreprise de transport aérien selon le principe de la stricte causalité (risque d'entreprise). Plusieurs Etats ont émis une réserve quant à cette norme en raison du problème de la preuve. D'autres Etats ont introduit un système de sanction sui generis en se fondant sur la responsabilité causale. Dans le cadre de conventions particulières conclues avec les entreprises de transport aérien, ils ont prévu que le montant des amendes serait fixé en fonction du nombre de passagers qui, à l'arrivée, ne sont pas munis des documents de voyage requis. Ce système permettra surtout de garantir la coopération avec les autorités et d'éviter des procédures de recours onéreuses. Ce genre de systèmes «bonus malus» est surtout connu dans le droit anglo-saxon.

Le protocole additionnel adopté par les Nations unies, le 15 novembre 2000, contre le trafic de personnes93 oblige les Etats signataires à intervenir en prenant des mesures législatives et d'autres mesures appropriées afin de contraindre les entreprises de transport commerciales à contrôler les documents de voyage et d'infliger, le cas échéant, des sanctions.

Les dispositions de l'art. 26 de la Convention d'exécution de Schengen vont dans le même sens. Vu les importantes différences qui règnent d'un pays à l'autre dans l'application de ces dispositions, le Conseil de l'Union européenne a adopté en janvier 2001 une directive complémentaire94 . Cette directive fixe les conditions générales des peines et des mesures pénales sous réserve de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ainsi, cette directive contient-elle ­ outre le droit de recours, l'obligation
de renvoi et la responsabilité des frais de présence ­ en particulier une amende de 5000 euros au plus, mais de 3000 euros au moins, pour chaque passager transporté qui n'est pas muni des documents de voyage requis. Lorsqu'une amende forfaitaire est infligée, elle s'élèvera à 500 000 euros au moins par infraction.

En cas de signature du protocole additionnel de l'ONU contre le trafic de personnes, ou de reprise de l'acquis de Schengen par adhésion à l'UE ou par adoption d'un accord d'association, la Suisse serait contrainte de reprendre ces dispositions et de les transposer dans la législation nationale.

Les milieux consultés ont surtout critiqué les contraintes imposées à l'entreprise de transport aérien, que celle-ci soit coupable ou non, en cas de renvoi d'un passager récalcitrant par un vol spécial et ont estimé cette mesure incompatible avec le droit 92 93

94

RS 748.01 Protocole additionnel à la Convention visant à lutter contre le crime organisé transnational. La convention et le protocole entrent en vigueur après la ratification par 40 Etats (art. 38 de la Convention; art. 22 du protocole contre le trafic de personnes) La Suisse a signé la convention à l'occasion du Protocole de signature, conférence tenue du 12 au 15 décembre 2000, à Palerme. Le Conseil fédéral envisage de signer le protocole additionnel contre le trafic de personnes durant le 1er trimestre 2002.

JO C 269 du 20.9. 2000, p. 8

3521

constitutionnel (principe de la proportionnalité) et le droit public international. Il n'y a plus de lien causal direct avec le devoir de diligence. Au vu de la critique fondée et en vertu de l'évolution survenue entre temps au sein de l'UE et des Nations Unies, la solution prévue à l'origine, fondée strictement sur la responsabilité causale, a été écartée (art. 88). La compatibilité avec le droit international sur le statut de réfugié est garantie grâce aux réserves formulées en la matière.

Diverses interventions parlementaires avaient demandé l'introduction de sanctions contre les entreprises de transport qui contreviennent à leur devoir de contrôle des documents de voyage (art. 89). Cette question est à l'origine de l'initiative populaire «contre les abus dans le droit d'asile» de l'UDC. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a communiqué son intention d'introduire des sanctions dans le présent projet de loi95.

Ces contrôles n'empêcheront pas que des passagers, souvent avec le soutien de réseaux de passeurs, cachent ou détruisent leurs documents de voyage après l'embarquement ou l'atterrissage dans le pays de destination, avant le contrôle des personnes à la frontière. Les falsifications de passeports et de visas sont tellement sophistiquées que même les agents bien formés ne parviennent pas à les détecter.

Néanmoins, l'utilité de ces contrôles n'est pas remise en question, car ils entravent la migration clandestine et les deux parties contractantes peuvent éviter des frais élevés de renvoi et d'expulsion. A l'inverse, les contrôles au départ ne sont pas appréciés des passagers. Ainsi, certaines compagnies aériennes pourraient être tentées de renoncer à des contrôles préventifs onéreux pour des motifs purement économiques. Néanmoins, on a pu constater ces dernières années que la plupart des compagnies aériennes ont déployé des efforts considérables de coopération avec les autorités de contrôle compétentes afin d'éviter le transport de passagers ne disposant pas des documents de voyage requis.

Outre le devoir de diligence des entreprises de transport, il est également essentiel qu'un échange de données avec les autorités puisse avoir lieu (art. 99). Par ailleurs, la surveillance de l'arrivée des passagers par des moyens techniques appropriés est également prévue (art. 98).

1.3.13

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers

1.3.13.1

Situation initiale

Les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ont été introduites en 1995 et leur objectif était d'améliorer l'exécution du renvoi. Or, cet objectif ne peut être atteint uniquement par ce biais. Les mesures privatives de liberté, notamment, ne peuvent être étendues indéfiniment. En effet, le principe de proportionnalité et les normes de droit public international l'interdisent. Par conséquent, le Conseil fédéral a créé une base légale en vue de l'institution d'autres mesures dans le cadre de la révision totale de la loi sur l'asile. Ainsi, en collaboration avec les cantons, l'exécution des renvois s'en trouve améliorée (par exemple, art. 22a LSEE).

En vertu de ces nouvelles bases légales, une division «Rapatriements» a été instituée en octobre 1999 au sein de l'ODR. Cette division aide les cantons qui doivent 95

FF 2001 4511

3522

procurer des documents de voyage aux étrangers tenus de quitter la Suisse. Elle est aussi l'interlocutrice des autorités des pays de provenance, en particulier des représentations diplomatiques et consulaires.

Depuis le 20 août 2001, l'organisation «swiss REPAT», l'aide au retour de la Confédération, est opérationnelle en tant que partie de la division «Rapatiements». Elle soutient de plus les cantons lors de la planification, de l'organisation et de la coordination du renvoi des étrangers qui sont tenus de quitter la Suisse.

En outre, les pays d'origine ou de provenance n'étant guère disposés à faciliter le retour de leurs ressortissants, l'exécution des renvois pose des problèmes. De ce fait, la Confédération aspire à conclure des conventions avec les pays d'origine ou de provenance, avec les pays voisins ou les Etats de transit, lesquelles régissent la réadmission de leurs propres ressortissants ou des ressortissants d'Etats tiers.

Les efforts visant à améliorer l'exécution du renvoi ne sont cependant pas achevés pour autant. Ainsi, la Confédération, de concert avec les représentants des cantons, examine, dans le cadre du projet intitulé «Passagers 2», la mise en place d'une organisation cantonale de suivi, les compétences en matière de transports intercantonaux de détenus et l'élaboration de directives sur l'organisation et la réalisation de renvois sous escorte par voie aérienne.

Le projet de loi ne prévoit des amendements des mesures de contrainte que lorsque l'expérience a révélé leur nécessité. Le nouveau motif de détention inscrit dans le projet de loi, c'est-à-dire le dépôt abusif d'une demande d'asile après un séjour clandestin dans notre pays (art. 72, al. 1, let. f), fait suite à l'initiative parlementaire Hess (00.420). Dans son rapport relatif à cette initiative, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats a proposé une révision partielle de la LSEE qui a été acceptée par le Conseil des Etats. Dans la perspective du présent message, le Conseil national n'a pas encore traité cette initiative parlementaire. Etant donné que la proposition de la Commission des institutions politiques comble une lacune légale constatée par le Tribunal fédéral, le Conseil fédéral l'a approuvée et intégrée au présent projet de loi.

Selon le projet de loi, l'autorité compétente pourra
placer en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion l'étranger qui n'aura pas respecté le délai de sortie ou qui n'aura pas collaboré pour se procurer les pièces de légitimation (art. 74). Cette mesure permettra d'empêcher la disparition de l'étranger peu avant l'exécution du renvoi et d'éviter que les documents de voyage (laissez-passer), le plus souvent de durée très limitée et généralement extrêmement difficiles à obtenir, n'arrivent à échéance sans avoir été utilisés. Toutefois, ce type de détention ne peut durer plus de 20 jours et elle est contrôlée par le juge dans une procédure écrite.

1.3.13.2

Enquête concernant l'application des mesures de contrainte

L'application correcte et l'efficacité des mesures de contrainte dans le droit des étrangers sont appréciées de manière très différente d'un milieu à l'autre. Une enquête a de ce fait été effectuée, sur mandat de l'ODR, auprès des autorités d'exécution dans le cadre des travaux législatifs en cours dans le domaine de l'asile et des étrangers.

3523

Le résultat de cette enquête peut être résumé comme suit: Généralités Tous les cantons disposent de données, mais elles n'ont pas toujours la même valeur. En effet, quelques cantons tiennent des statistiques très complètes, alors que d'autres fondent leurs indications sur des estimations.

L'enquête quantitative effectuée ne permet donc pas de tirer des conclusions qualitatives concluantes. Par conséquent, il est quasiment impossible d'établir une comparaison fiable entre les cantons, étant donné que les mesures de contrainte sont appliquées différemment d'un canton à l'autre et que les données y sont aussi saisies d'une façon différente.

Dans le domaine du droit pénal, l'art. 3 de l'ordonnance du 1er janvier 2000 sur la communication; RS 312.3) prévoit que les autorités cantonales sont soumises à une obligation de communiquer vis-à-vis des autorités fédérales compétentes. Afin d'améliorer les bases statistiques, on prévoit d'étendre cette obligation aux décisions de détention administrative (détention en phase préparatoire ou détention en vue du renvoi ou de l'expulsion) à l'occasion de l'élaboration d'une loi fédérale sur le traitement des données relevant du domaine des étrangers et de l'asile au moyen d'un système d'information.

Détention en phase préparatoire Le nombre de détentions en phase préparatoire est quasiment insignifiant. Elles ne représentent même pas 2 % de tous les cas de détention administrative. A l'échelon fédéral, entre 1995 et l'an 2000, la détention en phase préparatoire a été prononcée dans 32 cas par an au minimum et dans 102 cas au maximum96. La détention a duré en moyenne moins de 20 jours, soit nettement moins que la durée maximale de trois mois.

Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion A l'échelon national, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion a été ordonnée, de 1995 à l'an 2000, dans 5500 cas au minimum et dans 7000 cas au maximum par année. Elle a duré en moyenne moins de 23 jours. Elle a été prolongée après trois mois dans 5 à 10 % des cas. Dans 38 cas seulement, les détenus ont été libérés après que leur détention a atteint la durée maximale de neuf mois. Dans 80 % des cas, le renvoi a aussi été effectivement exécuté.

Chaque année, environ 100 demandes d'asile ont été déposées pendant une détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, ce qui
représente 1,5 à 2 % des cas de détention de cette nature.

Assignation d'un lieu de résidence et interdiction de pénétrer dans une région déterminée Comparées avec la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, l'assignation d'un lieu de résidence et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée sont beaucoup moins fréquentes. En effet, en 1995, ces mesures ont été ordonnées dans 184 cas. Le chiffre le plus élevé a été atteint en 1998 (1348 cas). Cette hausse est due aux interventions policières de lutte contre la drogue. Au cours de ces dernières an96

Il n'a pas été tenu compte des données qui reposaient seulement sur des estimations approximatives.

3524

nées, les mesures d'assignation d'un lieu de résidence et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée se sont stabilisées à un niveau un peu plus bas (1033 cas en l'an 2000). Elles concernaient essentiellement les villes de Zurich, Bâle et Berne.

Des condamnations en la matière ont été prononcées dans 9 cas en 1995 et dans 79 cas en 1997.

Conclusions D'une manière générale, il convient de relever que les mesures de contrainte constituent un instrument fiable, surtout pour garantir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion. En revanche, la prolongation générale de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion demandée par quelques interventions parlementaires (par exemple la motion de la CIP ­ CN 00.3410) ne répond à aucune nécessité.

Le motif le plus fréquent de détention, dans les deux tiers des cas, est le risque de disparition (art. 13b, al. 1, let. c, LSEE). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (notamment, ATF 122 II 49; 122 II 148; 122 II 299; 125 II 369; 125 II 377; 125 II 465) ce motif n'est pas reconnu lorsque les étrangers ont manqué à leur obligation de collaborer en se comportant passivement et qu'ils n'ont pas révélé leur identité ni leur provenance. Les autorités cantonales d'exécution constatent ici une grave lacune. En effet, ces personnes savent pertinemment qu'elles empêchent ainsi l'exécution du renvoi et qu'elles peuvent se soustraire aux injonctions des autorités.

Le présent projet de loi tient compte de cette critique en apportant des précisions (art. 73, al. 1, let. b, ch. 3).

Environ 1 % des personnes touchées par les mesures de détention en vue du renvoi ou de l'expulsion défèrent un recours au Tribunal fédéral. Vu l'incertitude qui régnait immédiatement après l'entrée en vigueur des mesures de contrainte quant à leur interprétation, le Tribunal fédéral a dû intervenir relativement souvent et apporter des corrections. Ses arrêts ont déterminé l'application des mesures de contrainte, en particulier les conditions de détention, la procédure de contrôle de la détention, la définition du risque de disparition ainsi que le principe d'accélération de la procédure. Ces arrêts ont permis de clarifier le cadre juridique. Car la détention administrative vise à assurer l'exécution du renvoi.

Le Conseil fédéral s'est déclaré disposé, dans sa réponse au postulat de
la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (Mesures contre l'immigration illégale et améliorations de l'exécution des décisions de renvoi; 01.3002), à examiner la proposition d'aménagement de lieux d'hébergement collectifs fermés et centraux pour les requérants d'asile et les personnes ne possédant pas d'autorisation de séjour ou d'établissement en Suisse ainsi que l'institution de motifs de détention pour assurer l'exécution des renvois. Il a cependant relevé que les dispositions du droit constitutionnel et du droit public international, en particulier l'art. 5, ch. 1, CEDH, laissaient peu de marge de manoeuvre en ce qui concerne l'aménagement de tels lieux d'hébergement collectifs.

Parmi les motifs de détention mentionnés à l'art. 5, ch. 1, CEDH, seule la let. f (procédure pendante de renvoi ou d'extradition) couvre la détention prévue dans le droit en matière d'étrangers. Une détention spécifique de droit en matière d'étrangers poursuivant un autre objectif violerait l'interdiction de toute discrimination, au sens de l'art. 14 CEDH et de l'art. 8 Cst.

3525

Selon les résultats de l'enquête, les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers suffisent si elles sont appliquées avec conséquence. On peut donc renoncer à l'aménagement de lieux d'hébergement collectifs.

1.3.14

Tâches incombant aux autorités et organisation

A l'occasion de la réforme de l'administration et du gouvernement, le Conseil fédéral a décidé de regrouper au sein du DFJP tous les domaines de la politique migratoire (OFE et ODR). En dépit de cette concentration, de nombreux services rattachés à d'autres départements peuvent également être concernés par ces questions. Une collaboration interdépartementale demeure donc indispensable. Le Groupe de travail interdépartemental pour les problèmes de migration (GIM), créé à cet effet, sert de plate-forme en matière d'information et de coordination. Il traite les affaires ayant un caractère stratégique. Tous les départements fédéraux sont représentés au sein du GIM.

Contrairement à la LSEE, le projet de loi laisse une autonomie aux cantons quant à l'organisation des tâches qui leur incombent. Etant donné qu'aujourd'hui déjà, sur le plan fédéral et dans quelques cantons, la compétence en matière d'exécution de la législation des étrangers ne relève que d'une seule autorité, il n'est plus pertinent de préciser que les décisions relatives à l'activité lucrative et celles qui portent sur l'octroi des autorisations doivent être prises par des autorités différentes.

En vertu de l'art. 69ter aCst., les cantons rendaient leurs décisions relatives au séjour et à l'établissement des étrangers conformément à la législation fédérale. Les autorités fédérales avaient cependant le droit de rendre la décision définitive sur la base de l'autorisation cantonale. Les cantons ont donc actuellement le droit de refuser de leur propre compétence des autorisations, dans la mesure où il n'existe pas un droit légal ou un droit découlant du droit international public au séjour. Toutefois, une demande d'autorisation acceptée peut être soumise à l'approbation des autorités fédérales compétentes («droit de veto»; art. 18, al. 3 et 4, LSEE et ordonnance sur la compétence des autorités de police des étrangers97).

En vertu de l'art. 121, al. 1, Cst., la Confédération conserve la compétence de légiférer dans le domaine des étrangers. La Cst. ne fixe par contre pas la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. Le système appliqué jusqu'ici s'est révélé satisfaisant et adapté au fédéralisme suisse; il est par conséquent largement repris dans le présent projet de loi (art. 94).

1.4

Procédure de consultation

1.4.1

Attitudes en général

Le projet de loi soumis en procédure de consultation a eu un très large écho. 149 prises de position ont été récoltées. Les milieux consultés ont salué la révision de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), conçue comme une loi-cadre. Comme on pouvait s'y attendre, ils ont exprimé des opinions fortement divergentes au sujet de l'orientation et du contenu du projet.

97

RS 142.202

3526

D'une part, on lui reproche de conférer beaucoup trop de droits infondés aux ressortissants d'Etats non-membres de l'UE ou de l'AELE. Ils estiment que cette loi augmentera encore les abus et compliquera inutilement la procédure.

D'autre part, d'aucuns sont d'avis que le projet de loi traduit la crainte de la surpopulation étrangère et qu'il a dès lors un caractère «police des étrangers». A leurs yeux, les nouveaux droits et facilités accordés aux étrangers ne vont pas assez loin en comparaison des dispositions prévues dans l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes et le durcissement des dispositions pénales et des mesures en vue de lutter contre les abus ne répond à aucune nécessité.

Quelques rares participants des deux camps rejettent le projet, invoquant des considérations de principe et revendiquent un nouveau projet de loi correspondant mieux à leurs idées.

Seuls quelques milieux se sont prononcés en faveur du deuxième chapitre du projet sur la politique migratoire. Certains souhaitent y renoncer purement et simplement étant donné qu'il comporte également des éléments relevant d'autres domaines politiques, notamment l'asile, l'aide au développement et la politique extérieure.

D'autres plaident, au contraire, en faveur d'une extension, voire proposent l'élaboration d'une loi distincte. En règle générale, l'importance juridique de ce chapitre est considérée comme insignifiante, étant donné qu'il ne s'agit que de dispositions déclaratoires.

1.4.2

Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative

Les avis sont partagés quant aux dispositions d'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative concernant les ressortissants des Etats tiers.

Les participants à la consultation approuvent, pour les uns, l'admission exclusive de cadres, de spécialistes ou de travailleurs qualifiés. Ils justifient leur position en arguant que la population étrangère doit être limitée, que l'économie a des besoins spécifiques urgents, que nos structures économiques ne devraient pas être déstabilisées et qu'il convient d'éviter le chômage en cas de récession économique.

Ce principe d'admission est, pour les autres, rejeté pour les raisons suivantes: besoins régionaux et sectoriels de l'économie, difficulté de recruter de la main-d'oeuvre moins qualifiée provenant des Etats membres de l'UE et de l'AELE, évolution démographique en Suisse, inconvénients de l'exode des cerveaux («braindrain») dans les pays récemment industrialisés et les pays en développement.

Certains craignent aussi qu'une politique restrictive d'admission favorise le recours à l'asile ou au travail au noir, avec l'aide de passeurs. D'autres sont d'avis que les femmes étrangères disposent généralement d'une moins bonne formation et qu'elles sont particulièrement discriminées par les dispositions proposées.

Des participants, pourtant favorables à ce principe d'admission, demandent des solutions plus souples, dans l'intérêt de l'économie suisse en général, mais également de certaines branches ou régions (notamment le bâtiment, l'hôtellerie et l'agriculture). Deux réponses suggèrent à cet égard l'institution d'une autorisation de courte durée spécifique pour les travailleurs non qualifiés.

3527

Une majorité des milieux interrogés, notamment les cantons, rejettent l'idée de l'avant-projet de n'admettre les travailleurs ressortissants d'Etats non membres de l'UE ou de l'AELE que sur les contingents fédéraux.

Onze cantons, de même que l'Association des chefs de police cantonale des étrangers, sont opposés à l'octroi d'un droit au changement de canton sous certaines conditions. Ils craignent une prolongation des procédures et une augmentation des cas de dépendance de l'aide sociale. Plusieurs souhaitent en revanche que les dispositions prévues dans le projet de loi puissent aussi déployer leurs effets en cas de dépendance de l'aide sociale et de perception des prestations de l'assurancechômage.

Quant aux titulaires d'une autorisation de séjour, les milieux consultés approuvent la possibilité qui leur est donnée d'exercer une activité lucrative sans autorisation supplémentaire sur le territoire suisse et celle de changer librement d'emploi.

1.4.3

Regroupement familial

Outre les dispositions sur l'admission et l'activité lucrative, c'est la réglementation relative au regroupement familial qui a suscité le plus vif intérêt.

Le nouveau droit, qui confère le droit au regroupement familial sous certaines conditions, aux titulaires d'une autorisation de séjour est controversé. Ses opposants craignent que l'on perde ainsi un instrument de contrôle important de l'immigration et que les procédures soient plus longues. A l'opposé, les partisans y voient une chance d'intégration et d'harmonisation de la pratique dans tous les cantons.

Une majorité des milieux consultés s'est exprimée en faveur du regroupement familial des titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée. D'aucuns vont même jusqu'à exiger l'existence d'un droit. D'autres craignent, par contre, que les familles ainsi regroupées fassent tout pour rester en Suisse même après l'échéance des autorisations en Suisse, et prédisent des difficultés de scolarisation des enfants.

Les cantons compétents en matière d'exécution (hormis FR, NE et le JU), les partis gouvernementaux (hormis le PS) et le patronat ont réservé un accueil favorable à la condition de la cohabitation pour obtenir le droit au regroupement familial, et ce même pour les conjoints de ressortissants suisses. Le Tribunal fédéral fait observer dans sa prise de position que cette condition contribuera sensiblement à lutter contre les mariages de complaisance. Les organisations féminines, les oeuvres d'entraide et les syndicats s'opposent à cette innovation. Ils considèrent que les problèmes dus à la violence au sein des familles d'étrangers seraient ainsi aggravés. Par ailleurs, cette condition constituerait une inégalité de traitement par rapport aux ressortissants des Etats membres de l'UE, car il y aurait lieu, dans l'interprétation de l'accord bilatéral, de tenir compte d'un arrêt de la CJCE datant de 1985, qui exclut une telle réglementation.

Cinq cantons et quelques organisations patronales refusent en principe le maintien du droit au regroupement familial en cas de dissolution de la famille. D'autres, notamment dix cantons, approuvent ce principe à condition qu'un séjour préalable soit requis (par exemple de 3 à 5 ans). Dix cantons, les partis gouvernementaux et les syndicats sont favorables au projet. Les organisations féminines,
les oeuvres d'entraide et le canton de Neuchâtel revendiquent l'octroi du droit au regroupement familial dès l'entrée en Suisse, indépendamment de la situation familiale.

3528

Une majorité des cantons souhaitent l'abaissement, de 18 à 12 à 14 ans, de la limite d'âge des enfants ayant droit au regroupement familial. D'autres participants demandent, au contraire, que l'on porte cette limite à 21 ans, comme le prévoit l'accord sur la libre circulation des personnes.

La majorité des cantons, le PDC, l'UDC, ainsi qu'une partie des organisations professionnelles saluent le délai de cinq ans pour le regroupement familial différé. A une grande majorité, les milieux consultés souhaitent l'abaissement de ce délai à deux ou trois ans. En revanche, les organisations féminines et les oeuvres d'entraide, notamment, préfèreraient renoncer à l'application de ces dispositions.

La procédure de consultation a démontré que 18 cantons, les autorités d'exécution (l'Association suisse des officiers d'état civil) et les partis gouvernementaux (hormis le PS), souhaitent l'introduction d'une réglementation claire dans le code civil (CC) en vue de lutter contre les mariages de complaisance. Le mariage devrait être expressément refusé, voire annulé, en cas d'abus manifeste. Aujourd'hui déjà, des officiers de l'état civil de certains cantons refusent dans ces cas de prêter leur concours au mariage; cependant, il n'est pas certain que ces refus reposent sur une base légale suffisante.

1.4.4

Intégration des étrangers

Certains participants estiment que le chapitre consacré à l'intégration est trop court et qu'une définition de cette notion fait défaut. A leurs yeux, il aurait fallu mentionner, outre les mesures d'encouragement de l'Etat, l'obligation de l'étranger de s'intégrer. Quelques-uns ont proposé la création d'une loi distincte sur l'intégration.

Par ailleurs, certains estiment que le soutien de la Confédération en matière d'encouragement à l'intégration devrait être formulé en termes d'obligation et non sous forme de disposition potestative.

1.4.5

Renforcement des mesures de contrainte, sanctions et mesures

Nombre de milieux consultés (presque tous les cantons, les partis gouvernementaux, à l'exception du PS, de nombreux partenaires sociaux) soutiennent l'extension générale des faits constitutifs de l'infraction et des possibilités de sanction. Cette constatation s'applique aussi à la lutte contre l'activité de passeurs et l'exclusion des employeurs fautifs de l'adjudication de marchés publics. Ces mesures devraient permettre de réduire la différence actuelle de traitement des travailleurs au noir et de leurs employeurs. Le projet prévoit aussi une réduction de l'actuelle différence de traitement entre les travailleurs au noir et les employeurs.

Quelques prises de position concernant la contradiction actuelle entre les contrôles de police et les mesures, d'une part, et les réalités politiques et économiques, d'autre part, surtout si l'on maintient le système binaire d'admission. Les amendes infligées aux employeurs et les menaces de peine qui leur sont proférées ne seraient pas proportionnelles aux autres mesures pénales, notamment aux menaces administrées aux passeurs.

3529

Selon l'avis exprimé par un autre groupe (surtout le PS, Les Verts, quelques partenaires sociaux, les oeuvres d'entraide), les mesures proposées en raison de la peur irrationnelle de la surpopulation étrangère vont plus loin que l'objectif visé et sont par conséquent inacceptables. A leurs yeux, dès lors que les conditions de rémunération et de travail usuelles dans la région et dans la branche sont remplies, il n'est pas nécessaire de prévoir des sanctions à l'encontre de l'employeur.

1.4.6

Remaniement du projet

Les grandes lignes de l'avant-projet ont pu être reprises. On a tenu compte des oppositions fondées et des suggestions pertinentes, tout en évitant de privilégier certains groupes d'intérêts.

Au vu des réactions négatives des participants à la procédure de consultation concernant le chapitre sur la politique migratoire, on a renoncé à l'incorporer dans le présent projet de loi. En revanche, les dispositions afférentes à la mobilité professionnelle et géographique des travailleurs ont été reprises. Il en va de même de la réglementation du regroupement familial et des améliorations prévues (possibilité pour les titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée, droit pour les titulaires d'une autorisation de séjour; droit exprès de demeurer pour les cas de rigueur après dissolution du mariage), ainsi que des mesures visant à lutter contre les abus (principe de la cohabitation des conjoints, délai de cinq ans, fait d'induire en erreur les autorités constituant une infraction). L'équilibre entre ces différentes mesures est établi.

Dès lors que les dispositions pénales et les sanctions proposées dans l'avant-projet satisfont la majorité des milieux consultés, elles ont été maintenues.

Le Tribunal fédéral relève que les mesures proposées dans le présent projet de loi représentent une charge supplémentaire pour la Haute Cour. Par conséquent, on a exclu l'accès au Tribunal fédéral dans certains cas (art. 120, al. 4).

1.4.7

Suggestions éliminées ou partiellement retenues

Il importe de maintenir le principe de limitation de l'admission à la main-d'oeuvre qualifiée. Cependant, il convient d'attendre les premières expériences réalisées suite à l'entrée en vigueur de l'accord avec l'UE sur la libre circulation des personnes.

L'opportunité d'une ouverture ne sera examinée que si la main-d'oeuvre nécessaire ne peut être trouvée dans les Etats membres de l'UE ou de l'AELE, en dépit de l'offre de conditions de rémunération et de travail compétitives.

En effet, le recul démographique dans tous les Etats membres de l'UE et de l'AELE pourrait nécessiter, à l'avenir, l'extension des possibilités de recrutement aux travailleurs moins qualifiés. A ce moment-là, des Etats qui sont actuellement des candidats à l'adhésion à l'UE entreraient en ligne de compte.

Il convient de rejeter l'idée de l'introduction d'un nouveau statut de saisonnier.

L'expérience a montré que, tôt ou tard, les personnes concernées, les employeurs, les partenaires sociaux et les partis politiques demandent une transformation de leur autorisation en une autorisation de séjour durable, avec pour corollaire le regroupement familial. Par ailleurs, il est fréquent que l'étranger ne quitte pas la Suisse à 3530

l'échéance de l'autorisation de courte durée et qu'il accomplisse un travail au noir.

Ces situations sont souvent à l'origine de demandes d'amnistie ou d'actions humanitaires en faveur de travailleurs non qualifiés en provenance d'Etats tiers.

Selon les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme, la protection de la vie privée et familiale inscrite à l'art. 8 CEDH comprend en particulier celle des conjoints et des enfants mineurs; cette norme correspond aussi à la pratique des autres Etats européens et aux propositions de la Commission européenne. Il est donc exclu d'abaisser l'âge des enfants admis dans le cadre du regroupement familial.

Il est prévu de réglementer le séjour en Suisse de couples homosexuels dans le cadre de la future loi sur le partenariat enregistré. Il est donc judicieux de renoncer à incorporer par anticipation des dispositions en la matière dans le présent projet de loi.

En revanche, on a pris en considération la demande d'introduire une réglementation spéciale du séjour en faveur des victimes de la traite d'êtres humains ou d'actes de violence, sans pour autant juger nécessaire d'instituer un droit en la matière.

2

Partie spéciale

2.1

Objet et champ d'application

Art. 1

Objet

Le projet de loi règle le statut des étrangers de manière exhaustive. Il inclut notamment des principes importants visant à promouvoir leur intégration, alors que l'actuelle LSEE se contente de donner une législation cadre.

Art. 2

Champ d'application

Cette loi ne s'applique que de manière subsidiaire aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (voir ch. 1.3.3). Pour les requérants d'asile, les réfugiés reconnus, les apatrides et les personnes à protéger, ce sont en premier lieu les dispositions de la LAsi et les accords pertinents de droit international public qui sont déterminants.

2.2

Entrée en Suisse et sortie de Suisse

Art. 3

Conditions d'entrée

L'entrée en vigueur le 14 janvier 1998 de l'ordonnance concernant l'entrée et la déclaration d'entrée des étrangers98 (OEArr) a permis de régler dans une ordonnance les conditions d'entrée qui figuraient jusqu'alors principalement dans des directives internes. Le projet de loi prévoit désormais une réglementation transparente au niveau de la loi. Comme tous les autres Etats, la Suisse n'est en principe pas tenue d'autoriser l'entrée de ressortissants étrangers sur son territoire. Sous réserve des obligations découlant du droit international, il s'agit d'une décision autonome99.

98 99

RS 142.211 Christian Klos, Rahmenbedingungen und Gestaltungsmöglichkeiten der europäischen Migrationspolitik; Constance 1998, p. 88 à 96; plus spéc. p. 90

3531

L'accord sur la libre circulation prévoit dans une large mesure un droit à l'entrée en Suisse. Un droit à l'entrée et au séjour relevant des obligations de droit international public ne découle que dans des cas isolés des dispositions de la Convention du 28 juillet 1951 concernant le statut de réfugié100 ou de la CEDH. Le droit à la libre sortie et au retour dans le pays d'origine, figurant dans le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II)101, ne confère aucun droit à l'entrée dans un autre pays102. Toutefois, lorsque les conditions d'entrée sont remplies, l'entrée est généralement autorisée en pratique, même en l'absence d'un droit légal.

Le Conseil fédéral déterminera dans une ordonnance quels types de documents de voyage seront nécessaires pour le passage de la frontière (passeport, carte d'identité, etc.). Cette disposition confirme en outre la compétence actuelle du Conseil fédéral de réglementer l'introduction et la suppression de l'obligation du visa. Il peut notamment conclure des accords internationaux correspondants (art. 95, al. 1, let. a).

La procédure du visa permet d'examiner déjà dans le pays de provenance si les conditions d'entrée sont en principe remplies. L'examen définitif se fait à la frontière.

Le visa ne donne donc aucun droit à l'entrée.

L'assurance d'une autorisation de séjour garantit, en revanche, que les personnes non soumises à l'obligation du visa entrent en Suisse pour y exercer une activité lucrative seulement si les conditions d'admission sont effectivement remplies.

Art. 4

Etablissement du visa

Comme aujourd'hui, les visas seront en règle générale établis par les représentations suisses à l'étranger, sur mandant de l'OFE, du DFAE et de l'ODR (art. 18 OEArr).

Toutefois, les organes de contrôle à la frontière peuvent aussi établir des visas exceptionnels (art. 19 OEArr) et les autorités cantonales compétentes dans le domaine du droit des étrangers peuvent prolonger les visas.

Si le visa pour un séjour non soumis à autorisation (art. 8) est refusé, l'OFE rend, à la demande expresse de la personne concernée, une décision dûment motivée et susceptible de recours, comme l'indique la feuille d'information qui accompagne actuellement la demande de visa. Cette façon de faire a fait ses preuves.

Dans les autres cas, un refus formel de l'autorisation demandée a posteriori est prononcé par l'autorité compétente.

Art. 5

Postes frontière

Un contrôle frontière efficace suppose que l'entrée et la sortie de l'étranger s'effectuent par des postes frontière déterminés (voir remarques au ch. 1.3.9). Outre l'entrée illégale en Suisse, il s'agit également d'empêcher que les personnes sans pièces de légitimation valables entrent dans les pays voisins de la Suisse ou qu'elles recourent aux services de passeurs (cf. aussi art. 110, al. 2 et art. 111, al. 1, let. b).

Les exceptions prévues à l'al. 2 concernent principalement le passage de la frontière dans les régions de montagne. L'entrée et la sortie dans le cadre du petit trafic frontalier sont réglementées aujourd'hui par des conventions bilatérales qui concernent, 100 101 102

RS 0.142.30 RS 0.103.2 Cf. ATF 122 II 433 E. 3c p. 442 ss

3532

outre l'étendue de la zone frontière et des dispositions relatives aux personnes titulaires d'autorisations frontalières, l'établissement de cartes frontalières et de permis journaliers.

Les contrôles à la frontière des personnes impliquent aussi le contrôle de l'identité des citoyens suisses qui, sous réserve de la législation sur les douanes, peuvent entrer par n'importe quel point du territoire et ne peuvent pas être refoulés. Indépendamment de la nationalité de la personne, demeurent réservées les tâches policières exercées dans le cadre de la réglementation fédérale pertinente, de même que la souveraineté des cantons dans le domaine de la police.

Art. 6

Contrôle à la frontière

Toutes les personnes qui entrent en Suisse et qui sortent de Suisse sont soumises à un contrôle à la frontière, qu'elles soient ou non soupçonnées d'infraction. Ce contrôle vise à examiner l'identité et les conditions d'entrée. Toutefois, en raison de l'importance du trafic, ce contrôle ne peut s'effectuer que par sondage (voir aussi ch. 1.3.9).

Le refus d'entrée constitue une action de fait pouvant être immédiatement exécuté sans autre forme de procès (voir art. 3, let. f, PA. Toutefois, les personnes refoulées obtiennent ­ comme dans le cas du refus de visa (art. 4, al. 2) ­ de l'OFE une décision susceptible de recours, lorsqu'elles en font la demande expresse immédiatement après le refus de l'entrée en Suisse. Un contrôle juridique est ainsi garanti. La personne refoulée doit attendre à l'étranger l'issue d'une procédure de recours, le cas échéant.

Art. 7

Compétences en matière de contrôle à la frontière

Le contrôle des personnes à la frontière demeure de la compétence des cantons.

Dans le cadre du projet «Examen du système de sécurité intérieure de la Suisse» (USIS), la répartition actuelle des tâches entre Confédération et cantons sera aussi analysée quant au contrôle des personnes à la frontière (voir ch. 1.3.9).

2.3 Art. 8

Autorisation et déclaration obligatoires Autorisation en cas de séjour sans activité lucrative

Cette disposition reprend pour l'essentiel la réglementation en vigueur de l'art. 2 LSEE et de l'art. 2 RSEE.

Art. 9

Autorisation en cas de séjour avec activité lucrative

Tant en reprenant l'art. 2 LSEE et l'art. 2 RSEE, l'al. 2 définit plus précisément l'activité lucrative (actuellement, art. 6 OLE). La définition très large de l'activité lucrative est maintenue. Ainsi, les possibilités d'éluder les dispositions sur l'admission sont restreintes.

3533

Art. 10

Obligation de déclarer l'arrivée

Les principes de la réglementation en vigueur sont maintenus (art. 2 LSEE et art. 2 RSEE). Selon l'organisation cantonale, les autorités communales ou cantonales sont compétentes en matière de procédure de déclaration. Le Conseil fédéral fixera les délais à respecter par voie d'ordonnance.

Le canton de résidence est compétent pour la déclaration de l'arrivée et pour l'octroi d'une autorisation de séjour de courte durée, de séjour ou d'établissement. Lorsque l'activité lucrative est exercée dans un autre canton, une décision préalable de l'autorité du marché du travail de ce canton est requise (art. 9 en relation avec l'art. 39, al. 2). Demeurent réservées les dispositions sur la mobilité professionnelle (art. 37 et 38).

Art. 11

Procédures d'autorisation et de déclaration d'arrivée

L'obligation légale, prévue à l'art. 16, al. 3, LSEE, de produire un extrait du casier judiciaire lors de la déclaration d'arrivée est supprimée. Il appartient à l'autorité compétente en matière d'octroi de l'autorisation de demander comme aujourd'hui un extrait du casier judiciaire du pays d'origine ou d'autres documents nécessaires à l'examen de la demande (p. ex. extraits du registre de l'état civil). L'étranger doit en outre fournir une pièce de légitimation valable de son pays d'origine (cf. aussi art.

84). L'étranger est tenu de se procurer ces documents et de les présenter à l'autorité compétente (art. 85).

Art. 12

Dérogations à l'obligation d'avoir une autorisation et de déclarer l'arrivée

Le Conseil fédéral pourra prévoir des dérogations à l'obligation de déclarer l'arrivée et d'avoir une autorisation dans des cas fondés, plus spécialement pour simplifier les prestations de services frontaliers (p. ex. personnel de stands d'exposition et de montage, travaux de maintenance).

Conformément à l'art. 2, al. 1, LSEE en relation avec l'art. 2, al. 6, RSEE, il n'existe pas actuellement d'obligation d'annoncer l'arrivée et d'avoir une autorisation lorsqu'il y a exercice d'une activité lucrative indépendante ou d'une activité sur mandat d'un employeur étranger et que cette activité ne dure pas plus de huit jours en l'espace de 90 jours. Cette disposition n'est pas applicable aux travailleurs du domaine de la construction, lesquels doivent annoncer leur arrivée et solliciter l'octroi d'une autorisation avant une prise d'emploi.

Art. 13

Obligation de déclarer le départ

Cet art. correspond à la réglementation actuelle. En cas de séjour de courte durée, une déclaration de départ n'est exigée que si l'étranger déménage dans une autre commune ou un autre canton. A défaut de quoi, on admettra que la personne en question est partie après l'expiration de son autorisation de courte durée (art. 60).

Cette disposition permet d'éviter un travail administratif inutile; il convient de régler les détails dans une ordonnance.

3534

Art. 14

Obligation de déclarer du logeur

Contrairement au droit actuel, seules les personnes qui hébergent un étranger contre rémunération (hôtels, établissements para-hôteliers) seront désormais tenues de le déclarer. Les hôtes privés sont libérés de ce devoir, qui n'est d'ailleurs que très peu exercé aujourd'hui (art. 2, al. 2, LSEE).

En raison de la forte résistance manifestée lors de la procédure de consultation, on a renoncé à l'obligation de déclarer de l'employeur initialement prévue. Même la réglementation actuelle n'a pu être maintenue qu'en partie (ordonnance concernant la déclaration du départ des étrangers 103.

Art. 15

Réglementation du séjour dans l'attente de la décision

L'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire mais qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit en principe attendre la décision à l'étranger (cf. art. 1 RSEE). L'autorité compétente peut déroger à cette disposition lorsque, au vu des circonstances concrètes, l'étranger remplit très vraisemblablement les conditions d'admission. Néanmoins, le requérant ne peut se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement.

Les personnes qui, lors de la procédure d'autorisation d'entrée, ont indiqué un but différent, pour leur séjour, (p. ex. tourisme, visites) de celui qu'elles mentionnent dans la demande d'autorisation ultérieure (p. ex. séjour auprès des membres de la famille, activité lucrative, formation), doivent en principe attendre l'issue de la procédure à l'étranger. Cette disposition s'applique à plus forte raison aux personnes qui sont entrées illégalement en Suisse avant de solliciter une autorisation de séjour.

S'agissant d'une demande de prolongation de la durée de validité d'une autorisation, le requérant doit en principe pouvoir attendre l'issue de la procédure en Suisse, à moins que son séjour n'aille à l'encontre de l'intérêt public (art. 65; p. ex. s'il s'est rendu coupable d'infractions graves contre la vie et l'intégrité corporelle).

2.4

Condition d'admission

2.4.1

Principes

Art. 16 Les principes de la politique d'admission sont présentés sous les ch. 1.2, et notamment 1.2.3.

103

RS 142.212

3535

2.4.2

Art. 17

Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative Activité lucrative dépendante

Lors de l'admission, il convient de vérifier si un employeur a déposé une demande d'occupation, par un étranger, d'un poste vacant déterminé. En outre, les autres conditions prévues aux art. 19 à 24 doivent être remplies.

A la différence des systèmes d'admission anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Australie), une autorisation ne sera accordée que si un emploi est effectivement disponible, comme c'est le cas aujourd'hui. Les qualifications requises et les autres conditions d'admission sont remplies. Il s'agit par là de garantir que l'immigrant dispose effectivement d'un emploi et ne tombera pas immédiatement au chômage.

En théorie comme en pratique, est réputée employée la personne engagée en vertu d'un contrat de travail de droit privé et qui, dans le cadre d'une organisation de travail extérieure, travaille dans une relation de subordination.

En outre, l'octroi d'une autorisation doit répondre aux intérêts économiques du pays. Cette notion, formulée de façon ouverte, comprend plus spécialement une composante de marché du travail. Il s'agit des intérêts économiques et de ceux de l'entreprise. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (voir ch. 1.2.3.1).

Les conditions d'admission s'appliquent en principe aussi aux étrangers qui séjournent déjà en Suisse sans activité lucrative mais qui veulent par la suite en exercer une (p. ex. étudiants).

Art. 18

Activité lucrative indépendante

La délivrance d'une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante doit répondre aux intérêts économiques de notre pays (ch. 1.2.3.1). L'étranger doit fournir la preuve qu'il remplit les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise, ou du moins rendre ce fait vraisemblable. Par ailleurs, il doit présenter les éventuelles autorisations relevant du droit des entreprises.

Les personnes qui ont droit à la réglementation de leur séjour ont le droit d'exercer une activité lucrative indépendante (liberté économique, ATF 122 I 212; art. 45).

Art. 19

Mesures de limitation

Le principe du contingentement des autorisations de séjour délivrées en vue de l'exercice d'une activité lucrative pour les ressortissants d'Etats tiers est maintenu.

Le projet de loi prévoit que le Conseil fédéral fixe les nombres maximums d'autorisations dans une ordonnance. La fixation des contingents par le Parlement selon la procédure législative ordinaire serait trop lente et trop peu flexible pour permettre de réagir efficacement aux changements économiques, encore moins de les anticiper.

Il est prévu un contingentement des autorisations initiales de courte durée et des autorisations initiales de séjour. Afin d'assurer une procédure rapide et peu compli3536

quée, les autorisations de très courte durée ne seront pas imputées sur les nombres maximums. Actuellement, une activité lucrative d'une durée de quatre mois au plus n'est pas soumise aux mesures de limitation (art. 13, let. d, OLE). Les autres conditions d'admission demeurent toutefois applicables (notamment le principe de la priorité des travailleurs en Suisse, le contrôle des conditions de rémunération et de travail, ainsi que les exigences de qualification personnelles; art. 20 à 23).

Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas judicieux de prescrire aux cantons l'institution de «commissions tripartites» (employeurs, travailleurs et autorités), qui prendraient une décision préalable relative au marché du travail concernant le principe de la priorité des travailleurs en Suisse, le contrôle des conditions de salaire et de travail et la fixation des nombres maximums par canton.

Il reconnaît toutefois l'importance de ces commissions ­ certaines existent déjà aujourd'hui ­, dont l'institution généralisée avait été demandée par certains lors de la procédure de consultation. Il laisse aux cantons la liberté de décision, compte tenu des mesures d'accompagnement sur la libre circulation des personnes (autonomie des autorités cantonales en matière d'organisation).

Lors de la procédure de consultation, la compétence exclusive des autorités fédérales quant aux nombres maximums avait été critiquée, notamment par les cantons. Ainsi, le Conseil fédéral pourra fixer un nombre maximum pour la Confédération et pour chaque canton (al. 2). L'OFE disposera lui-même des nombres maximums de la Confédération ou les remettra en tout ou en partie aux cantons qui en feront la demande (al. 3).

Afin d'assurer une répartition optimale des contingents pour l'économie suisse, les cantons sont tenus de fournir un rapport à la Confédération concernant les autorisations qu'ils ont délivrées. En effet, il est extrêmement important, au plan de la politique de l'emploi, d'établir une transparence accrue quant aux décisions d'admis-sion. Ces mesures contribueront aussi à simplifier le plus possible les procédures administratives.

Après l'entière libéralisation de la circulation des personnes entre la Suisse et les Etats membres de l'UE et de l'AELE, un contrôle de l'immigration des travailleurs ne sera possible qu'à l'égard des
ressortissants d'Etats tiers. Il est dès lors important que les autorités fédérales veillent à ce que la pratique en matière d'admissions soit uniformisée.

Suite à l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes, les nombres maximums de ressortissants d'Etats tiers seront répartis par moitié entre la Confédération et les cantons. Le contingent fédéral servira à assurer l'équilibre entre les cantons et à préserver les intérêts économiques du pays. En outre, la procédure d'approbation relative aux autorisations cantonales (art. 18 LSEE; art. 94 du projet de loi) garantit une pratique uniforme.

Art. 20

Ordre de priorité

La priorité de la main-d'oeuvre indigène est actuellement réglementée à l'art. 7 OLE.

Le projet de loi reste pour l'essentiel fidèle à ce principe mais prévoit une réglementation plus simple. Ainsi, il ne sera plus fait de distinction entre les citoyens suisses actifs et les travailleurs résidant en Suisse (art. 7, al. 1 et 3, OLE). Désormais, les Suisses, les étrangers établis et les titulaires d'une autorisation de séjour

3537

bénéficieront de la priorité dans le recrutement par rapport aux ressortissants d'Etats tiers qui entrent en Suisse pour y travailler.

En outre, tous les ressortissants de l'UE et de l'AELE bénéficient de la priorité dans le recrutement tel qu'il est prévu dans le système binaire d'admission actuellement en vigueur (art. 8 OLE). Le maintien de cette priorité découle du droit à l'admission prévu dans l'accord sur la libre circulation des personnes. L'introduction de nouvelles limitations est par ailleurs exclue (art. 13 de l'accord sur la libre circulation des personnes).

L'admission de ressortissants d'Etats tiers n'est ainsi possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur ressortissant d'un Etat de l'UE et de l'AELE ne peut être recruté.

L'employeur doit apporter la preuve qu'il n'a pas trouvé en Suisse de travailleur bénéficiant de la priorité de recrutement en présentant des offres d'emplois et des mises au concours vaines dans le système suisse d'information sur les demandeurs d'emploi (PLASTA).

Etant donné qu'il est difficile de prouver l'impossibilité de recruter des ressortissants de l'espace UE et AELE, il suffit que l'employeur la rende vraisemblable.

L'accord sur la libre circulation prévoit à cet effet une collaboration dans le cadre du réseau électronique EURES (European Employment System), qui sert en particulier à l'échange international d'offres et de demandes d'emploi et facilite le recrutement de la main d'oeuvre dans l'espace UE.

La priorité de recrutement n'est plus examinée qu'au moment de la première entrée en Suisse, et non en cas de changement d'emploi et de prolongation de l'autorisation. Par rapport à la réglementation actuelle, cette simplification est opportune, vu que les conditions à remplir pour la première entrée en Suisse sont relativement sévères. Mais une fois qu'il est intégré dans le marché suisse du travail, l'étranger ne devrait plus rencontrer d'obstacles lorsqu'il change d'emploi ou prolonge son autorisation de séjour (voir ch. 1.3.5).

Le principe de la priorité du recrutement des travailleurs en Suisse doit être maintenu lorsque l'autorisation de courte durée est transformée en autorisation de séjour.

Cette transformation implique une nouvelle admission. L'obtention antérieure d'une autorisation de courte durée ne saurait justifier un
traitement privilégié; il s'agit d'éviter un nouveau mécanisme de transformation d'autorisation de courte durée en autorisation de séjour. Cette possibilité, accordée actuellement aux saisonniers ressortissants d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE (art. 28 OLE) sera définitivement supprimée à l'échéance du délai transitoire prévu dans l'accord bilatéral sur la libre circulation.

Les personnes relevant du domaine de l'asile ne peuvent se prévaloir du principe de priorité aussi longtemps qu'elles ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement.

Des exceptions devraient demeurer possibles pour les cadres et les spécialistes engagés par des entreprises actives à l'échelon international, lors de transfert de cadres ou pour l'accomplissement de tâches extraordinaires (art. 30, let. g; aujourd'hui art. 7, al. 5, OLE).

3538

Art. 21

Conditions de rémunération et de travail

Cet art. confirme l'égalité de traitement entre les travailleurs étrangers et suisses en ce qui concerne les conditions de rémunération et de travail (art. 9 OLE). Il a pour but de protéger non seulement le travailleur en Suisse contre le dumping salarial et social mais également la main d'oeuvre étrangère contre l'exploitation financière.

Les conditions de rémunération et de travail ne seront plus contrôlées qu'au moment de l'octroi de la première autorisation et non plus au moment d'un changement d'emploi ou de la prolongation de l'autorisation de séjour.

Un contrôle a lieu par contre si la personne titulaire d'une autorisation de courte durée ou frontalière change d'emploi ou s'il s'agit de l'admission d'un titulaire d'une autorisation de courte durée (renouvellement d'une autorisation de courte durée). Dans ces cas, le danger d'abus n'est pas insignifiant. Il va de soi que les autorités compétentes sont habilitées à procéder en tout temps au contrôle des conditions de salaire et de travail, notamment si elles soupçonnent des abus.

Avec l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, le contrôle des conditions de rémunération et de travail avant l'octroi d'une première autorisation ne sera plus possible pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE après le délai transitoire de deux ans. Toutefois, dans la perspective de la libre circulation des personnes, des mesures d'accompagnement ont été décidées, qui entreront en vigueur passé ce délai. Il s'agit pour l'essentiel de prescriptions spéciales concernant les conditions de rémunération et de travail de prestataires de services, ainsi que de la possibilité d'introduire des salaires minimaux par le biais de contrats de travail types et de déclarer les conventions collectives de travail comme contraignantes, lorsque les salaires sont régulièrement et abusivement inférieurs aux salaires en usage de la branche et du lieu. Il s'agit d'une législation de lutte contre les abus; un contrôle systématique n'est plus effectué.

Ces mesures s'appliquent aussi bien aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE qu'à ceux des Etats tiers. Le maintien d'un contrôle général préalable pour les ressortissants d'Etats tiers se justifie dans la mesure où il existe un danger important d'abus.

Par ailleurs, le Conseil fédéral
a adopté le projet de loi fédérale contre le travail illicite qui prévoit notamment des mesures pour combattre le dumping salarial par le biais du travail au noir.

Art. 22

Création de places de formation

Il existe une certaine distorsion de la concurrence entre les entreprises qui forment des jeunes en Suisse et celles qui recrutent du personnel qualifié provenant principalement de l'étranger. Cette disposition vise à sensibiliser davantage les employeurs à leur responsabilité socio-politique, afin de mieux exploiter le potentiel disponible sur le marché du travail suisse.

En cas de besoin avéré, la délivrance d'une autorisation à des ressortissants d'Etats tiers peut être assortie de la condition, pour l'employeur, de créer des places de formation ou de verser des contributions compensatoires. Au vu de l'importance des places de formation, la possibilité de fixer une telle condition est utile et opportune.

Elle correspond d'ailleurs à la demande formulée dans le postulat Strahm (01.3405), que le Conseil fédéral a accepté.

3539

Art. 23

Qualifications personnelles

Des autorisations de courte durée ou de séjour peuvent être accordées à des cadres, des spécialistes ou autres travailleurs qualifiés d'Etats tiers pour autant que leur engagement serve les intérêts économiques du pays (art. 17 et 18; ch. 1.2.3.1).

Séjour de courte durée (al. 1) En ce qui concerne les séjours de courte durée, il s'agit en premier lieu d'éviter une nouvelle possibilité d'immigration de main d'oeuvre peu qualifiée provenant d'un Etat non-membre de l'UE ou de l'AELE. Comme le facteur de l'intégration à long terme dans le marché suisse du travail n'est pas applicable ici, les critères d'admission pour les candidats à un séjour de courte durée sont différents de ceux qui s'appliquent aux candidats à une autorisation de séjour durable (al. 2); l'âge, les connaissances linguistiques et la capacité d'adaptation professionnelle jouent en l'occurrence un moindre rôle.

Par contre, une plus grande importance peut être accordée aux conditions du marché du travail. Cela étant, le statut de courte durée, comme celui du séjour durable, reste réservé à la main d'oeuvre très qualifiée (cadres, spécialistes et autres travailleurs qualifiés). L'admission se fait en prévision d'un séjour de durée limitée, se rapportant à un projet précis (mandat, contrat de travail). Il est essentiel que le travailleur en question ait les connaissances spéciales et les qualifications requises. Les personnes titulaires d'une autorisation de courte durée quittent généralement la Suisse au terme du projet.

Séjour durable (al. 1 et 2) En cas de séjour durable, priorité sera donnée aux ressortissants d'Etats tiers dont on escompte l'intégration à plus long terme. Le niveau de formation et les qualifications professionnelles doivent leur permettre de se réinsérer sur le marché du travail en cas de chômage. On a voulu ainsi éviter les erreurs commises par le passé en rapport avec le statut de saisonnier, qui a favorisé surtout l'immigration d'une main d'oeuvre peu qualifiée.

Toujours dans le contexte du séjour durable, les étrangers et leur famille doivent s'intégrer aussi bien professionnellement que socialement. L'intégration se fait en grande partie dans le milieu professionnel.

Les critères personnels d'admission (al. 2) sont les qualifications professionnelles, la capacité d'adaptation professionnelle, les connaissances
linguistiques et l'âge. Ces critères correspondent dans une large mesure aux critères de qualification proposés par la commission d'experts Migration, qui se basent sur un système de points (voir ch. 1.2.3.1).

De manière générale, la bonne connaissance d'une des langues nationales est nécessaire pour une intégration durable en Suisse. Dans le sillage de la globalisation de l'économie et du transfert international de cadres, une bonne connaissance de l'anglais, par exemple, peut exceptionnellement suffire dans certaines branches et entreprises pour garantir l'intégration au sein de l'entreprise. L'âge peut être déterminant dans la mesure où les personnes plus jeunes sont généralement plus flexibles sur le marché du travail et s'intègrent plus facilement.

3540

Dérogations (al. 3) Il doit être possible d'admettre exceptionnellement pour une durée limitée des personnes ne remplissant pas les conditions des al. 1 et 2, notamment les investisseurs qui créent de nouveaux emplois qualifiés et durables ou des personnes ayant des capacités ou des connaissances professionnelles particulières justifiant leur admission en Suisse. Mentionnons à ce titre également le transfert de technologies et de savoir-faire, pour autant que l'on puisse en attendre une plus-value souhaitable en termes d'économie.

Peuvent profiter de cette disposition également des travailleurs moins qualifiés, mais qui disposent de connaissances et de capacités spécialisées indispensables à l'accomplissement de certaines activités, par exemple le travail du cirque, le nettoyage et l'entretien d'installations spéciales ou la construction de tunnels. Il doit toutefois s'agir d'activités ne pouvant pas, ou alors de manière insuffisante, être exécutées par un travailleur indigène ou ressortissant d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE.

Au sens de l'al. 3, let. b, l'étranger peut être admis en vue de favoriser les échanges dans les domaines scientifique, culturel ou sportif. Dans ces cas, les critères d'évaluation des prestations sont souvent différents des qualifications personnelles énoncées aux al. 1 et 2.

L'admission au sens de l'al. 3 est également possible pour les personnes actives dans des organisations à caractère non gouvernemental, notamment dans le domaine sportif, dont les membres doivent être représentés de manière équilibrée parmi les collaborateurs.

Art. 24

Logement

Une autorisation initiale de séjour ou de courte durée en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne peut être délivrée que si l'étranger dispose d'un logement convenable (aujourd'hui art. 11 OLE). Ce dernier doit satisfaire aux prescriptions en matière de construction, d'incendie et de police sanitaire et ne doit pas être surpeuplé. Les prescriptions des cantons et des communes ainsi que les arrangements contractuels avec les loueurs sont déterminantes. Un logement convenable est également requis pour obtenir le regroupement familial selon les art. 43 et 44. Les autorités compétentes en matière d'autorisation ont la responsabilité d'examiner si l'étranger dispose d'un logement convenable.

Art. 25

Admission des frontaliers

L'accord sur la libre circulation règle dans une large mesure l'admission des frontaliers ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE (voir aussi ch. 1.3.3).

Comme c'est le cas actuellement, une autorisation frontalière ne peut être délivrée à des ressortissants d'Etats tiers que s'ils sont titulaires d'un droit de séjour durable dans l'Etat voisin.

Le projet de loi ne prévoit aucune condition de qualification personnelles dans la mesure où l'intégration professionnelle et sociale n'a pas la même signification pour les frontaliers ayant leur domicile à l'étranger. Toujours est-il que l'on exige que les personnes en question résident depuis au moins six mois dans la zone frontière d'un Etat voisin.

3541

Pour l'établissement des titres de séjour étrangers, les prescriptions concernant l'exemption du visa s'appliquent par analogie (art. 4, al. 3, OEArr). Même à l'expiration des dispositions transitoires de l'accord sur la libre circulation, les zones frontière continueront d'exister pour les ressortissants d'Etats tiers.

Art. 26

Admission des prestataires de services transfrontaliers

L'admission provisoire des prestataires de services transfrontaliers est soumise à une nouvelle réglementation. Il y a prestation de services transfrontaliers lorsqu'un employé d'une entreprise étrangère ayant son siège à l'étranger ou un indépendant effectue une prestation de services de durée limitée en Suisse dans le cadre d'un contrat (mandat, contrat d'entreprise) et qu'il regagne ensuite son pays d'origine.

La prestation de services transfrontaliers doit également servir les intérêts économiques du pays (ch. 1.2.3.1). Les autres conditions prévues aux art. 19, 21 et 23 doivent aussi être remplies.

Cette disposition s'applique également aux ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE, lorsque la prestation de service dépasse 90 jours de travail par an et qu'elle n'a pas été réglée dans un accord de prestations de services (voir art. 5 de l'accord sur la libre circulation des personnes et ch. 1.3.3).

2.4.3 Art. 27

Admission sans activité lucrative Formation et perfectionnement

Cette disposition correspond dans une large mesure à la réglementation actuelle des art. 31 et 32 OLE. La distinction entre écoliers et étudiants a été abandonnée. Les détails seront réglés par une ordonnance et des directives. Tel est notamment le cas des dispositions réglementant les stages, les activités accessoires pour le financement du séjour pendant la formation ou le perfectionnement, ainsi que les connaissances linguistiques requises pour suivre une formation ou un perfectionnement.

S'agissant généralement de séjours de plus longue durée, il suffit que le départ de Suisse paraisse assuré au moment où la décision est rendue, d'après les circonstances concrètes. Les conditions financières sont remplies s'il peut être prouvé qu'il ne sera pas fait recours à l'aide sociale.

Lorsqu'un étranger est engagé par une haute école suisse ou par une entreprise après avoir achevé avec succès sa formation, la demande est en général acceptée puisqu'il remplit alors les conditions requises, telles que qualification professionnelle, connaissances linguistique et âge (art. 23, al. 2).

Art. 28

Rentiers

L'article proposé reprend la réglementation de l'art. 34 OLE. Pour des raisons de flexibilité, l'âge minimum n'a pas été fixé dans la loi. Il appartient au Conseil fédéral de fixer l'âge déterminant dans l'ordonnance et de l'adapter le cas échéant (aujourd'hui 55 ans).

Sont notamment considérées comme des liens personnels particuliers avec la Suisse (let. b) les séjours prolongés et répétés avérés, le séjour en Suisse de proches parents

3542

et la nationalité suisse d'ancêtres. En revanche, la propriété de biens fonciers ou l'entretien de relations économiques avec la Suisse ne suffisent pas.

Art. 29

Traitement médical

Le projet de loi propose également de reprendre la réglementation de l'art. 33 OLE.

Les autorités peuvent examiner de cas en cas si un traitement en Suisse est en effet nécessaire et si le retour paraît assuré après le traitement.

Tous les coûts afférents au traitement et aux frais de séjour en Suisse doivent être couverts. Les autorités compétentes peuvent exiger un certificat médical attestant la nécessité d'effectuer le traitement médical en Suisse. Elle peuvent aussi demander ­ si elles l'estiment nécessaire ­ un examen supplémentaire par un médecin-conseil.

Le secret médical demeure garanti.

2.4.4

Dérogations aux conditions d'admission

Art. 30 Les dérogations possibles aux conditions d'admission (art. 17 à 29) sont énumérées de manière exhaustive. De telles exceptions sont aujourd'hui contenues dans l'OLE également (art. 3, 4, 8, al. 2 et 13 OLE). Elles sont reprises et, au besoin, complétées.

Activité lucrative des étrangers admis dans le cadre du regroupement familial Les conditions d'admission spéciales pour les étrangers admis dans le cadre du regroupement familial sont maintenues (al. 1, let. a). Les conjoints et les enfants étrangers de ressortissants suisses ainsi que les personnes titulaires d'une autorisation d'établissement bénéficient d'un droit à l'exercice d'une activité lucrative dépendante ou indépendante (art. 45). Le Conseil fédéral permettra un accès facilité au marché du travail suisse aux autres étrangers qui ont été admis par le biais du regroupement familial.

Simplification des échanges internationaux Il est prévu d'alléger les conditions d'admission pour favoriser les échanges internationaux dans les domaines économique, scientifique et culturel (al. 1, let. g). En fait partie notamment le transfert de cadres ou de professionnels qualifiés d'entreprises actives au niveau international. De même, l'exécution de projets de recherche importants dans des entreprises et par les instituts de recherche devrait être facilitée (aujourd'hui art. 7, al. 5, OLE).

Les séjours effectués dans le cadre de projets d'aide et de développement seront aussi autorisés (al. 1, let. f). Il s'agit notamment de programmes ou de projets d'aide au développement, de promotion de la paix, de protection des droits de l'homme ou de politique humanitaire.

Cas individuels d'une extrême gravité Pour les cas individuels d'une extrême gravité, il est prévu de s'en tenir à la pratique largement suivie par le Tribunal fédéral concernant l'art. 13, let. f, OLE (al. 1, let.

b). Font partie de ces cas notamment les personnes qui sont tombées malades ou devenues invalides en Suisse en raison de l'exercice d'une activité lucrative 3543

(aujourd'hui art. 13, let. b, OLE). Des séjours dans le cadre de mesures de réinsertion professionnelle ou dans le cadre de l'examen d'éventuels droits aux prestations des assurances sociales devraient également être possibles. Sont également concernés les membres de la famille qui ne font pas partie du noyau de la famille (frères et soeurs, grands-parents, oncles ou tantes) lesquels peuvent invoquer le droit à la protection de la vie familiale, en vertu de l'art. 8 CEDH (cf. ch. 1.3.4.1). Vu la grande disparité et le caractère non prévisible des cas individuels d'une extrême gravité, on a renoncé à en donner une définition plus précise dans le projet de loi.

Protection contre l'exploitation professionnelle et sexuelle Des dérogations aux dispositions d'admission sont possibles afin de protéger les personnes particulièrement menacées d'exploitation en rapport avec leur activité lucrative (al. 1, let. d). Cette disposition concerne les danseuses de cabaret pour lesquelles il existe aujourd'hui déjà des conditions d'admission spéciales (art. 9, al. 5, et art. 20, al. 3 et 4, OLE).

Lors de la procédure de consultation, cette réglementation a donné lieu à des divergences. Certains ont invoqué le fait qu'il s'agissait en l'occurrence d'une activité professionnelle peu qualifiée. Par conséquent, en application cohérente du système binaire d'admission et du principe de l'égalité de traitement avec les autres branches, et pour ne pas ternir l'image de la Suisse à l'étranger, il ne devrait plus, à leur avis, être délivré d'autorisation à ces femmes. Il faudra s'accommoder du risque accru d'activité illégale, comme pour d'autres branches. D'autres participants ont plaidé pour une meilleure protection des danseuses de cabaret, particulièrement menacées d'être exploitées eu égard à leur situation particulière; ils ont préconisé le renforcement des contrôles et la possibilité pour ces femmes de changer de profession.

Vu les difficultés inhérentes à ce domaine, il paraît judicieux de s'en tenir à la pratique actuelle. On a renoncé à introduire la possibilité de changer de profession afin de parer le danger que des femmes ne soient admises en Suisse comme danseuses de cabaret, dans l'espoir ­ souvent infondé ­ d'exercer plus tard une autre activité lucrative.

Le respect des contrats de travail et des
prescriptions en matière de droit du travail et d'économie demeure déterminant. Les autorités compétentes doivent effectuer des contrôles plus stricts et poursuivre systématiquement les violations. Aussi les danseuses de cabaret doivent-elles avoir un accès plus large aux centres de conseils et aux services sanitaires. Il y a lieu en outre de renforcer la collaboration entre les autorités impliquées et les organisations d'entraide.

Victimes de la traite d'êtres humains Les victimes de la traite d'êtres humains doivent pouvoir bénéficier d'un séjour temporaire ou durable (al. 1, let. e). Il s'agit notamment des danseuses de cabaret que l'on aurait par exemple obligées à se prostituer. Un séjour temporaire peut se révéler indispensable en cas d'enquête judiciaire ou de procédure pénale. Dans ces situations, l'appréciation de l'autorité compétente pour la procédure est déterminante. Si le retour dans le pays de provenance est susceptible de constituer un cas individuel d'une extrême gravité, il convient d'examiner l'opportunité d'octroyer une autorisation de séjour durable.

La traite d'être humains englobe les actes par lesquels des personnes (femmes, hommes et enfants) sont exploités au mépris de leur droit à l'autodétermination. En 3544

font partie toutes les formes d'abus sexuel, l'exploitation de travailleurs ou le prélèvement d'organes humains. Il n'y a pas traite d'êtres humains lorsque l'acte en question se fait avec l'accord de la personne concernée ou lorsque des personnes font appel à des passeurs pour entrer illégalement en Suisse.

Le Conseil fédéral estime que l'introduction d'un droit de séjour explicite pour les victimes de la traite d'êtres humains n'est, en revanche, pas nécessaire, dès lors que l'octroi d'une autorisation est possible aujourd'hui déjà dans les cas de rigueur et qu'il est prévu de mentionner expressément ce droit dans la loi. La solution proposée correspond au protocole additionnel de l'ONU du 15 novembre 2000, non encore ratifié par la Suisse, sur la prévention, la lutte et la répression de la traite d'êtres humains, plus spécialement des femmes et des enfants. A l'art. 7 de ce protocole, les Etats signataires sont appelés à prendre les mesures appropriées pour permettre aux victimes de la traite d'êtres humains de demeurer sur leur territoire, temporairement ou définitivement selon les besoins (voir aussi la réponse du Conseil fédéral à la motion Vermot, «Traite des femmes, programmes de protection pour les victimes», 00.3055).

Activité lucrative de personnes relevant du domaine de l'asile Les requérants d'asile, les étrangers admis à titre provisoire et les personnes à protéger auront toujours la possibilité d'exercer une activité lucrative. La LAsi fixe le début et la fin d'une telle autorisation. Pendant les trois premiers mois qui suivent le dépôt de sa demande d'asile, le requérant n'a pas le droit d'exercer d'activité lucrative. Si une décision négative est rendue en première instance avant l'expiration de ce délai, le canton peut lui refuser l'autorisation d'exercer une activité lucrative pendant trois mois de plus (art. 43 LAsi). Ensuite, les autorités cantonales du marché du travail décident de l'octroi d'une autorisation en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Les conditions d'admission des art. 17 à 29 sont applicables par analogie aux requérants d'asile, aux personnes admises à titre provisoire et aux personnes à protéger. L'autorité compétente peut cependant déroger à ces principes d'admission, afin de permettre à ces personnes d'exercer une activité lucrative ou de participer
à des programmes d'occupation.

Cependant, durant la première phase de leur séjour en Suisse, les requérants d'asile sont invités en premier lieu à participer aux programmes d'occupation et non à s'intégrer dans le marché du travail (cf. art. 43, al. 4, LAsi). Cela permet aussi d'éviter que ces personnes ne se laissent entraîner dans des affaires criminelles. En ce qui concerne ces programmes d'occupation, le Conseil fédéral doit avoir notamment la possibilité de déroger aux conditions de rémunération et de travail en usage dans la profession et la branche. Afin de favoriser la transparence, les cantons sont tenus, également dans ces cas, de fournir des chiffres à la Confédération quant au nombre d'autorisations délivrées.

2.5 Art. 31

Réglementation du séjour Autorisation de courte durée

L'autorisation de courte durée peut être délivrée pour des séjours de durée limitée d'une année au maximum. Sa durée peut au besoin être prolongée jusqu'à une durée totale de deux ans au plus. Il importe que des autorisations puissent être délivrées,

3545

comme à présent, pour exercer une activité lucrative à court terme, notamment aux prestataires de service, aux stagiaires ou aux jeunes gens au pair de même qu'aux personnes désireuses d'effectuer un séjour de courte durée sans activité lucrative pour se former, se perfectionner ou subir un traitement médical.

Une autorisation de courte durée n'étant en règle générale délivrée que pour un certain travail, d'une durée déterminée, un changement d'emploi ou de canton n'est possible qu'exceptionnellement et dans des cas motivés.

Il faut éviter que le nouveau statut soit éludé, notamment par le biais de contrats successifs de courte durée, par une réglementation claire de l'interruption du séjour (al. 4; voir commentaires au ch. 1.3.6.1). Une certaine flexibilité tenant compte non seulement des intérêts légitimes de l'économie mais aussi de ceux des travailleurs est nécessaire. A l'heure actuelle, on exige en principe une interruption d'une année avant d'accorder une nouvelle autorisation (art. 26 OLE). Des activités de courte durée qui se répètent chaque année (p. ex. travaux d'entretien, inspections, etc.), doivent être possibles comme à présent pour autant qu'il n'en résulte pas une entorse aux prescriptions d'admission pour un séjour durable.

Art. 32

Autorisation de séjour

Voir commentaires au ch. 1.3.6.2.

En principe la première autorisation de séjour doit comme aujourd'hui être limitée à une année, même en cas de séjour de longue durée (al. 2). Si un examen montre que les conditions d'admission sont ensuite encore remplies, les autorisations doivent pouvoir être établies pour une plus longue durée de validité. La réglementation en la matière figurera dans l'ordonnance d'exécution.

L'autorisation est limitée à un séjour dont le but est déterminé (al. 3), par exemple pour les étudiants et écoliers, qui sont admis provisoirement en Suisse dans le seul but de se former ou de se perfectionner. Conformément à la pratique actuelle et compte tenu du caractère provisoire du séjour, un droit légal à la prolongation de l'autorisation de séjour n'est pas prévu et le séjour n'est pas pris en compte pour le calcul du délai d'octroi de l'autorisation d'établissement (cf. art. 33, al. 5).

La dépendance vis-à-vis de l'aide sociale constitue un motif de révocation de l'autorisation (art. 61) qui peut entraîner le renvoi de l'étranger (art. 65). Dans le cas d'espèce, l'étranger n'a aucun droit à une prolongation de l'autorisation de séjour (al. 4, let. b). En dépit de la perte de ce droit, l'autorité compétente peut, conformément au pouvoir d'appréciation qui lui est conféré, prolonger l'autorisation de séjour après avoir examiné la situation personnelle de l'intéressé (art. 91).

Art. 33

Autorisation d'établissement

Voir commentaires sous ch. 1.3.6.3.

L'al. 2 précise que seules les autorisations de courte durée ou les autorisations de séjour sont prises en compte pour le calcul du délai donnant droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement. Les séjours effectués dans le cadre d'une procédure d'asile ou d'une admission provisoire ne sont pas retenus. Une exception est faite pour les réfugiés reconnus (art. 60 LAsi); dans ce cas, on compte le séjour effectué durant la procédure d'asile.

3546

Les autorités cantonales ont la possibilité de délivrer une autorisation d'établissement aux personnes à protéger, après un séjour de dix ans (art. 74, al. 3 LAsi).

La dépendance vis-à-vis de l'aide sociale constitue un motif de révocation de l'autorisation de séjour (art. 61), susceptible d'entraîner le renvoi de l'étranger (art.

65). Selon l'al. 2, let b, dans un tel cas, l'étranger n'a pas non plus droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement. Même si l'étranger perd ce droit, les autorités compétentes peuvent, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, prolonger l'autorisation de séjour en tenant compte des circonstances personnelles.

Il existe une nouvelle possibilité d'octroyer, dans tous les cas, l'autorisation d'établissement déjà après cinq ans, si l'étranger est déjà bien intégré et surtout justifie de bonnes connaissances linguistiques. Une autorisation d'établissement peut par ailleurs être octroyée de manière anticipée à la personne qui, après un séjour préalable de plusieurs années, a quitté provisoirement la Suisse et veut y revenir.

Art. 34

Autorisation frontalière

Voir commentaires sous ch. 1.3.6.4.

Après une activité ininterrompue de cinq ans, les frontaliers ont droit à une prolongation de deux ans de l'autorisation pour autant qu'ils remplissent les conditions requises. Cette nouvelle réglementation entraîne, outre l'amélioration de leur statut juridique, une simplification administrative.

Art. 35

Lieu de résidence

Voir commentaires sous ch. 1.3.6.5.

Le principe voulant que les autorisations de courte durée, de séjour ou d'établissement ne sont valables que sur le territoire du canton qui les délivre est maintenu en raison de considérations fédéralistes. L'étranger qui déplace son centre d'intérêt personnel et professionnel dans un autre canton sollicitera une autorisation auprès du nouveau canton. La pratique actuelle doit être poursuivie.

Art. 36

Nouvelle résidence dans un autre canton

L'étranger titulaire d'une autorisation d'établissement ou de séjour doit avoir, sous réserve de certaines conditions, un droit légal de prendre domicile dans un autre canton.

L'étranger titulaire d'une autorisation d'établissement a droit au changement de canton pour autant qu'il n'existe aucun motif de révocation ou d'expulsion au sens de l'art. 62 ou de l'art. 67 et qu'une telle mesure soit proportionnelle et raisonnablement exigible. La nature juridique particulière de l'autorisation d'établissement est donc prise en compte. Il existe par ailleurs des accords d'établissement avec un grand nombre d'Etats, qui, aux mêmes conditions, donnent aujourd'hui déjà un droit au changement de canton.

En ce qui concerne l'étranger titulaire d'une autorisation de séjour, le droit au changement de canton dépend en outre du degré d'intégration professionnelle. De ce fait, ce droit n'existe que si la personne concernée peut prouver qu'elle a un emploi et que ses moyens financiers lui permettent de vivre, dans le nouveau canton également, sans avoir recours à l'aide sociale.

3547

Le chômeur titulaire d'une autorisation de séjour peut chercher un emploi sur tout le territoire de la Confédération. Néanmoins, il n'a le droit de prendre domicile dans un autre canton que lorsqu'il est engagé par un employeur. Il s'agit d'éviter que l'étranger dépendant de l'aide sociale ne se déplace sciemment dans un canton lui offrant de meilleures prestations sociales.

Le titulaire d'une autorisation de courte durée peut prendre domicile dans un autre canton pour autant qu'il y soit autorisé (al. 1).

L'étranger qui effectue un séjour à court terme dans un autre canton n'a pas besoin d'une autorisation (al. 4; art. 8, al. 2, LSEE).

Art. 37

Activité lucrative

Voir commentaires sous ch. 1.3.6.5.

L'activité lucrative de l'étranger titulaire d'une autorisation d'établissement n'est soumise, comme à présent, à aucune restriction.

L'étranger titulaire d'une autorisation de séjour qui a été admis en vue d'exercer une activité lucrative indépendante ou dépendante peut exercer cette activité dans toute la Suisse et changer d'emploi. L'assentiment préalable prévu actuellement par l'art.

8, al. 2 LSEE n'est donc plus nécessaire, ce qui constitue une simplification de la procédure.

L'étranger titulaire d'une autorisation de séjour ne doit donc solliciter une autorisation que s'il veut exercer une activité indépendante (al. 3).

La mobilité de l'étranger titulaire d'une autorisation de courte durée demeure limitée. Puisqu'il n'est en règle générale admis que pour exercer une activité lucrative déterminée, à caractère de projet, un changement de canton ou d'activité lucrative n'est possible que si des raisons majeures - motifs personnels ou arguments invoqués par l'entreprise ­ le justifient. C'est notamment le cas lors d'un transfert ou d'une fermeture d'entreprise ou encore lorsque le contrat de travail est résilié pour des motifs qui ne sont pas imputables au travailleur. Une mobilité professionnelle illimitée de l'étranger titulaire d'une autorisation de courte durée aurait des incidences sur l'assurance-chômage dans la mesure où il pourrait faire valoir un droit aux prestations au-delà de la durée de validité de l'autorisation.

Art. 38

Activité lucrative des frontaliers

L'étranger titulaire d'une autorisation frontalière qui veut changer d'emploi doit solliciter durant cinq ans une autorisation. Un changement d'emploi peut être autorisé si les conditions de l'art. 20 et 21 sont remplies. S'il veut travailler dans la zone frontalière d'un autre canton, une autorisation du nouveau canton est par ailleurs requise. Après avoir exercé une activité lucrative durant cinq ans sans interruption, il aura droit au changement d'emploi et au changement de canton à l'intérieur de la zone frontalière.

L'exercice d'une activité temporaire en dehors de la zone frontalière doit être autorisée, comme c'est déjà le cas aujourd'hui (al. 1; art. 23, al. 3, OLE).

3548

Art. 39

Autorités d'octroi des autorisations et décision préalable des autorités du marché du travail

Sous réserve de l'autonomie d'organisation de la Confédération et des cantons, cette disposition détermine les autorités compétentes en matière d'octroi d'autorisation.

L'al. 2 reprend à la réglementation actuelle qui prévoit dans tous les cas une décision préalable des autorités du marché du travail lorsqu'il est question de l'exercice d'une activité lucrative. En tant que telle, cette décision ne peut être attaquée séparément que si les autorités compétentes pour la décision concernant l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative (décision préalable des autorités du marché du travail) et l'octroi d'une autorisation de courte durée ou de séjour sont différentes. Cette situation ne se présente plus au niveau de la Confédération ni dans certains cantons où seule une autorité est compétente en matière d'admission de maind'oeuvre étrangère.

Art. 40

Titre de séjour

Cette disposition correspond à la réglementation actuelle (cf. art. 11, al. 3 et art. 13, al. 1, RSEE). Les titres de séjour indiquent le contenu et l'étendue de l'autorisation.

L'étranger, l'employeur et les autorités de contrôle doivent pouvoir constater rapidement quels sont les droits et obligations du titulaire. Le délai de contrôle des autorisations d'établissement est porté à cinq ans (à présent trois ans), également pour les ressortissants d'Etats tiers.

2.6 Art. 41

Regroupement familial Membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse

L'accord sur libre circulation des personnes prévoit, pour les ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE, des droits généreux en matière de regroupement familial, qui doivent également être accordés aux citoyens suisses (cf. ch. 1.3.7.2).

L'exigence que l'entretien de l'étranger soit garanti au sens de l'al. 2 ne présuppose pas un devoir d'entretien de droit civil. Un soutien effectif suffit, par exemple sous forme d'hébergement ou de contributions financières.

Même si cette disposition ne mentionne pas expressément la clause du logement convenable pour le regroupement familial, cette exigence découle indirectement du fait que la famille doit habiter ensemble (cf. ch. 1.3.7.5). Il faut que l'habitation suffise pour tous les membres de la famille. La jurisprudence actuelle relative aux art.

7, al. 1, et 17, al. 2, LSEE reste déterminante (ATF 119 lb 81 ss). Des exceptions à la condition de cohabitation sont possibles dans des cas dûment motivés (art. 48).

Conformément à la jurisprudence actuelle, le regroupement familial peut être refusé aux membres de la famille de citoyens suisses comme à ceux d'un étranger établi, lorsque l'étranger concerné peut être expulsé en raison de moyens financiers insuffisants (voir art. 10, al. 1, let. d, et 11, al. 3, LSEE ainsi que ATF 119 lb 81 ss).

La demande peut également être refusée si l'étranger risque de dépendre de l'aide sociale au sens de l'art. 62, al. 1, let. b. Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte non seulement de la situation actuelle mais aussi de son évolution probable à plus long terme (cf. ATF 119 lb 1 et 81 ss).

3549

Les enfants étrangers de citoyens suisses n'ont droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement que jusqu'à l'âge de quatorze ans. Ils ont ensuite un droit jusqu'à l'âge de 18 ans à une autorisation de durée limitée. On tient ainsi compte du fait qu'une immigration tardive peut engendrer des problèmes d'intégration particuliers.

Dans de tels cas, les autorités doivent avoir la possibilité de refuser plus facilement la poursuite du séjour en Suisse.

Art. 42

Conjoint et enfants étrangers du titulaire d'une autorisation d'établissement

Cette réglementation correspond en principe à la réglementation en vigueur (art. 17, al. 2, LSEE). En ce qui concerne la nécessité d'un logement convenable et de moyens financiers suffisants ainsi que l'octroi de l'autorisation d'établissement, voir les explications relatives à l'art. 41.

Art. 43

Conjoint et enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de séjour

Comme précisé sous le ch. 1.3.7.4, l'étranger titulaire d'une autorisation de séjour doit désormais avoir le droit de se faire rejoindre, à certaines conditions, par son conjoint et ses enfants mineurs et célibataires. Les conditions sont plus strictes que celles prévues aux art. 41 et 42 (cf. art. 39 OLE).

L'étranger doit pouvoir prouver que son habitation suffit à héberger convenablement toute la famille. Il y a lieu ici de prendre en considération les conditions locales. Le bailleur du logement doit par ailleurs accepter expressément que la famille occupe l'habitation (cf. commentaire concernant l'art. 24).

Dans la pratique, les directives de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) demeurent déterminantes pour examiner si la famille dispose de moyens financiers suffisants. Le regroupement familial ne doit pas conduire à une dépendance de l'aide sociale. On tiendra compte, le cas échéant, du revenu probable dépendance de l'aide sociale. On tiendra compte, le cas échéant, du revenu probable des membres de la famille qui viendraient en Suisse, si un emploi leur a été promis et que les conditions d'octroi d'une autorisation de travail sont remplies. Dans un tel cas, la garde des enfants doit être assurée.

Art. 44

Conjoint et enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de courte durée

Voir commentaires sous ch. 1.3.7.4.

Dans le cadre de leur liberté d'appréciation, les autorités cantonales doivent avoir la possibilité d'autoriser le regroupement familial en faveur de l'étranger titulaire d'une autorisation de courte durée, pour la durée de son séjour. Les conditions sont les mêmes que pour les titulaires d'une autorisation de séjour (art. 43), mais sans droit légal. Le fait que l'enfant soit scolarisé ne constitue pas en soi un motif pour la prolongation du séjour.

Admission d'autres membres de la famille Afin d'éviter des cas individuels d'une extrême gravité (art. 30, al. 1, let. b), l'étranger peut faire venir en Suisse ­ comme le prévoit actuellement l'OLE ­ d'autres membres de sa famille (avant tout les enfants majeurs et les parents).

3550

Il y a lieu de tenir compte de la jurisprudence au sujet de l'art. 8 CEDH, selon laquelle les personnes qui ne font pas partie du noyau familial (parents et enfants mineurs) peuvent invoquer la protection de la vie familiale si, en raison d'une invalidité physique ou psychique ou d'une invalidité lourde qui demande un traitement de longue durée, elles se trouvent en situation de dépendance effective envers une personne qui dispose d'une autorisation de séjour durable en Suisse (ATF 120 II 257; cf. aussi ch. 1.3.4.1 et commentaire concernant l'art. 30).

Art. 45

Activité lucrative du conjoint ou des enfants

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les étrangers qui ont un droit de séjour peuvent faire valoir leur droit fondamental à la liberté économique (ATF 123 I 212 ss). Les conjoints et les enfants de ressortissants suisses ainsi que les titulaires d'une autorisation d'établissement ou de séjour bénéficient par conséquent d'un droit à l'exercice d'une activité lucrative dépendante ou indépendante sur tout le territoire suisse.

Le Conseil fédéral peut faciliter l'accès au marché du travail des autres personnes admises dans le cadre du regroupement familial (art. 30, al. 1, let. a).

Art. 46

Délai du regroupement familial

Voir commentaires sous ch. 1.3.7.7.

Pour les membres de la famille de ressortissants étrangers, le délai de cinq ans court à partir de leur entrée en Suisse, soit de l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement. Si le mariage ou la naissance d'un enfant a lieu après cette date, le délai de cinq ans court, pour le conjoint ou l'enfant, à partir de l'événement.

Pour les membres de la famille de citoyens suisses, le délai court à partir de l'instauration du lien familial ou, s'ils vivaient à l'étranger auparavant, le délai court à partir de l'entrée en Suisse.

Passé le délai de cinq ans, une demande de regroupement familial ne peut être acceptée que si des raisons majeures peuvent être établis. C'est notamment le cas lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine (par ex. décès ou maladie de la personne qui en la charge; ATF 126 II 329). C'est l'intérêt de l'enfant et non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse) qui priment.

Art. 47

Enfant placé en vue de l'adoption

Cette réglementation correspond à l'art. 7a LSEE, qui a été adopté en vue de la ratification de la Convention de la Haye sur l'adoption104.

L'enfant placé en Suisse en vue d'y être adopté a droit au séjour s'il remplit les conditions pour être adopté. Il est important, dans l'intérêt des pays d'origine, de ne pas accorder de droit de séjour si les dispositions sur l'adoption sont éludées.

Si les conditions de l'al. 1 ne sont pas remplies, les autorités peuvent, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, accorder l'autorisation afin d'éviter des cas de rigueur.

104

Loi fédérale du 22.6.01 relative à la Convention de la Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale; FF 2001 2770

3551

Art. 48

Exception à l'exigence de la cohabitation

Voir commentaires sous ch. 1.3.7.5.

Des exceptions sont surtout possibles pour des raisons professionnelles et familiales majeures et plausibles.

Art. 49

Dissolution de la famille

Voir commentaires sous ch. 1.3.7.6.

Une définition exhaustive des raisons majeures nécessaires pour la poursuite du séjour en Suisse n'est pas possible; il est en effet impossible d'envisager toutes les situations qui peuvent se présenter.

Art. 50

Extinction du droit au regroupement familial

Voir commentaires sous ch. 1.3.7.7.

Les dispositions relatives au regroupement familial offrent d'importantes facilités par rapport aux critères d'admission usuels. Elles permettent à certaines conditions à des étrangers de poursuivre ou de débuter une vie de famille en Suisse. Elles comportent malheureusement un certain risque d'abus, comme l'a démontré la pratique dans d'autres pays également (p. ex. tenter de faire valoir le droit au regroupement par un mariage de complaisance ou annoncer comme siens des enfants mineurs d'autres parents).

Si de tels abus sont identifiés, il est possible de refuser un regroupement familial, de révoquer des autorisations déjà accordées ou de refuser la prolongation de leur durée de validité.

On parle de mariage fictif ou de complaisance s'il est conclu uniquement dans le but d'éluder les prescriptions du droit des étrangers ou s'il est maintenu à cette fin. Il manque donc la volonté effective de former l'union conjugale. S'agissant d'un critère subjectif, la preuve ne peut être apportée que sur la base d'indices. Dans la pratique, on observe les cas de figure suivants: la date du mariage précèdant de peu l'échéance du délai de départ fixé par une décision de renvoi, la durée et les circonstances de la rencontre précédant le mariage, des logements séparés sans motifs plausibles, une très grande et inhabituelle différence d'âge ou le versement d'une somme d'argent au conjoint en Suisse (ATF 122 II 289 ss, 121 II 1 ss, 121 II 97 ss; Peter Kottusch, Scheinehen aus fremdenpolizeilicher Sicht, Zbl 84/1983, p. 423 s.).

Par ailleurs, le regroupement est abusif lorsque le conjoint étranger se prévaut d'un mariage n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir ou de ne pas perdre l'autorisation de séjour. Dans chaque cas, il convient d'examiner avec le plus grand soin si l'on est en présence d'un abus (ATF 127 II 49 ss).

Comme nous l'avons précisé à propos de l'art. 46, s'agissant des enfants, il y a abus lorsque l'ensemble des circonstances invoquées laisse supposer que les parents font venir leurs enfants en Suisse avant tout pour des motifs économiques (admission facilitée sur le marché du travail) et que la vie commune des membres de la famille ne constitue pas le motif prioritaire de cette démarche.

Il est très difficile et très coûteux pour l'autorité de police des étrangers compétente d'apporter des preuves et ce n'est souvent que rétrospectivement que l'on peut démontrer un mariage de complaisance.

3552

Le regroupement familial est également exclu lorsqu'il existe des motifs de révocation. C'est notamment le cas si la personne concernée a gravement violé ou menacé la sécurité et l'ordre publics. Pour les membres de la famille de citoyens suisses , c'est l'art. 62, moins sévère, qui s'applique.

Les formulations divergentes des art. 7, al. 1, et 17, al. 2, LSEE ne sont pas reprises.

La portée de cette différence reste peu claire et a toujours donné lieu à des problèmes d'interprétation. Du point de vue matériel, cette reformulation n'a aucune incidence car elle s'appuie sur la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral relative aux art. 7, al. 1, et 17, al. 2, LSEE (cf. p. ex. ATF 120 lb 6 ss).

2.7

Intégration des étrangers

Se référer aux commentaires généraux aux ch. 1.2.5 et 1.3.8.

Les traits essentiels de l'encouragement de l'intégration des étrangers sont présentées aux art. 51 à 57. Le Conseil fédéral a relevé à plusieurs reprises qu'une politique migratoire vaste et efficace devait réserver une large place à l'encouragement de l'intégration (cf. sa réponse à la motion Fetz «Mesures efficaces pour intégrer les étrangers en Suisse», 00.3585).

D'autres dispositions du projet de loi sont directement ou indirectement consacrées à l'intégration. Le potentiel d'intégration, en tant que possibilité d'intégration professionnelle durable, est une condition essentielle de l'admission (qualifications personnelles; art. 23). L'amélioration de la mobilité géographique et professionnelle (art. 31 ss), ainsi que le regroupement familial (art. 41 ss) ont aussi un effet positif en termes d'intégration.

Art. 51

Buts

Comme à l'art. 25a LSEE, on a renoncé volontairement à donner une définition légale de la notion d'intégration. Le projet de loi suit en cela l'exemple d'autres actes, tant au plan de la Confédération que des cantons (art. 14 du projet de modification de la loi sur la nationalité105, loi sur l'intégration des étrangers du 26 août 1996 du Canton de Neuchâtel). Etant donné que l'acception sociale et les représentations de l'intégration peuvent évoluer avec le temps, cela ne paraît en effet pas judicieux.

De manière générale, le terme d'intégration décrit le processus de rapprochement par lequel des groupes sociaux s'intègrent dans la société. Le rapport sur l'intégration de la Commission fédérale des étrangers (CFE) ainsi que le rapport de la Commission d'experts Migration décrivent l'intégration comme un accueil des étrangers par la société suisse, d'une part, et la volonté des étrangers de s'insérer dans la société suisse, d'autre part (cf. à ce sujet CFE, L'intégration des migrantes et des migrants en Suisse, Berne 1999, p. 10 s.; Commission d'experts Migration, Une nouvelle conception de la politique en matière de migration, Berne 1997, p. 34 s.)

Le but de tout effort d'intégration, consenti tant par les migrants que par la société qui les accueille, est la coexistence empreinte de respect et de tolérance mutuels (al.

1). On n'attend donc pas des étrangers qu'ils abandonnent leurs spécificités et leur nationalité étrangère. Au contraire, la diversité est un des éléments essentiels à pro105

FF 2002 1815

3553

téger dans une société basée sur la liberté. A cet égard, les principes de la démocratie et de l'Etat de droit constituent les fondements indispensables d'une coexistence pacifique. On exige dès lors des étrangers qui séjournent en Suisse qu'ils respectent les droits et principes fondamentaux (p. ex. égalité des sexes, tolérance envers des opinions et des croyances différentes, monopole de la puissance étatique ou résolution non violente de conflits). L'Etat doit également défendre ces valeurs face à des revendications relevant de spécificités culturelles106.

Il ne peut y avoir intégration que si les étrangers ont des possibilités réelles de participer à la vie économique, sociale et culturelle en Suisse (al. 2). Les lignes directrices communales ou cantonales en matière d'intégration soulignent régulièrement l'importance de l'accès au marché du travail, au système de formation, au marché du logement, ainsi que des possibilités de rencontre et de la participation à la vie sociale107.

Art. 52

Principes

Cet article décrit les principes essentiels de l'intégration et le rôle global et pluridisciplinaire de celle-ci et en désigne les acteurs principaux.

L'intégration, comprise comme un processus de rapprochement réciproque entre les populations suisse et étrangère concerne toute la société (al. 1). Elle présuppose aussi bien une volonté des étrangers de s'insérer dans la société, qu'une attitude d'ouverture de la population suisse108.

Enfin, le processus d'intégration ne concerne pas que les individus membres de la société. En effet, les autorités, les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales et les organisations d'étrangers ont un rôle important à jouer et une responsabilité particulière à assumer dans la réussite d'une coexistence entre les populations suisse et étrangère (al. 3).

Quant aux partenaires sociaux, il convient de relever le rôle déterminant que jouent les employeurs en matière d'intégration. Un quart des emplois en Suisse sont occupés par des étrangers. L'offre d'un poste constitue pour eux une possibilité d'intégration professionnelle; l'intégration dans le monde professionnel est aussi un facteur important d'intégration sociale.

Les participants à la consultation ont également soulevé l'importance de la participation de l'employeur aux efforts d'intégration. L'implication de ce dernier a aussi fait l'objet d'un postulat.

L'art. 45, al. 4, de la loi de 1981 sur les étrangers109 ­ rejetée par le peuple ­ prévoyait de contraindre les employeurs à informer les travailleurs étrangers. Le Conseil fédéral a décidé de ne pas reprendre cette disposition, dès lors que cette forme d'information incombe en premier lieu à l'Etat (cf. art. 55).

Une autre revendication formulée souvent à l'endroit de l'employeur est la fréquentation de cours de langue et d'intégration durant les heures de travail. Cette propo-

106 107

Walter Kälin, Grundrechte im Kulturkonflikt, Berne 2001, p. 234 s.

Par ex. canton de Bâle-Ville, Leitbild und Handlungskonzept des Regierungsrates zur Integrationspolitik des Kantons Basel-Stadt, p. 2 s; Ville de Berne, Leitbild zur Integrationspolitik der Stadt Bern, p. 15 s.

108 Cf. art. 3 de l'ordonnance sur l'intégration des étrangers (RS 142.205) 109 FF 1981 II 553

3554

sition doit être traitée avant tout au niveau des conventions collectives de travail et des contrats de travail.

Quelques milieux consultés ont proposé de prélever auprès des employeurs un émolument supplémentaire lors de l'octroi d'une autorisation ou qu'une partie des émoluments perçus pour l'établissement de l'autorisation soit utilisée pour le financement de mesures d'encouragement de l'intégration. Cependant, ces propositions posent des problèmes juridiques complexes de compatibilité avec l'accord sur la libre circulation des personnes et soulèvent des questions de droit des redevances qui méritent un examen plus approfondi.

L'al. 2 souligne l'importance de la volonté de s'intégrer des étrangers. L'al. 3 associe à cette condition, au sens d'un mécanisme d'incitation et de sanction limité, des conséquences juridiques lorsque l'autorité délivre l'autorisation d'établissement ou prononce une mesure d'éloignement.

Lors de la procédure de consultation, certaines prises de position portaient sur l'introduction d'une «obligation de s'intégrer». Il s'agissait notamment d'obliger les étrangers à participer à des cours d'intégration. Cela présente plusieurs problèmes.

D'abord, le besoin concret de s'intégrer peut être très différent d'une personne à l'autre, selon qu'il s'agit d'une personne qui immigre dans le cadre du regroupement familial ou d'un spécialiste très qualifié, recruté pour assumer un emploi spécifique.

L'introduction d'une obligation légale de s'intégrer poserait dans chaque cas un problème d'exécution. Ensuite, la palette des sanctions possibles est limitée dès lors qu'il existe un droit au séjour en Suisse garanti par le droit international public (accord sur la libre circulation des personnes, art. 3 et 8 CEDH) ou constitutionnel (art. 25, al. 2 et 3, Cst.). Dans ces cas, l'obligation de suivre un cours d'intégration ne serait pas compatible avec la liberté personnelle. En outre, l'obligation de suivre ces cours ne peut être inscrite dans la loi que si une offre correspondante est effectivement disponible. Or, une telle offre, qui devrait être proposée dans tout le pays, ne l'est pas dans tous les cantons et communes et ne peut pas non plus être garantie à l'avenir.

Dans son rapport, la Commission d'experts Migration a souligné à juste titre que, d'une certaine manière, les
nouveaux immigrants prennent l'engagement vis-à-vis de la société hôte de s'intégrer aux structures, d'accepter les obligations que cela implique et de respecter les lois et règles sociales suisses. De son côté, la Suisse s'engage à offrir une aide structurelle et à supprimer les discriminations et les obstacles à l'intégration existants (cf. Commission d'experts «Migration» op. cit., p. 34).

Cette idée d'un «contrat d'immigration» se retrouve également dans le principe directeur «exiger, encourager» qui figure en exergue dans diverses lignes directrices cantonales et communales sur la politique d'intégration.

Le projet de loi tient cependant compte de la suggestion de créer une obligation de s'intégrer dans la mesure où l'art. 52, al. 2, précise que les prestations de l'Etat dans le domaine de l'intégration supposent que les étrangers doivent être disposés à s'intégrer. L'intégration ne peut réussir que si les nouveaux immigrants acceptent l'Etat, la société et l'environnement du pays hôte. On doit notamment pouvoir attendre des personnes concernées qu'elles mettent tout en oeuvre pour apprendre la langue nationale parlée dans leur lieu de séjour. Comprendre et se faire comprendre dans la vie courante constitue en effet un préalable à toute intégration professionnelle et sociale réussie et empêche une ségrégation sociale.

3555

Selon l'al. 3, l'autorité doit prendre en compte le degré d'intégration lors de la délivrance d'une autorisation d'établissement et dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation au moment de prononcer une mesure d'éloignement.

Cela lui permet de tenir compte des efforts personnels d'intégration puisque, avec l'accord de l'OFE, elle peut délivrer l'autorisation d'établissement après un délai plus court (cf. remarques au sujet de l'art. 33, al. 4). La connaissance d'une langue nationale est ici primordiale. Cette disposition constitue un encouragement aux efforts personnels d'intégration. En revanche, en l'absence d'efforts d'intégration, les autorités en tiendront compte lors de leur appréciation de la situation en prononçant une mesure d'éloignement (cf. art. 61 ss).

Les critères concrets du système d'incitation et de sanction seront fixés dans les ordonnances d'exécution. Il faudra considérer les difficultés qu'il y a à mesurer le degré d'intégration d'un étranger. Par ailleurs, le droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement, au sens des dispositions légales, n'est pas supprimé, mais si les efforts d'intégration se sont révélés concluants, cette autorisation pourra être délivrée avant le délai. Au contraire, lorsque l'autorité ordonnera une mesure d'éloignement de police des étrangers, elle sera le plus souvent en présence d'étrangers dont l'intégration doit être considérée comme un échec.

Art. 53

Encouragement de l'intégration

La Confédération, les cantons et les communes tiennent compte dans l'exercice de leurs tâches, des exigences de l'intégration des étrangers (al. 1). La mise en place de conditions favorables à l'égalité des chances et à la participation des étrangers à la vie publique est déterminante pour l'intégration (al. 2).

Le système de formation et de formation professionnelle, ainsi que le système de santé ont une importance particulière pour l'intégration (al. 3). Dans ces domaines, la Confédération peut apporter des aides ciblées ­ par exemple en ce qui concerne l'acquisition de connaissances linguistiques ­ afin de soutenir subsidiairement les efforts des cantons, des communes ou de tiers (cf. art. 54).

Cela dit, l'intégration des étrangers devrait être encouragée avant tout par le biais de structures existantes110. Les prestations favorisant l'intégration, par exemple dans les domaines du marché du travail, de la formation professionnelle ou de la promotion de la santé, sont de première importance. Ces mesures, qui s'adressent à l'ensemble de la population, bénéficient à un grand nombre d'étrangers, ce qui leur confère une importance de premier plan dans la politique d'intégration. Dans le domaine de l'intégration professionnelle, citons les offres concernant l'orientation professionnelle et les écoles professionnelles qui prévoient en règle générale des mesures d'intégration (cours de langue, orientation professionnelle, initiation aux droits et devoirs fondamentaux en Suisse) destinées aux jeunes et aux adultes récemment arrivés en Suisse. L'intégration est donc une tâche pluridisciplinaire, qui requiert la contribution de différents secteurs ainsi que de l'Etat à tous les niveaux111.

Le processus d'intégration des étrangers qui séjournent durablement en Suisse doit débuter le plus tôt possible. C'est pourquoi les mesures destinées aux enfants et aux 110

Voir également la réponse du Conseil fédéral à la question ordinaire Rennwald (01. 1057).

111 Voir également l'art. 3 OIE et la réponse du Conseil fédéral à la motion Fetz, «Mesures efficaces pour intégrer les étrangers en Suisse» (00.3585).

3556

adolescents ont une importance particulière (al. 3). Il ressort d'une étude réalisée dans le cadre du programme national de recherche PNR 39 que les centres de jour et les crèches jouaient un rôle important pour l'intégration future des enfants étrangers récemment entrés en Suisse. Les cours préparatoires offerts aux adolescents étrangers, afin de faciliter leur formation professionnelle, ont une fonction analogue. Lors de l'adoption de mesures dans les domaines éducatif et scolaire, il importe de prendre en considération les besoins découlant de la nécessité d'intégration.

L'encouragement de l'intégration doit également accorder une place importante aux femmes, en particulier à celles qui viennent en Suisse par le biais du regroupement familial. En effet, dans leur rôle de mère et de femme au foyer, elle ne bénéficient pas, ou pas immédiatement, des possibilités d'intégration qu'offre le marché du travail. Il est néanmoins nécessaire qu'elles se familiarisent, elles aussi, avec les us et coutumes du pays d'accueil. En outre, pour que les parents puissent accompagner leurs enfants durant la scolarité primaire, il faut qu'ils puissent communiquer dans une langue nationale et qu'ils connaissent les bases de notre système scolaire. C'est pourquoi, dans le cadre de l'encouragement de l'intégration de la Confédération, des programmes d'acquisition de compétences linguistiques ont été conçus spécialement pour les mères et les enfants en bas âge.

Art. 54

Contributions financières

Cet article reprend la réglementation actuelle de l'art. 25a LSEE, selon laquelle la Confédération peut allouer des subventions en vue d'encourager l'intégration sociale des étrangers. Les contributions financières seront accordées avant tout en faveur de projets centrés sur l'intégration sociale, car les mesures d'intégration professionnelle sont notamment proposées dans le cadre de la formation professionnelle et dans le domaine professionnel. Les programmes d'encouragement de l'intégration ayant aussi des effets positifs sur l'avancement professionnel, l'art. 54 ­ contrairement à l'art. 25a LSEE ­ ne se limite plus à l'intégration «sociale». L'ordonnance d'application (OIE), qui s'appuie très largement sur le rapport sur l'intégration de la CFE, est entrée en vigueur le 1er octobre 2000.

Des contributions financières ne peuvent être accordées que pour les projets d'intégration destinés à des étrangers qui séjournent durablement et légalement en Suisse. Il s'agit de personnes qui sont titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement ou pour lesquelles une mesure de remplacement a été ordonnée, dont la durée n'est pas de nature provisoire. L'expérience a montré que le séjour des étrangers admis à titre provisoire, dont l'exécution du renvoi ne peut être raisonnablement exigée, ni n'est licite, (cf. art. 78, al. 3 à 5) est considéré, au sens de la loi, comme «durable».

Les personnes admises à titre provisoire en raison de l'impossibilité de les renvoyer ne peuvent pas participer aux programmes d'intégration. Dans de tels cas, la probabilité est grande que la mesure de remplacement sera levée après un bref laps de temps.

A la différence d'autres prestations en faveur de l'intégration qui profitent à l'ensemble de la population, l'encouragement de l'intégration mis en place dans le cadre de la législation fédérale permet de prendre en compte les besoins spécifiques des étrangers. Dans ce contexte, l'art. 16 OIE énumère comme domaines pour lesquels des contributions financières peuvent être accordées: l'apprentissage des langues nationales, l'amélioration du niveau de formation générale, l'information et la 3557

sensibilisation de la population, la création de structures régionales de contact (créer des services d'aide aux étrangers régionaux et assurer leur fonctionnement).

L'encouragement de l'intégration de la Confédération complète les prestations des communes, des cantons et des tiers, qui doivent participer de façon appropriée aux frais (al. 2). La Confédération n'a toutefois pas l'obligation de verser des contributions financières.

Comme à présent, l'Assemblée fédérale fixera par voie budgétaire le montant maximum de la contribution financière annuelle (al. 2). Elle se monte à 10 millions de francs pour l'année 2001 et à 12,5 millions de francs pour 2002, y compris certains frais de personnel.

Le Conseil fédéral continuera de désigner les domaines à encourager et de régler les modalités d'application dans une ordonnance (al. 3). Les moyens financiers disponibles étant limités, il sera nécessaire de déterminer, également à l'avenir, un ordre de priorité pour l'évaluation des requêtes (art. 17 OIE).

Art. 55

Information

L'information dispensée aux étrangers est cruciale. En conséquence, la Confédération, les cantons, mais aussi les communes, sont tenus de diffuser cette information dans le cadre de leurs tâches et de leurs moyens financiers (al. 1).

Une intégration réussie présuppose une bonne information au sujet des conditions de vie et de travail, des droits et obligations qui prévalent en Suisse. C'est ainsi qu'une information circonstanciée sur le système de formation en Suisse, destinée non seulement aux jeunes concernés mais également à leurs parents, peut jouer un rôle déterminant dans le succès de l'intégration professionnelle des jeunes étrangers.

Selon l'al. 2, une information sera désormais donnée aux étrangers concernant les offres d'encouragement de l'intégration.

Cette tâche doit être assumée au besoin par les autorités chargées de délivrer l'autorisation (autorité cantonale des étrangers) ou le service de contrôle des habitants des communes. Les nouveaux immigrés seront ainsi informés assez tôt de l'importance de l'intégration, notamment des cours d'intégration et des manifestations proposées par les cantons ainsi que des possibilités d'orientation professionnelle et de formation. Par exemple, l'étranger recevra une documentation ou sera mis en contact avec des services de conseil spécialisés. Dans certains cantons, les services de contrôle des habitants des communes assument déjà cette tâche, en proposant par exemple un service d'information. Il convient de saluer cette évolution puisqu'une information aussi complète que possible des nouveaux immigrés, notamment aussi sur les attentes du pays hôte, favorise l'intégration. Dans ce contexte, l'autorité chargée de délivrer l'autorisation (ou le service de contrôle des habitants) a un rôle très important à jouer dans le processus d'intégration puisqu'elle est en règle générale le premier service officiel avec lequel l'étranger entre en contact.

En ce qui concerne le mandat d'information de la Confédération et des cantons au sens de l'al. 3, il s'agit d'informer l'ensemble de la population aussi bien au sujet de la politique migratoire que de la situation particulière des étrangers. En effet, une bonne information de la population sur tous les aspects de l'immigration est indispensable pour une coexistence pacifique et une acceptation réciproque des différents groupes de population.

3558

Art. 56

Coordination

Les tâches de l'Etat en matière d'intégration sociale et professionnelle s'appuient pour une part sur des structures existantes, pour une autre part sur des programmes spécifiques destinés à la population étrangère. Cependant, en tant que tâches globales et pluridisciplinaires, elles sont assumées non seulement aux différents niveaux de notre système fédéral (Confédération, cantons, communes), mais aussi réparties entre divers domaines (formation, santé, etc.).

Afin d'éviter aussi bien un gaspillage des forces que des doublons, il est essentiel de coordonner ces efforts. C'est ainsi que les cantons et les villes qui ont formulé une politique d'intégration dans le cadre de leur législation ou en se dotant de lignes directrices ont mis en place des structures de coordination. Les cantons de Neuchâtel, Bâle-Ville, Saint-Gall, Lucerne, Genève et Vaud et les villes de Berne, Lausanne, Lucerne, Winterthour et Frauenfeld ont créé un poste de délégué à l'intégration, chargé de coordonner les efforts dans ce domaine. D'autres cantons et des grandes communes sont en passe de leur emboîter le pas.

Au niveau de la Confédération, la responsabilité des tâches et prestations en lien avec l'intégration est répartie entre divers départements et offices fédéraux: ­

Le Secrétariat d'état à l'économie et l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie s'occupent plus spécialement de l'intégration professionnelle.

­

L'Office fédéral de la santé publique a préparé, en collaboration avec l'OFE, l'ODR et la CFE, une stratégie au niveau fédéral «Migration et santé».

Celle-ci sera soumise au Conseil fédéral dans le courant de 2002. Elle prévoit notamment des programmes d'intégration spécifiques dans le domaine de l'accès au système de santé.

­

L'ODR est responsable de l'intégration des réfugiés reconnus jusqu'à l'octroi de l'autorisation d'établissement.

­

Le Bureau pour la lutte contre le racisme, rattaché au Secrétariat général du Département fédéral de l'intérieur, octroie, dans le cadre d'un programme qui s'étale sur trois ans, des subventions à des projets destinés aux droits de l'homme et à la lutte contre le racisme.

Toutes ces activités, qui se recoupent en de nombreux points, font partie intégrante de la politique d'intégration de la Confédération.

Au niveau de la Confédération, seule la CFE a jusqu'ici assumé les tâches de coordination112.

En raison de l'importance grandissante de la politique d'intégration, qui s'est traduite notamment par la création d'une base légale (art. 25a LSEE), et par le fait que toujours plus de cantons ont créé des structures administratives idoines, la coordination des efforts d'intégration ne peut continuer à être assurée uniquement par une commission extraparlementaire. Depuis le rattachement du secrétariat de la CFE à l'OFE, en janvier 2000, cet office dispose de structures opérationnelles adéquates

112

voir art. 4 OIE; rapport explicatif concernant «l'ordonnance sur l'intégration sociale des étrangers», p. 4 s., avril 2000; message du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). ch. 227; FF 1996 II 1.

3559

pour l'encouragement de l'intégration, des structures qui ont encore été renforcées au cours de l'année 2001.

Toutes les tâches de la politique migratoire, à l'exception du domaine de l'asile, sont déléguées à l'OFE. Donc, et dans le cadre de ses tâches d'intégration, l'al. 1 prévoit que cet office collabore avec tous les services fédéraux qui contribuent de manière importante à la politique d'intégration de la Confédération et en coordonne les activités. En font notamment partie les domaines de l'assurance-chômage, de la formation professionnelle, de la prévention et de la promotion de la santé.

L'OFE assure l'échange d'informations et d'expériences avec les cantons dans le domaine de l'intégration (al. 2). A cet effet, les cantons désignent un service chargé des contacts avec l'office pour les questions d'intégration (al. 3). La mise en réseau des efforts d'intégration avec les services cantonaux de l'intégration était déjà prévue dans le projet de loi sur les étrangers du 19 juin 1978113. Une collaboration institutionnalisée permet aux cantons de donner des idées et des impulsions pour la promotion de l'intégration. Selon la répartition des tâches prévue actuellement dans la législation sur les étrangers, l'activité de coordination de l'OFE est centrée sur les relations avec les cantons. Il incombera au canton de désigner les villes et les grandes communes qu'il convient d'impliquer dans le futur système d'informations et d'échanges de la Confédération. De son côté, l'OFE peut soutenir les efforts d'intégration déployés par les cantons, les régions ou les communes par des recommandations et par l'échange d'informations et d'expériences.

Art. 57

Commission fédérale des étrangers

Cet article règle le statut, le mandat et les tâches de la CFE, en particulier sa fonction dans le cadre de l'attribution de contributions financières de la Confédération (art. 54); il correspond au droit en vigueur (art. 25, al. 1, let. i, et art. 25a, al. 2, LSEE; art. 4 à 14 OIE) La CFE a été instituée en 1970 par une décision du Conseil fédéral et rattachée au DFJP. Au plan administratif, son secrétariat est intégré à l'OFE depuis 1984. La commission est composée de ressortissants étrangers et de ressortissants suisses.

Grâce à cette représentation mixte, les immigrés peuvent participer aux décisions politiques en matière de migration et d'intégration.

Les tâches précisées dans le mandat du Conseil fédéral de mars 1995 figurent aujourd'hui aux art. 4 ss OIE. Outre l'activité de conseil, la CFE est chargée plus spécialement de promouvoir la compréhension réciproque entre les populations suisse et étrangère, d'améliorer l'information pour et sur les étrangers et de servir de médiatrice entre les organisations s'occupant d'intégration et les autorités fédérales.

En tant qu'organe consultatif du Conseil fédéral, la CFE s'occupe également de questions générales relatives aux étrangers et en particulier de l'intégration sociale de la population étrangère et de la coordination des mesures correspondantes. Elle travaille avec toutes les autorités et organisations concernées ainsi qu'avec les représentants de la population étrangère. A noter que dans de nombreux cantons et grandes villes, l'encouragement de l'intégration se fait surtout en collaboration avec les services d'aide aux étrangers, qui sont devenus les principaux acteurs du travail d'intégration. Il s'agit d'organisations et d'institutions de droit privé ou public, qui 113

Cf. message concernant la loi sur les étrangers, ch. 204; FF 1978 II 165

3560

se sont fixé pour objectif de soutenir l'intégration des étrangers de manière générale (p. ex. par des activités de coordination, d'information et de formation). Les services d'aide aux étrangers sont financés par les autorités cantonales et communales et diverses institutions; l'OFE a conclu des contrats de prestations avec plusieurs de ces services dans le cadre de l'encouragement à l'intégration (art. 25a LSEE).

En rapport avec l'encouragement de l'intégration par des subventions fédérales, la CFE assume par ailleurs d'autres tâches (al. 4). Elle prend position sur les demandes de subvention et la conclusion d'accords de prestations et est habilitée à proposer le versement de subventions ou l'attribution de mandats à l'OFE. C'est l'OFE ou le DFJP qui décide de l'attribution des subventions dans les limites du budget.

2.8

Documents de voyage

Art. 58 Les étrangers sans pièces de légitimation et les apatrides qui séjournent légalement en Suisse mais qui ne possèdent plus de documents de voyage valables doivent pouvoir, comme à présent, obtenir à certaines conditions des documents de voyage.

L'étranger est considéré comme sans papiers s'il ne possède pas de documents de voyage valables de son pays d'origine et que l'on ne peut raisonnablement exiger de lui qu'il fasse le nécessaire auprès des autorités de son pays d'origine pour en obtenir ou les prolonger.

Les réfugiés reconnus et les apatrides peuvent déjà recevoir des documents de voyage sur la base des conventions de droit public114. Le projet de loi étend ce droit aux personnes sans papiers qui disposent d'une autorisation d'établissement.

Les autres conditions pour l'établissement de ces papiers de voyage sont réglées dans l'ordonnance sur la remise de documents de voyage à des étrangers (ODV)115.

Les personnes qui ont violé gravement ou de manière répétée l'ordre public ou qui ont mis en danger la sûreté intérieure ou extérieure de notre pays n'y ont pas droit.

Cette exclusion est compatible aussi bien avec la Convention relative au statut des réfugiés qu'avec celle relative au statut des apatrides.

Afin de réaliser l'égalité de traitement entre les réfugiés qui séjournent légalement dans notre pays et nos propres ressortissants et d'uniformiser les documents de voyage établis par la Confédération, les documents de voyage établis pour les étrangers devront désormais aussi pouvoir être lus par un procédé automatique.

L'OFE restera comme jusqu'à présent responsable de leur établissement mais la fabrication sera désormais déléguée à des tiers. Il s'agira probablement, comme c'est le cas pour le nouveau passeport suisse, de l'Office fédéral des constructions et de la logistique.

114

Art. 28 de la Convention relative au statut des réfugiés; RS 0.142.30 et art. 28 de la Convention relative au statut des apatrides; RS 0142.40 115 RS 143.5

3561

2.9

Fin du séjour

2.9.1

Aide au retour et à la réintégration

Art. 59 But de l'aide au retour et à la réintégration L'exécution du renvoi relève de la compétence des autorités cantonales de police.

Les cantons supportent les coûts qu'elle engendre à moins qu'elle concerne d'anciens requérants d'asile ou des personnes précédemment admises à titre provisoire.

L'exécution des renvois constitue un élément important d'une politique migratoire crédible; c'est pourquoi la Confédération aide les cantons à s'acquitter de leur tâche dans le domaine des étrangers (art. 70). A cette fin, on a créé une division «Rapatriements» à l'ODR. Elle prépare les renvois et les met en oeuvre, du point de vue de la logistique et de l'organisation, sur mandat des cantons. La Confédération prend à sa charge les coûts de cette prestation, qui concernent pour moitié environ le domaine des étrangers.

Contrairement à ce qui se fait dans le domaine de l'asile, la Confédération n'a pas, à ce jour, la possibilité d'inciter, dans le domaine des étrangers, des personnes frappées d'une décision de renvoi à quitter volontairement la Suisse en leur proposant une aide au retour. De ce fait, il se pourrait qu'à l'avenir, lors de guerres ou de situations de violence généralisée (al. 2, let. a), des personnes relevant du domaine des étrangers présentent une demande d'asile afin de bénéficier de cette aide.

L'exécution sous contrainte des renvois est nettement plus onéreuse que le départ volontaire de personnes soutenues par une aide au retour et à la réintégration. Elle entraîne souvent des coûts élevés dus à la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, à l'obtention des documents de voyage, aux vols charters et à l'escorte policière. Les difficultés techniques rencontrées lors de l'exécution des renvois se sont généralement accrues au cours des dernières années; de ce fait, les autorités compétentes se trouvent confrontées à des problèmes toujours plus grands.

Bénéficiaires Seuls les groupes mentionnés à l'al. 2 reçoivent l'aide au retour. Par analogie à l'octroi de la protection provisoire selon l'art. 4 LAsi, il s'agit de personnes qui ont quitté leur pays d'origine ou de provenance pour se rendre en Suisse, en raison d'une menace grave. La disposition de l'al. 2, let. a, tient compte notamment des campagnes humanitaires menées par la Suisse en faveur de la Bosnie-Herzégovine et du
Kosovo. Dans ces cas, une décision du Conseil fédéral a mis sur le même pied, pour ce qui est de l'aide au retour, les personnes relevant du domaine des étrangers et celles relevant du domaine de l'asile. Ce dernier s'en trouvait déchargé car on évitait ainsi les frais de procédure et d'assistance qu'entraînent les demandes d'asile.

La règle que prévoit le projet de loi crée une base juridique claire pour une politique adéquate du séjour et du retour dans le cas d'événements futurs qui prendraient les mêmes proportions.

Les victimes de la traite d'êtres humains ou les personnes particulièrement menacées d'exploitation du fait de leur activité (voir commentaire de l'art. 30, al. 1, let. d et e) doivent également pouvoir recevoir une aide au retour, à condition qu'elles soient démunies et qu'elles aient effectivement besoin d'une aide particulière du fait de 3562

leur situation personnelle. L'instrument que constitue l'aide au retour peut être un moyen propre à rendre les intéressés mieux à même de collaborer avec les autorités dans la lutte contre le crime organisé, notamment contre la traite d'êtres humains.

Prestations de l'aide au retour et à la réintégration Les aides mentionnées à l'al. 3 correspondent intégralement aux mesures qu'énonce l'art. 93 LAsi, lesquelles ont fait leurs preuves depuis 1995. Le Groupe directeur interdépartemental d'aide au retour, fondé en 1999, met au point et réalise des projets, conformément à la let. b, dans les Etats d'origine ou de provenance des intéressés, voire dans des Etats tiers, afin de garantir la cohérence entre l'aide humanitaire et la coopération au développement, d'une part, et la politique de retour et d'exécution, d'autre part.

Le Conseil fédéral fixera les conditions et définira la procédure de versement ou de décompte des contributions dans le cadre d'une ordonnance (al. 4), par analogie avec les dispositions du chapitre 6 de l'ordonnance 2 sur l'asile du 11 août 1999 relative au financement116.

2.9.2 Art. 60

Extinction et révocation des autorisations Extinction des autorisations

Cette disposition reprend pour l'essentiel le droit en vigueur. Par rapport à l'actuel art. 9, al. 1, LSEE, elle précise que l'autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement ne prend fin qu'en cas de déclaration de départ à l'étranger. Si la déclaration de départ a lieu en prévision d'un changement de canton, l'autorisation ne prend fin que lorsque la nouvelle autorisation est délivrée par l'autre canton.

De plus, le sort de l'autorisation est réglé plus clairement dans le projet lorsque l'étranger met effectivement fin à son séjour en Suisse sans le déclarer. L'étranger titulaire d'une autorisation de courte durée ou de séjour peut en effet quitter la Suisse pendant trois ou six mois sans déclarer son départ et sans que son autorisation prenne fin. Aujourd'hui, cette possibilité n'est prévue par la loi que pour l'autorisation d'établissement. Par ailleurs, il doit être possible à l'étranger titulaire de l'autorisation d'établissement de la conserver, à sa demande, pendant une période de trois ans (actuellement deux ans).

Cette réglementation vise notamment à encourager la mobilité et le perfectionnement professionnels à l'échelle internationale. En outre, elle permettra à l'étranger de tenter une réintégration dans son pays d'origine ou de provenance sans craindre de perdre son droit de séjour en Suisse.

Le Conseil fédéral peut d'autre part faciliter la réadmission des étrangers dont l'autorisation a pris fin (art. 30, al. 1, let. h). Cette possibilité correspond à l'actuel art. 13, let. i, OLE qui prévoit une assurance d'obtenir une nouvelle autorisation de séjour pour les étrangers qui ont séjourné provisoirement à l'étranger à des fins de perfectionnement professionnel ou pour le compte d'un employeur suisse. De plus, l'étranger qui a séjourné durant une longue période en Suisse et qui désire y revenir

116

RS 142.312

3563

peut obtenir une autorisation si sa situation est un cas individuel d'une extrême gravité, au sens de l'art. 30, al. 1, let. b (actuellement, art. 13, let. f, OLE).

L'expérience montre que les prestations de la caisse de pension (2e pilier) versées de manière anticipée lors du départ présentent des problèmes. Dans la décision de maintien de l'autorisation d'établissement, les personnes concernées peuvent être tenues par écrit de reverser ces prestations en cas de réadmission pour garantir la continuation de la protection d'assurance.

Art. 61

Révocation des décisions

Voir commentaires sous ch. 1.3.10.

La révocation concerne notamment l'autorisation de courte durée ou de séjour, le visa et l'assurance d'obtenir une autorisation.

L'étranger ainsi que les tiers participant à une procédure découlant de la nouvelle loi seront tenus de collaborer à la constatation des faits déterminants et de fournir des indications exactes (obligation de collaborer; art. 85). Si ce devoir est enfreint et qu'une décision soit rendue sur la base de fausses indications, elle doit être révoquée, conformément à un principe général de droit administratif (let. a). Cela est aussi valable par exemple si des documents faux ou falsifiés sont déposés avec la demande.

La révocation doit en particulier être possible lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine privative de liberté (let. b). Il s'agit toutefois de respecter le principe de la proportionnalité dans les cas particuliers (art. 91). Si la peine privative de liberté était de très courte durée, on peut ainsi en règle générale renoncer à la révocation.

La «sécurité et l'ordre publics» (let. c) constituent le terme générique des biens juridiquement protégés: l'ordre public comprend l'ensemble des représentations non écrites de l'ordre, dont le respect doit être considéré selon l'opinion sociale et ethnique dominante comme une condition inéluctable d'une cohabitation humaine ordonnée. La sécurité publique signifie l'inviolabilité de l'ordre juridique objectif, des biens juridiques des individus (vie, santé, liberté, propriété, etc.) ainsi que des institutions de l'Etat.

Il y a ainsi violation de la sécurité et de l'ordre publics notamment en cas de violation importante ou répétée de prescriptions légales ou de décisions d'autorités et en cas de non-accomplissement d'obligations de droit public ou privé. C'est aussi le cas lorsque les actes individuels ne justifient pas en eux-mêmes une révocation mais que leur répétition montre que la personne concernée n'est pas prête à se conformer à l'ordre en vigueur.

Pour ce qui est de la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse en tant que motif de la révocation, veuillez vous référer aux observations au ch. 1.3.10 et au commentaire de l'art. 67.

Un comportement punissable peut entraîner la révocation de l'autorisation accordée à une personne, indépendamment
de sa condamnation par un tribunal, pour autant qu'il soit incontesté ou que le dossier ne laisse planer aucun doute sur le fait qu'il est bien imputable à la personne concernée.

Les autorisations doivent aussi pouvoir être révoquées lorsque les personnes concernées ont dû être largement à la charge de l'aide sociale (al. 1, let. e). Dans un tel 3564

cas également, la décision de révoquer l'autorisation et de renvoyer l'étranger doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 91).

Pour empêcher une nouvelle entrée en Suisse des personnes concernées, l'autorité compétente peut, après la fin de la procédure de révocation et de renvoi, demander à l'OFE de prendre une décision d'interdiction d'entrée (art. 66).

Art. 62

Révocation de l'autorisation d'établissement

Dans l'intérêt d'une simplification systématique, la révocation de l'autorisation d'établissement, qui n'est actuellement pas possible, remplacera l'expulsion selon l'art. 10 LSEE, qui n'est plus appliquée dans la pratique actuelle qu'aux titulaires d'une autorisation d'établissement, alors qu'on ne prolonge pas ou qu'on révoque les autorisations de séjour (art. 9, al. 2, LSEE). Or, quelques-unes des personnes consultées ont critiqué cette différence entretenue au niveau de la réglementation, qui a régulièrement donné lieu à des malentendus.

L'expulsion actuelle de personnes établies (art. 10 LSEE) comporte en même temps leur renvoi de Suisse et une interdiction d'y revenir (art. 11, al. 4, LSEE). En plus de la révocation de l'autorisation d'établissement, il s'agira donc ­ comme pour la révocation de l'autorisation de séjour ­ d'ordonner de surcroît le renvoi de Suisse (art. 65) et, le cas échéant, de prononcer l'interdiction d'entrée (art. 66).

Par analogie avec la pratique suivie actuellement en matière d'expulsion de personnes établies (art. 10 LSEE), les conditions de la révocation de l'autorisation d'établissement seront moins sévères que dans le cas de l'autorisation de séjour (art. 61). L'idée est de tenir compte du fait que les étrangers établis séjournent en Suisse depuis plus longtemps et qu'ils ont ainsi des liens plus étroits avec la Suisse.

La révocation sera notamment possible pour les étrangers qui ont été condamnés à une longue peine privative de liberté ou qui ont fait l'objet d'une mesure pénale (let.

b). Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, une expulsion est possible lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine privative de liberté de deux ans ou plus ou qu'une mesure pénale a été prononcée à son encontre (ATF 125 II 521).

Il peut aussi exister un motif de révocation lorsqu'une personne a violé de manière répétée, grave et sans scrupule la sécurité et l'ordre publics par des comportements relevant du droit pénal et montre ainsi qu'elle n'a ni la volonté ni la capacité de respecter à l'avenir le droit. Dans de tels cas, il existe un intérêt public majeur à éloigner et à tenir éloignées des personnes titulaires d'une autorisation d'établissement.

Des commentaires des notions de «sécurité et ordre publics» et de «sécurité intérieure ou extérieure
de la Suisse» figurent parmi les observations relatives aux art. 61 et 67.

La révocation d'une autorisation d'établissement restera aussi possible ­ comme aujourd'hui l'expulsion ­ en cas de dépendance durable et importante vis-à-vis de l'aide sociale. Il faut ici se baser sur la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, selon laquelle une expulsion de personnes établies est possible lorsqu'une personne a reçu des prestations financières élevées d'aide sociale et qu'on ne peut s'attendre, en raison de son comportement, qu'elle pourvoira à l'avenir elle-même à son entretien (ATF 123 II 529 ss). Une dépendance non fautive vis-à-vis de l'aide sociale peut devenir sérieusement problématique par exemple dans le cas de mères élevant seules leurs enfants. C'est pourquoi les autorités doivent continuer à procéder à un 3565

examen attentif des cas particuliers (art. 91). Aujourd'hui, elles font déjà preuve de beaucoup de retenue dans l'application des expulsions pour dépendance vis-à-vis de l'aide sociale.

Dans sa jurisprudence relative à l'art. 10, al. 1, LSEE, le Tribunal fédéral part de l'idée qu'une mesure d'éloignement peut en principe être licite aussi pour les étrangers ayant séjourné longtemps en Suisse et pour les étrangers de la deuxième génération (personnes nées en Suisse) (ATF 122 II 433 ss). Dans ces cas, il existe un intérêt public essentiel à une telle mesure en cas d'infraction grave, en particulier de délit violent, de délit sexuel ou de grave délit en matière de stupéfiants, et à plus forte raison en cas de récidive ou de multirécidive. Sous l'angle de la durée du séjour ainsi que des inconvénients personnels et familiaux qu'entraîne la révocation de l'autorisation d'établissement suivie du renvoi, il paraît toutefois indiqué de ne faire usage qu'avec retenue de cette possibilité, notamment à l'encontre de personnes qui ont grandi en Suisse.

Selon l'al. 2, la révocation de l'autorisation d'établissement en cas de dépendance durable et importante vis-à-vis de l'aide sociale sera exclue si la personne concernée séjourne en Suisse de manière ininterrompue depuis plus de quinze ans. On tient compte ainsi du degré élevé d'intégration; la révocation serait alors disproportionnée.

2.9.3 Art. 63

Mesures d'éloignement Renvoi informel

Si les autorités compétentes décident de renvoyer l'étranger parce qu'il ne remplit plus les conditions d'entrée de l'art. 3 durant son séjour non soumis à autorisation (art. 8) ou parce qu'une autorisation est requise mais qu'il n'en possède pas (séjour illégal), elles peuvent le faire au terme d'une procédure simplifiée. Un renvoi informel peut être prononcé oralement; il est toutefois prévu de créer une formule et un aide-mémoire à cette fin, lesquels comporteront les informations les plus importantes.

Une décision susceptible de recours n'est rendue que sur demande expresse comme dans la procédure pour les visas (art. 4, al. 2), le refus d'entrée à la frontière (art. 6, al. 2) ou le renvoi à l'aéroport (art. 64, al. 2). Un recours est possible contre cette décision, mais il n'a pas d'effet suspensif. L'autorité de recours doit statuer dans un délai de dix jours sur toute demande de restitution de l'effet suspensif.

Lorsque la protection de la sécurité et de l'ordre publics exige d'agir rapidement, la décision de renvoi est exécutoire immédiatement et peut être mise en oeuvre sur l'heure conformément à l'art. 68, al. 1, let. b. Cela signifie que l'issue d'une éventuelle procédure de recours doit alors être attendue à l'étranger. Cela s'applique par exemple aux «hooligans» lorsque leur comportement présente manifestement un danger.

Les autorités doivent s'assurer que l'exécution du renvoi est possible, licite et exigible. Si tel n'est pas le cas, l'ODR statue, à la requête de l'autorité cantonale, sur l'octroi de l'admission provisoire (art. 78).

3566

Art. 64

Renvoi à l'aéroport

Contrôle frontière à l'aéroport Une fois que l'avion a atterri, les passagers se trouvent en Suisse car la zone de transit fait partie du territoire national. Si l'entrée est refusée au moment de quitter la zone de transit (après le contrôle frontière) parce que les conditions d'entrée ne sont pas remplies (art. 3), la personne concernée doit quitter immédiatement la Suisse, c'est-à-dire la zone de transit. La procédure de refus d'entrée pour les autres passages de la frontière (avant tout les routes; art. 5) est en principe également valable pour refuser l'entrée à l'aéroport.

Le renvoi à l'aéroport a lieu après une procédure simplifiée comme celle applicable à la frontière ou en cas d'arrestation après un séjour illégal en Suisse (art. 6 et art. 63). Les personnes renvoyées ont ici aussi la possibilité d'exiger une décision susceptible de recours lorsqu'elles ne sont pas d'accord avec leur renvoi. Pour pouvoir faire valoir ce droit, la personne renvoyée doit être rendue attentive, dans une langue qu'elle comprend, aux conséquences du renvoi informel et à la possibilité d'obtenir une décision formelle, par exemple par une feuille d'information.

Sur demande expresse et immédiate de la personne renvoyée, l'OFE rendra, dans les 48 heures, une décision formelle (jusqu'ici, le renvoi était toujours informel ­ art. 17, al. 1, LSEE ­ mais il y avait la possibilité de présenter depuis l'étranger une demande formelle d'autorisation d'entrée en Suisse). Si une décision formelle est demandée, aucune mesure d'exécution ne peut être entreprise avant une décision exécutoire de renvoi.

A l'inverse des autres passages de la frontière, le refus de l'entrée à l'aéroport rend nécessaire un renvoi de Suisse (c'est-à-dire de la zone de transit). Par conséquent, l'OFE doit rendre une décision rapidement.

La personne concernée a la possibilité de recourir dans les 48 heures lorsqu'elle estime que l'entrée lui a été refusée à tort ou que l'exécution du renvoi est impossible, illicite ou inexigible.

Le Service des recours du DFJP doit prendre une décision définitive dans les 72 heures sur l'exécution du renvoi. La personne concernée ne peut être renvoyée avant que cette décision n'ait été prise. Par contre, elle doit attendre à l'étranger la décision quant au refus de l'entrée (c'est-à-dire si les conditions d'entrée
sont remplies), comme c'est le cas lors du refoulement à un autre poste frontière.

Séjour dans la zone de transit Le renvoi immédiat dans un Etat voisin est impossible dans un aéroport. La personne refoulée peut donc séjourner de manière temporaire dans la zone de transit de l'aéroport.

Le séjour de quinze jours au plus prévu dans la zone de transit ne peut pas être considéré comme une privation de liberté au sens de l'art. 31 Cst. et de l'art. 5 CEDH.

Une procédure particulière pour l'assignation dans la zone de transit en tant que lieu de séjour (comme dans le domaine de l'asile) n'est pas nécessaire dans la mesure où la poursuite du voyage est en principe en tout temps juridiquement et effectivement possible ­ contrairement à la réglementation en vigueur pour les requérants d'asile.

En outre, une demande d'asile peut être déposée et l'attention peut être attirée sur les obstacles au renvoi dans le cadre de la procédure de recours.

3567

Par ailleurs, la personne renvoyée se trouvant dans la zone de transit a la possibilité de prendre contact avec un mandataire et de se faire conseiller. L'encadrement médical est également assuré.

L'exécution du renvoi ou la mise en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 73 ou 74) doivent impérativement intervenir dans le délai de séjour de quinze jours dans la zone de transit. A défaut, il s'agit d'autoriser l'entrée en Suisse.

Relation avec la procédure à l'aéroport dans le droit sur l'asile Lorsque la personne concernée laisse entendre aux autorités qu'elle demande à la Suisse de la protéger contre des persécutions, l'examen de cette demande d'asile (art. 18 LAsi) prend le pas sur la procédure à l'aéroport du droit en matière d'étrangers. Les dispositions des art. 22 et 23 LAsi sont alors applicables (procédure à l'aéroport dans le droit en matière d'asile).

La personne qui entend demander à un Etat de la protéger contre des persécutions est censée le faire le plus tôt possible. Si elle se décide à le faire seulement après avoir échoué dans sa demande d'entrée en Suisse relevant du droit en matière d'étrangers, elle se perd sa crédibilité car elle tente probablement d'empêcher l'exécution imminente d'un renvoi (art. 23, al. 3, LAsi).

Art. 65

Renvoi ordinaire

Pour les étrangers qui ont possédé une autorisation ou qui en ont demandé une de manière formelle, il faut par contre une décision formelle de renvoi.

Le projet ne reprend pas la compétence de l'OFE de transformer l'ordre de quitter un canton en ordre de quitter la Suisse (art. 12, al. 3, LSEE). L'expérience a montré que l'étranger renvoyé d'un canton n'obtient pas, en règle générale, d'autorisation d'un autre canton. En outre, l'étranger a toujours la possibilité de faire une nouvelle demande après son renvoi. Il est donc justifié que les autorités cantonales procèdent directement, dans tous les cas, au renvoi de Suisse. Il n'est pas nécessaire d'obtenir une décision des autorités fédérales, qui ne ferait qu'alourdir la procédure.

Comme pour le renvoi informel (art. 63), il faut toujours examiner si l'exécution du renvoi est possible, licite et exigible. Si tel n'est pas le cas, l'ODR se prononce, à la demande de l'autorité cantonale, sur l'octroi de l'admission provisoire (art. 78).

Art. 66

Interdiction d'entrée

Voir également le ch. 1.3.10 L'interdiction d'entrée en Suisse, prévue actuellement par l'art. 13 LSEE, permet d'empêcher l'entrée ou le retour en Suisse d'un étranger dont le séjour en Suisse est indésirable. Elle vise à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics et non à sanctionner un comportement déterminé. Il ne s'agit donc pas d'une peine, mais d'une mesure. Une définition de la notion de «sécurité et ordre publics» se trouve dans le commentaire de l'art. 61.

Cette mesure administrative sera cependant aussi prononcée lorsque l'étranger aura violé les prescriptions du droit en matière d'étrangers ou lorsque y aura un risque que son retour occasionne à nouveau des frais d'assistance ou de voyage de retour dans son pays. Il sera possible de prononcer l'interdiction d'entrée à titre préventif si une personne a commis des délits à l'étranger et qu'il existe un rapport sur ce point

3568

avec la Suisse. Une interdiction d'entrée pourra également être décidée lorsque l'étranger aura été renvoyé ou expulsé ou mis en détention en phase préparatoire ou bien en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 68 et 72 à 74). Il en sera ainsi même lorsque la détention n'aura pas été contrôlée par un juge.

Pour sauvegarder la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, l'Office fédéral de la police peut aussi prononcer des mesures d'interdiction d'entrée (al. 2; voir également le commentaire de l'art. 67).

Si des raisons majeures le justifient, l'interdiction d'entrée peut être levée provisoirement ou définitivement. Tel sera le cas notamment si l'étranger est cité à comparaître en justice ou si un membre de sa famille vient à décéder. La décision à prendre à ce sujet doit tenir compte de l'intérêt public à un éloignement de l'étranger dans le cas d'espèce.

Art. 67

Expulsion

Sous la notion de mise en danger de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, on entend en particulier, selon la jurisprudence du Conseil fédéral relative à l'art. 70 aCst., la mise en danger de la primauté du pouvoir étatique dans les domaines militaire et politique. Il s'agit par exemple de la mise en danger par des actes de terrorisme ou d'extrémisme violent, par une activité de renseignements interdits, par la criminalité organisée ou par des actes et projets mettant sérieusement en danger les relations actuelles de la Suisse avec d'autres États ou cherchant à modifier par la violence l'ordre étatique établi. Dans de tels cas, la collectivité a en principe un intérêt notable et légitime à éloigner les étrangers concernés.

Cette expulsion est décidée par l'autorité de police compétente de la Confédération.

Dans des cas politiquement très importants, le Conseil fédéral peut toujours ordonner une expulsion directement sur la base de l'art. 121, al. 2, Cst. (art. 70 aCst.), qui n'est susceptible d'aucun recours (voir commentaire au ch. 1.3.10).

Il est aussi possible d'expulser des personnes qui se trouvent à l'étranger au moment de la décision.

2.9.4 Art. 68

Exécution du renvoi ou de l'expulsion Décision d'exécution du renvoi ou de l'expulsion

La réglementation actuelle de l'art. 14 LSEE est reprise ici. L'al. 2 du projet précise toutefois que la personne concernée n'a pas un droit absolu à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion dans le pays de son choix.

Selon l'art. 25 Cst., les étrangers ne peuvent être refoulés sur le territoire d'un Etat dans lequel ils risquent la torture ou tout autre traitement ou peine cruels ou inhumains. Les autorités sont ainsi liées au principe du non-refoulement.

Dans certains cas, l'exécution de cette décision peut rendre nécessaire la mise en oeuvre de mesures de contrainte policières. Leur décision est prise selon les prescriptions cantonales. Il s'agit toutefois de respecter le principe de la proportionnalité.

Une simplification des moyens de contrainte policiers applicables en cas de refoulement par la voie aérienne est examinée dans le cadre d'un groupe de travail 3569

comprenant des représentants de la Confédération et des cantons «Passager 2». Ses propositions pourront éventuellement être reprises plus tard dans la nouvelle loi sur les étrangers.

Art. 69

Perquisition

Cet article correspond à la réglementation actuelle contenue dans l'art. 14, al. 2 et 3, LSEE.

Art. 70

Assistance de la Confédération aux autorités d'exécution

L'actuel art. 22a LSEE a été repris ici.

Bien des cantons ainsi que l'Association des chefs de police cantonale des étrangers réclament une participation financière accrue de la Confédération aux frais de renvoi des étrangers entrés illégalement en Suisse, comme c'est déjà le cas actuellement dans le domaine de l'asile.

Un tel engagement financier de la Confédération dans un domaine relevant de la responsabilité des cantons irait à l'encontre des efforts visant à une claire répartition des tâches entre les divers niveaux de l'Etat. Les tâches d'exécution des autorités compétentes en matière d'étrangers, à l'exception du domaine de l'asile, incombent aux polices cantonales. La nouvelle péréquation financière tente d'empêcher de telles attributions parallèles et le danger, qui leur est lié, d'un mélange de compétences.

En outre, la Confédération s'est aussi engagée financièrement en faveur des cantons en dehors du domaine de l'asile, par le financement des institutions de détention utilisées pour l'exécution des mesures de contrainte.

L'idée émise parfois qu'il appartient dans tous les cas à la Confédération d'obtenir les documents de voyage n'est pas raisonnable (let. a). Dans les cas ne présentant pas de problèmes, il est nettement plus simple que l'autorité cantonale se procure elle-même ces documents. La Confédération intervient lorsque des difficultés particulières surgissent.

2.9.5

Mesures de contrainte

Voir également les remarques sous ch. 1.3.13.

Art. 71

Assignation d'un lieu de séjour et interdiction de pénétrer dans une région déterminée

Cette disposition reprend l'actuel art. 13e LSEE.

Art. 72

Détention en phase préparatoire

Cette disposition reprend pour l'essentiel l'actuel art. 13a LSEE.

L'al. 1, let. d (correspondant à l'art. 13a, let. d, LSEE) a été reformulé, car les autorisations d'établissement pourront désormais être révoquées (art. 62) et l'expulsion

3570

ne sera plus ordonnée que par les autorités fédérales. En outre, l'expulsion pénale doit être supprimée par la révision partielle du code pénal actuellement en cours117 .

Un nouveau motif de détention en phase préparatoire a été introduit à l'al. 1, let. e.

Cette adjonction trouve son origine dans l'initiative parlementaire Hess Hans (00.420) du 30 avril 2001. Dans son avis du 30 mai 2001, le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur de cette proposition qui a été adoptée le 12 juin 2001 par le Conseil des Etats, mais qui n'a pas encore été traitée par le Conseil national compte tenu du présent message.

La nouvelle disposition tient compte du fait qu'il y a d'autres violations graves de l'obligation de collaborer, non mentionnées à l'art. 13a LSEE, qui nécessitent une détention en phase préparatoire pour garantir l'exécution du renvoi (FF 1994 I 301).

Deux arrêts du Tribunal fédéral du 27 avril 2000 sont à la base de l'introduction d'un nouveau motif de détention. Ces arrêts considèrent en particulier qu'il appartient au législateur d'agir s'il y a un besoin de coordination entre les motifs de détention en phase préparatoire et le motif de non-entrée en matière dans le cas du dépôt tardif abusif d'une demande d'asile (art. 33 LAsi).

Les étrangers pourront être placés en détention en phase préparatoire lorsqu'ils auront déposé une demande d'asile après un assez long séjour illégal en Suisse dans le but manifeste d'empêcher un renvoi imminent. Ce comportement recèle également un danger de fuite déjà avant une décision de renvoi. Le nouveau motif de détention en phase préparatoire sert ainsi exclusivement à garantir une procédure d'expulsion en cours au sens de l'art. 5 CEDH.

Cette réglementation ne concerne pas les personnes qui entendent effectivement demander l'asile ou protection à la Suisse. L'autorité ordonnant la détention a l'obligation d'examiner s'il existe des motifs excusables qui justifient le dépôt tardif de la demande d'asile. Dans ce cas, une détention ne peut pas être ordonnée sur la base de ce nouveau motif de détention. La demande d'asile n'est pas tardive par exemple lorsqu'un contrôle policier intervient immédiatement après l'entrée illégale en Suisse ou dans la zone proche de la frontière, lorsqu'un centre d'enregistrement est provisoirement fermé, lorsqu'une personne malade se soigne d'abord chez des proches avant de déposer sa demande d'asile ou lorsque la personne concernée est manifestement traumatisée.

Art. 73

Détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion

Cet article correspond pour l'essentiel à l'art. 13b LSEE. L'al. 1, let. b, ch. 2 et 3, définit plus précisément les motifs de détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion mentionnés actuellement à l'art. 13b, al. 1, let c, LSEE (défaut de collaboration avec les autorités, danger de fuite). L'article énumère les faits pouvant amener l'autorité à ordonner l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, étant donné qu'on peut en déduire que les personnes concernées ont l'intention de s'y soustraire (tromper les autorités sur l'identité, dissimuler des documents de voyage, enfreindre l'obligation de collaborer).

Sans indications sur l'identité et la provenance de l'étranger, un renvoi ou une expulsion ne peut pas être exécuté; cette circonstance est également connue des personnes concernées. Le fait de se taire sur ces indications constitue ainsi une infrac117

FF 1999 III 1908

3571

tion essentielle au devoir de collaborer, pouvant entraîner la mise en détention en vue du refoulement selon l'al. 1, let. b, ch. 3. Le Tribunal fédéral a jusqu'ici considéré qu'un tel comportement passif ne constituait pas, à lui seul, un motif suffisant de mise en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion sur la base de la teneur actuelle de la loi (ATF 122 II 49).

Art. 74

Détention en vue du renvoi ou de l'expulsion en cas de non-collaboration à l'obtention des documents de voyage

Cette possibilité supplémentaire de mise en détention est censée empêcher que des personnes disparaissent une fois que les autorités compétentes se sont procuré leurs documents de voyage. L'expérience montre que cette situation est relativement fréquente. Une mise en détention doit ici cependant n'être possible qu'à certaines conditions clairement définies et que pour une durée limitée.

Cette détention n'est pas fondée, comme à l'art. 72, sur une décision de renvoi ou d'expulsion de première instance mais sur une décision entrée en force et exécutoire.

En outre il faut que deux critères soient remplis: le délai de départ doit être écoulé et les autorités doivent déjà s'être procuré les documents de voyage. Aucun autre comportement subjectif que le non-respect du délai de départ n'est cependant exigé.

Comme, dans ce cas, les documents de voyage sont déjà disponibles au moment de la mise en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, l'autorité compétente n'a plus qu'à organiser le voyage de retour. En règle générale, les Etats d'origine ou de provenance établissent des documents de remplacement, appelés «laissez-passer», pour leurs ressortissants qui ne parviennent pas à prouver suffisamment leur identité.

Ces documents ne sont souvent valables que pour une durée limitée. Une durée maximale de 20 jours de détention est ainsi suffisante.

Si le renvoi d'une personne mise en détention selon cette disposition ne peut pas être exécuté dans le délai de 20 jours, il est possible de la placer en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion selon l'art. 73 pour autant qu'il existe un motif correspondant.

Cette détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, particulière et courte, peut être ordonnée indépendamment de la détention ordinaire en vue du renvoi ou de l'expulsion et la durée maximale de neuf mois de cette dernière ne doit ainsi pas être prise en considération. Il doit en principe être possible d'ordonner encore une détention en vue du renvoi ou de l'expulsion selon cet art. après une détention ordinaire de neuf mois en vue du renvoi ou de l'expulsion lorsque les documents de voyage sont disponibles, car il existe alors un nouvel état de fait et, partant, un nouveau motif de détention. Il est vrai cependant que, dans la pratique, le délai de neuf mois est rarement utilisé complètement (voir également le ch. 1.3.13.2).

Art. 75

Décision et examen de la détention

Les al. 1 et 2 correspondent largement à la réglementation actuelle de l'art. 13c LSEE. L'al. 2 est complété par la disposition selon laquelle, dans le cas de la détention ordonnée en vertu de l'art. 74, le détenu ne comparaît en raison de la courte durée de la détention et de la clarté des motifs de détention, l'autorité statuant sur la légalité de la détention sur la base du dossier. Toutefois, en cas de mise en détention, l'étranger doit se voir accorder le droit d'être entendu même dans ce cas et il doit être informé sur la procédure écrite d'examen de la détention.

3572

Dans la pratique, il s'avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d'une détention du droit en matière d'étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C'est pour cette raison que l'al. 3 prévoit nouvellement que l'autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit.

Cependant, il faut lui accorder le droit d'être entendue. Dans ces cas, l'examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier.

S'il s'avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit alors avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti.

Art. 76

Conditions de détention

Le contenu de cet article correspond à la réglementation actuelle de l'art. 13d LSEE.

Durant la procédure de consultation, certains ont demandé que les personnes détenues bénéficient toujours d'une assistance judiciaire gratuite. Or d'après la jurisprudence établie, il n'existe pas un droit absolu à une assistance judiciaire gratuite. Ce droit n'existe que lorsque la partie est dans le besoin, que la procédure n'est pas d'emblée vouée à l'échec et que l'assistance judiciaire s'avère nécessaire118. Cela doit être examiné au cas par cas; selon les arrêts du Tribunal fédéral, la question d'une assistance judiciaire ne se pose en règle générale en matière de mesures de contrainte que s'il s'agit de statuer sur la prolongation d'une détention en vue du renvoi ou de l'expulsion.

Art. 77

Financement par la Confédération

Cette disposition reprend pour l'essentiel la réglementation actuelle de l'art. 14e LSEE. Cependant, il n'est plus nécessaire de prévoir l'aide initiale de la Confédération pour la création et l'aménagement d'établissements cantonaux de détention.

Depuis l'introduction des mesures de contrainte en 1995, 290 places dans des établissements de détention ont été mis sur pied. Les subventions fédérales s'élèvent à 51 millions de francs; quelques projets ne sont pas encore terminés.

2.10

Admission provisoire

Dans le cadre du projet de révision partielle de la LAsi, des modifications fondamentales sont proposées dans le domaine de l'admission provisoire. En raison du lien étroit de ce domaine avec celui de l'asile, ces propositions n'ont pas été intégrées au présent projet de loi (voir également ch. 1.3.2).

Art. 78

Décision de l'admission provisoire

Le contenu de cette disposition reprend la réglementation actuelle de l'art. 14a LSEE. Les modifications apportées sont d'ordre systématique et linguistique.

118

Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, 1996, no 240

3573

Art. 79

Fin de l'admission provisoire

Le contenu de cette disposition reprend la réglementation actuelle de l'art. 14b LSEE. Les modifications apportées sont d'ordre systématique et linguistique.

Art. 80

Réglementation de l'admission provisoire

Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions plus sévères pour régler l'admission provisoire lorsque cette mesure a dû être prononcée en raison du comportement de l'étranger (par exemple défaut de collaboration pour se procurer des papiers, résistance à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion). Dans ces cas, il conviendra notamment de limiter le choix du lieu de séjour et l'activité lucrative (al. 7).

En vertu de l'art. 30, al. 1, let. i, le Conseil fédéral peut réglementer l'activité lucrative en dérogation aux prescriptions générales d'admission. Pour le reste, les règles de l'art. 14c LSEE ont été reprises pour l'essentiel sans modifications.

Art. 81

Aide sociale

Cette disposition reprend en principe la réglementation actuelle de l'art. 14c LSEE.

Le projet soumis à la procédure de consultation prévoyait, pour les personnes ayant été admises provisoirement en raison de leur comportement, une limitation des prestations de l'aide sociale au minimum vital garanti par la Constitution. Cette proposition était liée aux travaux préliminaires en vue de la révision partielle de la LAsi, concernant la réduction au strict minimum des prestations de l'aide sociale pour les personnes relevant du domaine de l'asile qui s'opposent à leur renvoi après l'expiration du délai de départ. Compte tenu du fait que l'octroi des prestations de l'aide sociale relève en principe de la responsabilité des cantons et qu'une telle possibilité de restrictions est déjà prévue dans certaines lois cantonales, cette idée a été abandonnée dans le domaine de l'asile, et donc dans le présent projet de loi.

Art. 82

Contributions fédérales

La Confédération ne prend plus à sa charge les coûts engendrés par les personnes qui ont été titulaires d'une autorisation de police des étrangers avant le prononcé de l'admission provisoire (al. 1). Cette innovation est justifiée par le fait qu'à l'origine, les autorités cantonales ont donné leur approbation au séjour.

Art. 83

Sûretés

Cet article correspond à l'actuelle réglementation de l'art. 14c, al. 6, LSEE.

2.11

Devoirs

2.11.1

Devoirs de l'étranger, de l'employeur et du destinataire de services

Art. 84

Pièce de légitimation valable

Le droit en matière d'étrangers accorde une grande importance au fait que l'étranger soit en possession d'une pièce d'identité valable, émise par son pays d'origine. De 3574

ce fait, le retour de l'étranger dans ses foyers est possible en tout temps. C'est pourquoi il est tenu de détenir une pièce d'identité valable pendant toute la durée de son séjour en Suisse. L'étranger doit ainsi produire une pièce de légitimation lors de la déclaration d'arrivée (art. 11). Si la validité de la pièce de légitimation expire, l'étranger doit en demander le renouvellement ou la prolongation aux autorités de son Etat d'origine ou, le cas échéant, collaborer à son obtention.

Art. 85

Obligation de collaborer

L'obligation de collaborer est désormais expressément fixée dans la loi (al. 1). Dans le domaine du droit en matière d'étrangers, les autorités sont particulièrement tributaires de la collaboration des personnes concernées afin d'une part d'apprécier au mieux la situation personnelle de l'étranger et d'autre part de se procurer les documents de voyage nécessaires (voir ATF 124 II 361 consid. 2b p. 365). Une réglementation analogue figure à l'art. 8 LAsi. Les requérants sont tenus de donner des indications complètes et correctes sur les éléments essentiels à prendre en considération dans la décision. Si l'étranger ne respecte pas son obligation de collaborer, il doit en supporter les conséquences. Si de fausses indications sont données, cela peut justifier la révocation d'autorisations déjà octroyées (art. 61 et 62).

Art. 86

Devoir de diligence de l'employeur et du destinataire de services

Le devoir de diligence de l'employeur correspond à l'actuelle réglementation de l'art. 10 OLE. Cependant, les bénéficiaires de prestations de services seront aussi soumis au devoir de diligence (en particulier les mandants). Les expériences réalisées ces dernières années ont montré qu'il y avait une lacune en la matière. En effet, les travaux se déroulent de plus en plus dans le cadre de mandats.

2.11.2

Devoirs des entreprises de transport

Voir également les remarques sous ch. 1.3.12.

Art. 87

Devoir de diligence et assistance des autorités

Cet article est consacré au devoir général de diligence des entreprises de transport aérien concernant le contrôle des documents de voyage des passagers. Le soin de déterminer si et comment elles doivent procéder à des tels contrôles ne peut pas leur être laissé, à elles exclusivement. La collaboration avec les autorités de contrôle en rapport avec la lutte contre les falsifications et avec l'exécution du renvoi et de l'expulsion est aussi importante.

Pour des motifs de proportionnalité, il n'est pas prévu dans les cas normaux d'obliger une entreprise de transport aérien à contrôler systématiquement et complètement tous les documents avant l'embarquement. Le contrôle frontière fait par les autorités n'est pas non plus systématique. Un contrôle ponctuel peut toutefois se révéler insuffisant aux lieux qui sont connus pour être des pays de provenance et de transit de l'immigration illégale.

En de tels endroits, il s'agit d'appliquer, de concert avec les autorités, des contrôles systématiques et d'autres mesures adéquates et raisonnablement exigibles (par exemple, des contrôles juste avant l'embarquement, la photocopie des documents de 3575

voyage) qui doivent être convenues de cas en cas. Comme le contexte change constamment, il paraît opportun de déléguer au Conseil fédéral une compétence de réglementation dans le domaine du devoir de diligence. Lors de la conclusion de conventions (al. 2), l'OFE collabore avec l'Office fédéral de l'aviation civile.

Art. 88

Devoir de prise en charge et couverture des frais

Le devoir de prise en charge des entreprises de transport aérien et leur responsabilité pour les frais non couverts en cas de refus de l'entrée en Suisse correspondent aux dispositions de l'annexe 9 à la Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale119. Indépendamment d'une infraction au devoir de diligence, celle-ci comprend également le rapatriement immédiat.

Si une entreprise de transport aérien refuse sans motifs suffisants de prendre en charge un passager, les frais d'une mesure de remplacement peuvent être mis à sa charge. Si le devoir de diligence a été respecté au moment de l'embarquement des passagers, l'entreprise de transport aérien ne peut pas être rendue responsable lorsqu'une escorte ou un vol séparé doivent être organisés en raison du danger objectif représenté par le passager refusé. Selon la recommandation 3.43 de l'annexe 9 précitée, les frais de détention ne doivent pas non plus être répercutés dans ce cas.

Les entreprises de transport aérien qui, en contrevenant à leur devoir de diligence en vertu de l'art. 87, transportent des personnes sans les documents de voyage requis doivent par contre prendre en charge tous les frais non couverts de subsistance et d'assistance jusqu'à une durée de séjour de six mois, y compris les frais d'une détention prononcée en vertu du droit en matière d'étrangers, les frais d'escorte et les frais de renvoi ou d'expulsion (al. 3). En revanche, selon l'annexe 9, l'entreprise de transport aérien n'est pas tenue de prendre à sa charge les frais non couverts de subsistance et d'assistance qui ont été occasionnés durant la procédure d'autorisation d'entrée, soit à partir du contrôle de l'identité à la frontière jusqu'au moment du refus d'accorder l'entrée.

Contrairement à un avis critique émis lors de la procédure de consultation, il n'y a pas ici de violation du ch. 3.51 de l'annexe 9 précitée qui prévoit que le devoir de prise en charge et de rapatriement prend fin au moment de l'autorisation d'entrée.

L'opinion majoritaire estime que la responsabilité des entreprises de transport aérien subsiste lorsqu'il est nécessaire, compte tenu de l'art. 5 CEDH, de permettre à un passager de quitter la zone de transit après un certain temps. Dans d'autres Etats, cette responsabilité est fixée à quelques mois ou dure pendant une
période illimitée.

Il n'y a pas infraction au devoir de diligence lorsque des passagers détruisent leurs documents de voyage après l'embarquement ou lorsqu'on ne peut pas raisonnablement exiger de l'entreprise de transport aérien qu'elle décèle une falsification.

Il n'y a pas non plus de responsabilité de l'entreprise de transport aérien lorsque la personne concernée se voit accorder l'asile ou que la qualité de réfugié lui est reconnue après son entrée en Suisse. En outre, le Conseil fédéral peut prévoir d'autres exceptions dans des situations extraordinaires telles que la guerre ou une catastrophe naturelle (al. 4).

119

RS 0.748.0

3576

Art. 89

Amende en cas de violation du devoir de diligence

Les amendes prévues dans cet article servent à faire appliquer le devoir de diligence selon l'art. 87. Le montant des amendes correspond au projet d'une directive de l'UE en la matière.

On appliquera en principe les mêmes règles concernant l'administration de la preuve et les mêmes motifs d'exclusion que pour la responsabilité en vertu de l'art. 88, ce qui laisse entendre que ce sera une autorité qui jugera du respect du devoir de diligence. Dans le cadre de la réglementation ordinaire des compétences, la poursuite pénale serait une tâche des tribunaux pénaux du canton où se trouve l'aéroport et leur jugement serait déterminant en rapport avec la question de savoir si les autorités fédérales ou cantonales peuvent se retourner contre l'entreprise de transport aérien pour les frais avancés.

Actuellement, les frais d'assistance et d'exécution du renvoi pour les passagers ne disposant pas de documents suffisants sont supportés presque exclusivement par la Confédération. C'est pourquoi il est prévu de suivre une procédure conforme aux dispositions de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif.

L'OFE décernera le mandat de répression, cet office étant compétent selon l'art. 87 pour conclure des conventions avec les entreprises de transport aérien. Cette solution est également raisonnable pour des motifs d'économie de procédure. En outre, on peut ainsi éviter des jurisprudences pénales cantonales non uniformes avec leurs conséquences défavorables pour une lutte efficace contre la migration illégale.

Le ch. 3.41.1 de l'annexe 9 recommande expressément de renoncer à une amende à certaines conditions (al. 3). Il faudra notamment le faire lorsqu'il existe une convention selon l'art. 87 entre l'autorité fédérale compétente et l'entreprise de transport aérien ou lorsque la qualité de réfugié est reconnue à la personne concernée. Comme pour l'art. 88, le Conseil fédéral peut en outre prévoir d'autres exceptions dans des situations extraordinaires telles que la guerre ou les catastrophes naturelles.

Ces deux exceptions répondent aux craintes émises parfois lors de la procédure de consultation que ces dispositions puissent amener des entreprises de transport aérien à refuser de transporter des personnes qui ont un besoin urgent d'aide pour des motifs humanitaires.

Art. 90

Autres entreprises de transport

A la différence des autres entreprises de transport, les compagnies aériennes amènent toujours leurs passagers à l'intérieur du territoire, ce qui rend difficile un refoulement. Elles ont ainsi une position particulière qui justifie un traitement différent.

Le Conseil fédéral se voit toutefois attribuer la possibilité de soumettre d'autres entreprises commerciales de transport aux dispositions de ce chapitre au vu de l'évolution de la situation, notamment en considération d'une signature du Protocole additionnel de l'ONU contre le trafic illégal des personnes ou d'une association à la réglementation de Schengen. Il est déjà arrivé que des concessions pour l'exploitation des lignes d'autocars prévoient que les entreprises commerciales de transport concernées soient tenues de contrôler l'existence des documents de voyage requis.

Cette nouvelle disposition constituera une base légale claire à ce sujet.

3577

2.12 Art. 91

Devoirs et compétences des autorités Pouvoir d'appréciation

Cet article mentionne les principes généralement reconnus de l'exercice du pouvoir d'appréciation dans la procédure administrative. En prenant leurs décisions, les autorités doivent tenir compte de toutes les circonstances du cas particulier. Dans le cadre de cet examen de la proportionnalité, il faut peser et comparer soigneusement les intérêts publics et les intérêts privés. Si une mesure d'éloignement apparaît certes juridiquement fondée, mais inappropriée en fonction des circonstances du cas d'espèce, la personne concernée doit recevoir un avertissement par une décision susceptible de recours. L'avertissement peut indiquer que les mesures prévues par la loi seront prises en cas de nouveau manquement.

Art. 92

Entraide administrative et communication de données

La disposition proposée règle la collaboration des autorités chargées de l'exécution de la présente loi (al. 1). D'autres autorités sont tenues d'informer, dans un cas d'espèce et sur demande motivée, les autorités d'exécution de tous les éléments nécessaires en rapport avec la réglementation du séjour des étrangers (al. 2).

Selon l'al. 3, certaines données, énumérées ici exhaustivement, doivent être communiquées d'office. Il s'agit de données qui sont déterminantes pour la réglementation du séjour. Dans le cadre de la lutte contre les mariages de complaisance, on envisage d'obliger les offices d'état civil à faire savoir qu'ils ont refusé de célébrer le mariage ou à communiquer les indices majeurs qui permettent de présumer que l'on est en présence d'une telle union. Les petites amendes, les contraventions et autres événements sans influence sur l'autorisation ne sont pas couvertes par l'obligation de communiquer les données. Le Conseil fédéral précisera la portée de cette dernière dans une ordonnance.

Si d'autres lois comportent l'obligation de garder le secret à l'encontre de services officiels, ces dispositions spéciales resteront applicables.

Art. 93

Répartition des tâches

Voir remarques sous ch. 1.3.14.

Le statut juridique des catégories de personnes mentionnées à l'al. 2 découle dans une large mesure des conventions internationales et des accords de siège. Dans ce domaine, la marge de manoeuvre des autorités est limitée. Il importe par conséquent de conférer au Conseil fédéral la compétence d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires. La réglementation actuelle le prévoit déjà (art. 25, al. 1, let. f, LSEE).

Art. 94

Procédure d'approbation

La procédure d'approbation existe en principe déjà aujourd'hui (art. 18 LSEE; voir ch. 1.3.14).

Afin de simplifier et d'accélérer la procédure, même les décisions préalables des autorités cantonales du marché du travail pourront être soumises à l'approbation des autorités fédérales. Aujourd'hui, seules les autorisations des autorités de police des étrangers assorties d'un préavis positif des autorités du marché du travail étaient soumises l'approbation. La possibilité de soumettre le dossier au contrôle fédéral 3578

dès la phase de préavis facilite la procédure. Si la décision des autorités fédérales est négative, la police cantonale des étrangers n'a pas même à examiner le dossier.

Art. 95

Conventions internationales

Le contenu de cette disposition correspond à la réglementation actuelle prévue à l'art. 25b LSEE. La formulation relative à la formation et au perfectionnement est toutefois plus ouverte (let. e).

Par ailleurs, il s'agit de conférer expressément au Conseil fédéral la compétence de conclure des conventions sur le contrôle à la frontière, en particulier pour faciliter et accélérer la procédure et pour permettre l'échange régulier de données dans le cadre des prescriptions légales (art. 100). Les deux Protocoles contre la traite de personnes et contre le trafic illicite de migrants, additionnels à la Convention de l'ONU contre la criminalité transnationale organisée obligent également expressément les Etats contractants à renforcer la collaboration directe entre leurs autorités de contrôle aux frontières120. Il s'agit aussi dans ce contexte de respecter les normes et recommandations de l'organisation internationale de l'aviation civile ­ en plus des dispositions juridiques sur la protection des données.

En outre, compte tenu des dispositions sur l'admission, le Conseil fédéral doit pouvoir conclure des accords avec d'autres États dans le domaine du recrutement de la main d'oeuvre (let. f). De tels accords ont été conclus avec l'Italie121, l'Espagne122 et la France123. Ils réglementent notamment le recrutement dans l'Etat de recrutement, déterminent les conditions de travail et fixent certaines mesures sociales. Avec l'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation, ces accords perdront de leur importance.

Le Conseil fédéral doit avoir la compétence de conclure des accords avec d'autres pays sur la situation juridique des étrangers bénéficiant d'un statut particulier conformément à l'art. 93, al. 2, (let. h).

2.13

Protection des données

Le contenu des dispositions sur la protection des données correspond dans une large mesure aux réglementations prévues dans les dispositions de la LSEE et de la LAsi.

Elles vaudront également pour les autorités cantonales chargées de l'exécution étant donné que les cantons n'ont pas de dispositions spécifiques de protection des données pour l'exécution du droit en matière d'étrangers. Elles permettront d'éliminer les incertitudes rencontrées actuellement par les autorités cantonales chargées de l'exécution et d'uniformiser l'application du droit en matière d'étrangers.

120

Voir art. 11 ch. 6 Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

121 Accord du 10 août 1964 entre la Suisse et l'Italie relatif à l'émigration de travailleurs italiens en Suisse (avec protocole final) (RS 0.142.114.548) 122 Accord du 2 mars 1961 entre la Suisse et l'Espagne sur l'engagement de travailleurs espagnols en vue de leur emploi en Suisse (RS 0.142.113.328) 123 Traité de travail du 1er août 1946 entre la Suisse et la France (avec protocole) (RS 0.142.113.494)

3579

Afin d'établir l'identité d'un étranger, il sera possible de relever ses données biométriques (par exemple, empreintes digitales, scannage de l'iris, géométrie de la main et du visage, art. 97). Une base légale est également créée pour une surveillance technique des passagers arrivant à l'aéroport (art. 98). L'échange de données en relation avec les devoirs des entreprises de transport (art. 87 à 89) est de même réglementé (art. 99). Ces mesures servent à empêcher les abus du droit en matière d'étrangers et du droit sur l'asile et à se protéger contre les personnes qui représentent un danger pour la sécurité publique.

La transmission de données à l'étranger est nécessaire notamment lorsqu'il s'agit pour les autorités cantonales et pour la division spécialisée du DFJP «Assistance à l'exécution» de se procurer des documents de voyage. Mais elle peut se révéler également nécessaire lors de l'exécution des renvois et des expulsions ainsi que dans la lutte contre les passeurs. Comme actuellement, la réglementation est différente selon que les Etats étrangers disposent d'une protection des données équivalente à celle de la Suisse (art. 100), qu'ils ont conclu avec la Suisse des traités de réadmission et de transit (art. 102) ou qu'ils sont des Etats d'origine ou de provenance (art. 101).

La situation de départ pour la transmission de données à l'étranger est la même dans le domaine de l'asile et celui des étrangers. Les dispositions prévues correspondent dans une large mesure à celles de la révision partielle projetée de la LAsi.

Art. 96

Traitement des données

La disposition proposée correspond pour l'essentiel à la réglementation actuelle de l'art. 22b LSEE. Il y est toutefois mentionné plus clairement que des données sensibles ou des profils de la personnalité au sens de l'art. 3, let. c et d, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)124 sont traités lors de l'exécution de cette loi.

Pour le reste, les dispositions générales de la LPD s'appliquent, en particulier celles sur le droit de consulter les données et sur la destruction des données.

Art. 97

Collecte de données à des fins d'identification

Cette disposition correspond à l'art. 22c, al. 3, LSEE.

Compte tenu de la vitesse à laquelle se développe la technique, le projet ne limite pas les moyens d'identification à la saisie des empreintes digitales déjà utilisée aujourd'hui. Pour garantir une identification fiable et rapide et pour contrer l'utilisation frauduleuse de documents de voyage, visas, billets d'avion, cartes de crédit, etc., toute une série de nouvelles techniques a été développée, dans lesquelles d'autres attributs biométriques que les empreintes digitales peuvent être utilisés (p. ex. la voix, la signature, la géométrie de la main, l'iris, la rétine ou le visage).

Lors de l'établissement d'une pièce de légitimation (p. ex. un visa, un titre de séjour, etc.), ces attributs biométriques peuvent être reportés sur le document sous une forme digitalisée et lisible par une machine. Ainsi, il est possible, grâce à l'appareil de lecture, de déceler rapidement et avec certitude une utilisation illicite du document, ce qui représente un avantage notamment dans le contexte actuel où les ressources en personnel sont limitées. La simplification et l'accélération de la procé-

124

RS 235.1

3580

dure de contrôle sont aussi dans l'intérêt du titulaire légitime d'un document de voyage et d'identité valable.

Cependant, il manque encore aujourd'hui des technologies éprouvées à large échelle et en particulier des normes contraignantes au niveau international, qui seraient pourtant indispensables dans l'optique d'une large application. La standardisation nécessaire dans le domaine du trafic aérien a lieu dans le cadre de la Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale125 par l'organisation internationale de l'aviation civile.

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats Unis ont encore renforcé le besoin de procédures de contrôle uniformes et sûres. En choisissant une formulation ouverte dans le projet de loi, on peut tenir compte des développements futurs.

Lors de l'examen de demandes relevant du droit des étrangers, les profils d'ADN peuvent aussi être d'une grande utilité pour déterminer l'identité des intéressés. La future loi fédérale sur l'analyse génétique humaine doit réglementer, de manière exhaustive, les conditions dans lesquelles l'établissement de ces profils peut être ordonné et celles dans lesquelles ils peuvent être employés. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une réglementation supplémentaire dans le présent projet de loi. Les profils d'ADN sont déjà utilisés dans plusieurs Etats européens (tests opérés sur la base de salive). Ils ne sont indiqués que dans des cas d'espèce, lorsqu'en raison de la situation prévalant dans le pays d'origine des demandeurs, l'on ne dispose pas de documents officiels fiables sur les relations familiales et que l'on a de fortes raisons de douter de la véracité de leurs déclarations.

Art. 98

Surveillance de l'arrivée à l'aéroport

A l'aéroport de Zurich-Kloten, il y a en moyenne 2'500 étrangers par année qui sont refoulés lors du contrôle frontière parce qu'ils ne remplissent pas les exigences suisses d'entrée ou les conditions d'une poursuite de leur voyage dans un autre pays.

Dans environ le 10 % des cas, la compagnie aérienne utilisée ne peut plus être déterminée après coup car les documents correspondants font défaut et les personnes concernées refusent leur collaboration. Leur entrée en Suisse doit ensuite être autorisée à l'expiration du délai maximal de séjour dans la zone de transit. Les frais de séjour non couverts engendrés par les étrangers qui présentent une demande d'asile sont pris en charge par la Confédération ou par le canton où se trouve l'aéroport. Ils s'élèvent annuellement à environ 20 000 francs par personne.

C'est pour cette raison que tant la Confédération que les cantons où se trouve un aéroport ont intérêt à ce qu'une base légale soit créée pour permettre, lors de l'arrivée dans les aéroports suisses, la surveillance et l'enregistrement de personnes. On envisage d'employer, au premier chef, les systèmes de reconnaissance électronique des visages, qui, à l'arrivée de l'intéressé, enregistrent exclusivement la photo de son visage et les proportions de son faciès (distances entre les yeux, distance entre eux et la bouche et le nez).

Ces systèmes sont en cours d'élaboration; ils n'ont pas encore la fiabilité requise. Le Conseil fédéral statuera sur leur utilisation lorsque toutes les conditions d'une exploitation sûre et fiable seront acquises. Il entend réglementer dans une ordonnance (al. 5) les spécificités indispensables à un système de reconnaissance d'un 125

RS 0.748.0

3581

visage et les détails de la surveillance. Bien qu'il n'existe pas encore de système adéquat de reconnaissance d'un visage, il importe d'en prévoir l'emploi dès maintenant car la technique fera des progrès rapides en raison des événements survenus, le 11 septembre 2001, aux Etats-Unis.

Il est prévu d'employer ces enregistrements notamment lors de l'arrivée de personnes en provenance de lieux pour lesquels on sait, par expérience, qu'un contrôle plus serré s'impose. Cette mesure devrait permettre de déterminer la compagnie aérienne responsable de la prise en charge et du rapatriement (art. 87 ss) et le vol de destination.

Si l'entrée d'un étranger est refusée lors du contrôle frontière et que l'aéroport de départ ne puisse être déterminé par d'autres moyens, une comparaison avec les données enregistrées permet de le retrouver (al. 1, let. a). Cela est notamment utile lorsque la personne concernée ne se rend pas au contrôle frontière immédiatement après son arrivée. Les expériences faites jusqu'ici ont montré que, pour cacher leur provenance, des étrangers continuent leur voyage dans des pays tiers en transitant par la Suisse et ne tentent d'y entrer ou d'y déposer une demande d'asile qu'au voyage de retour. Compte tenu de telles situations, il est nécessaire de prévoir un délai maximum de conservation des données de 30 jours pour autant que les données ne soient pas utilisées dans le cadre d'une procédure pendante relevant des domaines pénal, des étrangers ou de l'asile (al. 3).

La surveillance technique peut également être utilisée pour comparer les données prélevées sur toutes les personnes entrant en Suisse avec celles figurant dans un système de recherche (al. 1, let. b). A cet égard, il peut s'agir de l'ordonnance sur le système de recherches informatisées de police (RIPOL) comme d'ailleurs de tout autre système de protection de la sécurité intérieure, comme une banque de données sur les «hooligans». Les dispositions régissant le traitement des données saisies dans les systèmes de recherches réglementent le déroulement exact de la procédure de comparaison. La prise de données par un système de reconnaissance du visage a lieu sans information préalable de la personne concernée, car la mesure pourrait sinon être déjouée.

On étudie, dans le cadre de la révision prévue de la loi fédérale du 21
mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)126, la question de la surveillance des arrivées à l'aéroport dans l'optique de la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Le présent projet de loi souligne l'obligation de communiquer faite, à l'art. 13 LMSI, aux autorités de contrôle frontière qui emploient des procédures techniques de reconnaissance. Elles ont l'obligation d'aviser l'Office fédéral de la police des menaces pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse qu'elles constatent au cours de la surveillance qu'elles effectuent (al. 2).

Il est dans l'intérêt national de contrôler efficacement les conditions d'entrée dans les aéroports. Il est impossible, à l'heure actuelle, de chiffrer exactement les coûts qu'engendrerait l'introduction d'un tel système. Ils dépendent notamment du volume traité. Il est prévu de procéder à un essai; on s'attend à des frais allant de 18 000 à 25 000 francs environ par unité (caméra, logiciel et ordinateur). Si le lieu d'origine de l'intéressé et la compagnie aérienne qui l'a transporté ne peuvent être identifiés, il en résulte des coûts élevés pour la Confédération et les cantons. On pourrait les réduire en utilisant une procédure de reconnaissance des personnes.

126

RS 120

3582

Cette mesure permettrait, en outre, de lutter contre les abus commis en droit des étrangers ou de l'asile et de garantir la sécurité et l'ordre publics. Elle est nécessaire, indépendamment de la menace que fait peser le terrorisme à l'heure actuelle. La participation financière de la Confédération est dès lors justifiée et appropriée (al. 4).

Art. 99

Echange de données avec les entreprises de transport

Le devoir des autorités de collaborer avec les entreprises de transport selon l'art. 87 rend nécessaire un échange de données. Les entreprises de transport ont besoin en particulier de listes des documents de voyages volés. Un meilleur contrôle au lieu de départ peut éviter des refoulements coûteux.

Des dossiers passagers (passenger name records; PNR127) sont nécessaires pour développer un transport de passagers aériens plus sûr, économique, convivial et conforme à la loi. Certaines informations saisies dans le cadre des PNR sont aussi importantes lorsqu'il s'agit de mesurer une violation du devoir de diligence (art. 87) et la garantie de la sécurité. Il ne s'agit pas là de données particulièrement sensibles selon la LPD. Toujours plus d'Etats obtiennent un accès aux PNR par le biais de dispositions légales ou sur une base contractuelle.

En rapport avec le devoir de diligence des entreprises de transport (art. 87), les autorités responsables du contrôle à la frontière doivent avoir la possibilité de consulter les PNR même lorsqu'il n'y a pas de soupçons qu'un des passagers ait commis une infraction pénale. L'OFE peut exiger notamment dans le cadre de la collaboration visée à l'art. 81, al. 2, une remise systématique des PNR nécessaires aux autorités de contrôle à la frontière.

Pour éviter la migration illégale (activités de passeurs), mais aussi dans l'optique des attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis, la nécessité d'une collaboration accrue entre les entreprises de transport aérien et les autorités de contrôle est devenue indispensable.

Art. 100

Communication de données personnelles à l'étranger

L'échange de données avec des autorités étrangères est important notamment en relation avec le contrôle à l'entrée par voie aérienne. La collaboration internationale comprend également le développement de nouveaux systèmes de contrôle nécessitant l'utilisation de technologies modernes ou la participation à des systèmes internationaux pour faciliter, accélérer et améliorer le contrôle à l'entrée et à la sortie des pays.

La disposition proposée reprend l'actuel art. 22c LSEE avec les adaptations suivantes à la réglementation prévue également dans la LAsi:

127

Le PNR ou dosser passagercontient des indications sur le nom, le numéro de téléphone, l'itinéraire suivi, les réservations, l'agence de voyage, les billets de transport, l'attribution des sièges, les bagages, le mode de paiement, le besoin d'assistance etc. d'un passager.

Habituellement, ces indications sont réunies lors de la réservation, la plupart du temps par une agence de voyage. La justesse de ces données n'est pas contrôlée systématiquement par les entreprises de transport aérien. Le nom entier, la date de naissance, le sexe, la nationalité, l'autorité ayant délivré le passeport et le numéro du passeport ne sont saisis systématiquement que lorsque le droit national d'un Etat le prescrit.

3583

Al. 2 Let. a: la liste est complétée par la dernière adresse connue dans le pays d'origine ou de provenance. Cette indication peut être déterminante pour identifier une personne.

Let. c: les données biométriques (voir art. 97) et les photographies n'étaient pas mentionnées expressément à l'art. 22c LSEE. Elle constituent toutefois un élément important pour clarifier l'identité.

Let. f: certaines données, pouvant également renforcer la sécurité des agents d'escorte, doivent être communiquées pour assurer l'entrée dans un autre Etat. En font partie par exemple le nombre des agents d'escorte, une justification des moyens de contrainte utilisés, l'heure d'arrivée dans le pays de destination ainsi que la réglementation sur la remise des documents de voyage. En outre, il s'agit de communiquer aux autorités de l'Etat de destination quelles mesures il est nécessaire de prendre après l'arrivée pour assurer la sécurité. En revanche, cette disposition ne permet pas la transmission de données sur des condamnations pénales.

Art. 101

Communication de données personnelles à l'Etat d'origine ou de provenance

Selon cet article, qui s'inspire de la réglementation de l'art. 57, al. 2, LAsi, la communication de données à l'Etat d'origine ou de provenance est limitée à l'obtention de documents de voyage et à l'exécution des renvois ou des expulsions. Les données énumérées sont identiques à celles de l'art. 100, let. a à f. Les lettres g et h de l'art.

100 n'ont pas été reprises car le but de la communication est ici plus limité.

En dehors du domaine de l'asile, l'autorité peut prendre contact avec les autorités étrangères avant que la décision de renvoi ne soit exécutoire, dans la mesure où la personne concernée ou ses proches ne sont pas mis en danger. Il n'est pas nécessaire que l'Etat étranger garantisse une protection équivalente des données. Le recours basé sur l'art. 109 demeure réservé.

Art. 102

Communication de données personnelles dans le cadre des accords de réadmission et de transit

Le contenu de cette disposition correspond à la réglementation actuelle de l'art. 25c LSEE.

Art. 103

Système d'information

Le contenu de cet article correspond à la réglementation actuelle de l'art. 22d LSEE.

Il définit de manière exhaustive les données sensibles qui peuvent être traitées dans un système d'information central et automatisé (actuellement, le Registre central des étrangers, RCE) pour l'accomplissement des tâches légales.

A l'avenir, le traitement de ces données sera réglé dans une loi fédérale distincte sur le traitement de données provenant du domaine des étrangers et de l'asile dans un système d'information actuellement en préparation.

Art. 104

Communication de données personnelles du système d'information

Le contenu de cette disposition correspond à la réglementation actuelle de l'art. 22e LSEE.

3584

L'Office fédéral de la police dispose déjà d'un accès au système afin de rechercher des personnes disparues (al. 1, let. h, ch. 5).

Art. 105

Système de gestion des dossiers personnels et de la documentation

Le contenu de cette disposition correspond à la réglementation actuelle de l'art. 22f LSEE.

Art. 106

Système d'information sur les documents de voyage

L'ODR a besoin d'un système d'information pour traiter les demandes d'établissement de documents de voyage et d'un second pour établir les documents de voyage et les visas de retour destinés aux étrangers démunis de pièces de légitimation (art. 58).

Le premier est un système interne de gestion des affaires courantes et de contrôle déjà en exploitation (al. 1); il permet d'organiser, de manière efficace et rationnelle, les phases de travail concernant les documents de voyage et d'établir des statistiques. Seuls les employés de l'ODR qui traitent les demandes de documents de voyage et de visas de retour (art. 15 de l'ordonnance sur la remise de documents de voyage à des personnes étrangères; RS 143.5) y ont accès.

L'adaptation des documents de voyage destinés aux étrangers démunis de pièces de légitimation aux normes internationales de sécurité nécessite la création d'un second système d'information (al. 2). Il faudra y traiter, en plus des indications portées sur le document, des données sur des sanctions administratives liées à la délivrance de documents de voyage. Ainsi, il sera possible d'éviter l'établissement de plusieurs documents et les utilisations abusives. Comme il s'agit là de données sensibles au sens de la LPD, il est nécessaire de prévoir une base légale à ce sujet dans le présent projet de loi.

Les données sont traitées par l'ODR et par le service chargé de fabriquer les permis.

Pour clarifier l'identité des personnes concernées et parfois aussi pour traiter des avis de perte de documents, le corps des gardes-frontières et les services de police désignés par les cantons ont besoin de pouvoir accéder aux données par une procédure d'appel.

2.14 Art. 107

Voies de droit Procédure

L'al. 1 renvoie aux lois applicables et n'a ainsi qu'une portée déclaratoire. L'al. 2 reprend la réglementation de l'art. 21 LSEE.

La loi fédérale d'organisation judiciaire fait actuellement l'objet d'une révision totale128. Le présent projet de loi devra être adapté en conséquence après son adoption par le Parlement.

128

voir le message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale; FF 2001 4202

3585

Art. 108

Autorités de recours

Vu la critique émise au cours de la procédure de consultation et compte tenu de la révision totale actuellement en cours de l'organisation judiciaire, on a renoncé à restreindre, de manière générale, le nombre des instances cantonales de recours.

L'al. 2 correspond à l'art. 20, al. 3, LSEE actuel.

Art. 109

Recours en matière de protection des données

Le contenu de cette disposition correspond à l'actuelle réglementation de l'art. 22g LSEE, avec une précision: les décisions des autorités cantonales fondées sur les dispositions relatives à la protection des données de la présente loi doivent être rendues en application du droit de procédure cantonal.

2.15

Dispositions pénales et sanctions administratives

Voir également le ch. 1.3.11.

En vertu de l'art. 333 CP, les dispositions générales du code pénal, qui règlent notamment aussi la compétence à raison du lieu, s'appliquent.

Comme dans l'avant-projet soumis à la procédure de consultation, le projet n'instaure pas des peines minimales en cas d'infraction répétée ou si l'auteur avait l'intention de s'enrichir. Le Tribunal fédéral a considéré que l'indication de peines minimales expliquerait certes la volonté du législateur de rendre les peines plus sévères. Il a cependant expliqué que cela pourrait conduire dans un nombre de cas non négligeable à une sévérité injustifiable.

Les délits du droit actuel en matière d'étrangers ayant trait aux documents (art. 23, al. 1, 1re et 2e phrases, LSEE) ne sont pas repris car, en comparaison des délits généraux du code pénal ayant trait aux documents, ils constituent un privilège juridique injustifié (voir également dans l'ATF 117 V 175).

Art. 110

Entrée, sortie et séjour illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation

Le contenu de cette disposition correspond dans une large mesure à l'actuelle réglementation de l'art. 23, al. 1, 4e phrase, LSEE.

Désormais, la sortie illégale sera aussi punissable. Il y a sortie illégale lorsqu'elle n'a pas eu lieu par une frontière ouverte au trafic (art. 5) ou que les prescriptions sur l'entrée en vigueur dans le pays voisin ne sont pas respectées. Cette extension de l'infraction est nécessaire en prévision de la coopération transfrontalière. Elle est aussi recommandée dans un Protocole additionnel à la Convention de l'ONU contre la criminalité organisée transfrontalière (non encore ratifié par la Suisse). Cette disposition permet aussi de condamner les personnes qui sont entrées légalement en Suisse mais qui entrent clandestinement dans d'autres pays à l'aide de passeurs.

L'entrée et la sortie peuvent également être considérées comme clandestines lorsque la personne séjourne dans la zone de transit d'un aéroport dans le but de poursuivre son voyage dans un Etat tiers. En effet, la zone de transit étant sur le territoire de la Suisse, la personne qui s'y trouve peut aussi enfreindre les dispositions en matière d'étrangers, même si le contrôle de l'identité n'est effectué par la police frontière 3586

qu'au moment où elle quitte cette zone. Les dispositions pénales sont par conséquent applicables. Tel est également le cas de l'encouragement à l'entrée, à la sortie et au séjour clandestins (art. 111).

En vertu de l'al. 3, le juge pourra désormais renoncer à poursuivre la personne concernée, à la renvoyer devant le tribunal ou à lui infliger une peine si elle est immédiatement refoulée. Actuellement, seule la possibilité de renoncer à prononcer une peine est prévue (art. 23, al. 3, 1re phrase, LSEE). Toutefois, dans ces cas, on renonce souvent déjà actuellement à une poursuite pénale et au renvoi devant un tribunal à la faveur d'un refoulement immédiat (principe de l'opportunité).

Par ailleurs, le projet ne reprend pas la disposition selon laquelle les personnes qui se sont réfugiées en Suisse et celles qui leur prêtent assistance ne sont pas punissables si le genre et la gravité des poursuites auxquelles elles sont exposées justifient le passage illégal de la frontière (art. 23, al. 3; 2e phrase, LSEE). Lors de la procédure de consultation, la crainte a été parfois exprimée qu'ainsi l'assistance prêtée aux personnes persécutées soit désormais punissable. Cependant, dans la pratique, cette disposition a sans cesse entraîné des problèmes d'interprétation. Dans la mesure où les Etats voisins de la Suisse ont tous signé aussi bien la Convention de Genève relative au statut des réfugiés que la Convention européenne des droits de l'homme, il n'y a aucun risque que des étrangers y soient exposés à une persécution pertinente en matière d'asile. Des motifs susceptibles de justifier un passage illégal de la frontière d'un Etat voisin de la Suisse ne peuvent ainsi pas être invoqués, d'autant plus qu'il existe la possibilité de présenter une demande d'asile à la frontière. En outre, selon les dispositions générales du code pénal, il est déjà possible de renoncer à une peine lorsqu'il existe un mobile honorable.

L'application directe de l'art. 31, ch. 1, de la Convention sur les réfugiés demeure toutefois réservée. Ainsi, les personnes qui entrent effectivement en Suisse en provenance directe d'un Etat qui les persécute demeurent impunies (ATF non publié du 17 mars 1999, 6S.737/1998). Cela est aussi valable pour les personnes qui les ont assistées.

Art. 111

Incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux

Cette disposition pénale vise à combattre la criminalité opérée par les passeurs et correspond à l'art. 23, al. 1, 5e phrase et al. 2, LSEE. La let. a décrit l'élément constitutif de l'infraction alors que la let. b définit l'acte qualifié assorti de l'intention d'enrichissement. La limite des peines a été augmentée.

Art. 112

Emploi d'étrangers sans autorisation

Le contenu de cette disposition correspond dans une large mesure à l'actuelle réglementation de l'art. 23, al. 4 et 5, LSEE.

Toutefois, la peine maximale est plus élevée. Les bénéficiaires de prestations de service provenant de l'étranger sont punissables lorsque les autorisations nécessaires font défaut. Cela touche le mandant au sens large du code des obligations (RS 220), c'est-à-dire y compris les contrats d'entreprise ou les contrats mixtes.

La possibilité de confisquer des valeurs patrimoniales (art. 59 CP) reste, en tout cas, réservée. Il s'agit de relever de manière générale que la possibilité actuelle est utilisée de manière très insuffisante et que la confiscation de valeurs patrimoniales est

3587

rarement appliquée dans le domaine du travail au noir, faute d'être réellement convaincu qu'il ne s'agit pas de délits mineurs.

Art. 113

Comportement frauduleux à l'égard des autorités

Voir aussi les explications sous le ch. 1.3.11.

Il s'agit en particulier de combattre la conclusion de mariages de complaisance et l'incitation à contracter pareille union. Toutefois d'autres délits visant à tromper les autorités sont également compris dans cette disposition (p. ex. fausses indications sur le degré de parenté, remise d'actes incorrects à l'état civil). En vertu de l'al. 2, la peine sera aggravée si l'auteur a commis l'infraction dans un dessein d'enrichissement. L'idée est de punir plus sévèrement les entremetteurs de mariages de complaisance ou les personnes qui se marient contre dédommagement.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un séjour en relation avec un mariage demeure légal jusqu'à la révocation ou la non-prolongation de l'autorisation de police des étrangers même lorsque le mariage a été conclu dans l'unique but de contourner les prescriptions sur le séjour et l'établissement des étrangers. Il ne s'agit ainsi pas d'un séjour illégal en Suisse, qui tomberait sous le coup de l'art. 23, al. 1, 4e phrase, LSEE. En conséquence, celui qui contracte ou organise un mariage de complaisance ne peut pas être considéré comme ayant facilité ou aidé à préparer un séjour illégal (ce qui serait punissable selon l'art. 23, al. 1, 5e phrase, LSEE).

Ce comportement qui consiste à aider des étrangers dans leur comportement frauduleux à l'égard des autorités est aussi répréhensible selon la conception du Tribunal fédéral. La LSEE ne contient toutefois pas de disposition semblable à l'art. 14 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif, selon laquelle se rend punissable celui qui induit astucieusement en erreur l'administration par des affirmations fallacieuses et qui obtient ainsi par ruse illicitement une autorisation pour lui ou pour un autre (ATF 125 IV 148 ss). Cette loi n'est applicable que lorsque la poursuite et le jugement d'infractions sont délégués à une autorité administrative de la Confédération.

Or, tel n'est pas le cas en droit à l'égard des étrangers.

Les personnes impliquées trompent par leur comportement les autorités délivrant des autorisations, car celles-ci n'octroieraient pas d'autorisation si elles connaissaient les données réelles. Selon l'art. 85, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de faire des déclarations conformes à la
vérité. Par ailleurs, selon l'art. 13 PA, les parties sont aussi tenues de collaborer à la constatation des faits.

Cette obligation de collaborer a une portée essentielle en droit à l'égard des étrangers car les autorités sont tributaires des indications véridiques des requérants. Tel est avant tout le cas pour les faits qui, sans la collaboration des personnes concernées, ne peuvent pas être déterminés du tout ou pas sans efforts disproportionnés (voir également ATF 124 II 361 consid. 2b p. 365).

Ce n'est pas seulement dans le contexte des mariages de complaisance qu'il peut y avoir tromperie dans le cadre de procédures d'autorisation du droit en matière d'étrangers. Dans le cadre du regroupement familial, l'étranger est parfois tenté de faire passer les enfants de tiers pour ses propres enfants ou il arrive que, lors de la prise d'une activité lucrative, de fausses indications soient intentionnellement données sur les conditions de rémunération et de travail déterminantes.

Les comportements frauduleux peuvent aussi consister à dissimuler des faits en taisant des circonstances essentielles pour la procédure d'autorisation. Tel est régu3588

lièrement le cas lors de mariages de complaisance car l'absence de volonté de se marier est tue ou au contraire la volonté de se marier laissée entendue. Bien entendu, il faut qu'il y ait un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation. Le comportement frauduleux doit avoir été décisif dans la réglementation du séjour.

Cette nouvelle disposition pénale a été expressément saluée par une majorité des participants à la procédure de consultation, en particulier par les cantons. Certains ont cependant exprimé un doute en demandant si la formulation choisie permettrait de punir effectivement la médiation, la conclusion et le maintien des mariages de complaisance. Ces actes ne sont pas en lien direct avec l'exécution du droit en matière d'étrangers et avec les autorités compétentes à ce sujet. C'est pourquoi le projet de loi mentionne expressément le mariage de complaisance comme forme particulière de comportement frauduleux.

Le libellé de cet article reprend la proposition faite par la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats dans le rapport du 30 avril 2001 consacré à l'initiative parlementaire Hess Hans, Détention en phase préparatoire lors d'abus en matière d'asile (00.420)129. Le Conseil fédéral a approuvé la proposition130.

Art. 114

Violation d'une assignation à un lieu de séjour ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée

Cette disposition correspond dans une large mesure à l'art. 23a LSEE.

Selon la formulation actuelle, l'inexécutabilité d'un renvoi ou d'une expulsion représente toutefois une condition objective de punissabilité. S'il s'avère que l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est possible qu'après le délit, une peine est exclue en vertu de l'art. 23a LSEE (ATF 126 IV 30).

Le projet laisse à l'appréciation des autorités la décision d'engager encore une poursuite pénale lorsque la personne concernée peut être renvoyée, placée en détention en phase préparatoire ou en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (comme à l'art. 110, al. 3; voir aussi art. 23, al. 3, LSEE). La condamnation pénale poursuit d'autres buts que la détention administrative en phase préparatoire et en vue du renvoi ou de l'expulsion. Le droit pénal vise à protéger la société des délinquants, alors que la détention administrative sert uniquement à garantir le renvoi ou l'expulsion.

Art. 115

Autres infractions

Cette disposition remplace l'art. 23, al. 6, LSEE.

Les «autres infractions aux prescriptions sur la police des étrangers» mentionnées dans la LSEE sont énumérées en détail dans le présent projet. Le Conseil fédéral doit toutefois garder la possibilité de punir d'une amende les infractions contre des dispositions importantes des ordonnances d'exécution.

Art. 116

Confiscation et saisie de documents de voyage

Cette réglementation correspond à celle de l'actuel art. 24a LSEE.

129 130

FF 2001 5164 FF 2001 5178

3589

Art. 117

Sanctions administratives et prise en charge des frais

Cet article reprend en principe l'art. 55 OLE.

L'al. 3 énonce expressément que les frais non couverts qui résultent éventuellement d'un accident ou de la maladie sont à la charge de l'employeur (voir également ATF 121 II 465).

2.16

Emoluments

Art. 118 Cet article correspond à l'actuelle réglementation de l'art. 25, al. 1, let. c, LSEE.

S'y ajoute la possibilité de facturer les débours occasionnés par les procédures.

Ceux-ci concernent, par exemple, la traduction de déclarations faites dans une langue étrangère, les honoraires d'experts, les coûts engendrés par des témoins et les frais liés à l'administration des preuves.

2.17 Art. 119

Dispositions finales Surveillance et exécution

Pas de remarques.

Art. 120

Abrogation et modification du droit en vigueur

Activité lucrative de requérants d'asile et de personnes à protéger (al. 2) La possibilité d'exercer une activité lucrative pour les requérants d'asile et les personnes à protéger continue d'être réglée par les art. 43 et 75 LAsi.

Si la LAsi permet en principe la prise d'une activité lucrative, la procédure d'autorisation est réglée par le présent projet de loi (conditions d'admission, art.16 ss; surtout pour ce qui est de la priorité accordée aux travailleurs en Suisse, du contrôle et des conditions de salaire et de travail). Le Conseil fédéral se voit concéder la possibilité de réagir, avec souplesse, devant des situations particulières et de prévoir des exceptions aux dispositions générales d'admission (voir art. 30, al. 1, let. i).

Code civil (al. 3) Refus de célébrer les mariages de complaisance (art. 97a) Le projet donne à l'officier de l'état civil une norme légale claire lui permettant de refuser son concours lorsqu'il est en présence d'un abus manifeste de droit. Sont ici seuls visés les mariages de complaisance qui sont contractés non pas dans l'intention de fonder une communauté conjugale mais pour éluder les prescriptions sur l'admission et le séjour des étrangers. Compte tenu de l'ampleur prise ces dernières années par le phénomène des mariages fictifs et comme il a été requis lors de la procédure de consultation, il se justifie de prévoir une norme expresse qui concrétise le principe figurant à l'art. 2, al. 2, CC («l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé

3590

par la loi»). Il sera néanmoins toujours possible, sur la base de ce principe général, d'éviter la conclusion d'autres types de mariage abusif, tels ceux motivés uniquement par des expectatives successorales ou des avantages en matière d'assurances sociales. La norme prévue se réfère aux règles sur l'admission et le séjour des étrangers; elle couvre non seulement la fraude à la nouvelle loi sur les étrangers mais aussi l'abus d'autres textes, en particulier des traités internationaux comme l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes131.

Le projet attribue la compétence de refuser le mariage à l'officier de l'état civil qui est responsable de l'exécution de la procédure préparatoire et de l'examen des conditions requises (art. 99 CC). Selon le droit actuel, les cantons ont toutefois la possibilité de prévoir que les dossiers internationaux soient systématiquement soumis à l'autorité cantonale de surveillance de l'état civil (art. 162 de l'ordonnance sur l'état civil132). A l'avenir, cet examen pourra également comprendre la question des mariages de complaisance133.

La nouvelle disposition ne doit pas amener l'officier de l'état civil à rechercher s'il existe un abus à chaque fois qu'un étranger demande à se marier. La bonne foi est présumée (art. 3 CC); de plus, la très grande majorité des mariages d'étrangers sont authentiques. Il n'est enfin pas prévu que l'officier de l'état civil se substitue au service de la police des étrangers qui reste compétent pour statuer sur l'octroi (ou le refus) de l'autorisation de séjour sollicitée par une partie étrangère.

Ce n'est que si l'abus est manifeste, c'est-à-dire flagrant, que l'officier de l'état civil peut et doit envisager un refus de coopérer et être disposé à élucider la situation.

Une simple impression de sa part ou son intuition ne suffisent pas. L'officier de l'état civil n'entreprendra des investigations et n'entendra en particulier les fiancés sur les circonstances du mariage que s'il a des doutes fondés quant à leur intention matrimoniale, c'est-à-dire s'il existe des indices objectifs et concrets d'abus. La volonté de fonder une communauté conjugale est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut pas être prouvé directement. Le plus souvent, l'abus ne pourra être établi qu'au moyen d'un faisceau d'indices (grande
différence d'âge entre les fiancés, impossibilité pour ceux-ci de communiquer, méconnaissance réciproque, paiement d'une somme d'argent, etc.)134.

En vertu de l'al. 2, l'officier de l'état civil est tenu d'entendre les fiancés. Ceux-ci seront généralement entendus séparément afin de faire ressortir d'éventuelles con131 132 133

L'accord bilatéral englobe le regroupement familial (FF 1999 VI 5440 ss; ch. 273.11).

RS 211.112.1 Dans sa prise de position relative à l'avant-projet, l'Association suisse des officiers de l'état civil a suggéré d'attribuer la compétence de refuser le mariage non pas aux officiers de l'état civil mais aux autorités cantonales de surveillance de l'état civil. Cette solution ne serait cependant pas conforme aux objectifs principaux de la dernière révision du code civil tendant à renforcer la position de l'officier de l'état civil dans la procédure de préparation du mariage (voir message du Conseil fédéral du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil suisse, ch. 133; FF 1996 I 1 ss; Reinhard, Die am 1.

Januar 2000 in Kraft tretende Revision vom 26. Juni 1998 des Zivilsgesetzbuches: Übersicht über die Änderung im Bereich der Beurkundung des Personenstands sowie des Eheschliessungsverfahrens, publié in REC 1999, p. 372).

134 Voir l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 octobre 1987, publié in REC 1988, p. 44 ss (46) et l'ATF 127 II 49 ss c. 5 a); Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, Berne, 1997, p. 7 ss. et la Résolution du Conseil de l'Union européenne du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance, diffusée sur le site de l'Union européenne sous http://europa.eu.int/eur-lex/fr/lif/dat/1997/fr 397Y1216 01.html.

3591

tradictions. L'officier de l'état civil pourra également se renseigner auprès d'autres autorités et requérir le dossier de la police des étrangers (notamment pour éclaircir le statut du ressortissant étranger). Plus rarement, il sollicitera des renseignements auprès de tiers, notamment si les fiancés l'ont proposé135.

Annulation des mariages (art. 105, ch. 4) La norme envisagée, aménagée au vu des résultats de la procédure de consultation, correspond à l'ancienne disposition qui permettait d'annuler les mariages dits de nationalité136. Cette disposition a été biffée lors la réforme de la loi sur la nationalité137, entrée en vigueur le 1er janvier 1992138. Ces mariages pouvaient être annulés et la citoyenneté suisse retirée d'office à l'épouse.

Les unions fictives visent certes en premier lieu l'obtention d'un titre de séjour dans notre pays. Cela étant, le mariage a aussi des effets en matière de nationalité; ainsi de l'existence formelle du mariage entre un Suisse et une femme étrangère découle l'acquisition de la citoyenneté suisse des enfants par le jeu de la présomption de paternité du mari. Le nombre de mariages de complaisance a d'autre part considérablement augmenté ces dernières années. Il se justifie par conséquent d'introduire une cause d'annulation lorsque des indices nouveaux permettent de conclure que le mariage a été contracté uniquement en vue d'éluder les règles sur l'admission et le séjour des étrangers. Pareils mariages doivent pouvoir être annulés ultérieurement, afin d'assurer notamment la cohérence de l'activité étatique. En effet, une telle disposition permettrait d'éviter des mesures contradictoires, à savoir que les autorités compétentes en matière de droit des étrangers retirent l'autorisation de séjour suite à un constat de mariage de complaisance, mais que le mariage continue à déployer des effets en droit civil.

L'action en annulation des mariages de complaisance est intentée d'office par l'autorité cantonale compétente du domicile des époux comme en cas de bigamie, d'incapacité durable de discernement ou de liens de parenté ou d'alliance prohibés (art. 105 CC). L'action peut aussi être engagée par toute personne intéressée, singulièrement les époux, en tout temps (art. 106 CC). Le juge civil peut s'appuyer sur le dossier de la police des étrangers; cependant, comme
dans les autres cas d'annulation du mariage, il apprécie librement les preuves et statue de manière indépendante139.

En ce qui concerne les effets des jugements d'annulation des mariages de permis, ils ne diffèrent pas des autres cas d'annulation sous réserve de la question des enfants.

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136

137 138 139

L'obligation de collaborer imposée aux tiers doit être prévue dans une disposition légale expresse (voir Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich, 1998, ch. 285, et réf. citées).

L'art. 120, ch. 4, CC dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 1991 prévoyait: («Le mariage est nul: ...) 4. Lorsque la femme n'entend pas fonder une communauté conjugale, mais veut éluder les règles sur la naturalisation.» RS 141.0 RO 1991 1034 Selon la pratique actuelle, l'autorisation de séjour peut être retirée si l'époux étranger invoque abusivement un mariage qui a échoué sans qu'une reprise de la vie commune ne paraisse plus envisageable (ATF 127 II 49 ss.). Dans une telle hypothèse, le mariage ne saurait toutefois être annulé sur le plan du droit civil dans la mesure où les époux ont voulu la communauté conjugale et que celle-ci a effectivement été vécue pendant un certain temps. S'agissant d'un mariage réellement voulu, il n'y a pas du point de vue du droit civil d'abus en sorte que le mariage ne pourra être dissous d'office par les dispositions sur l'annulation mais bien par celles sur le divorce (art. 111 ss CC).

3592

Dès lors, l'annulation du mariage ne produit ses effets qu'après avoir été déclarée par le juge; jusqu'au prononcé d'annulation, le mariage a tous les effets d'un mariage valable, à l'exception des droits successoraux du conjoint survivant (effets ex nunc; art. 109 CC).

Rupture de la présomption de paternité en cas d'annulation d'un mariage de complaisance (art. 109, al. 3, P CC) Selon l'art. 109, al. 3, du projet, l'annulation des mariages de complaisance doit désormais également avoir pour effet de faire cesser la présomption de paternité. En droit actuel, l'enfant né d'un mariage de complaisance contracté par un citoyen suisse avec une femme étrangère est considéré comme l'enfant du mari de la mère (art. 255, al. 1, CC) et acquiert par conséquent le droit de cité suisse (art. 1, al. 1, let. a, LN)140. L'annulation du lien de filiation (action en désaveu) ne peut être demandée que par le mari et l'enfant (art. 256, al. 1, CC) et entraîne la perte de la nationalité suisse à moins que l'enfant ne devienne apatride (art. 8 LN).

La disposition légale proposée constitue, au même titre que la question des droits successoraux du conjoint survivant, une exception au principe de la non-rétroactivité des effets de l'annulation du mariage (effets ex nunc). Conformément à l'expérience générale de la vie, l'enfant issu d'un mariage de complaisance n'est normalement pas né des oeuvres du mari de la mère et celui-ci n'assume non plus le rôle de père en société. La mesure envisagée permet ainsi de rétablir la vérité biologique et sociale de la filiation paternelle et d'éviter en particulier d'attribuer la nationalité suisse141 sur la base d'une présomption de paternité non réaliste142. Si l'enfant a néanmoins effectivement été conçu par le mari de la mère, le lien de filiation pourra toujours être établi par le biais d'une reconnaissance d'enfant (art. 260, al. 1, CC) ou un jugement de paternité (art. 261 CC).

Loi fédérale d'organisation judiciaire (al. 4) L'adaptation prévue à l'al. 4 a lieu en particulier compte tenu des craintes de bien des cantons et d'autres participants à la procédure de consultation que les droits nouvellement créés conduisent à de longues procédures et à un surcroît de travail pour le Tribunal fédéral.

Le recours à ce tribunal est, de plus, exclu lorsque le refus d'un droit ne remet
pas en question le séjour en Suisse. Tel est le cas pour le droit à l'octroi de l'autorisation d'établissement (art. 33, al. 2), pour le changement de canton (art. 36, al. 2 et 3) ainsi que pour le droit des apatrides à des documents de voyage (art. 58). De même, le recours de titulaires d'une autorisation frontalière est exclu car ils n'exercent qu'une activité lucrative en Suisse tout en gardant leur domicile dans un Etat voisin (art. 34, al. 4, art. 38, al. 2).

Cette restriction est également constitutionnelle dans l'optique de la garantie des voies de droit de l'art. 29a Cst. (voir message relatif à une nouvelle constitution fédérale, ch. 231.33; FF 1997 I 7). Toutefois, il faudrait adapter cette disposition s'il 140 141 142

RS 141.00 Voir ATF cité à la note précédente.

La présomption légale est déduite de l'essence du mariage, compris comme une communauté de vie étendue et exclusive. Il en découle la présomption de fait que le mari et lui seul a cohabité avec la mère et a ainsi engendré l'enfant. Hegnauer, Grundriss des Kindesrechts, Berne, 1999, ch. 5.02, Meier/Stettler, Droit civil VI/1, L'établissement de la filiation, (art. 252 à 269c CC), Fribourg, 1998, p. 23.

3593

devait s'avérer, dans le cadre de la révision totale de la loi fédérale d'organisation judiciaire, qu'une telle limitation de l'accès au Tribunal fédéral n'est pas conforme au nouveau régime.

Par rapport à la LSEE, le projet de loi ne prévoit une possibilité accrue de recourir au Tribunal fédéral que dans trois cas: pour le droit à la prolongation de la durée de validité de l'autorisation de séjour après cinq ans (art. 32, al. 4), pour le regroupement familial de personnes titulaires d'une autorisation de séjour (art. 43) et pour le maintien du droit de séjour après la dissolution de la famille (art. 49).

Un autre changement a eu lieu pour des motifs linguistiques: le terme allemand «Einreisesperre» sera remplacé par «Einreiseverbot».

Loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services (al. 5) La réglementation actuelle de l'art. 21 de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, selon laquelle le bailleur de service ne peut engager une personne qui n'a pas déjà été autorisée à exercer une activité lucrative, se révèle aujourd'hui trop restrictive et dépassée par le développement de l'économie. Pour cette raison, il s'agit d'introduire une disposition spéciale (al. 2) conférant au Conseil fédéral la compétence d'édicter une réglementation plus différenciée dans les cas importants.

Art. 121

Dispositions transitoires

Le délai du regroupement familial différé selon l'art. 46, commencera à courir à l'entrée en vigueur de la loi pour les personnes vivant déjà en Suisse. Autrement, le droit au regroupement familial serait déjà éteint avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation et donc avant que les mesures prévues puissent être prises.

Art. 122

Référendum et entrée en vigueur

Pas de remarques.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.1.1

Au plan fédéral

Le présent projet de loi confère de nouvelles tâches à la Confédération: la surveillance technique de l'arrivée des passagers à l'aéroport (art. 98, al. 3), pour une collaboration renforcée avec les entreprises de transport aérien (art. 87, al. 2) et les amendes infligées par l'OFE (art. 89). Il est impossible, à l'heure actuelle, d'estimer les coûts qui en résulteront pour la Confédération.

En outre, la Confédération devra accorder, par analogie avec l'art. 93 de la LAsi, une aide au retour à des groupes déterminés d'étrangers (art. 59, al. 3). Les dépenses supplémentaires ainsi occasionnées seront compensées par les économies réalisées, au titre de la procédure d'asile, de l'assistance et de l'encadrement, en évitant des demandes d'asile injustifiées.

3594

Le surcroît de dépenses dû à l'art. 59, al. 2, ch. b, se justifie pour des motifs humanitaires. L'aide au retour ne doit profiter qu'à des personnes démunies qui dépendent vraiment d'une aide particulière.

3.1.2

Au plan cantonal

Les simplifications de procédure qui ont été prévues, notamment dans le domaine de la mobilité professionnelle et géographique, permettront de faire des économies importantes dans le domaine administratif. D'un autre côté, on ne peut pas exclure que les droits prévus dans le projet de loi entraînent plus de travail dans le domaine des procédures de recours.

3.2

Conséquences économiques

Bien que la politique d'immigration appliquée à la main d'oeuvre étrangère ait souvent servi, en partie, à réguler le marché suisse du travail, elle n'est pas l'instrument adéquat pour pallier efficacement le vieillissement de la population et le déséquilibre qui caractérisera, à long terme, l'emploi et dont on constate aujourd'hui les premiers effets. Il s'est avéré, en Suisse comme d'ailleurs dans le reste de la zone OCDE, que les mouvements de main-d'oeuvre ne pouvaient être que partiellement maîtrisés (notamment pour ce qui est du regroupement familial) et que les immigrants avançaient eux aussi en âge et qu'ils prenaient leur retraite. Outre une politique migratoire appropriée, ce sont surtout d'autres éléments qui peuvent avoir une influence positive sur les conséquences économiques de l'évolution démographique.

Ainsi, on pensera, en premier lieu, au renforcement de la croissance économique par des gains de productivité ou à un meilleur usage du potentiel de main-d'oeuvre existant ou de celui disponible du fait de l'accord sur la libre circulation des personnes.

D'après les résultats du recensement de 2000, la population a augmenté de quelque 6 %, depuis 1990, pour atteindre environ 7 280 000 personnes. Il faut rechercher dans le solde positif des naissances et de la migration la cause de cette évolution.

Au cours de ces dernières années, plus de trois quarts des étrangers recrutés et contingentés qui sont entrés dans notre pays avec une intention d'y séjourner durablement provenaient des pays membres de l'UE ou de l'AELE. Parallèlement, l'effectif total des personnes immigrées, à l'origine, de ces pays a baissé pour atteindre 58 % de la population résidante de nationalité étrangère.

Entre 1994 et 2001, quelque 3000 à 4000 autorisations à l'année ont été délivrées en moyenne, chaque année, pour un séjour durable à des travailleurs provenant de pays tiers; on a procédé au renouvellement de l'autorisation et au regroupement familial sans les imputer aux nombres maximums. Le nombre des autorisations accordées à des personnes originaires de pays tiers pour des séjours de courte durée (de 6 à 18 mois) a été similaire. Vu la mondialisation de l'économie, il faut s'attendre à une augmentation des autorisations délivrées à des personnes provenant de pays tiers.

Depuis 1996, les autorisations
pour saisonniers ne peuvent plus être accordées qu'à des travailleurs des pays membres de l'UE et de l'AELE. L'entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation des personnes abrogera intégralement la réglementation actuelle des autorisations pour saisonniers.

3595

L'accord sur la libre circulation des personnes aura pour conséquence une libéralisation large et réciproque dans le domaine de la circulation des personnes, après une période transitoire. Cela permettra de garantir une répartition optimale du travail et d'atténuer le manque de main-d'oeuvre qualifiée. L'appréciation des conséquences sur l'économie suisse de cet accord est positive143.

Le projet de loi reprend le système de recrutement binaire tel que le Conseil fédéral l'avait introduit en révisant l'OLE pour la période du contingent 1998/99. Dans le cadre de ce système et de l'introduction par étapes de la libre circulation des personnes avec la CE, il s'agit de donner la priorité d'accès au marché du travail suisse aux ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE par rapport à ceux d'Etats tiers. La main-d'oeuvre nécessaire sera en principe recrutée dans l'UE et l'AELE; cela vaut en particulier pour les personnes ayant des qualifications moins élevées.

Le présent projet de loi tient compte des multiples intérêts politico-économiques et des rapports internationaux de notre pays, comme le faisaient d'ailleurs des pans entiers du droit actuel en matière d'étrangers. A cet égard, la compétence dévolue au Conseil fédéral de fixer le nombre maximum des autorisations de courte durée et des autorisations de séjour initiales (art. 19) joue un rôle certain. Les autorités compétentes pratiqueront, comme aujourd'hui, une politique de contingentement souple et mesurée quant à l'admission de main-d'oeuvre en provenance d'Etats non-membres de l'UE et de l'AELE. La réglementation qui a été retenue permet d'observer de manière adéquate, dans les limites fixées par la loi, les obligations de droit international public (par exemple, GATS/OMC) ou des desiderata des milieux économiques (p. ex. transfert international de cadres des entreprises multinationales).

De même, il devrait être possible de répondre, comme par le passé, à des besoins culturels ou sportifs.

Le projet de loi part du principe que l'admission de ressortissants d'Etats tiers continuera d'être limitée, c'est-à-dire qu'il y aura des contingents et qu'elle servira les intérêts de l'économie suisse à long terme. Cette notion est centrale pour l'admission sur le marché du travail. On peut définir l'intérêt de l'économie suisse comme étant
une amélioration de la structure du marché du travail dans le but d'une occupation la plus équilibrée possible sur le long terme (voir également l'art. 1 OLE). Il s'agit d'encourager un développement durable de l'économie et de tenir compte également de manière appropriée des intérêts sociaux et politiques. Il ne faut pas maintenir des structures en faisant appel à de la main-d'oeuvre non qualifiée et dite «bon marché» et il ne faut pas non plus favoriser des intérêts économiques particuliers qui ne se justifient pas. La notion d'intérêt de l'économie suisse ne peut toutefois pas être définie de manière définitive, mais dépend fortement de la situation relative du marché du travail (voir également ch. 1.2.3.1 et 1.3.5).

L'intérêt, à long terme, de l'économie du pays exige que l'on prévoie des dispositions d'admission régulatrices pour les ressortissants d'Etats tiers. Ces mesures (notamment des conditions de qualifications élevées, la priorité des travailleurs en Suisse, le contrôle des conditions de rémunération et de travail, les contingents) peuvent cependant entrer en conflit avec les buts à court terme de certains participants au marché. Toutefois, une politique en matière d'étrangers axée sur le long terme ne doit pas obéir à des buts politiques régionaux ou sectoriels à court terme.

143

Voir le rapport sur l'intégration Suisse-Union européenne du 3 février 1999; FF 1999 3935 et le message sur l'approbation de l'Accord sectoriel entre la Suisse et la CE du 23 juin 1999; FF 1999 5440 ss

3596

Dans cet esprit, l'admission de main d'oeuvre peu qualifiée en provenance de pays tiers pour des travaux saisonniers (par ex. dans l'agriculture) ou des places «à l'année» (p. ex. employés de maison) serait contraire aux intérêts économiques durables de la Suisse. Tel est notamment le cas lorsque les conditions de rémunération, de durée du travail et de travail sont peu alléchantes.

Le fait de soumettre l'admission des travailleurs d'Etats tiers à des conditions strictes au niveau qualitatif favorise l'intégration non seulement professionnelle mais aussi sociale du travailleur étranger et de sa famille. Il encourage en premier lieu un développement durable du marché du travail et offre de meilleures perspectives de réinsertion professionnelle en cas de chômage.

Le projet de loi ne donne pas au Conseil fédéral la compétence de déroger temporairement aux exigences de qualifications dans l'admission de la main d'oeuvre étrangère. Il s'agit d'éviter en premier lieu la répétition d'erreurs déjà commises en politique en matière d'étrangers dans le cadre du statut de saisonnier.

Dans un passé récent, la politique en matière d'étrangers était notamment marquée par une grande offre de travailleurs peu qualifiés qui ont immigré en Suisse surtout avec le statut de saisonniers et qui ont quitté les entreprises saisonnières pour passer dans le domaine de l'industrie après transformation de leur permis en une autorisation de séjour à l'année. Pendant la récession des années 1990, c'est en premier lieu ces travailleurs peu qualifiés qui ont été menacés par le chômage. Cette politique a élevé le taux de chômage, a freiné les changements structurels et a ralenti le développement de la productivité de notre économie. La main d'oeuvre peu qualifiée était aussi difficile à placer pendant la récession. Le taux de chômage des étrangers était trois fois plus élevé que celui de la population suisse au milieu des années 1990.

Une augmentation de la productivité dans le but d'élever le niveau de bien-être ne serait pas conciliable avec une immigration de travailleurs moins qualifiés. Comme le montre l'expérience des années 1980, le pur élargissement de l'offre en main d'oeuvre favorise avant tout une croissance quantitative sans croissance notable de la productivité. Une telle stratégie de croissance ne peut toutefois
pas durer à long terme. C'est pourquoi il faut accorder la priorité à l'immigration de travailleurs hautement qualifiés. Cette politique d'admission est aussi importante pour nos institutions sociales. En effet, les travailleurs qualifiés contribuent plus fortement à leur financement, dès lors que les cotisations prélevées sur leur salaire sont proportionnellement plus élevées que celles que versent les travailleurs moins qualifiés rémunérés en fonction de leur productivité.

Différentes solutions ont été examinées (parmi elles, «l'adjudication» de contingents). Le modèle qui a été retenu reprend les principaux critères d'admission du système «à points». L'attribution de points à chaque demandeur a toutefois été abandonnée. En effet, le système «à points» ne permet pas de tenir compte rapidement de l'évolution de l'économie. Par ailleurs, le système aurait entraîné davantage de travail administratif (p. ex. tests linguistiques ou d'aptitude dans le pays du demandeur) et n'aurait pas totalement remplacé le pouvoir d'appréciation des autorités.

C'est pourquoi on a retenu finalement un système «de dispositions légales basées sur l'appréciation» qui garantit la flexibilité nécessaire pour tenir compte de manière appropriée des besoins variables du marché du travail. Le projet de loi permet en outre une répartition du contingent par les cantons pour autant qu'une application uniforme du droit fédéral demeure garantie.

3597

La situation juridique des ressortissants de pays tiers qui remplissent les sévères conditions d'admission ­ dans la perspective également de l'accord sur la libre circulation ­ sera améliorée. Parmi les améliorations, figurent en particulier la simplification des types d'autorisations, une réglementation plus généreuse à l'endroit des personnes séjournant en Suisse pour une courte durée (sur l'introduction du regroupement familial pour ces personnes), la possibilité d'exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse, le droit au changement de canton (dans la mesure où la personne n'est pas à la charge de l'aide sociale et où un emploi est disponible) et le droit de changer de profession ou de canton sans autorisation pour les titulaires d'une autorisation de séjour. Ces allégements favorisent l'intégration sociale, suppriment les inconvénients administratifs actuels et rendent la Suisse plus attrayante en tant que pôle économique et pôle de recherches.

Le projet de loi ne règle pas l'immigration par la voie de l'asile, qui est cependant en relation étroite avec la question du recrutement des étrangers. Ceci est surtout valable pour l'admission des personnes provenant du domaine de l'asile sur le marché suisse du travail. Une pratique généreuse de l'octroi d'autorisations de travail à des requérants d'asile peut certes réduire, à court terme, les coûts sociaux. Mais elle peut également entraîner une immigration indésirable supplémentaire, poussée par des motifs économiques et engendrer à long terme des coûts économiques, supplémentaires.

4

Programme de la législature

La révision totale de la LSEE est l'un des objectifs de la législature du Conseil fédéral (rapport du 1er mars 2000 sur le programme de la législature 1999-2003: objectif 11, R 23; FF 2000 2194).

5

Relation avec le droit européen

La relation du présent projet de loi avec l'accord bilatéral conclu avec la CE et l'AELE sur la libre circulation des personnes fait l'objet des commentaires du ch. 1.3.3. Le projet n'est applicable que dans quelques rares cas, de manière subsidiaire, aux ressortissants de l'UE et de l'AELE.

Jusqu'en 1999, la CE n'était pas compétente en matière de politique d'immigration à l'égard des ressortissants d'Etats tiers. Une collaboration des Etats membres avait lieu dans ce domaine lorsqu'il y avait un intérêt commun (Justice et intérieur, 3e pilier des accords de Maastricht). Ce n'est qu'avec l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam le 1er mai 1999 que la Communauté a obtenu la compétence de développer une politique commune d'immigration et d'admission à l'égard des ressortissants d'Etats tiers.

Depuis lors, la Commission européenne a préparé diverses propositions pour régler la question des ressortissants d'Etats tiers et ces propositions sont en cours d'examen auprès du Conseil des ministres et du Parlement européen. Il s'agit en particulier des textes suivants qui ne concernent pas les domaines de l'asile et du contrôle frontière:

3598

­

la proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial (COM (1999) 638 final144 et COM (2000) 624 final145)

­

la proposition de directive du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (COM (2001) 127146)

­

la proposition de directive du Conseil relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi salarié ou de l'exercice d'une activité économique indépendante (COM (2001) 0386 final147)

D'autres propositions sont actuellement en cours d'élaboration par la Commission: ­

proposition de directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins d'études.

­

proposition de directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers en vue d'une activité non rémunérée.

­

«proposal for a Council directive on short-therm permit to stay for victims of trafficking und smuggling who co-operate with the authorities».

L'admission de ressortissants d'Etats tiers voulant exercer une activité lucrative dépendante ou indépendante dans un Etat membre devrait dépendre d'un examen du marché du travail (nécessité économique de l'admission, examen de la priorité des travailleurs dans ce pays et maintien des conditions de rémunération et de travail).

En outre, en cas de besoin, les Etats membres pourront prévoir des quotas. Par ailleurs, l'octroi et la prolongation de l'autorisation supposent l'existence de ressources suffisantes et le respect du droit national.

Pour ce qui est du regroupement familial, la priorité est donnée à une meilleure intégration des ressortissants d'Etats tiers. De manière générale, le regroupement familial ne sera possible que pour les personnes ayant une autorisation d'une durée d'au moins un an, pouvant établir qu'elles disposent d'un logement adéquat et disposant de ressources suffisantes. Les parents en ligne ascendante ne peuvent invoquer les dispositions sur le regroupement familial que sils n'ont plus de proches qui peuvent leur apporter l'aide nécessaire dans leur pays d'origine.

En cas de dissolution du mariage par la mort, le divorce ou la séparation, les conjoints venus après coup auront la possibilité, après un an de séjour et dans des cas de rigueur, de solliciter une prolongation de l'autorisation de séjour (mais sans avoir un droit à cette prolongation). Il n'est prévu d'accorder un droit indépendant de séjour aux membres de la famille regroupée qu'après un séjour de quatre ans.

La proposition de directive relative au regroupement familial prévoit en outre que l'autorisation peut être retirée si les autorités ont été induites en erreur, s'il y a eu violation de la sécurité et de l'ordre publics ou si le mariage a été conclu dans le but de contourner les prescriptions sur l'admission.

De plus, la Commission propose l'octroi d'une autorisation de dix ans ­ correspondant dans une large mesure à l'autorisation d'établissement du droit suisse ­ aux ressortissants d'Etats tiers qui séjournent de manière ininterrompue dans un Etat 144 145 146 147

JOCE 116 du 2.4.2000 JOCE C 062 du 27.2. 2001 JOCE C 240 du 28.8. 2001 JOCE C 332 du 27.11.2001

3599

membre depuis cinq ans. Il faut en particulier que l'intéressé dispose de ressources suffisantes et d'une assurance maladie. Les ressortissants d'Etats tiers ayant une telle autorisation seront traités dans une large mesure de la même manière que les ressortissants d'autres Etats membres de l'UE (notamment en ce qui concerne leur droit à l'aide sociale et les conditions restrictives du refoulement). Enfin, la possibilité d'une admission facilitée dans un autre Etat membre de l'UE est prévue à certaines conditions.

Aucune décision n'a encore sanctionné définitivement ces propositions; il est donc encore possible qu'il y ait des modifications. Bien que les Etats membres aient des conceptions en partie différentes les unes des autres, la Commission s'emploie à dégager les grandes lignes d'une politique migratoire. On peut tout de même admettre que la politique du Conseil fédéral en matière de migration correspond, dans ses traits fondamentaux, à celle de l'UE.

Il se révèle en particulier que les Etats membres de l'UE sont aussi confrontés au problème du contournement des dispositions sur l'admission (passeurs, travail au noir, mariages de complaisance) et qu'ils agissent en principe conformément aux exigences de la CEDH.

Contrairement au présent projet de loi, l'UE discute de l'introduction d'un statut de saisonnier pour des séjours de six mois à une année, sans possibilité de regroupement familial.

6

Constitutionnalité

Les dispositions du projet de loi se basent sur l'art. 121 de la Constitution.

3600

Table des matières Condensé

3471

1 Partie générale 1.1 Situation initiale 1.1.1 Historique 1.1.2 Contexte actuel de la politique à l'égard des étrangers 1.1.3 Motifs de la révision totale de la LSEE 1.1.4 Mandat et objectifs de la commission d'experts 1.2 Composantes de la politique migratoire 1.2.1 Situation initiale 1.2.2 Evolution démographique en Suisse 1.2.3 Politique d'admission 1.2.3.1 Admission des travailleurs 1.2.3.2 Admission dans le domaine de l'asile 1.2.3.3 Admission des membres de la famille pour des raisons humanitaires et pour répondre à des impératifs culturels et scientifiques 1.2.4 Migration et politique extérieure 1.2.5 Politique d'intégration des étrangers 1.2.6 Sauvegarde de la sécurité et de l'ordre publics 1.3 Grandes lignes de la nouvelle loi 1.3.1 Conception 1.3.2 Relation avec la révision partielle de la loi sur l'asile et d'autres projets législatifs 1.3.3 Relation avec l'accord bilatéral avec la CE et l'AELE sur la libre circulation des personnes 1.3.4 Relation avec les autres dispositions du droit international public 1.3.4.1 Les accords multilatéraux au niveau européen 1.3.4.2 Les autres accords multilatéraux 1.3.4.3 Les accords bilatéraux 1.3.4.4 Autres accords internationaux non applicables en Suisse 1.3.5 Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative 1.3.6 Réglementation du séjour 1.3.6.1 Abolition du statut de saisonnier et introduction d'une autorisation de courte durée 1.3.6.2 Autorisation de séjour 1.3.6.3 Autorisation d'établissement 1.3.6.4 L'autorisation frontalière 1.3.6.5 Mobilité géographique et professionnelle 1.3.7 Regroupement familial 1.3.7.1 Situation initiale 1.3.7.2 Regroupement familial pour les membres étrangers de la famille d'un citoyen suisse 1.3.7.3 Droit au regroupement familial pour les titulaires d'une autorisation d'établissement ou de séjour

3475 3475 3475 3478 3479 3480 3480 3480 3482 3484 3485 3488

3490 3490 3492 3493 3494 3494 3494 3495 3496 3496 3502 3505 3506 3506 3507 3507 3508 3508 3508 3509 3509 3509 3510 3510

3601

1.3.7.4 Possibilité de regroupement familial pour les titulaires d'une autorisation de courte durée 3510 1.3.7.5 Principes de cohabitation des membres de la famille 3511 1.3.7.6 Maintien du droit de séjour après dissolution de la famille dans des cas de rigueur 3512 1.3.7.7 Restrictions en matière de regroupement familial 3512 1.3.7.8 Nouvelles mesures de droit civil pour lutter contre les mariages de complaisance 3513 1.3.8 Intégration 3516 1.3.9 Contrôle à la frontière 3517 1.3.10 Mesures d'éloignement 3518 1.3.11 Dispositions pénales et sanctions 3519 1.3.12 Sanctions à l'encontre des entreprises de transport et échange de données 3520 1.3.13 Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers 3522 1.3.13.1 Situation initiale 3522 1.3.13.2 Enquête concernant l'application des mesures de contrainte 3523 1.3.14 Tâches incombant aux autorités et organisation 3526 1.4 Procédure de consultation 3526 1.4.1 Attitudes en général 3526 1.4.2 Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative 3527 1.4.3 Regroupement familial 3528 1.4.4 Intégration des étrangers 3529 1.4.5 Renforcement des mesures de contrainte, sanctions et mesures 3529 1.4.6 Remaniement du projet 3530 1.4.7 Suggestions éliminées ou partiellement retenues 3530 2 Partie spéciale 2.1 Objet et champ d'application 2.2 Entrée en Suisse et sortie de Suisse 2.3 Autorisation et déclaration obligatoires 2.4 Condition d'admission 2.4.1 Principes 2.4.2 Admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative 2.4.3 Admission sans activité lucrative 2.4.4 Dérogations aux conditions d'admission 2.5 Réglementation du séjour 2.6 Regroupement familial 2.7 Intégration des étrangers 2.8 Documents de voyage 2.9 Fin du séjour 2.9.1 Aide au retour et à la réintégration 2.9.2 Extinction et révocation des autorisations 2.9.3 Mesures d'éloignement 2.9.4 Exécution du renvoi ou de l'expulsion 3602

3531 3531 3531 3533 3535 3535 3536 3542 3543 3545 3549 3553 3561 3562 3562 3563 3566 3569

2.9.5 2.10 2.11 2.11.2 2.12 2.13 2.14 2.15 2.16 2.17

Mesures de contrainte Admission provisoire Devoirs Devoirs des entreprises de transport Devoirs et compétences des autorités Protection des données Voies de droit Dispositions pénales et sanctions administratives Emoluments Dispositions finales

3570 3573 3574 3575 3578 3579 3585 3586 3590 3590

3 Conséquences 3.1 Conséquences sur les finances et le personnel 3.1.1 Au plan fédéral 3.1.2 Au plan cantonal 3.2 Conséquences économiques

3594 3594 3594 3595 3595

4 Programme de la législature

3598

5 Relation avec le droit européen

3598

6 Constitutionnalité

3600

Loi fédérale sur les étrangers (projet)

3604

3603