01.064 Message concernant la loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées du 24 octobre 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation le projet de loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées.

Nous vous proposons en outre de classer les interventions parlementaires suivantes: 1998 M 98.3366 Partage dans le domaine de la poursuite pénale (E 01.12.98, Commission des affaires juridiques CE; N 10.06.99) 1999 P 99.3050 Utilisation de l'argent de la drogue confisqué (N 18.06.99, Heim) Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 octobre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-1438

423

Condensé Depuis les années quatre-vingt dix, la mainmise sur les profits du crime, par la confiscation et son corollaire, la répression du blanchiment d'argent, s'est révélée l'un des instruments les plus efficaces de la lutte contre la criminalité. Afin d'encourager une collaboration devenue indispensable entre les Etats, les institutions internationales (Nations Unies, Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, Conseil de l'Europe) ont proposé l'élaboration de principes en matière de partage des valeurs confisquées. En prévoyant expressément la possibilité du partage, entre Etats, des valeurs patrimoniales confisquées et, à certaines conditions, leur restitution, le Conseil fédéral entend notamment créer une base légale pour la conclusion de conventions internationales de partage et montrer la volonté de la Suisse de participer activement à la lutte internationale contre la criminalité.

Comme la Suisse est un Etat fédératif, il importe de régler le partage des valeurs patrimoniales confisquées, sur le plan interne, entre la Confédération et les cantons.

Entré en vigueur en 1942, alors que la criminalité était essentiellement intracantonale, l'art. 381 CP attribue le produit de la confiscation à la collectivité qui l'a prononcée. Or, actuellement, les crimes portent souvent sur des montants considérables et ne respectent plus les frontières politiques. La poursuite pénale est devenue une tâche commune, qui nécessite la collaboration des autorités cantonales et fédérales et qui entraîne des frais importants (notamment du fait de l'augmentation du nombre des affaires pénales et de leur complexité). L'attribution des valeurs confisquées à la seule collectivité qui a ordonné la confiscation peut conduire à des solutions inéquitables, car souvent d'autres collectivités ont aussi contribué au succès de la procédure. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a donc déposé une motion, acceptée par le Parlement, qui oblige le Conseil fédéral à présenter, pour l'ensemble du domaine de la poursuite pénale, une réglementation générale sur le partage des valeurs confisquées lorsque plusieurs collectivités ont participé à la procédure pénale.

Par des règles de partage d'une application simple, le projet de loi sur le partage des valeurs confisquées établit entre les collectivités
participant à la procédure pénale une certaine équité, qui devrait désamorcer les conflits de compétence en matière de confiscation. Selon le système proposé, la collectivité (le canton ou la Confédération) qui a dirigé l'enquête et prononcé la confiscation recevra 5/10 des valeurs confisquées, puisqu'elle aura assumé la plus grande part du travail. Les cantons où se trouvent ces valeurs en obtiendront 2/10, car ils auront collaboré à la procédure principale et souvent dû mener les enquêtes sur les intermédiaires financiers. Enfin, la Confédération recevra, dans tous les cas, les 3/10 restants pour le soutien général qu'elle aura apporté aux cantons dans la lutte contre la criminalité (entraide judiciaire internationale, offices centraux pour la lutte contre le crime organisé international, banques de données) et en raison des coûts supplémentaires entraînés par ses nouvelles compétences de poursuite en matière de crime organisé et de criminalité économique.

424

Différentes voix (voir notamment la motion Alex Heim et l'initiative parlementaire Jost Gross) se sont fait entendre pour que l'argent confisqué provenant de la drogue soit utilisé pour aider les toxicomanes (prévention de la toxicomanie et thérapies) et les pays producteurs des plantes à drogue (développement de cultures de substitution), lesquels sont les premières victimes du trafic de stupéfiants. Le Conseil fédéral estime cependant préférable de laisser les cantons libres de disposer des valeurs leur revenant et d'établir, s'ils le veulent, des règles spéciales comme en ont déjà édictées les cantons de Vaud, de Genève et de Fribourg.

425

Message 1

Partie générale

1.1

Présentation du problème

1.1.1

Mondialisation et extension de la criminalité

Face au développement du crime organisé et de la criminalité en général, la mainmise sur les profits du crime s'est révélée une des tactiques les plus efficaces1. Dans les années quatre-vingt-dix, les Etats se sont efforcés de mettre sur pied un système de coopération internationale visant à priver les criminels des produits de leurs activités illicites. D'une part, ils ont harmonisé leur législation interne en matière de blanchiment de capitaux et de confiscation et ont imposé des obligations de diligence aux intermédiaires financiers. D'autre part, sur le plan de l'entraide judiciaire, ils ont développé des règles facilitant la coopération internationale aux fins du dépistage, de la saisie et de la confiscation des produits du crime.

Comme les valeurs délictueuses ne se trouvaient pas forcément dans les pays où l'infraction avait été commise et que, partant, leur confiscation impliquait la collaboration de plusieurs Etats, il s'imposait, en vue d'encourager la collaboration internationale, de partager les valeurs confisquées entre les Etats qui avaient participé à la procédure pénale. Cette idée de partage fut développée en premier lieu par les Américains qui l'ont baptisée du terme de «asset sharing». Elle fut reprise dans les recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux et dans la Convention européenne du 8 novembre 1990 du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime2.

1.1.2

Répercussions en Suisse

Depuis 1992, la Suisse a conclu plusieurs conventions de partage avec les autorités américaines et canadiennes. Le cas le plus important et le plus célèbre est l'affaire Arana de Nasser, qui portait sur le montant de 240 millions de francs suisses et qui a donné lieu à un différend entre la Confédération et deux cantons sur la part attribuée à la Suisse: Le 23 février 1994, la police vaudoise arrêtait une Colombienne du nom de Sheila Arana de Nasser dans sa maison de Founex. L'enquête révéla qu'elle était l'épouse du trafiquant de drogue notoire Julio Cesar Nasser et que, depuis 1978, elle blanchissait le produit du trafic de son mari aux Etats-Unis. Les avoirs sur ses comptes bancaires s'élevaient à environ 180 millions de dollars (à savoir environ 240 millions de francs suisses). Arana de Nasser, qui fut extradée aux Etats-Unis, avoua que tout l'argent provenait du trafic de drogue. Les Etats-Unis s'entendirent avec les cantons de Vaud et de Zurich pour partager le produit des montants confisqués en deux parts égales, à savoir 120 millions de francs pour les Etats-Unis et 120 millions de francs pour la Suisse. Les cantons de Vaud et de Zurich estimaient que ceux-ci devaient leur revenir

1

2

426

Voir Ursula Cassani, Combattre le crime en confisquant les profits: nouvelles perspectives d'une justice transnationale, Groupe Suisse de Travail de Criminologie, Criminalité économique, vol. 17, Coire/Zurich 1999.

RS 0.311.53.

en application de l'art. 381 CP3, car ils étaient compétents pour poursuivre Arana de Nasser pour trafic de drogue et pour blanchiment d'argent. Pour la Confédération, il s'agissait d'une affaire internationale relevant de sa compétence; l'Office fédéral de la police avait ordonné l'extradition d'Arana de Nasser et était compétent pour remettre aux Etats-Unis les valeurs «trouvées en possession» de cette dernière (art. 59 EIMP4).

Après de longues négociations, les 120 millions revenant à la Suisse furent partagés à raison de 40 % pour chacun des deux cantons et de 20 % pour la Confédération.

A la suite de cette affaire, beaucoup de bruits ont circulé sur le montant des valeurs confisquées. Des chiffres ont paru dans la presse. Ainsi, selon un article publié en novembre 1998 dans le journal «Cash»5, la Confédération et les cantons auraient séquestré 572 millions de francs provenant du trafic de la drogue depuis 19906. En l'absence de statistiques officielles, l'Administration fédérale des finances a procédé à un sondage auprès des cantons. Leurs réponses ont toutefois été lacunaires et il est difficile d'en tirer des conclusions précises. Dans tous les cas, les montants confisqués, qui varient considérablement en fonction du dénouement d'affaires importantes, sont moins élevés que ne le croit l'opinion publique. Si l'on fait abstraction des valeurs patrimoniales confisquées dans l'affaire Arana de Nasser, les cantons auraient confisqué 21 millions de francs en 1998 et 30 millions de francs en 19997.

Pour sa part, le Ministère public de la Confédération a confisqué, de 1994 à 1998, 15,5 millions de francs (provenant essentiellement d'une seule affaire) et séquestré 5,6 millions de francs et 3 millions de dollars8.

1.1.3

Lacunes de la législation suisse

1.1.3.1

Causes internes

Le droit suisse ne connaît, à proprement parler, aucune règle de partage des valeurs patrimoniales confisquées. Il se contente de poser certaines règles d'attribution, le plus souvent lacunaires.

1.1.3.1.1

Causes cantonales

Les valeurs confisquées en vertu du code pénal reviennent au canton qui en a ordonné la confiscation, dès lors qu'il doit assumer les frais de poursuite et d'exécution des peines (art. 381, al. 1, CP).

Adoptée à l'époque où la criminalité était essentiellement intracantonale, cette règle peut conduire de nos jours à des résultats inéquitables. En effet, aujourd'hui, la criminalité, surtout économique et organisée, est devenue un phénomène dépassant les limites cantonales, ce qui exige une collaboration très étroite entre les autorités cantonales et fédérales. Le canton qui a prononcé la confiscation n'est plus le seul à 3 4 5

6 7 8

RS 311.0.

RS 351.1.

Voir Alexandra Stark et Anton Ladner, Nicht nur sauber, sondern mein. Bund, Kantone und Drittstaaten streiten sich darum, wie konfiszierte Drogengelder aufgeteilt werden, in: CASH, no 46, 13 novembre 1998.

Sont inclus les 124,6 millions US$ séquestrés dans l'affaire Salinas.

Selon les chiffres fournis par l'Administration fédérale des finances sur la base des renseignements donnés par les cantons.

Selon les renseignements donnés par le Ministère public de la Confédération.

427

intervenir. Celui où se trouvent les valeurs peut être amené à fournir des informations et des preuves utiles à l'enquête. Souvent, il doit en outre mener une enquête séparée sur les intermédiaires financiers pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

Froissé de ne pouvoir participer au bénéfice de la confiscation prononcée dans une procédure à laquelle il a participé, il risque de confisquer les valeurs sur la base de l'art. 305bis CP, ce qui pourrait créer un conflit de compétence positif. Il paraît dès lors juste mais aussi opportun de lui octroyer une part des valeurs confisquées.

1.1.3.1.2

Causes relevant des autorités judiciaires fédérales

Dans les causes relevant de la juridiction fédérale, les valeurs confisquées reviennent à la Confédération lorsque la confiscation a été prononcée par la Cour pénale fédérale du Tribunal fédéral (art. 381, al. 2, CP). Les valeurs seront en revanche acquises au canton délégataire en cas de délégation de l'instruction et du jugement.

Cette règle de répartition a été remise en cause dans le cadre du projet «efficacité» qui octroie de nouvelles compétences à la Confédération dans les domaines du crime organisé et de la criminalité économique9. S'écartant de la règle prévue à l'art. 381 CP, le projet «efficacité» prévoit que les valeurs confisquées resteront acquises à la Confédération même si le Ministère public de la Confédération délègue aux autorités cantonales le jugement d'une affaire selon l'art. 340bis CP nouveau (projet «efficacité»), dès lors qu'il devra soutenir l'accusation devant le tribunal cantonal; en contrepartie, la Confédération devra supporter les frais (art. 265quater en relation avec l'art. 18bis PPF). Contestée par les cantons, cette disposition a été adoptée à titre provisoire par le Parlement, qui, par une motion, a invité le Conseil fédéral à élaborer une réglementation générale sur la question du partage10.

Selon le nouvel art. 340bis CP (projet «efficacité»), seront soumises à la juridiction fédérale les infractions de la criminalité organisée (y compris la corruption et le blanchiment) si les actes punissables ont été commis pour une part prépondérante à l'étranger ou s'ils ont été commis dans plusieurs cantons sans qu'il y ait de prédominance évidente dans l'un d'entre eux (art. 340bis, al. 1, CP). En outre, le Ministère public de la Confédération pourra ouvrir une procédure d'investigation portant sur des infractions économiques (infractions contre le patrimoine et faux dans les titres) de portée internationale ou intercantonale si aucune autorité cantonale de poursuite pénale n'est saisie de l'affaire ou que l'autorité cantonale de poursuite pénale compétente sollicite du Ministère public de la Confédération la reprise de la procédure (art. 340bis, al. 2, CP). Adoptées le 22 décembre 1999 par le Parlement, ces nouvelles dispositions devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2002.

L'art. 265quater PPF (projet «efficacité») devrait être abrogé par le projet de loi
fédérale sur le Tribunal pénal fédéral, qui propose de supprimer, sous réserve des cas simples, la possibilité de déléguer le jugement des infractions relevant du crime organisé et de la criminalité économique11.

9

10

11

428

Cf. FF 2000 71 ss. Voir aussi le message du 28 janvier 1998 du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse, de la loi fédérale sur la procédure pénale et de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (mesures tendant à l'amélioration de l'efficacité et de la légalité dans la poursuite pénale), in: FF 1998 1253.

Cf. la motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats concernant le partage des valeurs confisquées dans le domaine de la poursuite pénale (98.3366). Voir ch. 1.2.1.

Cf. le message du 28 février 2001 du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, in: FF 2001 4000 (4166, 4172).

1.1.3.1.3

Causes relevant des autorités administratives fédérales

Les valeurs confisquées en application de la loi fédérale sur le droit pénal administratif sont dévolues à la Confédération, que le jugement ait été rendu par la Confédération ou par les autorités cantonales (art. 92 et 93 DPA12). En contrepartie, le canton peut demander à la Confédération le remboursement des frais de procès et d'exécution auxquels l'inculpé n'a pas été condamné ou que le condamné est dans l'impossibilité de payer (art. 98 DPA)13.

Cette règle peut paraître inéquitable, dès lors qu'en ce domaine également, la poursuite pénale peut exiger la collaboration des autorités cantonales et fédérales. Elle pourra en outre décourager les autorités cantonales d'accepter la jonction de cause par-devant elles lorsque la compétence de l'administration concernée, de même que la juridiction cantonale sont établies (art. 21, al. 3, DPA).

1.1.3.2

Causes internationales

Les conventions de partage conclues avec les autorités étrangères ne bénéficient d'aucune base légale, ce que la doctrine critique14. L'absence de réglementation a conduit à des conflits entre les cantons et la Confédération, en particulier sur la compétence pour négocier avec les autorités étrangères. Ainsi, dans l'affaire Arana de Nasser (résumée ci-dessus sous ch. 1.1.2), les cantons de Vaud et de Zurich affirmaient que la convention de partage avec les Etats-Unis constituait une convention de droit administratif et qu'ils pouvaient de ce fait la conclure sans la collaboration du Conseil fédéral et sans son approbation; en revanche, selon la Confédération, il s'agissait d'une affaire de droit international public entrant dans sa seule compétence.

En outre, l'art. 381 CP ne règle que l'attribution des valeurs confisquées selon le droit suisse. Il ne régit pas en revanche l'attribution des valeurs confisquées en application du droit étranger et remises à la Suisse en vertu d'une convention internationale de partage. Selon la pratique actuelle, dans les cas d'entraide où les cantons collaborent à la procédure pénale, les valeurs leur sont rétrocédées. En revanche, en cas d'extradition, la Confédération conserve les fonds au motif qu'elle a dirigé la procédure. Cette pratique, qui ne repose sur aucune base légale, a toutefois été remise en question dans l'affaire Arana de Nasser (voir ch. 1.1.2).

12 13 14

RS 313.0.

Voir Renate Schwob, Droit pénal administratif de la Confédération, V, Fiche juridique suisse 1290, p. 14.

G. Arzt, in: N. Schmid (édit.), Kommentar, Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, p. 299, n. 83 ad art. 260ter.

429

1.1.4

Evolution sur le plan international

1.1.4.1

Accords et recommandations internationaux

Il n'existe aucun traité multilatéral sur le partage des valeurs confisquées en général15. Certains accords internationaux encouragent toutefois les Etats à coordonner les procédures de confiscation et à partager les biens confisqués. On peut notamment citer la Convention no 141 du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime16, la Convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes17 et les Recommandations de 1990, révisées en 1996, du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux18 19.

1.1.4.2

Législations étrangères

1.1.4.2.1

Etats-Unis

Dans le système américain, le partage reflète le degré de participation des agences des Etats et des agences locales à la procédure qui a conduit à la confiscation20.

Cette participation est déterminée en fonction du nombre d'heures de travail effectuées par les collaborateurs des différentes agences. Le partage porte sur le produit net de la confiscation; sont déduits les droits des tiers (droits de rétention, hypothèques), les frais de l'Etat fédéral en relation avec la confiscation, les versements aux informateurs et les dépenses de l'Etat fédéral liées à la gestion des avoirs confisqués (estimation, dépôt, mesures de sécurité, vente).

Sur le plan international, le Ministre de la Justice et le Ministre des Finances peuvent conclure des conventions de partage avec n'importe quel pays étranger qui a participé directement ou indirectement à la saisie ou à la confiscation. Le partage avec l'Etat étranger se fait en fonction du degré de participation à la procédure de confiscation et du caractère indispensable de l'aide fournie pour le succès de la confiscation21.

Le produit des confiscations nationales et internationales est versé dans le Fonds géré par le Département de Justice ou dans le Fonds géré par le Département des Finances. Il peut servir au financement d'activités en vue du renforcement des enquêtes futures, de la formation des enquêteurs, des équipements (gilets pare15 16 17 18 19 20

21

430

Il existe en revanche des traités bilatéraux de portée générale. Les gouvernements des Etats-Unis et des Pays-Bas ont ainsi conclu un accord général en matière de «sharing».

Art. 15.

Art. 5, al. 5, let. b; Nations Unies, Conseil économique et social, Doc. E/CONF. 82/15, du 19 décembre 1988.

Recommandation, no 39. Ces recommandations ont été publiées notamment in: Bulletin de la Commission fédérale des banques 1996, p. 19 ss.

Dans ce contexte, le Groupe des huit (sous-groupe 1, coopération judiciaire) a établi un modèle de convention bilatérale de partage.

Voir notamment The Attorney General's Guidelines on Seized and Forfeited Property, juillet 1990; A Guide to equitable Sharing of federally forfeited Property for State and Local law inforcement agencies, U.S. Department of justice, mars 1994.

Le Département de Justice et le Département des Finances ont établi à ce sujet des directives précises: Memorandum of understanding between the Department of Justice and the Department of the Treasury establishing international asset sharing guidelines, printemps 1995.

balles, armes à feu, radios, téléphones cellulaires, ordinateurs, véhicules, etc.), des établissements de détention (construction de prisons); les agences des Etats et les agences locales peuvent affecter jusqu'à 15 % des valeurs partagées pour les thérapies des toxicomanes et les programmes d'éducation anti-drogue.

1.1.4.2.2

Canada

En 1995, le Canada a adopté un règlement sur le partage du produit de l'aliénation des biens confisqués22. Cette réglementation s'applique à toutes les valeurs qui ont été confisquées dans une procédure fédérale dans le domaine des stupéfiants ou de la criminalité organisée. Le Procureur général du Canada (autorité administrative), qui procède au partage, évalue la participation du gouvernement fédéral et de chacune des autorités en cause en se fondant (1) sur la nature et l'importance des informations fournies par les organismes du gouvernement fédéral et de chaque autorité et (2) sur le niveau de leur participation à l'enquête et à la poursuite qui a conduit à la confiscation des biens. Sont déduits du montant à partager les frais de fonctionnement et ceux qui sont liés directement aux valeurs confisquées, à l'exclusion des frais judiciaires.

Au niveau international, le Procureur général du Canada peut, à certaines conditions, conclure avec des gouvernements étrangers des accords de partage mutuel lorsque des organismes canadiens et étrangers ont participé à des enquêtes qui ont permis la confiscation de biens ou la condamnation à une amende. Le pourcentage attribué à l'Etat étranger est réglé en principe cas par cas. La part dévolue au Canada est répartie comme en cas de partage interne.

1.1.4.2.3

Luxembourg

En 1992, le législateur luxembourgeois a créé un «Fonds de lutte contre le trafic de stupéfiants»23 dont la mission consiste à favoriser l'élaboration, la coordination et la mise en oeuvre de moyens de lutte contre le trafic de stupéfiants et la toxicomanie et à pallier les effets directs et indirects liés à ces pratiques illicites. Doté de la personnalité juridique, ce Fonds est alimenté par tous les biens meubles et immeubles, divis

22

23

Voir la loi du 23 juin 1993 concernant l'administration de biens saisis ou bloqués relativement à certaines infractions, l'aliénation de biens après confiscation et, dans certains cas, le partage du produit de leur aliénation (titre abrégé: loi sur l'administration des biens saisis); le règlement du 31 janvier 1995 concernant le partage du produit de l'aliénation des biens confisqués, le partage de certaines amendes et le partage de fonds transférés au Canada par des gouvernements étrangers (titre abrégé: règlement sur le partage du produit de l'aliénation des biens confisqués).

Voir l'art. 5 de la loi du 17 mars 1992 portant 1. approbation de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne le 20 décembre 1988; 2. modifiant et complétant la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie; 3. modifiant et complétant certaines dispositions du Code d'instruction criminelle.

Sur l'organisation du Fonds, voir le règlement intérieur du Fonds de lutte contre le trafic des stupéfiants et le règlement grand-ducal du 28 mai 1993 concernant le contrôle par la Chambre des Comptes sur la gestion financière du Fonds de lutte contre le trafic des stupéfiants.

431

et indivis, confisqués en application de la loi sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

1.1.4.2.4

Liechtenstein

En 2000, le Liechtenstein a modifié sa loi de procédure pénale24. Le gouvernement est autorisé à conclure des conventions sur le partage des valeurs confisquées avec les Etats où les infractions ont été commises et à prévoir des obligations relatives à leur utilisation.

1.2

Travaux législatifs

1.2.1

Nécessité de légiférer et interventions parlementaires

A la suite de l'affaire Arana de Nasser et compte tenu des lacunes de notre législation, le besoin d'édicter une réglementation sur le partage des valeurs confisquées s'est fait sentir. Les cantons ont ainsi demandé que la Confédération adopte une réglementation générale sur le partage des valeurs confisquées au regard de l'importance des charges assumées par eux et par la Confédération dans la poursuite pénale. La Conférence des autorités de poursuite pénale de la Suisse romande et du Tessin a tenté de jeter les bases d'un gentlemen's agreement entre les autorités de poursuite pénale pour éviter des conflits de compétence positifs entre cantons. Des voix25 se sont aussi fait entendre pour que l'argent confisqué qui provient du trafic de drogue n'augmente pas simplement les recettes de l'Etat, mais qu'il soit «restitué» aux victimes indirectes de la drogue et affecté, du moins en partie, à la prévention de la toxicomanie, aux traitements des toxicomanes et à l'aide aux pays producteurs de plantes à drogue pour les aider à développer des cultures de substitution (cf. ch. 1.3.3).

Différentes interventions parlementaires montrent également la nécessité de légiférer dans le domaine: a.

24 25

432

Le 27 août 1998, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a déposé une motion, qui a été acceptée par les deux Chambres, concernant le partage des valeurs confisquées dans le domaine de la poursuite pénale (98.3366): Le Conseil fédéral est invité à présenter, dans les meilleurs délais, un projet portant sur une règle générale du partage pour l'ensemble du domaine de la poursuite pénale qui tienne compte d'une péréquation équitable des charges entre la Confédération et les cantons.

Art. 253a de la loi du 25 octobre 2000 relative à la modification de la loi de procédure pénale (Strafprozessordnung).

Voir notamment les articles de presse suivants: Alexandra Stark et Anton Ladner, Nicht nur sauber, sondern mein, Bund, Kantone und Drittstaaten streiten sich darum, wie konfiszierte Drogengelder aufgeteilt werden, in: CASH, no 46, 13 novembre 1998; Peter Stirnimann, Ruf nach Zweckbindung und Ursachenbekämpfung, in: Neue Zürcher Zeitung, no 236, 12 octobre 1998; Marlyse Cuagnier, Les millions genevois de la drogue vont à la prévention: un modèle pour la Suisse?, in: 24 Heures, 20­21 mars 1999.

b.

Le 17 décembre 1998, le conseiller national Jost Gross a formulé une initiative parlementaire, à laquelle le Conseil national a donné suite le 20 décembre 1999, concernant l'affectation de l'argent saisi dans le trafic de drogue à des fins de traitement de la toxicomanie (98.450). Il y demande l'adoption d'une disposition légale de la teneur suivante: Les éléments de fortune confisqués dans le cadre des procédures pénales pour infractions à la loi sur les stupéfiants seront affectés au dédommagement des lésés et pour le surplus au financement d'institutions de prévention de la toxicomanie et de réinsertion des toxicomanes, soit par la voie d'une modification des art. 59 et suivants du code pénal, soit par une disposition complémentaire à la loi sur les stupéfiants.

c.

Le 8 mars 1999, le conseiller national Alex Heim a présenté une motion concernant l'utilisation de l'argent de la drogue confisqué (99.3050), qui a été transformée en postulat et dont la teneur est la suivante: Le Conseil fédéral est chargé d'élaborer un projet visant à garantir qu'une partie de l'argent de la drogue sera désormais utilisée en faveur des victimes de la toxicomanie et servira notamment à financer les thérapies, la prévention et la lutte contre le trafic de drogue.

d.

Le 15 mars 1999, sous la forme d'une question ordinaire, la conseillère nationale Lisbeth Fehr a interrogé le Conseil fédéral sur différents points concernant l'argent de la drogue confisqué (99.1021).

1.2.2

Avant-projet de loi sur le partage

Par décision du 5 octobre 1998, le chef du Département fédéral de justice et police (ci-après: DFJP) a institué une Commission d'experts chargée de trouver une méthode de répartition du produit des confiscations et d'examiner si une partie devait être affectée à des buts particuliers. La Commission a remis son rapport, accompagné d'un avant-projet de loi, au DFJP en octobre 1999.

Le Conseil fédéral a adopté les propositions de la Commission d'experts, sous deux réserves. Il a augmenté le montant des valeurs confisquées à partir duquel l'avantprojet devait s'appliquer et a modifié la clé de répartition entre les collectivités concernées26. Le 5 juillet 2000, il a ordonné au DFJP de soumettre l'avant-projet ainsi modifié à la procédure de consultation des cantons, des partis politiques et des organisations intéressées, procédure qui s'est déroulée de mi-juillet à fin octobre 2000.

26

Avant-projet de loi et rapport explicatif concernant le partage des valeurs patrimoniales confisquées («sharing»), Berne, juillet 2000.

433

1.2.3

Procédure de consultation

Tous les cantons, sept partis politiques, 19 organisations ainsi que le Tribunal fédéral se sont prononcés sur l'avant-projet. Ils l'ont accueilli favorablement, reconnaissant la nécessité d'élaborer une réglementation claire sur le partage des valeurs confisquées27. Il importe de s'arrêter sur les points principaux suivants: ­

Notamment pour des raisons d'économie de procédure, de transparence et de simplicité, les participants ont approuvé quasi unanimement le système, selon lequel les valeurs confisquées sont partagées, dans chaque procédure, en fonction d'une clé fixe prédéterminée.

­

Dans l'avant-projet, les nouvelles règles de partage ne devaient s'appliquer que si le montant brut des valeurs patrimoniales confisquées était supérieur ou égal à 500 000 francs. Sept cantons et une organisation ont considéré que ce montant était approprié. Cinq cantons et trois partis l'ont estimé trop élevé et ont suggéré de l'abaisser à 100 000 francs. Un canton a conseillé de le fixer à 250 000 francs.

­

La plupart des participants ont considéré que la part de la Confédération était trop élevée. Selon eux, le soutien général de la Confédération (entraide judiciaire, offices centraux, banques de données) n'a qu'une portée marginale et ne saurait justifier que lui soit attribuée une part de 3/10 des valeurs confisquées. Ils estiment en outre que la Confédération est exagérément favorisée dans les affaires de crime organisé et de criminalité économique qui tomberont dans sa compétence selon le projet «efficacité».

­

Les règles relatives au partage sur le plan international ont été bien accueillies. Certains participants demandent que l'on pose certaines règles en cas de corruption des fonctionnaires étrangers et de gestion déloyale des intérêts publics. Ils proposent que les valeurs provenant de ces infractions soient transférées à l'Etat étranger si le jugement pénal ordonne leur confiscation et si l'Etat étranger requérant garantit la réciprocité; le canton devrait pouvoir retenir une part desdites valeurs pour couvrir ses frais.

­

Enfin, la question de l'affectation des valeurs confisquées à un but déterminé (p. ex. à la prévention de la toxicomanie ou à l'aide au développement) a donné lieu à des avis divergents. Les cantons saluent presque tous la proposition du Conseil fédéral de renoncer à prévoir l'affectation des valeurs patrimoniales confisquées à un but particulier. Les partis politiques émettent en revanche des avis divergents. Les associations économiques et les autorités de poursuite pénale se prononcent contre une affectation spéciale, alors que les organisations de lutte contre les toxicomanies et d'aide au développement y sont favorables.

Le 25 avril 2001, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et a chargé le DFJP d'élaborer un message et un projet de loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées.

27

434

Pour un résumé complet: cf. le résumé des résultats de la procédure de consultation sur l'avant-projet de loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées («sharing»), Office fédéral de la justice, avril 2001.

1.3

Lignes directrices du projet

Souvent plusieurs collectivités participent à une même enquête pénale. Il paraît dès lors équitable qu'elles se partagent les valeurs confisquées. Dans les affaires d'envergure internationale, la question du partage se pose à un double niveau. Il s'agira, en premier lieu, de partager les valeurs entre la Suisse et les Etats étrangers, puis, dans un second temps, de répartir la part dévolue à la Suisse entre la Confédération et les cantons.

Le projet de loi sur le partage pose certaines règles de compétence et de procédure en vue de la conclusion d'accords internationaux de partage, laissant les négociateurs libres de fixer la clé de répartition (ch. 1.3.2). Pour le partage interne, il établit un système de partage, avec une clé de répartition fixe, qui devrait assurer une certaine équité entre les cantons et la Confédération et désamorcer ainsi les conflits de compétence (ch. 1.3.3). Le Conseil fédéral propose de laisser les cantons libres d'utiliser la part des confiscations leur revenant (cf. ch. 1.3.4).

1.3.1

Buts du projet

Le projet de loi sur le partage vise principalement trois buts: a.

Il doit permettre d'assurer une juste indemnisation des collectivités pour les frais qu'elles ont engagés dans la poursuite pénale et qu'elles devront assumer pour l'exécution des peines.

b.

Il tend à assurer une certaine équité et une certaine solidarité entre les collectivités qui ont participé à la procédure pénale. En effet, aujourd'hui, les crimes, surtout économiques et organisés, constituent fréquemment un phénomène transfrontalier. Leur poursuite est devenue une tâche commune, qui nécessite des forces unies. Il apparaît dès lors peu satisfaisant que les produits des confiscations, qui sont de plus en plus importants, soient dévolus, pour l'essentiel, à la seule collectivité qui a ordonné la confiscation des valeurs. L'équité exige un partage du produit des valeurs confisquées entre les participants à la procédure pénale.

c.

En assurant une certaine équité, le projet devrait permettre de désamorcer les conflits de compétence. En effet, dans certains cas, il peut arriver que les mêmes valeurs puissent être confisquées à la suite d'infractions différentes poursuivies par des collectivités différentes. Ainsi, en matière de blanchiment d'argent, il pourra y avoir conflit de compétence entre le canton où le trafic de stupéfiants a eu lieu et le canton où se trouve l'argent de la drogue.

L'attribution d'un certain pourcentage aux collectivités concernées devrait favoriser la conclusion d'accord sur la fixation du for et éviter que celles-ci n'ouvrent des procédures séparées, qui permettraient la confiscation des mêmes valeurs, par exemple en vertu de l'art. 305bis CP. Le projet de loi sur le partage renonce cependant à poser des règles de compétence. Si les collectivités en cause n'arrivent pas à s'entendre, le conflit devra être porté devant la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral qui déterminera l'autorité compétente pour ordonner la confiscation (art. 351 CP).

435

1.3.2

Partage entre Etats

1.3.2.1

Partage international actif et passif

Le projet de loi sur le partage réglemente la procédure interne de conclusion des accords de partage des valeurs patrimoniales confisquées sur le plan international.

Il distingue le partage international actif du partage international passif: a.

En cas de partage international actif, les autorités suisses (cantonales ou fédérales) ordonneront la confiscation en application du droit suisse. Elles offriront tout ou partie des valeurs à l'Etat étranger qui aura collaboré à la procédure pénale. Les valeurs se trouveront en principe en Suisse; la règle de la territorialité n'empêchera toutefois pas le juge suisse d'ordonner la confiscation de biens situés à l'étranger28.

b.

En cas de partage international passif, l'enquête pénale sera menée à l'étranger et la confiscation sera ordonnée par les autorités étrangères compétentes en vertu de leur droit national. Les autorités suisses seront appelées à fournir à l'Etat étranger des moyens de preuves et d'informations (notamment art. 67a EIMP) ou à lui transférer les valeurs délictueuses sises en Suisse en vue de leur confiscation ou de leur restitution à l'ayant droit (art. 59 et 74a EIMP). En contrepartie de son aide, l'Etat étranger pourra octroyer à la Suisse une part des valeurs.

1.3.2.2

Cas particulier de la restitution à l'Etat «lésé»

Le projet de loi sur le partage permettra expressément la restitution à l'Etat «lésé» des valeurs qui proviennent de la corruption de fonctionnaires étrangers ou de la gestion déloyale des intérêts publics. Dans la pratique, ces valeurs sont déjà actuellement restituées à l'Etat «lésé», et le Conseil fédéral n'entend rien n'y changer. La restitution se fera par des voies distinctes selon que la confiscation aura été ordonnée en application du droit étranger ou du droit suisse. Si l'Etat étranger a rendu une décision de confiscation ou s'il n'existe aucun doute sur la provenance illicite des valeurs saisies, les autorités suisses (cantonales ou fédérales) restitueront directement les valeurs à l'Etat «lésé». Il s'agira d'un simple cas d'application des art. 59 ou 74a EIMP. La remise sera alors effectuée par les autorités de poursuite cantonales ou fédérales. Si, en revanche, une procédure pénale est ouverte en Suisse et que la confiscation est ordonnée selon le droit suisse, la restitution des valeurs se fera par la voie d'un accord international de partage conclu par la Confédération en application du projet de loi sur le partage (cf. aussi ch. 2.3.2).

1.3.3

Modes de partage sur le plan interne

Les valeurs patrimoniales confisquées peuvent être partagées entre les cantons et la Confédération selon différents critères. Deux modes de partage sont notamment possibles. Toutes les valeurs confisquées peuvent être versées dans une caisse commune et être réparties périodiquement entre les cantons et la Confédération selon 28

436

SJ 1986, p. 520.

une clé générale à déterminer (p. ex. en fonction de la population, des frais totaux engagés pour la poursuite pénale et l'exécution des peines, du nombre de condamnations pour infractions à la LStup). Un autre système peut consister à partager les valeurs patrimoniales, dans chaque cas particulier, entre les collectivités qui ont participé à la procédure pénale ayant conduit à leur confiscation. Selon ce système, les valeurs peuvent être réparties en fonction du travail qui a été effectué par les collectivités et qui peut être évalué sur la base de critères quantitatifs (nombre d'heures de travail, opérations effectuées) ou qualitatifs (importance du rôle assumé dans l'enquête) ou encore de manière schématique, en établissant une clé fixe, qui tienne compte de l'engagement des collectivités en cause.

Suivant la Commission d'experts, le Conseil fédéral a opté pour un système de partage, en fonction d'une clé fixe, dans chaque procédure où les valeurs confisquées excèdent 100 000 francs. Il propose d'attribuer les 5/10 des valeurs confisquées à la collectivité (canton ou Confédération) qui a dirigé l'enquête et prononcé la confiscation, de faire bénéficier le canton où sont situées les valeurs délictueuses (canton de situation) des 2/10 de celles-ci et d'octroyer à la Confédération une part de 3/10 des biens confisqués. Approuvé quasi unanimement par les participants à la procédure de consultation29, ce système présente de nombreux avantages: ­

Il est d'une application simple. Il ne porte que sur des confiscations d'un montant relativement important. Seule la déduction des frais pourra poser quelques problèmes, à tout le moins dans les premiers temps de l'application de la loi. En conséquence, les frais de fonctionnement devraient être peu importants.

­

Contrairement au système de la caisse commune, il encourage les collectivités à se montrer plus efficaces dans la poursuite des infractions, dès lors que les valeurs confisquées ne seront pas réparties selon des critères généraux indépendants de la poursuite en cause, mais attribuées, dans leur plus grande partie, à la collectivité qui aura mené la procédure ayant abouti à la confiscation.

­

Enfin, contrairement au système de la caisse commune, les décisions sur le partage, notamment celles sur la déduction des frais, pourront être soumises à une autorité de recours, ce qui sera garant de la justice et de l'impartialité des décisions.

1.3.4

Utilisation des valeurs confisquées par les collectivités bénéficiaires

1.3.4.1

Arguments en faveur d'une affectation spéciale

Il peut apparaître immoral que l'argent qui tire sa source de la criminalité tombe dans les caisses générales de l'Etat et qu'il ne soit pas utilisé ­ en partie au moins ­ en faveur des victimes des infractions qui sont à l'origine des valeurs confisquées, à savoir, en premier lieu, pour aider les toxicomanes. Selon certains, une partie de cet argent devrait constituer une contribution avant tout pour la prévention de la toxicomanie et la prise en charge médico-sociale des toxicomanes, les besoins en ce dernier domaine se faisant actuellement plus particulièrement sentir à la suite de la 29

En particulier: tous les cantons; le PLS, le PS, le PRD et l'UDC.

437

diminution massive des subventions de l'assurance invalidité. Il ne s'agirait que d'un juste dédommagement collectif des victimes du trafic de drogue et cela permettrait de rééquilibrer la politique des quatre piliers en faveur de la prévention et de la thérapie, qui font figure de parent pauvre par rapport à la répression.

D'autres considèrent qu'il conviendrait de «restituer» les avoirs confisqués aux pays producteurs de drogue. En effet, le commerce de drogue a, dans ces pays, des conséquences dévastatrices sur le plan humain, social, économique et écologique; en outre, partout où se développe la production de la drogue, on assiste à une montée de la violence. L'argent confisqué devrait alors permettre de soutenir des projets d'aide au développement, en premier lieu, pour inciter les paysans à abandonner la culture de stupéfiants en leur assurant un revenu suffisant, mais aussi, de manière plus générale, pour lutter contre la pauvreté (p. ex. en créant des emplois). Par de tels projets, on s'attaquerait aux racines mêmes du problème. Le retour de l'argent confisqué à ces pays constituerait une importante manifestation de solidarité internationale de la part de la Suisse.

L'attribution d'une partie des valeurs confisquées (p. ex. 2/10 pour la prévention de la toxicomanie et 1/10 pour les projets dans les pays en développement) pourrait être un signe important de solidarité, tout en tenant compte du fait que seule une partie des valeurs confisquées proviennent du trafic de drogue, et ne réduirait que peu la liberté des cantons dans l'utilisation de leurs recettes.

Ces idées ont été reprises dans l'initiative parlementaire Jost Gross qui demande qu'on affecte les valeurs confisquées dans le cadre des procédures pénales pour infractions à la loi sur les stupéfiants à des fins de traitement des toxicomanes. Le 20 décembre 1999, le Conseil national a donné suite ­ sans opposition ­ à cette initiative et a invité sa commission de la sécurité sociale et de la santé publique à élaborer des propositions législatives en ce sens. Cette commission a chargé une sous-commission d'élaborer un projet de texte; le 5 juillet 2001, elle a remis ce projet à la commission des affaires juridiques en lui proposant de le reprendre dans le projet de loi sur le partage (cf. ch. 1.2.1).

1.3.4.2

Solutions adoptées à l'étranger et par les cantons

Sur le plan international, la convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, signée par la Suisse en 1995, mais non encore ratifiée, prévoit expressément la possibilité de verser les produits confisqués à des organismes spécialisés dans la lutte contre le trafic illicite et l'abus des stupéfiants et psychotropes. Dans la plupart des pays, les valeurs confisquées tombent dans les caisses de l'Etat. Tel est notamment le cas en Allemagne et en Autriche.

Certains Etats prévoient toutefois des dispositions spéciales donnant une affectation déterminée aux valeurs confisquées30.

En Suisse, la question de l'affectation des valeurs confisquées relève des législations cantonales. En règle générale, les cantons versent le produit des confiscations dans leur caisse générale. Trois cantons ont cependant adopté des dispositions spéciales: ce sont les cantons de Genève, de Fribourg et de Vaud. Dans le canton de Genève, les valeurs confisquées en rapport avec le trafic de stupéfiants sont versées, à concurrence de trois 30

438

Voir la législation de la France, du Luxembourg, de l'Italie et des Etats-Unis. La Belgique et le Canada préparent des projets.

millions de francs au maximum par année, dans un Fonds spécial; la moitié de ces valeurs est affectée à la prévention de la toxicomanie à Genève et l'autre moitié, à la coopération au développement dans le tiers monde31. Dans le canton de Fribourg, les valeurs confisquées peuvent également être utilisées au financement des moyens policiers et judiciaires pour la lutte contre la drogue et à la prise en charge médicosociale des toxicomanes32. Le Grand Conseil vaudois a étendu, pour sa part, l'utilisation des valeurs aux mesures de prévention et de lutte contre l'alcoolisme et à la prise en charge médico-sociale des alcooliques dépendants33.

1.3.4.3

Liberté d'utilisation laissée par le projet

Le Conseil fédéral comprend les arguments des organisations d'aide aux toxicomanes et aux pays en voie de développement. Suivant l'avis général que les cantons ont exprimé lors de la procédure de consultation, il estime cependant qu'il est préférable de laisser les collectivités libres de donner aux valeurs confisquées leur revenant l'affectation de leur choix et de renoncer à prévoir une affectation spéciale dans le projet de loi sur le partage.

Cela dit, le Conseil fédéral tient à relever ce qui suit:

31 32 33 34

a.

On peut se demander s'il est vraiment juste d'affecter toutes les valeurs confisquées à la seule lutte contre la drogue, puisqu'elles ne proviennent pas du seul trafic de stupéfiants, mais tirent aussi leur source d'autres infractions, telles que le trafic d'armes, la corruption, les délits d'initiés et la pornographie. Il ressort d'un sondage établi par l'Administration fédérale des finances qu'un montant de 21 millions de francs a été confisqué en 1998, dont 8 millions de francs seulement provenaient du trafic de drogue et qu'en 1999, sur un montant total de 30 millions de francs, seulement 14,5 millions de francs provenaient de la drogue34.

b.

Il faut en outre être conscient que l'argent de la drogue sera en général lié à d'autres infractions et qu'il ne sera pas toujours facile de déterminer s'il peut encore être considéré comme provenant de la drogue. Ainsi, comment traiter les valeurs sur lesquelles une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition et qui sont confisquées en application de l'art. 59, ch. 3, CP lorsque le trafic de stupéfiants ne constitue qu'un aspect de l'activité illicite de l'organisation criminelle? Il paraît dès lors difficile d'affecter à la lutte contre la drogue, comme le proposent l'initiative parlementaire Jost Gross et la motion Alex Heim, les valeurs en rapport avec le trafic de stupéfiants.

c.

De plus, il ne faut pas perdre de vue que les valeurs délictueuses sont souvent blanchies au moyen de transactions économiques et financières fort complexes et que leur confiscation nécessite la mise sur pied de moyens de recherche policiers et judiciaires fort onéreux. Il paraît dès lors légitime de Loi genevoise du 26 mai 1994 sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie (E 4 70).

Loi fribourgeoise du 13 février 1996 instituant un fonds pour la lutte contre les toxicomanies.

Règlement vaudois du 17 décembre 1997 concernant la constitution d'un fonds pour la prévention et la lutte contre les toxicomanies (RSV 3.9).

Nous avons soustrait ici les valeurs confisquées dans la célèbre affaire Arana de Nasser (cf. ch. 1.1.2).

439

laisser les collectivités libres d'utiliser, directement ou indirectement, les valeurs confisquées leur revenant pour renforcer leur appareil répressif.

d.

Enfin, sur le plan des finances, la création d'un Fonds spécial irait à l'encontre des principes de la politique financière, qui veulent que la Confédération et les cantons jouissent d'une certaine marge de manoeuvre dans l'utilisation de leurs recettes, et elle supprimerait la flexibilité nécessaire à une gestion efficace et économique.

Il appartient de préciser que la renonciation à une réglementation relative à l'affectation spéciale ne préjuge en rien de l'éventuelle restitution à un Etat étranger des valeurs délictueuses provenant de la corruption de l'un de ses fonctionnaires ou de la gestion déloyale des intérêts publics. Actuellement, ces valeurs sont en règle générale remises à l'Etat «lésé», et le Conseil fédéral n'entend pas changer cette pratique (cf. ch. 1.3.2.1).

1.3.5

Forme de la réglementation

La nouvelle réglementation sur le partage des valeurs confisquées concerne le Code pénal ainsi que les lois sur la procédure pénale fédérale (PPF), le droit pénal administratif (DPA) et l'entraide judiciaire en matière pénale (EIMP). Pour donner une vue d'ensemble, le Conseil fédéral juge préférable d'élaborer une loi séparée, traitant de la question du partage des valeurs confisquées dans son intégralité.

L'insertion des dispositions sur le partage dans ces différentes lois rendrait en effet la compréhension de la matière mal aisée.

2

Partie spéciale: Commentaire des dispositions légales

Sous le titre «Dispositions générales», le chap. 1 du projet définit l'objet de la loi (art. 1) et son champ d'application (art. 2). Consacré au partage des valeurs confisquées sur le plan interne, le chap. 2 détermine les collectivités bénéficiaires et les parts leur revenant (art. 3 à 5; art. 9 et 10); il désigne l'autorité compétente pour procéder à la répartition des valeurs et décrit la procédure de partage (art. 6 à 8). Le chap. 3 traite du partage des valeurs sur le plan international; il règle la procédure de conclusion des accords internationaux de partage (art. 11 à 14) et fixe, sur le plan interne, la répartition, entre les cantons et la Confédération, de la part dévolue à la Suisse (art. 15).

2.1

Dispositions générales (chap. 1)

2.1.1

Objet (art. 1)

Le projet a pour objet de régler les modalités de partage, entre les cantons, la Confédération et les Etats étrangers, des valeurs patrimoniales confisquées.

Le terme «valeurs patrimoniales confisquées» vise: a.

440

les valeurs patrimoniales confisquées à titre d'avantage illicite (art. 59, ch. 1, CP);

b.

les créances compensatrices ordonnées en remplacement des valeurs patrimoniales à confisquer lorsque celles-ci ne sont plus disponibles (art. 59, ch. 2, CP);

c.

les objets confisqués à fin de sûreté (art. 58 CP)35 quand le produit de leur réalisation ne peut être remis à l'auteur36;

ainsi que les intérêts et autres produits rapportés par les valeurs patrimoniales depuis la décision de séquestre jusqu'au partage.

2.1.2

Champ d'application (art. 2)

2.1.2.1

Partage interne (al. 1)

Selon l'al. 1, le projet s'applique au partage, entre les cantons et la Confédération, des valeurs patrimoniales confisquées en vertu du droit pénal fédéral, en application des art. 58 et 59 CP ou des dispositions analogues de lois fédérales37. Seules sont visées les confiscations pénales, à l'exclusion des confiscations civiles (portant p.

ex. sur le solde actif d'une personne morale dont le but est devenu illicite ou contraire aux moeurs, art. 57, al. 3, CC38) et des confiscations du droit administratif prononcées par une autorité administrative en dehors de tout procès pénal39. Sont également exclues les confiscations du droit pénal cantonal, car celles-ci sont régies par la législation cantonale (art. 335 CP). Le projet régit le partage des valeurs confisquées en vertu du droit pénal fédéral, quelle que soit la procédure. Les valeurs pourront être confisquées à l'issue d'une procédure pénale cantonale, que celle-ci concerne un seul ou plusieurs cantons, mais aussi au terme d'une procédure pénale fédérale (art. 340 CP et 340bis CP (projet «efficacité»)) ou d'une procédure relevant du droit pénal administratif.

L'al. 1 in fine précise que le projet ne s'appliquera pas aux confiscations, relativement rares, prononcées en vertu du code pénal militaire (art. 41 ss CPM40). Il n'y a

35

36 37

38 39

40

Par exemple des armes à feu, un immeuble servant à un service de renseignements illicite (ATF 114 IV 98), un hôtel appartenant à un proxénète qui en loue les chambres à des prostituées (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (JAAC) 1995, no 134).

Voir Niklaus Schmid, Einziehung, in: N. Schmid (édit.), Kommentar, Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol I, Zurich 1998, n. 76 ad art. 58, p. 51 s.

Voir p. ex. les art. 24 LStup, 38 et 39 de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG; RS 514.51) et 10 de la loi fédérale du 5 octobre 1929 sur les maisons de jeu (LMJ; RS 935.52).

RS 210.

Il convient de ne pas confondre les confiscations du droit pénal administratif (art. 1 DPA), qui sont visées par le projet avec celles du droit administratif, qui sont prononcées par une autorité administrative, en dehors de tout procès pénal. Ces dernières peuvent être désignées sous des noms variés; on parle tantôt de confiscation (par une autorité administrative), tantôt de séquestre, tantôt encore de saisie (administrative). Elles visent essentiellement la sûreté publique, mais elles peuvent également tendre à supprimer tout avantage illicite (cf. p. ex. l'art. 28 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires et les objets usuels, RS 817.0; l'art. 35 de la loi fédérale du 25 mars 1977 sur les substances explosibles, RS 941.41, et l'art. 92 de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation, RS 748.0). Pour plus de détails, cf. Denis Piotet, Les effets civils de la confiscation pénale, Berne 1995, p. 128 ss.

RS 321.0.

441

en effet pas lieu de modifier l'équilibre institué par la loi de 198841, selon laquelle les cantons supportent les frais d'exécution des peines et des mesures (art. 215 PPM42), mais reçoivent en contrepartie le produit des amendes et des confiscations (art. 211 PPM).

Il convient enfin de relever que le projet ne trouve pas application lorsque les valeurs patrimoniales sont restituées au lésé ou à un tiers en rétablissement de leurs droits, dès lors qu'aucune mesure de confiscation n'est alors ordonnée (art. 59, ch. 1, al. 1 in fine, CP; si le tiers ou le lésé font valoir leurs droits après la décision de partage, cf. art. 9 du projet, ch. 2.2.3.1).

2.1.2.2

Partage international (al. 2)

En vertu de l'al. 2, le projet régit également, en cas d'entraide internationale en matière pénale, le partage des valeurs patrimoniales confisquées entre la Suisse et les Etats étrangers. Il s'appliquera tant en cas de partage international actif, à savoir lorsque la confiscation aura été ordonnée en vertu du droit suisse qu'en cas de partage international passif, à savoir lorsque la confiscation aura été prononcée en vertu du droit étranger (cf. ch. 1.3.2.1). Les valeurs patrimoniales pourront faire l'objet d'une mesure de confiscation ou d'une mesure analogue en vertu du droit étranger. Cette précision permettra de tenir compte des différentes formes que peuvent revêtir, selon le droit étranger, la mainmise de l'Etat sur des valeurs délictueuses. Ainsi, aux Etats-Unis, la procédure de confiscation in rem, qui est dirigée contre les seules valeurs délictueuses, est de nature civile (civil forfeiture)43. En Allemagne, on recourra souvent à la peine pécuniaire (Vermögensstrafe)44.

L'essentiel est qu'il s'agisse d'une affaire pénale pour laquelle l'entraide judiciaire pourra être accordée en application de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale.

Le partage international des valeurs patrimoniales confisquées ne remet pas en cause le principe selon lequel, en règle générale, les demandes d'entraide judiciaire étrangères sont exécutées gratuitement (art. 31, al. 1, EIMP)45. Les valeurs confisquées remises à l'Etat qui a fourni l'entraide judiciaire ne constituent en effet pas une rémunération pour le travail qu'il a effectué, mais une participation au résultat obtenu grâce à la collaboration internationale.

41

42 43

44

45

442

Cf. le message du 25 mai 1988 du Conseil fédéral relatif au second train de mesures pour une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, in: FF 1988 II 1293 ss (1364).

RS 322.1.

Sur la confiscation en droit américain, voir Jürg-Beat Ackermann, Geldwäscherei Money Laundering, Zürich 1992, p. 315 ss; Niklaus Schmid, Strafverfahren und Strafrecht in den Vereinigten Staaten: eine Einführung, 2e éd., Heidelberg 1993, p. 178.

Dans les cas prévus par la loi, le § 43a du code pénal allemand permet aux tribunaux de condamner un délinquant, en plus d'une peine privative de liberté d'une durée de deux ans au moins, au paiement d'une somme d'argent dont le montant est limité par la fortune qu'il aura acquise licitement ou non.

Il faut toutefois ajouter que le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles les frais peuvent être mis, en tout ou en partie, à la charge de l'Etat requérant. Voir art. 12 de l'ordonnance du 24 février 1982 sur l'entraide international en matière pénale (OEIMP), RS 351.11.

2.2

Partage entre les cantons et la Confédération (chap. 2)

2.2.1

Détermination des parts (section 1)

2.2.1.1

Montant minimum (art. 3)

Une procédure de partage au sens des art. 4 à 10 du projet ne saurait s'appliquer à toutes les causes pour des raisons d'économie de procédure. Il y a lieu en effet d'éviter l'ouverture d'une procédure de partage pour les confiscations portant sur des montants peu importants, qui seront en outre absorbés par les frais. L'avantprojet fixait ce montant à 500 000 francs bruts. Devant les craintes de plusieurs participants à la procédure de consultation que le projet ne reste ainsi pratiquement lettre morte46, le Conseil fédéral propose de réduire ce montant à 100 000 francs. Si la confiscation porte sur un montant inférieur à 100 000 francs bruts, les règles ordinaires s'appliqueront. En ce cas, conformément à l'art. 381 CP, les valeurs que les autorités cantonales auront confisquées en vertu du Code pénal reviendront aux cantons; dans les causes jugées par la Cour pénale fédérale, elles appartiendront à la Confédération (cf. ch. 1.1.3.1.2).

2.2.1.2

Montant net (art. 4)

2.2.1.2.1

Principe net ou principe brut?

Les valeurs patrimoniales confisquées doivent en premier lieu servir à compenser les frais de poursuite et d'exécution des peines (cf. ch. 1.3.1). Deux solutions sont possibles. Selon le principe brut, le montant total des valeurs confisquées est soumis aux règles de partage; une part plus grande est attribuée à la collectivité publique qui a dirigé l'enquête pour tenir compte des frais de procédure plus importants qu'elle a dû assumer et des frais d'exécution des peines qui lui incomberont. Selon le principe net, seul le produit net fait l'objet du partage, les frais de l'enquête et de l'exécution de la peine privative de liberté étant déduits.

Le principe brut a certes l'avantage de la simplicité. L'application du principe net s'impose toutefois pour des raisons d'équité. Les frais de procédure et d'exécution sont en effet souvent très importants et variables, et il n'est pas rare qu'ils constituent une partie importante du montant des valeurs confisquées. Il serait dès lors injuste que la collectivité publique qui a dirigé l'enquête et qui doit assumer tous les frais reçoive de ce fait un montant inférieur à celui qui est attribué aux cantons où se trouvent les valeurs confisquées et à celui de la Confédération. Le principe net a du reste été approuvé par l'ensemble des participants à la procédure de consultation et adopté par les législations étrangères.

2.2.1.2.2

Déduction des frais (al. 1)

L'al. 1 énumère, de manière exhaustive, les catégories des frais qui pourront être déduits des valeurs patrimoniales:

46

ZH, ZG, VD, VS, NE, AG; PLS, PCS, UDC.

443

a. les débours Par débours, on entend les sommes effectivement dépensées pour les opérations effectuées pour les besoins de l'enquête. Le projet cite, à titre d'exemple, les frais de traduction et d'interprétation, de comparution, d'expertise, d'exécution de commissions rogatoires et de défense d'office47. Suivant le désir de plusieurs participants à la procédure de consultation48, le Conseil fédéral a ajouté à cette liste les frais de surveillance téléphonique, qui peuvent être relativement importants.

Ne pourront en revanche pas être déduits: ­

les frais fixes, tels que les salaires des policiers et les rémunérations des magistrats ayant participé à l'enquête qui a conduit à la confiscation;

­

les émoluments judiciaires, car ils sont fixés de manière schématique en fonction de facteurs variant considérablement d'un canton à l'autre.

b. les frais de détention avant jugement La détention avant jugement doit être comprise dans un sens large (cf. art. 110, ch. 7, CP). Elle vise la détention ordonnée au cours d'un procès pénal pour les besoins de l'instruction (Untersuchungshaft) ou pour des motifs de sûreté (Sicherheitshaft), ainsi que la privation de liberté pendant la procédure d'extradition (Auslieferungshaft) et le placement dans un hôpital ou un asile49. Il conviendra de tenir compte des frais effectifs de détention de tous les participants, principaux et secondaires, à l'infraction ayant donné lieu à la confiscation des valeurs patrimoniales.

c. les deux tiers des frais prévisibles d'exécution de la peine privative de liberté prononcée sans sursis Les coûts de l'exécution des peines privatives de liberté ne seront généralement pas encore connus au moment de la décision de partage. Ils varieront notamment en fonction du choix de l'établissement pénitentiaire, du prononcé de mesures particulières et du moment de la libération conditionnelle. Pour estimer les frais d'exécution, les autorités pourront se fonder sur les tarifs des concordats intercantonaux d'exécution des peines et des mesures50. Comme la libération conditionnelle est en principe la règle, il ne sera tenu compte, par simplicité, que des deux tiers des frais d'exécution de la peine. Seuls les frais d'exécution des peines prononcées sans sursis pourront être déduits. En effet, la prise en compte des frais d'exécution de la peine ordonnée à la suite de la révocation du sursis entraînerait des complications excessives. Le projet renonce également à tenir compte des frais d'exécution des mesures, ceux-ci étant extrêmement difficiles à estimer, notamment en raison de leur durée indéterminée. Selon l'art. 10, les autorités cantonales devront remettre, dès qu'il atteint 10 000 francs, le montant économisé sur les frais d'exécution des peines à l'Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ), qui le partagera en conformité avec la décision de partage (cf. ch. 2.2.3.2).

47 48 49 50

444

Voir la liste des art. 14 et 23 du concordat du 5 novembre 1992 sur l'entraide judiciaire et la coopération intercantonale en matière pénale (RS 351.71).

TG, BE, NE.

Cf. Stefan Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich 1997, n. 2 ss ad art. 69.

Concordat sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons romands et du Tessin; Strafvollzugskonkordat der Nordwest- und Innerschweiz; Strafvollzugskonkordat der Ostschweiz.

d. les frais de gestion des valeurs patrimoniales confisquées Pourront notamment être déduits les frais de dépôt d'un stock d'or ou d'armes, les frais d'entretien d'un immeuble ou les frais bancaires.

e. les frais de réalisation des valeurs patrimoniales confisquées et d'encaissement des créances compensatrices Les frais de réalisation et d'encaissement comprennent en particulier les frais d'expertise (estimation), les frais de la vente aux enchères ou de gré à gré et les frais de poursuite pour dettes.

Les frais mentionnés aux let. a à e ne pourront être déduits que s'il y a lieu de prévoir qu'ils ne seront pas remboursés. Il conviendra de ne pas se montrer trop strict et d'admettre relativement facilement leur déduction dans la mesure où les autorités cantonales ont l'obligation de verser, dès qu'il dépassera 10 000 francs, le montant des frais remboursés à l'OFJ, qui procédera alors à leur partage (art. 10; cf. ch.

2.2.3.2).

2.2.1.2.3

Déduction des allocations dues au lésé (al. 2)

Dans certains cas, le juge doit verser les valeurs confisquées au lésé au titre de dédommagement pour le préjudice qu'il a subi du fait de l'infraction (art. 60 CP)51.

De même que pour les frais, il ne serait pas équitable que le canton de jugement assume seul l'indemnisation du lésé alors que le produit des valeurs confisquées fait l'objet d'un partage. Aussi, l'al. 2 précise-t-il que sont également déduits du montant à partager les valeurs patrimoniales confisquées qui sont allouées au lésé en application de l'art. 60, al. 1, let. b et c, CP.

2.2.1.3

Clé de répartition (art. 5)

2.2.1.3.1

Clé de répartition de base (al. 1)

Selon l'al. 1, le montant net des valeurs confisquées sera réparti comme il suit:

51

­

La collectivité (le canton ou la Confédération) dont les autorités ont prononcé la confiscation recevra les 5/10 des valeurs confisquées.

­

Les cantons où se trouvent les valeurs confisquées (canton de situation) obtiendront les 2/10 des valeurs sises sur leur territoire.

­

La Confédération recevra, dans tous les cas, les 3/10.

L'art. 60 CP doit être distingué de l'art. 59, ch. 1, al. 1 in fine, CP. L'art. 60 CP suppose que l'objet a été soustrait ou dérobé, a disparu ou est irrécupérable, et part du principe que seule une créance en réparation du dommage est due par l'auteur au lésé. Dans le cas de l'art. 59, ch. 1, al. 1 in fine, CP, l'objet appartient à la victime de l'infraction et lui est restitué.

445

Les autres cantons, par exemple ceux qui ont fourni une aide judiciaire ou administrative, ne participeront pas au partage. Ils seront cependant indemnisés pour les frais de procédure en application des règles sur l'entraide judiciaire52.

2.2.1.3.2

Justification des parts

Le système des quotes-parts séduit par sa simplicité. Les quotes-parts ont été fixées de manière à établir une certaine équité afin de favoriser la collaboration et de désamorcer les conflits de compétence positifs.

2.2.1.3.2.1

Part de la collectivité qui a prononcé la confiscation

La part de la collectivité qui a prononcé la confiscation ne nécessite aucune justification. C'est elle qui assume la plus grande partie du travail. C'est donc normal qu'elle reçoive la plus grande part des valeurs.

2.2.1.3.2.2

Part de la Confédération

Bien que la quasi-totalité des participants ait considéré comme beaucoup trop importante la part des 3/10 de la Confédération, le Conseil fédéral propose de la maintenir. Cette part se justifie principalement par l'aide générale que la Confédération apporte aux cantons dans la lutte contre la criminalité. L'OFJ joue en effet un rôle important en matière d'entraide pénale internationale53. Les différents offices centraux pour la lutte contre le crime international organisé auprès de l'Office fédéral de la police54 constituent également des instruments d'information, d'analyse et de coordination qui aident les cantons dans leur lutte contre la criminalité internationale55. Enfin, les banques de données fédérales offrent un soutien rapide et efficace aux cantons56.

La part de 3/10 octroyée à la Confédération doit en outre permettre de compenser indirectement une partie des charges supplémentaires engendrées par le projet 52

53

54

55 56

446

Selon le concordat intercantonal du 5 novembre 1992 sur l'entraide judiciaire et la coopération intercantonale en matière pénale (RS 351.71), la gratuité de la procédure d'entraide ne s'applique pas aux fraix de traduction, d'interprétation, de comparution, d'expertise, de travaux scientifiques, de transfert des détenus, notamment (art. 14 et 23).

L'OFJ reçoit les demandes d'entraide judiciaire provenant de l'étranger, présente celles de la Suisse et traite les demandes d'extradition (art. 17, al. 2, EIMP)53. Depuis la révision de l'EIMP de 1996, il peut également ordonner des mesures provisoires (art. 18, al. 2, EIMP) et statuer sur l'admissibilité de l'entraide ou sur l'exécution (a) lorsque la demande nécessite des investigations dans plusieurs cantons, (b) lorsque l'autorité cantonale compétente n'est pas en mesure de rendre une décision dans un délai raisonnable ou (c) dans des cas complexes ou d'une importance particulière (art. 79a EIMP).

Offices centraux de lutte contre le crime organisé, contre le trafic de stupéfiants, contre la fausse monnaie, contre la traite des blanches, contre la circulation des publications obscènes; Bureau central national; Bureau des déclarations de blanchiment d'argent.

Cf. la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les offices centraux de police criminelle (RS 360).

Voir par exemple l'ordonnance du 1er décembre 1986 concernant le Service d'identification de l'Office fédéral de la police (RS 172.213.57).

«efficacité». Dès le 1er janvier 2002, la Confédération devra poursuivre et juger les infractions, de portée intercantonale et internationale, qui relèvent du crime organisé et de la criminalité économique. Dans ces cas-là, elle recevra certes déjà 5/10 des valeurs confisquées pour avoir ordonné la confiscation. Il faut cependant savoir que ces nouvelles compétences nécessitent le renforcement des structures répressives fédérales existantes (Ministère public de la Confédération, police judiciaire fédérale, juges d'instruction fédéraux) et la création d'un Tribunal pénal fédéral, ce qui entraînera, selon les premières estimations, des coûts annuels supérieurs à 100 millions de francs. Le Conseil fédéral est conforté dans sa décision d'arrêter à 3/10 la part de la Confédération par la motion «Indemnisation par les cantons des coûts de prise en charge de la poursuite pénale assumée par la Confédération»57, transformée en postulat par le Conseil des Etats, qui exige que les compétences transférées à la Confédération en matière de poursuite pénale donnent lieu à une indemnisation de la part des cantons.

2.2.1.3.2.3

Part du canton de situation des valeurs confisquées

La part du canton où se trouvent les valeurs confisquées se justifie pour plusieurs raisons. Celui-ci sera, en premier lieu, souvent amené à collaborer à la procédure pénale, en fournissant des informations et des preuves, notamment sur les valeurs susceptibles d'être confisquées (en particulier en effectuant des perquisitions). Il devra également, le cas échéant, ouvrir une enquête sur les intermédiaires financiers pour blanchissage d'argent et pour défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 305bis et ter CP). Mais, surtout, il possédera souvent un for juridiquement fondé, qui lui permettra de confisquer les valeurs notamment sur la base de l'art. 305bis CP ou de l'art. 24 LStup. L'octroi d'une part de 2/10 devrait dès lors éviter que, froissé de ne pouvoir participer au bénéfice de la confiscation, il n'ouvre une procédure séparée qui entrerait en concurrence avec celle qui est dirigée contre l'auteur de l'infraction originaire.

2.2.1.3.3

Clé de répartition en cas de collaboration entre la Confédération et les cantons (al. 2)

L'al. 2 prévoit que, si la Confédération et un canton ont mené la procédure pénale chacun pour une partie58, la part revenant à la collectivité qui a prononcé la confiscation, à savoir les 5/10, sera répartie à parts égales entre la Confédération et le canton. Cet alinéa s'appliquera avant tout lorsque le Conseil fédéral59 déléguera aux autorités cantonales l'instruction et/ou le jugement d'affaires relevant de la juridiction fédérale (art. 18 PPF). Il trouvera également application, en matière de droit pénal administratif, lorsque la cause sera renvoyée aux autorités cantonales (art. 21 DPA) ou, en cas de trafic de stupéfiants, lorsque le procureur général de la Confédé-

57 58 59

Motion du 7 novembre 2000 de la Commission des Finances du Conseil national (00.3601).

La procédure pénale se divise en règle générale en trois étapes: les recherches préliminaires (police), l'instruction (autorités d'instruction) et le jugement (tribunal).

Selon le projet «efficacité», cette compétence est attribuée au Procureur général de la Confédération (art. 18, al. 1, PPF).

447

ration ordonnera des recherches en vertu de son pouvoir de haute surveillance (art.

259 PPF et 29 LStup).

En revanche, la seule communication d'informations par la police judiciaire fédérale, par le Bureau de communication en matière de blanchiment ou par toute autre autorité fédérale ne saurait suffire à entraîner l'application de l'al. 2. Les frais de cette aide fédérale sont déjà couverts par la part des 3/10 revenant à la Confédération (voir ch. 2.2.1.3.2.2).

2.2.1.3.4

Cas particulier de la créance compensatrice (al. 3)

Selon l'art. 59, ch. 2, al. 3, CP, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne concernée. Cette disposition s'appliquera notamment lorsque la preuve de l'origine délictueuse des valeurs patrimoniales ne pourra être apportée60.

L'al. 3, 1re phrase, assimile le canton où se trouvent les valeurs séquestrées en vue de l'exécution d'une créance compensatrice au canton où se trouvent les valeurs confisquées. Les valeurs séquestrées seront en effet souvent en relation avec l'infraction, et il apparaîtrait injuste de priver le canton de situation de ces valeurs au seul motif que la preuve stricte de leur origine délictueuse n'a pu être apportée.

L'al. 3 devrait par ailleurs éviter que, pour évincer le canton de situation des valeurs, le canton de jugement ne recoure à la créance compensatrice et au séquestre de l'art. 59, ch. 2, al. 3, CP plutôt qu'à la confiscation.

Si les biens séquestrés ne couvrent pas la créance compensatrice ou ne la couvrent que partiellement ou si aucun séquestre n'a été ordonné, les 2/10 de la créance compensatrice dont l'encaissement a été assuré en dehors des biens séquestrés seront répartis entre les autres collectivités en proportion des quotes-parts attribuées à chacune d'elles (cf. ch. 2.2.1.3.6, let. f).

2.2.1.3.5

Accords dérogatoires (al. 4)

L'al. 4 autorise les cantons concernés et la Confédération à conclure, dans les limites de leurs parts, des accords dérogeant aux quotes-parts fixées aux al. 1 à 3. Ceux-ci pourront avoir une portée générale ou particulière. Ils pourront être conclus entre toutes les collectivités ou seulement entre certaines d'entre elles. Ainsi, le canton de jugement et le canton de situation pourront convenir, vu l'aide fournie par ce dernier, que chacun recevra 3,5/10; l'arrangement entre les deux cantons portera sur les 7/10 des valeurs confisquées, les 3/10 visés à l'art. 5, al. 1, let. b, du projet restant à la Confédération.

60

448

Voir sur l'art. 59, ch. 2, al. 3, Niklaus Schmid, Einziehung, in: N. Schmid (édit.), Kommentar, Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, n. 171 ss ad art. 59, p. 177 ss.

2.2.1.3.6

Exemples

Il importe d'illustrer par quelques exemples les cas de figures les plus importants de l'art. 5: a.

Les valeurs patrimoniales confisquées s'élevant à 10 millions sont sises dans le canton X, qui a mené toute la procédure pénale.

Le partage sera le suivant: Canton X: (5/10 de 10 millions) et (2/10 de 10 millions ) = 7 millions Confédération: 3/10 de 10 millions = 3 millions

b.

5 millions ont été saisis dans le canton X; 3 millions, dans le canton Y et 2 millions, dans le canton Z. Le canton X a dirigé la procédure.

Le partage sera le suivant: Canton X: (5/10 de 10 millions) et (2/10 de 5 millions) = 6 millions Canton Y: (2/10 de 3 millions) = 0,6 million Canton Z: (2/10 de 2 millions) = 0,4 million Confédération: (3/10 de 10 millions) = 3 millions

c.

4 millions se trouvaient dans le canton X; 6 millions, dans le canton Y. La Confédération a mené toute l'enquête.

Le partage sera le suivant: Canton X: (2/10 de 4 millions) = 0,8 million Canton Y: (2/10 de 6 millions) = 1,2 million Confédération: (5/10 de 10 millions) et (3/10 de 10 millions) = 8 millions

d.

4 millions se trouvaient dans le canton X; 6 millions, dans le canton Y. La Confédération a mené les recherches préliminaires, puis a délégué l'instruction et le jugement au canton X.

Le partage sera le suivant: Canton X: (2/10 de 4 millions) + (1/2 de 5/10 de 10 millions) = 3,3 millions Canton Y: (2/10 de 6 millions) = 1,2 million Confédération: (3/10 de 10 millions) + (1/2 de 5/10 de 10 millions) = 5,5 millions

e.

La Confédération a mené les recherches préliminaires, puis a délégué la cause au canton X, qui a ordonné une créance compensatrice de 10 millions.

Le partage sera le suivant: Canton X: (1/2 de 5/10 de 10 millions) = 2,5 millions Confédération: (3/10 de 10 millions) + (2,5/10 de 10 millions) = 5,5 millions La part des 2/10 du canton de situation se répartit entre le canton X et la Confédération comme suit: Canton X: (2,5/8 de 2 millions) = 0,625 million Confédération: (5,5/8 de 2 millions) = 1,375 million Au total: Canton X: 3,125 millions Confédération: 6,875 millions

f.

Le canton X a ordonné une créance compensatrice de dix millions. Celle-ci est couverte, jusqu'à concurrence de quatre millions, par les avoirs séquestrés dans le canton Y; le reste de la créance est recouvré par la voie ordinaire.

449

aa) Les 4 millions (couverts par le séquestre) sont répartis comme suit: Canton X: (5/10 de 4 millions) = 2 millions Canton Y: (2/10 de 4 millions) = 0,8 million Confédération: (3/10 de 4 millions) = 1,2 million bb) Les 6 millions (non couverts par le séquestre) sont répartis comme suit: Canton X: (5/10 de 6 millions) = 3 millions Confédération: (3/10 de 6 millions) = 1,8 million En l'absence du canton de situation les 2/10 de 6 millions (1,2 million) sont répartis comme suit: Canton X: (5/8 de 1,2 million) = 0,75 million Confédération: (3/8 de 1,2 million) = 0,45 million cc) Au total Canton X: 5,75 millions Canton Y: 0,8 million Confédération: 3,45 millions

2.2.2

Procédure de partage, voies de recours et exécution (section 2)

2.2.2.1

Compétence pour statuer sur le partage: système décentralisé ou centralisé?

Suivant la Commission d'experts et la quasi-totalité des participants à la procédure de consultation61, le Conseil fédéral propose de confier la décision de partage à une autorité fédérale dans tous les cas, nationaux ou internationaux, fédéraux ou cantonaux (système centralisé). Il serait certes également possible de laisser cette décision au canton compétent pour confisquer les valeurs délictueuses et de la confier soit au juge pénal, soit à une autorité administrative (autorité en matière d'exécution des peines ou autorité financière) (système décentralisé). Vu son caractère technique, il est cependant plus rationnel de la confier à une autorité fédérale unique plutôt qu'à 27 autorités différentes. La désignation d'une autorité fédérale unique permettra en outre d'assurer un traitement uniforme des cas de partage. Il serait enfin quelque peu insolite de voir les procureurs de plusieurs cantons se disputer devant un tribunal cantonal au sujet du partage des valeurs confisquées.

Les participants à la procédure de consultation ne se sont guère prononcés sur l'autorité fédérale à désigner. Différents offices peuvent entrer en ligne de compte: l'OFJ, le Ministère public de la Confédération ou l'Administration fédérale des finances. L'avant-projet proposait de confier cette nouvelle tâche à l'OFJ62. Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette solution. L'OFJ paraît en effet le mieux à même de s'occuper de cette question, dès lors que la majorité des cas de partage seront liés à des procédures d'entraide pénale internationale, dans lesquelles il a déjà une série de compétences et d'obligations (art. 17 EIMP).

61 62

450

BE, LU, BS, BL, AR, GR, NE, JU, TG; PCS; Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse.

L'avant-projet parle de l'Office fédéral de la police, dès lors que la Division des affaires internationales, compétente en matière d'entraide pénale, faisait alors partie de l'Office fédéral de la police. Avec la réorganisation de celui-ci, cette Division a été transférée à l'Office fédéral de la justice.

2.2.2.2

Procédure de partage (art. 6)

Selon l'al. 1, les décisions de confiscation des valeurs patrimoniales devront être communiquées à l'OFJ dans les dix jours qui suivent leur entrée en force. La communication n'est cependant obligatoire que si le produit brut des confiscations est supérieur ou égal à 100 000 francs (voir art. 3; ch. 2.2.1.1). Lorsque la confiscation porte sur un bien mobilier ou immobilier, les autorités cantonales ou fédérales compétentes devront procéder à une estimation; elles seront dispensées de communiquer la décision de confiscation si le produit brut des valeurs ainsi estimé est manifestement inférieur à 100 000 francs.

L'al. 2 dispose que, dans le délai imparti par l'OFJ, la collectivité qui a ordonné la confiscation doive communiquer les éléments nécessaires au partage, à savoir la liste des frais qui pourront être déduits (art. 4, al. 1), celle des éventuelles allocations aux lésés (art. 4, al. 2) et celle des collectivités dont il y a lieu de prévoir qu'elles peuvent prétendre à une quote-part des valeurs patrimoniales confisquées (notamment la liste des cantons de situation des valeurs confisquées). Laissée à l'appréciation de l'OFJ, la durée du délai variera selon la complexité et l'importance de l'affaire.

Les autorités cantonales ou fédérales compétentes devront remettre les valeurs patrimoniales confisquées à l'OFJ. L'al. 3 prévoit que celui-ci leur donnera les instructions nécessaires à cette fin.

L'al. 4 donne aux parties la possibilité de s'exprimer sur les faits de la cause (voir art. 30 PA63). Selon cet alinéa, l'OFJ devra fixer aux autorités compétentes des cantons concernés et, en outre, au Ministère public de la Confédération dans les causes relevant de la juridiction judiciaire fédérale ou à l'autorité administrative fédérale compétente dans les causes relevant de la juridiction administrative fédérale, un délai pour présenter leurs observations, faire valoir leurs prétentions et requérir ou fournir toutes preuves.

Lorsque les montants en jeu sont importants (plus de dix millions de francs), l'al. 5 obligera en outre l'OFJ à consulter l'Administration fédérale des finances.

L'al. 6 dispose que l'OFJ rende une décision, indiquant les montants revenant aux cantons concernés et à la Confédération. Conformément aux principes généraux, la décision de partage devra se présenter expressément
comme telle, indiquer les motifs et mentionner les voies de droit (art. 35 PA).

L'al. 7 renvoie à la loi fédérale sur la procédure administrative. Il vise en particulier les art. 20 à 24 PA sur les délais, l'art. 35 PA sur les motifs et l'indication des voies de recours et les art. 44 ss PA sur la procédure de recours.

2.2.2.3

Voies de recours (art. 7)

L'avant-projet prévoyait que la décision de partage pouvait faire l'objet d'un recours administratif devant le DFJP, puis d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Lors de la procédure de consultation, il a été relevé que cette solution allait à l'encontre des principes de la révision de l'organisation judiciaire tendant à 63

RS 172.021

451

décharger le Tribunal fédéral, et il a été proposé de renoncer à tout recours devant ce dernier ou, à tout le moins, d'instituer une commission de recours indépendante, ce qui dispenserait les juges fédéraux de revoir les faits (art. 105 OJ64). Le Conseil fédéral préfère cependant maintenir la solution de l'art. 7, al. 1, de l'avant-projet (art. 7, al. 1). Il paraît en effet fort discutable qu'une autorité administrative fédérale tranche définitivement les conflits entre les cantons et la Confédération. Il n'existe en outre actuellement aucune commission de recours compétente en ce domaine, et il paraît peu opportun de mettre sur pied une nouvelle commission le jour où il est prévu de créer un nouveau Tribunal administratif fédéral65.

Selon l'al. 2, seuls auront qualité pour recourir contre les décisions de partage les cantons qui sont touchés par la décision de partage et qui ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 48 PA, applicable par renvoi de l'art. 6, al. 6). Les autorités fédérales n'ont pas la compétence pour recourir.

Dans les causes fédérales, l'OFJ consultera, avant de prendre la décision de partage, le Ministère public de la Confédération et l'autorité administrative fédérale compétente; les éventuelles divergences seront liquidées de manière interne. Les particuliers ne seront pour leur part pas touchés par la question du partage des valeurs confisquées.

2.2.2.4

Exécution de la décision de partage (art. 8)

L'art. 8 traite de l'exécution de la décision de partage. Une fois celle-ci entrée en force, l'OFJ procédera au versement des montants aux cantons concernés et à la Confédération.

2.2.3

Questions particulières (section 3)

2.2.3.1

Modification du jugement de confiscation (art. 9)

L'art. 9 traite des conséquences de la modification d'un jugement de confiscation.

Le lésé ou le tiers pourront en effet faire valoir leur prétention postérieurement au jugement de confiscation et obtenir la restitution des valeurs confisquées. La personne condamnée pourra être ultérieurement acquittée et la décision de confiscation annulée à la suite d'une demande de relief ou d'une demande de révision. Dans de tels cas, la collectivité qui a ordonné la confiscation pourra se retourner contre les collectivités bénéficiaires du partage et exiger, en fonction des quotes-parts attribuées à chacune d'elles, la restitution des valeurs qu'elles ont reçues dans la mesure nécessaire à la couverture des valeurs qu'elle a dû verser au tiers, au lésé ou au condamné acquitté.

64 65

452

RS 173.110 Selon le projet de loi sur le Tribunal fédéral administratif, qui est actuellement discuté par les Chambres fédérales, les décisions de partage pourront être attaquées devant le Tribunal administratif fédéral, puis devant le Tribunal fédéral. Cf. le message du 28 février 2001 du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, in: FF 2001 4000.

2.2.3.2

Partage ultérieur des montants déduits (art. 10)

Selon l'art. 4, les frais de la procédure, qui, selon toute probabilité, ne pourront pas être recouvrés, ainsi que les allocations versées aux lésés seront déduits des valeurs patrimoniales confisquées soumises au partage (cf. ch. 2.2.1.2). Toutefois, si, contrairement aux prévisions, le condamné rembourse les frais de la poursuite et/ou les allocations versées au lésé, le montant remboursé devra être partagé entre les collectivités qui auront participé au partage. Aussi, l'art. 10, al. 1, pose-t-il l'obligation pour les autorités fédérales ou cantonales qui ont obtenu du condamné le remboursement des frais ou de l'allocation due au lésé d'en remettre le produit à l'OFJ dès que leur montant dépasse 10 000 francs. Il en ira de même du montant économisé sur les frais d'exécution des peines, notamment en cas de décès ou de fuite du détenu. Il a été fixé un seuil minimum de 10 000 francs pour que l'OFJ ne soit pas surchargé par des bagatelles; il pourra être atteint par un ou plusieurs versements.

L'al. 2 précise que l'OFJ procédera au partage des montants remboursés conformément à la clé de répartition fixée dans la décision de partage. Il est clair que seul le produit net sera partagé; la collectivité pourra déduire les frais d'encaissement.

2.3

Partage entre Etats (chap. 3)

2.3.1

Principes (art. 11)

L'al. 1 précise que la Confédération pourra conclure des accords sur le partage des valeurs patrimoniales, que la confiscation ait été prononcée par les autorités suisses (partage international actif) ou par les autorités étrangères (partage international passif) (cf. ch. 1.3.2.). Contrairement au partage en cas de procédure interne, le partage sur le plan international ne sera subordonné à aucun montant minimum. Un accord de partage pourra ainsi porter sur un montant inférieur à 100 000 francs, l'offre d'un Etat étranger ne pouvant dans ce cas être refusée de prime abord; le partage interne aura alors lieu conformément aux art. 4, 6 à 10 du projet.

Selon l'al. 2, lorsque la Suisse confisquera des valeurs patrimoniales dans une procédure pénale menée en coopération avec un Etat étranger, elle devra en règle générale, avant de conclure un accord de partage, s'assurer que la réciprocité est garantie. La déclaration de réciprocité pourra résulter d'un accord général signé par l'Etat étranger ou d'un acte législatif de celui-ci.

L'al. 3 dispose que les Etats étrangers n'auront aucun droit d'exiger une part des valeurs patrimoniales confisquées. Ils ne pourront notamment pas recourir contre le refus de partager les valeurs patrimoniales ni contester la quotité qui leur est octroyée en se fondant sur le projet66.

66

Dans le même sens, voir l'art. 1, al. 4, EIMP.

453

2.3.2

Négociations avec les autorités étrangères (art. 12)

Selon l'al. 1, dès qu'un accord international de partage entrera en considération, les autorités de poursuite pénale cantonales ou fédérales devront en informer l'OFJ, qui sera compétent pour mener les négociations.

L'al. 2 exige qu'avant d'entamer les négociations, l'OFJ informe la direction compétente du Département fédéral des affaires étrangères et qu'il consulte les autorités des cantons concernés ainsi que, dans les causes fédérales, le Ministère public de la Confédération ou l'autorité administrative fédérale compétente. Par cantons concernés, le projet vise les cantons qui ont droit à une part des valeurs confisquées en application de l'art. 15 (en cas de partage international actif: le canton qui a ordonné ou ordonnera la confiscation; en cas de partage international passif: le canton qui a fourni l'entraide judiciaire; si les valeurs délictueuses sont sises en Suisse: les cantons où elles se trouvent).

Selon l'al. 3, l'accord de partage devra régler les modalités de partage et prévoir notamment la clé de répartition. Conformément à la pratique actuelle, la répartition se fera en règle générale à parts égales entre les Etats ayant participé à la poursuite pénale. Les négociateurs pourront toutefois s'écarter de cette règle pour des motifs fondés, notamment en raison du lieu de situation des valeurs patrimoniales, de la nature de l'infraction, de l'importance de la participation des Etats à l'enquête, ainsi que des usages entre la Suisse et l'Etat étranger, de la garantie de la réciprocité, du contexte international ou de l'importance des lésions des intérêts de l'Etat étranger.

Lorsque les valeurs confisquées proviennent de la corruption de fonctionnaires étrangers ou de la gestion déloyale des intérêts publics, elles sont actuellement en règle générale restituées à l'Etat étranger «lésé». Le Conseil fédéral n'entend rien changer à cette pratique. Il serait en effet immoral dans ces cas que la Suisse conserve cet argent. Le projet de loi précise expressément que l'ensemble des valeurs peuvent être restituées à l'Etat «lésé». Dans certains cas, notamment lorsque le régime en place est totalement corrompu, il pourra s'avérer inopportun de restituer l'argent directement aux dirigeants en place. Il sera alors possible aux négociateurs de prévoir comme modalité de partage le versement de
l'argent à une organisation internationale afin de diminuer la dette du pays en question ou de l'affecter d'une autre manière utile au pays, par exemple à un projet de développement défini en concertation avec les partenaires intéressés (cf. ch. 1.3.2.2).

2.3.3

Conclusion de l'accord de partage (art. 13)

L'al. 1, 1re phrase, donne la compétence de conclure les accords de partage internationaux à l'OFJ. Lorsque le montant brut des valeurs patrimoniales confisquées ou à confisquer dépassera dix millions de francs, l'OFJ devra requérir l'approbation du Département fédéral de justice et police, qui devra consulter au préalable le Département fédéral des finances (al. 1, 2e phrase). Le projet utilise le terme «valeurs patrimoniales confisquées ou à confisquer», car l'accord de partage sera souvent conclu avant que le juge suisse ou étranger n'ordonne la confiscation.

L'al. 2 précise que, dans les cas qui revêtent une importance politique, l'OFJ devra solliciter l'avis de la direction compétente du Département fédéral des affaires étrangères avant de conclure un accord international de partage. Une obligation semblable figure déjà, en matière d'entraide judiciaire, à l'art. 3 OEIMP.

454

Lorsque les autorités suisses sont compétentes pour confisquer les valeurs patrimoniales (p. ex. en vertu de l'art. 24 LStup ou de l'art. 305bis CP), l'al. 3 subordonne la conclusion de l'accord international de partage au consentement des autorités des cantons concernés (à savoir des cantons qui ont droit à une part en vertu de l'art. 15, al. 1, et de l'art. 5) et, en outre, dans les causes fédérales, à celui du Ministère public de la Confédération ou de l'autorité administrative fédérale compétente. Il est normal de requérir le consentement de ces autorités, dès lors que l'accord international les prive d'une part des valeurs confisquées. En cas de différend entre l'OFJ et les autorités cantonales ou fédérales concernées, le Conseil fédéral tranchera définitivement, dès lors qu'il s'agit d'une question politique.

2.3.4

Exécution de l'accord de partage (art. 14)

Selon l'al. 1, les autorités fédérales ou cantonales qui auront séquestré ou confisqué les valeurs patrimoniales les remettront à l'OFJ. Celui-ci transférera à l'Etat étranger la part lui revenant et partagera le solde entre les cantons et la Confédération en application de l'art. 15. Dans certains cas, notamment lorsque la procédure de confiscation ne concerne qu'un canton, l'OFJ pourra demander à ce dernier de transférer directement à l'Etat étranger la part lui revenant.

L'al. 2 vise le cas où les valeurs patrimoniales se trouvent à l'étranger. La part qui revient à la Suisse sera remise à l'OFJ, qui procédera au partage interne.

2.3.5

Répartition interne (art. 15)

L'al. 1 règle la répartition interne lorsque les valeurs patrimoniales auront été confisquées par les autorités suisses (partage international actif). Le partage de la part dévolue à la Suisse selon l'accord international se fera, quel que soit son montant67, conformément à l'art. 5. La collectivité (le canton ou la Confédération) qui aura ordonné la confiscation en recevra les 5/10; la Confédération, les 3/10; les cantons de situation, les 2/10 des valeurs se trouvant sur leur territoire. Si les valeurs patrimoniales sont sises à l'étranger, l'al. 3 de l'art. 15 sera applicable.

L'al. 2 traite du partage interne en cas de confiscation ordonnée par les autorités étrangères (partage international passif). La part des 5/10 revenant, selon l'art. 5, al. 1, let. a, à la collectivité qui a prononcé la confiscation sera répartie, à parts égales, entre les collectivités qui auront collaboré avec l'Etat étranger. Selon l'art. 79 EIMP, si l'exécution d'une demande nécessite des investigations dans plusieurs cantons, l'OFJ peut désigner une seule autorité d'exécution; dans ce cas, les 5/10 reviendront à la collectivité dont dépend cette autorité. Si, en revanche, c'est la Confédération qui effectue les actes d'entraide (Ministère public de la Confédération, autorité administrative fédérale), les 5/10 lui reviendront. Il sera uniquement tenu compte de l'exécution de la demande par l'autorité fédérale compétente, à l'exclusion du travail de l'OFJ. La rémunération de l'exécution des demandes d'extradition, de la transmission des requêtes ou des autres actes d'entraide, ainsi que de l'exécution des actes d'entraide en application de l'art. 79a EIMP, est comprise dans la quote-part des 3/10 (cf. ch. 2.2.1.3.2.2).

67

Contrairement au partage en cas de procédure interne, le partage sur le plan international n'est subordonné à aucun montant minimum.

455

L'al. 3 vise le cas où les valeurs patrimoniales sont sises à l'étranger. La quote-part des 2/10 attribuée, selon l'art. 5, al. 1, let. c, aux cantons de situation des valeurs patrimoniales sera répartie entre les autres collectivités en proportion des quotesparts attribuées à chacune d'elles. Cet alinéa s'appliquera en cas de partage international tant actif que passif.

L'al. 4 règle la procédure. L'OFJ sera compétent pour statuer sur le partage interne.

Il déterminera les quotes-parts revenant aux cantons concernés et à la Confédération, après avoir déduit les frais et les allocations (art. 4) et entendu les autorités compétentes des collectivités concernées (art. 6). Les cantons concernés pourront recourir contre sa décision devant le Département fédéral de justice et police, puis devant le Tribunal fédéral (art. 7). Les dispositions sur l'exécution de la décision de partage (art. 8), la modification du jugement de confiscation (art. 9) et le partage ultérieur des montants déduits (art. 10) seront applicables par analogie.

2.4

Dispositions finales (chap. 4)

2.4.1

Modification du droit en vigueur (art. 16)

Voir ch. 2.4.3.

2.4.2

Dispositions transitoires (art. 17)

2.4.2.1

Partage entre les cantons et la Confédération (al. 1)

Selon le principe de la non-rétroactivité, le nouveau droit s'appliquera aux faits qui se produiront après son entrée en vigueur et l'ancien droit régira les faits antérieurs.

Suivant ce principe, l'al. 1 prévoit que le projet s'applique au partage interne si la décision de confiscation est devenue définitive après la date de son entrée en vigueur; l'ancien droit continuera de régir les confiscations dont la décision est devenue définitive avant l'entrée en vigueur du projet.

2.4.2.2

Partage entre Etats (al. 2)

En matière internationale, le point de rattachement sera la date de la conclusion de l'accord de partage avec l'Etat étranger. L'al. 2 dispose ainsi qu'en matière de partage international, le projet s'appliquera au partage des valeurs patrimoniales, sur les plans international et interne, même si la décision de confiscation était déjà définitive au moment de son entrée en vigueur.

456

La situation sera dès lors la suivante: Accord de partage avant l'entrée en vigueur de la loi

Accord de partage après l'entrée en vigueur de la loi

Décision définitive (suisse Le projet ne s'applique pas Le projet s'applique ou étrangère) de confiscation avant l'entrée en vigueur de la loi Décision définitive (suisse Le projet ne s'applique pas Le projet s'applique ou étrangère) de confiscation après l'entrée en vigueur de la loi

2.4.3

Modification du droit en vigueur (Annexe)

2.4.3.1

Code pénal

2.4.3.1.1

For en cas de confiscation indépendante (art. 350bis)

Les art. 346 ss CP, qui règlent la compétence locale, ne sont pas applicables en cas de confiscation indépendante68. La procédure de confiscation est dite indépendante lorsque des valeurs patrimoniales qui se trouvent en Suisse sont confisquées alors qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée contre une personne déterminée ou que la poursuite engagée n'a pas conduit à un jugement. Tel est notamment le cas lorsque l'auteur est inconnu, décédé ou irresponsable ou que la procédure a été classée pour des raisons d'opportunité en encore lorsque l'infraction a été commise à l'étranger. Il est généralement admis que, dans ce cas, les autorités du canton où se trouvent les valeurs sont compétentes pour les confisquer. Si les valeurs se trouvent dans plusieurs cantons, chaque canton est compétent pour confisquer les valeurs se trouvant sur son territoire, ce qui peut conduire à des difficultés pratiques69.

Afin de combler les lacunes de la loi, le Conseil fédéral propose d'introduire dans le Code pénal un nouvel art. 350bis. Selon l'al. 1 de cette disposition, les confiscations indépendantes devront être exécutées au lieu où se trouvent les objets ou les valeurs patrimoniales à confisquer. L'al. 2 posera le principe du forum praeventionis. Si les objets et les valeurs patrimoniales à confisquer se trouvent dans plusieurs cantons et qu'ils sont en relation avec une même infraction ou un même auteur, l'autorité compétente sera celle du lieu où la procédure de confiscation a été ouverte en premier lieu.

68 69

Voir Niklaus Schmid, Einziehung, in: N. Schmid (édit.), Kommentar, Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, n. 139 ad art. 59, p. 163.

Voir Niklaus Schmid, op. cit. (note précédente), n. 139 ad art. 59, p. 163; n. 138 ad art. 59, p. 162; le même, Das neue Einziehung nach StGB Art. 58 ff, in: RPS 113 (1995), p. 321 ss (p. 361).

457

2.4.3.1.2

Attribution du produit (art. 381, al. 3)

Le nouvel al. 3 de l'art. 381 CP réserve les dispositions du projet sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées. Selon l'art. 381 CP, «le produit des amendes, confiscations et dévolutions à l'Etat prononcées en vertu du présent code appartient aux cantons. Dans les causes jugées par la Cour pénale fédérale, ce produit appartient à la Confédération». Cette disposition ne s'appliquera désormais qu'aux amendes et aux produits des confiscations dont le montant sera inférieur à 100 000 francs et qui auront été prononcées dans le cadre d'une procédure de confiscation en l'absence de toute convention internationale de partage. Dans les autres cas, il conviendra d'appliquer le projet de loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées.

2.4.3.2

Loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale

2.4.3.2.1

Remise d'objets ou de valeurs (art. 59, al. 8, et 74a, al. 7)

Selon l'art. 59, al. 1, EIMP, les valeurs délictueuses qui sont en possession de la personne extradée doivent être remises à l'Etat étranger dès que les conditions de l'extradition sont réalisées. Les autorités suisses ne pourront les retenir en Suisse que dans les cas limitativement énumérés à l'al. 470. Le nouvel al. 8 précise que l'OFJ pourra en outre retenir à titre définitif les valeurs revenant à la Suisse en vertu d'un accord international de partage.

Construit sur le même modèle que l'art. 59 EIMP, l'art. 74a EIMP, qui concerne la remise des valeurs délictueuses indépendamment de toute mesure d'extradition, sera complété par un al. 7 de la même teneur que le nouvel al. 8 de l'art. 59 EIMP.

2.4.3.2.2

Délégation de la poursuite. Frais (art. 93, al. 2)

En cas de délégation de la poursuite pénale à la Suisse, l'art. 93, al. 2, EIMP prévoit que les cantons disposent du produit des amendes, confiscations et dévolutions.

Cette disposition ne s'appliquera désormais qu'aux amendes et aux confiscations lorsque le montant confisqué sera inférieur à 100 000 francs et qu'aucun accord international de partage n'aura été conclu. Dans les autres cas, il conviendra d'appliquer les dispositions du projet de loi sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées, d'où la réserve du nouvel al. 2 de l'art. 93 EIMP.

Pour tenir compte des nouvelles dispositions sur la confiscation entrées en vigueur le 1er août 1994, le Conseil fédéral a supprimé la notion de «dévolutions» (voir art. 59 70

458

Selon cet alinéa, les objets ou valeurs qui sont le produit de l'infraction peuvent être retenus en Suisse: a.

si le lésé a sa résidence habituelle en Suisse et qu'ils doivent lui être restitués; b.

si une autorité fait valoir des droits sur eux, ou c.

si une personne étrangère à l'infraction et dont les prétentions ne sont pas garanties par l'Etat requérant rend vraisemblable qu'elle a acquis de bonne foi en Suisse des droits sur ces objets ou valeurs ou si, résidant habituellement en Suisse, elle rend vraisemblable qu'elle a acquis de bonne foi des droits sur eux à l'étranger.

ancien CP), dès lors que celle-ci est actuellement incluse dans la nouvelle notion de «confiscation de valeurs patrimoniales» de l'art. 59 CP71.

2.4.3.3

Autres lois fédérales

Le projet s'applique à toutes les valeurs patrimoniales confisquées en vertu du droit pénal fédéral (cf. ch. 2.1.2). Partant, les dispositions des autres lois fédérales qui prévoient une réglementation sur l'affectation des valeurs confisquées, qu'elles attribuent les valeurs confisquées aux cantons ou à la Confédération, ne s'appliqueront dorénavant qu'aux confiscations inférieures à 100 000 francs ordonnées en dehors de tout accord international.

Sont en particulier visées la loi sur le matériel de guerre72, la loi sur l'énergie atomique73 et la loi sur le contrôle des biens74, qui prévoient toutes trois que les objets confisqués et le produit éventuel de leur vente sont dévolus à la Confédération.

Conformément au projet, ceux-ci seront partagés entre la Confédération et les cantons concernés.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour les finances de la Confédération et des cantons

Les conséquences financières du projet sont en étroite relation avec le projet «efficacité», ce qui rend toute estimation difficile, car on ignore les effets de la nouvelle répartition des affaires entre la Confédération et les cantons en application du nouvel art. 340bis CP (projet «efficacité»). Il ressort d'un sondage de l'Administration fédérale des finances qu'en 1998 et en 1999, les cantons ont confisqué environ 21 et 30 millions de francs, alors que la Confédération en a confisqué environ 4 millions.

A l'avenir, la Confédération sera compétente pour poursuivre et juger les affaires de criminalité organisée et devrait confisquer des montants plus importants. Elle devra donner 2/10 de ces montants aux cantons de situation, mais recevra 3/10 des confiscations cantonales. Globalement, les produits des confiscations revenant à la Confédération devraient augmenter; ils ne suffiront toutefois pas à couvrir les frais entraînés par le projet «efficacité», évalués à environ 100 millions de francs par an. (En 2005, après la phase introductive de quatre ans pour la mise en oeuvre des ressources fédérales (police judiciaire fédérale, ministère public de la Confédération, office des juges d'instruction), les dépenses prévues pour le projet « efficacité » seront de l'ordre de 100 millions de francs. Un pronostic plus précis sur l'évolution des coûts pourra être fait seulement après l'entrée en vigueur du projet de loi (prévue pour le 71

72 73 74

Voir le message du 30 juin 1993 du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (Révision du droit de la confiscation, punissabilité de l'organisation criminelle, droit de communication du financier), in: FF 1993 III 269 ss (299).

Voir les art. 38 et 39 de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG); RS 514.51.

Voir les art. 36b et 36c de la loi fédérale du 23 décembre 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique (LEA); RS 732.0.

Voir l'art. 17 de la loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires et des biens militaires spécifiques (LCB); RS 946.202.

459

1er janvier 2002), sur la base des premières expériences et en relation avec la planification continue). En revanche, les produits des confiscations revenant aux cantons devraient diminuer, dès lors que ces derniers ne seront plus compétents en matière de poursuite et de jugement de la criminalité organisée; ils auront cependant moins de frais d'enquête et recevront, dans les causes fédérales, en prime, 2/10 des valeurs confisquées (part du canton de situation) et 2,5/10 s'ils participent à la procédure fédérale.

Le projet ne met aucune tâche particulière à la charge des cantons et n'entraînera pour eux aucune dépense supplémentaire. Les frais occasionnés à la Confédération devraient rester minimes. Un travail supplémentaire (évalué à environ trois postes) devrait incomber à l'OFJ du fait de sa nouvelle compétence en matière de répartition interne des valeurs confisquées.

3.2

Conséquences dans le secteur informatique

Le projet n'a pas de conséquence particulière sur le plan informatique.

3.3

Conséquences économiques

Le projet concerne la répartition des valeurs confisquées entre la Confédération et les cantons et n'a en conséquence aucune incidence sur l'économie privée.

4

Programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le rapport du 1er mars 2000 sur le programme de la législature 1999­2003 (R 25 «Extension de la lutte contre le crime organisé»)75.

5

Relation avec le droit européen

On se référera à cet égard aux explications qui figurent au ch. 1.1.4 du présent message.

75

460

FF 2000 p. 2195, 2231.

6

Constitutionnalité

La compétence de la Confédération pour légiférer sur le partage des valeurs confisquées entre les cantons et la Confédération repose sur l'art. 123 de la nouvelle Constitution, que cela soit dans sa teneur actuelle76 ou dans celle qui sera mise en vigueur par la réforme de la justice77.

Pour le partage entre la Suisse et les Etats étrangers, la compétence de la Confédération résulte de l'art. 54 de la nouvelle Constitution, qui prévoit que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération.

76 77

Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101).

L'arrêté fédéral du 8 octobre 1999 relatif à la réforme de la justice a été adopté par le peuple et les cantons le 12 mars 2000 et entrera en vigueur en même temps que la nouvelle loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral (cf. FF 2001 4000).

461