01.455 Initiative parlementaire Droit de recours contre les décisions de naturalisation discriminatoires Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 25 octobre 2001

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

Par 13 voix contre 5, et 1 abstention, la commission vous propose d'approuver le projet de modification de loi ci-joint. Une minorité de la commission (Joder, Baader Caspar, Engelberger, Fischer, Glur, Scherer, Tschuppert) vous propose de ne pas entrer en matière.

25 octobre 2001

Pour la commission: Le vice-président, Charles-Albert Antille

1114

2001-2362

Rapport 1

Genèse

La question de la possibilité de faire recours contre les décisions de naturalisation arbitraires ou discriminatoires a été suscitée par certaines décisions récentes issues de votations par les urnes au niveau communal où des demandes de naturalisation ont été rejetées et par le débat politique qui a entouré ces décisions.

La législation en matière de naturalisation étant appelée à subir des réformes, le chef du Département de justice et police avait nommé dès le 30 avril 2000 un groupe de travail chargé d'élaborer des propositions de réformes au sujet de la naturalisation facilitée et de l'abaissement des émoluments. Le mandat a été étendu pour englober également la possibilité de recours contre des décisions de rejet de demandes de naturalisations.

Le 1er mars 2001, lors de l'audition de la cheffe du Département de justice et police et de l'administration, la commission a pris acte du rapport final du groupe de travail et des recommandations qu'il contenait s'agissant de la révision du droit de la naturalisation. La solution minimale proposée dans le rapport, prévoyant une possibilité de recours devant un juge cantonal pour violation des droits fondamentaux, a été largement acceptée au cours de la procédure de consultation qui s'est déroulée par la suite. Le Conseil fédéral est d'avis que la solution minimale en question doit être intégrée dans le cadre de la révision totale de la loi sur la naturalisation.

Tant l'audition de la cheffe du DFJP, que celle d'experts juridiques, ainsi que la place toujours importante que prenait le sujet dans l'actualité politique ont amené la commission à la conclusion qu'il ne convenait pas d'attendre que le Conseil fédéral présente la révision de la réglementation sur la nationalité pour introduire un droit de recours. Par 13 voix contre 7, la CIP a décidé de nommer une sous-commission avec pour mission de mettre au point une initiative de la commission: celle-ci doit viser une modification du droit fédéral de telle sorte que dans le cadre d'un recours de droit public déposé par le requérant, les décisions de naturalisation puissent être examinées quant au respect des droits fondamentaux du requérant et, en cas de violation, être cassées.

La sous-commission a mis au point le texte, au cours de 3 séances tenues les 17 mai, 5 juillet et 4 octobre 2001, sous la
présidence de la conseillère nationale Vallender et avec la collaboration des conseillers nationaux Mesdames Aeppli Wartmann, Leuthard et Vermot et Messieurs Cina, de Dardel, Engelberger, Joder et Scherer.

2

Les grandes lignes du projet

2.1

Proposition de la commission

La commission propose une réglementation permettant de garantir l'accès au tribunaux au niveau fédéral et cantonal en cas de décisions de naturalisation arbitraires ou discriminatoires. Cette réglementation vise à garantir le respect des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. La suppression de l'art. 51, al. 3, LN ouvre les recours de droit administratif contre les décisions de l'Office fédéral des étrangers.

En outre, toute personne dont la demande de naturalisation ordinaire a été rejetée 1115

doit désormais pouvoir introduire un recours de droit public devant le Tribunal fédéral pour violation de l'interdiction de l'arbitraire ou pour violation de l'interdiction de discrimination. La nouvelle réglementation prévoit donc que les cantons sont tenus d'instituer des voies de droit devant un tribunal, compétent en première instance, pour les décisions de naturalisation ordinaire.

Cette proposition s'intègre dans le système de voies de droit actuellement en vigueur et doit permettre de faire la transition jusqu'à l'entrée en vigueur, d'une part, de la réforme de la justice et, d'autre part, de la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (01.023). La réglementation proposée devra être revue à l'occasion des débats sur le projet de loi sur le Tribunal fédéral.

La commission a adopté ce projet par 5 voix contre 2. Une minorité de la commission rejette quant au principe, pour des raisons juridiques et politiques, le droit de recours contre des décisions relatives aux naturalisations.

2.2

Variantes proposées par le Groupe de travail nationalité

Le Département de justice et police institua en 1999 un Groupe de travail chargé notamment d'examiner l'institution d'un droit de recours contre les décisions de refus de naturalisation. Dans son rapport final de décembre 2000, le Groupe de travail proposa deux variantes. La première, appelée solution minimale, modifiait l'art. 51 LN de façon à ce qu'un recours puisse être déposé contre une décision cantonale ou communale de naturalisation devant une autorité judiciaire cantonale compétente pour violation des droits constitutionnels. La seconde variante, appelée solution élargie, modifiait l'art. 51 LN de façon à ce que le droit cantonal prévoie un droit de recours contre les décisions cantonales et communales de naturalisation auprès d'une autorité de recours indépendante de l'administration dont la compétence ne soit pas limitée à la violation des droits constitutionnels.

Les deux variantes proposées par le Groupe de travail ont été soumises à une procédure de consultation. L'obligation d'instituer une voie de droit cantonale contre les décisions arbitraires de naturalisation a été approuvée par la plupart des cantons, par les partis gouvernementaux à l'exception de l'UDC ainsi que par la plupart des organisations consultées. Entre les deux variantes, la préférence a été donnée clairement à la solution minimale. Seuls cinq cantons (BE, BL, GE, JU, SO), le PS et quelques organisations favorisent la solution élargie.

La réglementation proposée par la commission correspond pour l'essentiel à la solution minimale présentée par le Groupe de travail.

3

Voies de recours et garanties constitutionnelles

3.1

Voies de recours en droit actuel

Selon l'art. 38, al. 2, Cst. et l'art. 12, al. 2, de la loi sur la nationalité (LN, RS 141.0), la naturalisation ordinaire d'une personne étrangère implique d'abord l'octroi d'une autorisation fédérale. Cette autorisation est la condition préalable pour pouvoir obtenir la naturalisation dans le canton et la commune concernés. Si l'Office fédéral des étrangers refuse d'accorder l'autorisation, la personne étrangère 1116

peut recourir au Département fédéral de justice et police (art. 51, al. 1, LN; art. 44 ss de la loi sur la procédure administrative, PA; RS 172.021). Si le département rejette le recours et donc refuse à son tour l'autorisation, la personne étrangère ne dispose plus de voies de droit. Le recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral est en effet exclu (art. 100, al. 1, let. c, de la loi d'organisation judiciaire fédérale, OJ; RS 173.110). Quant au recours au Conseil fédéral, seul le canton concerné a qualité pour le déposer (art. 51, al. 3, LN; art. 74, let. e, PA).

Si l'autorisation fédérale a été accordée, la procédure de naturalisation se poursuit au niveau cantonal. C'est le droit cantonal qui fixe les conditions à remplir; en règle générale, il n'accorde pas de droit à l'acquisition du droit cité communal. C'est aussi le droit cantonal qui fixe la procédure à suivre. Celle-ci implique en principe d'abord une décision d'une autorité communale puis d'une autorité cantonale. La plupart des cantons ne connaissent pas de voies de recours contre les décisions communales et cantonales en matière de naturalisation ordinaire. La personne étrangère qui estime que sa demande de naturalisation ordinaire a été rejetée de manière discriminatoire ou arbitraire par la commune ou le canton ne dispose donc usuellement d'aucun moyen de droit au niveau cantonal pour faire contrôler le respect de ses droits fondamentaux. A titre d'exception, on peut signaler notamment le canton de Bâle-Campagne où les décisions de naturalisation ordinaire peuvent être attaquées pour violation des droits constitutionnels devant le tribunal constitutionnel (cf. arrêt du Verfassungsgericht du 29 mars 2000 dans les causes 98/324­328).

Le recours de droit public devant le Tribunal fédéral (art. 84 ss OJ) est ouvert contre toute décision rendue en dernière instance par une autorité cantonale ou communale, en particulier pour violation des droits constitutionnels. Le rejet d'une demande de naturalisation ordinaire peut donc déjà en droit actuel faire l'objet d'un recours de droit public. L'accès au Tribunal fédéral est toutefois en pratique limité par les exigences relatives à la qualité pour recourir, telles que le Tribunal fédéral les a déduites de l'art. 88 OJ. Selon la jurisprudence, la qualité pour recourir requiert
notamment que le recourant ait un intérêt juridique. Pour la plupart des droits constitutionnels, cet intérêt juridique découle directement de la titularité du droit fondamental: c'est ainsi que la personne étrangère qui se plaindrait de la violation de sa sphère privée par la publication de ses données personnelles dans le bulletin destiné aux électeurs communaux aurait, de par l'art. 13, al. 2, Cst., un intérêt juridique à obtenir le contrôle et la sanction de cette violation (cf. arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 1P.3 /2001, consid. 1). En revanche, le Tribunal fédéral a décidé le 20 mars 2000 de maintenir sa jurisprudence selon laquelle la prohibition constitutionnelle de l'arbitraire ne donne pas à elle seule un intérêt juridique, en dépit de la teneur de l'art. 9 Cst. et des travaux préparatoires (ATF 126 I 81 consid.

2c); en conséquence, la personne dont la demande de naturalisation ordinaire a été rejeté n'a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral pour arbitraire que si la législation cantonale lui donne un droit à la naturalisation. Il en va de même lorsque le recourant invoque l'égalité devant la loi (art. 8, al. 1, Cst.; ATF 112 Ia 172, consid. 3c). Jusqu'à présent, en revanche, le Tribunal fédéral n'a pas tranché si la qualité pour recourir repose aussi sur la jurisprudence relative à l'arbitraire lorsque le recourant invoque la prohibition des discriminations (art. 8, al. 2, Cst.).

1117

3.2

Garantie constitutionnelle de l'accès au juge

Le 12 mars 2000, le peuple et les cantons ont accepté l'arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice (FF 2000 2814). Cet arrêté introduit dans la Constitution fédérale un art. 29a qui garantit l'accès au juge. Selon la première phrase de cette disposition, toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. Cela signifie qu'au moins une autorité judiciaire doit pouvoir examiner librement les faits et appliquer d'office le droit (message; FF 1997 I 530).

La garantie de l'accès au juge est complétée par l'art. 191b Cst. (selon la réforme de la justice) qui oblige les cantons à instituer des autorités judiciaires pour connaître des contestations de droit civil et de droit public ainsi que des affaires pénales.

Contrairement à l'art. 98a OJ actuel, l'art. 191b Cst. vaut aussi pour les décisions fondées sur le droit public cantonal.

Les art. 29a et 191b Cst. (selon la réforme de la justice) ne sont pas encore en vigueur. Selon le message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, l'arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice entrera en vigueur simultanément à la future loi sur le Tribunal fédéral. Si l'Assemblée fédérale suit la proposition du Conseil fédéral, il ne faut guère s'attendre à une entrée en vigueur avant 2005.

3.3

Les voies de droit selon le message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale

Le 28 février 2001, le Conseil fédéral a présenté son message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale. Ce message contient notamment un projet de loi sur le Tribunal fédéral (LTF), qui est destinée à remplacer l'actuelle loi sur l'organisation judiciaire fédérale, ainsi qu'un projet de loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF). Ces deux projets modifient notablement le système juridictionnel suisse, y compris en matière de naturalisation ordinaire.

4

Commentaire article par article

4.1

Modifications de la loi sur la nationalité

Art. 51 La commission propose d'ouvrir dorénavant le recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre les décisions que le Département de Justice et Police rend sur recours contre les décisions de l'Office fédéral des étrangers relatives à l'autorisation fédérale de naturalisation ordinaire (cf. aussi la modification de l'art. 100, al. 1, let. c, OJ). L'ouverture du recours de droit administratif permet de satisfaire pleinement aux exigences de la garantie de l'accès au juge, car le Tribunal fédéral applique d'office le droit fédéral pertinent, y compris les droits constitutionnels, (art. 104, let. a, OJ) et, en raison de l'absence d'une commission de recours, contrôle librement les faits (art. 104, let. b, et 105 OJ). La charge de travail nouvelle représentée par cette nouvelle tâche devrait être infime, car le Département de Justice et Police n'a rendu que trois décisions sur recours en la matière dans les cinq dernières années.

1118

En conséquence de l'ouverture prochaine du recours de droit administratif, l'al. 3 de l'art. 51 LN doit être biffé. La suppression de l'art. 51, al. 3, LN implique que la qualité pour recourir contre la décision du département n'appartiendra plus seulement au canton (art. 103, let. c, OJ et art. 51, al. 2, LN), mais aussi à la commune concernée (art. 103, let. c, OJ en liaison avec art. 51, al. 2, LN) et surtout au particulier débouté (art. 103, let. a, OJ).

Dans la version française, le titre de l'art. 51 LN doit être modifié, car le recours n'est plus exclusivement un recours administratif. Les versions allemande et italienne du titre de l'art. 51 restent en revanche inchangées.

Art. 51a (nouveau)

Recours contre les décisions cantonales de naturalisation

L'al. 1 règle et clarifie l'accès au Tribunal fédéral au travers du recours de droit public, tandis que les al. 2 et 3 imposent aux cantons l'instauration d'une voie de recours devant un tribunal cantonal.

Al. 1: Recours de droit public devant le Tribunal fédéral Pour éviter que le Tribunal fédéral puisse déclarer irrecevables les recours pour arbitraire (art. 9 Cst.) ou pour violation du droit à l'égalité de traitement (art. 8, al. 1, Cst.), la commission propose de spécifier à l'art. 51a, al. 1, LN que la personne dont la demande de naturalisation a été rejeté a qualité pour invoquer ces griefs dans un recours de droit public. Fondamentalement, cet al. 1 est la concrétisation de la portée que l'Assemblée fédérale a voulu donner à l'art. 9 Cst., à savoir que le droit à la protection contre l'arbitraire confère lui-même un intérêt juridique (cf. BO 1998 E p. 39). L'art. 51a, al. 1, LN se justifie afin de prévoir expressément que toute personne dont la demande de naturalisation a été rejetée a qualité pour invoquer les griefs de la violation des art. 8, al. 1 et 2, et 9 de la Constitution fédérale, ce qui est par ailleurs indispensable eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 126 I 81, consid. 6).

S'agissant des autres griefs susceptibles d'être invoqués devant le Tribunal fédéral par la personne dont la demande de naturalisation a été rejetée (p. ex. la violation du droit d'être entendu [art. 29, al. 2, Cst.], le droit à la protection contre l'emploi abusif des données personnelles [art. 13, al. 2, Cst.]), une réglementation spéciale de la qualité pour recourir ne se justifie pas. Pour la plupart des droits fondamentaux, y compris les garanties de procédure, la jurisprudence considère que l'intérêt juridique découle directement de la Constitution.

En ce qui concerne le grief de discrimination (art. 8, al. 2, Cst.), la jurisprudence n'a pas encore tranché si la qualité pour recourir se détermine conformément à la pratique relative à l'interdiction de l'arbitraire ou si la prohibition constitutionnelle des discriminations confère elle-même un intérêt juridique au sens de l'art. 88 OJ. Dans la mesure où la non-discrimination est un principe essentiel lorsque le droit laisse un large pouvoir d'appréciation à l'autorité, il se justifie de préciser à l'art. 51a, al. 1, LN que la personne
qui invoque ce grief contre un refus de naturalisation ordinaire a qualité pour invoquer ce grief.

La commission a envisagé d'autres alternatives pour le recours devant le Tribunal fédéral, notamment la possibilité d'ouvrir le recours de droit administratif également contre les décisions cantonales relatives à la naturalisation ordinaire. La commission estime toutefois qu'une telle solution s'intégrerait mal dans le système actuel des 1119

recours devant le Tribunal fédéral. En l'état du droit, la voie prévue pour faire contrôler par le Tribunal fédéral le respect de la Constitution fédérale par une décision fondée sur le droit public cantonal, c'est le recours de droit public.

Al. 2: Obligation d'instituer une voie de recours devant un tribunal cantonal La commission propose à l'art. 51a, al. 2, LN d'imposer aux cantons l'obligation d'instituer une voie de droit devant un tribunal pour les décisions de naturalisation ordinaire. Le contrôle du respect du droit fédéral et du droit cantonal par les décisions des autorités cantonales et communales doit être assuré en premier lieu par les cantons.

Il ne suffirait pas d'exiger des cantons qu'ils prévoient une voie de droit cantonale.

Il faut que cette voie de droit mène en dernière instance cantonale devant une autorité judiciaire. Dans la mesure où les décisions de naturalisation au niveau cantonal sont souvent prises par le gouvernement ou le parlement cantonal, seul un tribunal possède l'indépendance et l'autorité nécessaires pour pouvoir sanctionner les décisions de naturalisation qui violent les droits fondamentaux fédéraux, indépendamment de l'autorité qui a pris la décision attaquée. L'autorité judiciaire au sens de l'art. 51a, al. 2, LN ne doit pas nécessairement être le tribunal administratif cantonal. Il peut s'agir par exemple d'une commission de recours. Il faut cependant que cette commission ait les prérogatives d'une autorité judiciaire, donc que son indépendance à l'égard des pouvoirs exécutif et législatif soit garantie.

Si l'art. 51, al. 2, LN proposé exige qu'un tribunal statue en dernière instance cantonale, il laisse aux cantons pleine liberté pour les instances précédentes. Cela vaut bien sûr pour les instances de recours: les cantons peuvent, par exemple, prévoir que les décisions communales de naturalisation sont sujettes à un recours devant une autorité administrative cantonale avant que le recours au tribunal ne soit ouvert.

L'autonomie cantonale demeure également inchangée en ce qui concerne la procédure devant l'autorité compétente pour statuer sur une demande de naturalisation.

Cela signifie que l'art. 51a LN n'exclut pas que cette compétence soit attribuée par exemple au corps électoral communal.

La question de la constitutionnalité d'une décision du
peuple dans le cas de naturalisations fait l'objet de commentaires controversées dans la doctrine (cf. A. Auer & N. von Arx, Direkte Demokratie ohne Grenzen?, PJA 2000, pp. 923 ss; Y. Hangartner, Grundsätzliche Fragen des Einbürgerungsrechts, PJA 8/2001, pp. 949 ss).

La pratique des autorités considère les décisions en matière de naturalisations comme admissibles (cf. aussi l'expertise de l'Office fédéral de la justice, JAAC 65.35).

L'art. 51a LN ne se prononce pas sur la motivation des décisions sujettes à recours devant l'autorité judiciaire cantonale. La commission est consciente que la tâche de l'autorité judiciaire n'est pas simple lorsque la décision ne peut pas être motivée par l'autorité qui l'a rendue parce qu'il s'agit du corps électoral communal. La commission estime cependant qu'il appartient au droit cantonal de déterminer dans quelle mesure une décision attaquable devant une autorité judiciaire cantonale doit être motivée.

1120

Al. 3: Standard minimum quant au pouvoir d'examen et à la qualité pour recourir L'art. 51a, al. 3, LN est l'expression du principe de l'unité de la procédure: les cantons doivent garantir d'une part que l'autorité qui précède le Tribunal fédéral n'a pas un pouvoir d'examen plus restreint que le Tribunal fédéral et d'autre part que toute personne habilitée à recourir devant ce dernier puisse aussi recourir devant l'autorité précédente. L'art. 51a, al. 3, LN reprend ainsi la règle énoncée à l'art. 98a, al. 3, OJ pour le recours de droit administratif en l'appliquant ici au recours de droit public.

S'agissant du pouvoir d'examen, l'art. 51a, al. 3, LN exige que les griefs susceptibles d'être invoqués devant le Tribunal fédéral dans le recours de droit public puissent aussi être examinés par l'autorité judiciaire qui statue en dernière instance cantonale. Pour une décision de naturalisation ordinaire, les griefs a priori envisageables concernent la violation de droits constitutionnels (cf. art. 84, al. 1, let a, OJ), notamment les droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale ou la constitution cantonale, voire par un traité international tel que la CEDH. Il n'est toutefois pas exclu qu'une personne étrangère puisse se prévaloir aussi de la violation des droits politiques lorsque la décision sur sa demande de naturalisation est prise par le corps électoral communal (cf. art. 85, let. a, OJ; la jurisprudence reconnaît ainsi la qualité pour recourir pour violation des droits politiques au candidat à une élection même s'il n'a pas le droit de vote, ATF 119 Ia 167, consid. 1). De même, les griefs de la violation de traités internationaux (p. ex. de l'accord entre la Suisse et l'Italie facilitant l'accès à la double nationalité; RS 0.141.145.4) ou de traités intercantonaux (art. 84, al. 1, let. b et c, OJ) sont aussi envisageables. S'agissant des autres griefs qui ouvrent le recours de droit public (cf. art. 84, al. 1, let. d, et art. 85, let. b et c, OJ), ils n'entrent pas en ligne de compte lors d'un recours contre un refus de naturalisation ordinaire.

L'art. 51a, al. 3, LN fixe un standard minimum. Il est respecté non seulement si la voie de droit cantonale est similaire au recours de droit public, mais aussi dans l'hypothèse où les décisions de naturalisation ordinaire peuvent faire l'objet
d'un recours, qui en matière de légitimation et de griefs, est plus étendu qu'en cas de recours de droit public. Les cantons pourront choisir entre ouvrir l'accès à la juridiction administrative et instituer une voie de droit particulière pour les décisions de naturalisation ordinaire. Mais bien entendu les cantons comme p. ex. BâleCampagne peuvent continuer à soumettre les décisions relevant du domaine des naturalisations ordinaires à une juridiction cantonale pour en déterminer la constitutionnalité. L'autonomie organisationnelle des cantons n'est donc que modérément restreinte par l'art. 51a, al. 2 et 3, LN.

La prescription de l'art. 51a, al. 3, LN relative à une norme minimale conférant la qualité pour recourir ne devrait en principe guère jouer de rôle pratique. Au niveau cantonal, la qualité pour recourir est usuellement reconnue plus largement que dans le recours de droit public devant le Tribunal fédéral.

Pour le reste, l'art. 51a, al. 3, LN correspond pour l'essentiel à la solution minimale proposée par le Groupe de travail nationalité, qui impose aux cantons l'obligation de prévoir une voie de droit devant une autorité judiciaire cantonale pour contrôler le respect des droits constitutionnels. Il va toutefois un plus loin que cette solution minimale en exigeant que l'autorité judiciaire cantonale puisse, en plus, connaître d'autres griefs susceptibles d'être invoqués devant le Tribunal fédéral au travers

1121

d'un recours de droit public contre une décision de naturalisation, donc par exemple de la violation des droits politiques.

Disposition transitoire Comme l'art. 51a, al. 2 et 3, obligera la plupart des cantons à changer la réglementation des voies de droit en matière de naturalisation ordinaire, il faut un minimum de temps pour que les lois pertinentes soient modifiées. Une disposition transitoire prévoit à cet effet un délai d'un an à partir de l'entrée en vigueur de la révision. Ce délai favorise la sécurité du droit. Il a par ailleurs l'avantage de permettre au Conseil fédéral de mettre rapidement en vigueur la présente révision et donc de garantir que la qualité pour déposer un recours de droit public devant le Tribunal fédéral ne pourra plus être déniée au motif que le droit cantonal n'accorde pas un droit à la naturalisation. La personne dont la demande de naturalisation ordinaire aurait été rejetée arbitrairement ou de manière discriminatoire bénéficiera ainsi dès l'entrée en vigueur de la révision de la garantie d'une protection juridique par le Tribunal fédéral.

A l'échéance du délai transitoire d'un an, l'art. 51a, al. 2 et 3, LN sera applicable directement. Si la législation cantonale n'a pas encore été adaptée, il faudra qu'une autorité judiciaire cantonale se déclare compétente pour statuer sur un recours contre une décision de naturalisation. Cela correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral fondée sur l'art. 33 de la loi sur l'aménagement du territoire (RS 700) et l'art. 6, par. 1, CEDH (arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 1P.145/2001, consid. 8 et 9; ATF 119 Ia 88, 98 consid. 7). Comme l'art. 51a, al. 3, LN fixe un standard minimum, le pouvoir d'examen de l'autorité cantonale sera régi par les principes généraux de la procédure cantonale.

Au cas où le droit cantonal ne serait pas adapté à temps et où aucune autorité judiciaire cantonale ne se déclarerait compétente pour statuer sur un recours contre une décision de naturalisation ordinaire, la personne concernée pourra déposer un recours de droit public devant le Tribunal fédéral pour violation de la force dérogatoire du droit fédéral ou pour déni de justice. Le Tribunal fédéral pourra alors renvoyer la cause au canton afin que ses autorités judiciaires déterminent laquelle d'entre elles est, de par l'art. 51a LN, compétente pour statuer sur le recours.

4.2

Modification de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale

L'art. 100, al. 1, let. c, OJ est biffé afin de permettre le recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral contre les décisions du Département de justice et police relatives à l'octroi de l'autorisation fédérale de naturalisation ordinaire. Le recours pourra être déposé non seulement par la personne étrangère (art. 103, let. a, OJ), mais aussi par le canton ou la commune concernée (art. 103, let. c, OJ et art. 51, al. 2, LN).

1122

5

Constitutionnalité

L'ouverture du recours de droit administratif contre les décisions des autorités fédérales en matière d'autorisation de naturalisation (art. 51, al. 3, LN et 100, al. 1, let. c, OJ) repose sur l'art. 190, al. 1 Cst. (art. 189, al. 1, Cst. selon la réforme de la justice).

S'agissant des décisions cantonales en matière de naturalisation ordinaire, la règle relative au recours de droit public (art. 51a, al. 1, LN) repose sur l'art. 189, al. 1, let. a, Cst. (art. 189, al. 1, Cst. selon la réforme de la justice). Quant à l'obligation imposée aux cantons d'instituer une voie de droit devant une autorité judiciaire (art. 51a, al. 2 et 3, LN), elle a un double fondement: art. 38 et 189 Cst.

L'art. 38, al. 2, Cst. attribue à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons. Selon les travaux préparatoires, cette compétence signifie que la Confédération est chargée d'édicter les dispositions nécessaires à garantir une égalité de traitement minimale (Message, FF 1997 I p. 226). Bien que le Conseil fédéral ait laissé entendre en 1982 et en 1992 que l'introduction d'une voie de recours au niveau cantonal présupposait une modification de la Constitution (FF 1982 II 146, 1992 VI 499), on peut estimer aujourd'hui à l'aune de la nouvelle Constitution que la compétence fédérale comprend aussi les dispositions minimales indispensables pour assurer le respect des droits fondamentaux. L'art. 35, al. 2, Cst. oblige en effet la Confédération à contribuer, dans l'exercice de ses compétences, à la réalisation des droits fondamentaux. En imposant aux cantons un standard minimum garantissant le contrôle par un tribunal du respect des droits fondamentaux (art. 51a, al. 2 et 3, LN), le législateur fédéral édicte une disposition minimale qui concrétise l'art. 35, al. 2, Cst.

dans le domaine de la naturalisation ordinaire.

La seconde base constitutionnelle peut être trouvée à l'art. 189, al. 1, let. a, Cst.

Cette disposition confère au Tribunal fédéral la compétence de statuer sur les recours pour violation des droits constitutionnels. Le législateur fédéral peut ainsi régler les conditions d'accès au Tribunal fédéral: cela comprend, outre les conditions de recevabilité des recours, la faculté d'imposer un standard minimum quant aux instances cantonales précédentes.

6

Conséquences financières

Si la révision proposée de la loi sur la nationalité ouvre l'accès au juge pour les décisions en matière de naturalisation ordinaire, elle ne prescrit la création d'autorités judiciaires nouvelles ni au niveau fédéral ni au niveau cantonal. Elle pourra donc être mise en oeuvre au travers des tribunaux actuels. Elle n'entraîne ainsi pour la Confédération aucun surcroît notable de dépenses. Il en va de même pour les cantons.

1123