99.467 Initiative parlementaire Les animaux dans l'ordre juridique suisse Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 25 janvier 2002

Monsieur le Président Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils, nous vous soumettons le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission vous propose d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

25 janvier 2002

Pour la commission: Le président, Simon Epiney

2002-0338

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Rapport 1

Rappel des faits

1.1

Initiatives parlementaires déposées

Le 22 décembre1999, le conseiller aux Etats Dick Marty a déposé l'initiative parlementaire intitulée «Les animaux dans l'ordre juridique suisse» sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. Dans la rédaction de son initiative, il a repris textuellement le libellé mis au point par la Commission des affaires juridiques du Conseil national sur la base des deux initiatives parlementaires François Loeb («L'animal, être vivant» 92.437), et Suzette Sandoz («Animaux vertébrés. Dispositions particulières» 93.459), y compris la propositon de minorité. Ce projet de texte1 a été accepté par la commission des affaires juridiques du Conseil national par 18 voix contre 0 et 2 abstentions; en revanche, le Conseil national, à sa séance du 13 décembre 1999, a refusé, par 73 voix contre 58, d'entrer en matière.

L'initiative vise à ce que le droit suisse soit modifié de telle sorte que les animaux ne soient plus désormais considérés dans la législation fédérale comme des choses, mais comme une catégorie à part. Le statut juridique des animaux doit être amélioré pour tenir compte d'une nouvelle sensibilité de la population à l'égard du monde animal.

1.2

Examen préalable

Le 20 septembre 2000, le Conseil des Etats a décidé, par 30 voix contre 3, de donner suite à l'initiative parlementaire, suivant en cela sa commission qui l'avait approuvée par 8 voix contre 1 et 2 abstentions.

1.3

Déroulement des travaux dans la commission

Par la suite, la commission des affaires jurdiques du Conseil des Etats a été chargée de mettre au point une modification de loi qui prenne en compte les objets visés par l'initiative. Elle s'est penchée sur le texte à deux reprises, le 6 septembre 2001 et le 25 janvier 2002. Parallèlement, la commission était saisie du message relatif aux initiatives populaires «pour un meilleur statut juridique des animaux (Initiative pour les animaux)» et «les animaux ne sont pas des choses!» (01.0282). A l'instar du Conseil fédéral, la commission est d'avis que les questions soulevées par les protecteurs des animaux ont davantage leur place dans la loi qu'au niveau constitutionnel.

Elle demande donc que le présent projet fasse office de contre-projet indirect aux deux initiatives populaires.

1 2

FF 1999 8118 FF 2001 2390

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1.4

Proposition de la commission

Par 12 voix contre 0, la commission demande d'approuver les modifications proposées.

2

Grandes lignes du projet

2.1

But de la révision

La révision a pour objectif de tenir compte de la nouvelle sensibilité de la population vis-à-vis de l'animal et d'améliorer le statut juridique de ce dernier. Tout porte à croire, en effet, que la plus grande partie de la population ne partage plus la conception de l'animal-chose que nous avons héritée du droit romain, comme en témoigne par exemple l'incompréhension croissante que rencontre le droit en vigueur lorsqu'il assimile le fait de blesser un animal à la détérioration d'un bien. Ce respect nouveau porté à l'animal trouve sa traduction dans un nouvel article (641a du code civil (CC), qui prévoit qu'un animal ne pourra plus désormais être traité comme une chose que dans la mesure où il n'existe aucune disposition contraire.

Il est proposé un certain nombre de modifications du code civil touchant le droit successoral (art. 482 CC), le droit relatif aux choses trouvées (art. 720a CC), l'acquisition de la propriété et la possession d'un animal (art. 722, 728 et 934 CC), l'attribution judiciaire de la propriété ou de la possession d'un animal (art. 651a CC), ainsi que deux dispositions du code des obligations prévoyant, l'une, réparation pour les frais de traitement d'un animal blessé (art. 42 CO), et l'autre, la prise en compte de la valeur affective de l'animal lors de la fixation du dommage (art. 43 CO). Il est aussi prévu de modifier la liste des définitions légales dans le code pénal de manière à faire apparaître une distinction juridique entre l'animal et la chose. (art.

110 CP). Enfin, il est prévu que les animaux sont insaisissables dans certains cas (art. 92 LP).

2.2

Procédure de consultation

La commission du Conseil national avait lancé, à l'époque, une procédure de consultation. S'étendant du 13 février 1998 au le 31 août 19983, celle-ci a permis de consulter le Tribunal fédéral, les cantons, les partis gouvernementaux et 33 organisations ou associations.

L'avant-projet a rencontré globalement un écho favorable. Les cantons qui ont pris part à la consultation ont tous salué la révision, à l'exception de Soleure qui considère que l'amélioration de la condition animale relève de la législation sur la protection des animaux. Cet avis est également partagé par l'Université de Lausanne.

Enfin, les associations de protection des animaux estiment que la révision proposée n'est pas seulement nécessaire, mais doit être mise en oeuvre d'urgence.

Concernant l'article de base: Aux termes de l'avant projet mis en consultation, cet article prévoyait que «les dispositions s'appliquant aux choses ne sont valables pour 3

Le rapport de la procédure de consultation peut être consulté au secrétariat de la Commission des affaires juridiques.

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les animaux que dans la mesure où il n'existe aucune réglementation spéciale». On notera que le présent projet propose une nouvelle formulation, précédemment défendue par une minorité seulement de la commission. Les avis ont été partagés: d'un côté, neuf cantons, le PDC, les organisations patronales et l'Université de Lausanne se sont ralliés à l'opinion de la majorité de la commission, qui proposait de ne pas créer de catégorie juridique nouvelle; de l'autre côté, six cantons et toutes les organisations de protection des animaux ont approuvé la proposition de la minorité visant à distinguer expressément entre l'animal et la chose.

Concernant le droit successoral: les milieux consultés ont en général salué l'inscription dans la loi d'un principe déjà admis par tous, qui permet de conforter la validité de certaines dispositions testamentaires relatives aux animaux.

Concernant les droits réels: la proposition concernant la désignation d'une autorité compétente pour les animaux trouvés, a été approuvée à l'unanimité, de même que le raccourcissement du délai de la prescription acquisitive pour les animaux trouvés.

Si le nouvel article relatif au droit d'attribution du juge a été plus controversé, divisant notamment les cantons, il a cependant été salué par les organisations de protection des animaux.

Concernant le code des obligations: d'une façon générale, l'obligation de verser des dommages et intérêts a été approuvée, même si d'aucuns ont émis des réserves sur le plan juridique, proposant de préciser la disposition concernée. Plusieurs organisations de protection des animaux et la Société des vétérinaires suisses ont par ailleurs demandé que soit inscrit un droit à réparation pour tort moral dans le cas où un animal a été blessé ou tué.

Concernant le code pénal: la proposition de compléter la liste des définitions légales a été saluée.

Concernant la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite: les cantons ont approuvé en principe le caractère insaisissable des animaux vivant en milieu domestique et non gardés dans un but patrimonial ou de gain, même si certains ont émis diverses propositions visant par exemple à préciser la disposition concernée. Celle-ci a par contre rencontré l'opposition de certaines organisations de protection des animaux, car elle permet comme auparavant de saisir certains animaux, et une franche hostilité de la part de l'Association suisse des sociétés fiduciaires de recouvrements.

2.3

Etat de la législation dans les pays voisins

Si les droits privés français et italien considèrent les animaux comme des choses, l'Autriche et l'Allemagne ont en revanche procédé ces dernières années à des modifications de loi dans le but d'améliorer le statut juridique des animaux. Ainsi, en Autriche, depuis le 1er juillet 1988, est entré en vigueur l'art. 285a ABGB («Animaux»): «Les animaux ne sont pas des choses; ils sont protégés par des lois particulières. Les dispositions concernant les choses ne s'appliquent aux animaux que dans la mesure où il n'existe pas de disposition contraire» («Tiere sind keine Sachen; sie werden durch besondere Gesetze geschützt. Die für Sachen geltenden Vorschriften sind auf Tiere nur soweit anwendbar, als keine abweichenden Regelungen bestehen.»). En Allemagne est entré en vigueur le 1er septembre 1990 l'art. 90a BGB («Animaux») qui prévoit de manière similaire: «Les animaux ne sont pas des 3888

choses. Ils sont protégés par des lois particulières. Les dispositions concernant les choses leur sont applicables, sauf disposition contraire» («Tiere sind keine Sachen.

Sie werden durch besondere Gesetze geschützt. Auf sie sind die für Sachen geltenden Vorschriften entsprechend anzuwenden, soweit nicht etwas anderes bestimmt ist.»). En outre, les droits privés aussi bien autrichien qu'allemand prévoient que le dédommagement en cas de frais occasionnés par le traitement d'un animal blessé peut dépasser la valeur vénale de l'animal. Le droit allemand limite en outre les pouvoirs du propriétaire d'un animal, dans la mesure où celui-ci est tenu d'observer les dispositions particulières applicables aux animaux. L'un et l'autre pays, ainsi que la France, connaissent en outre une interdiction de saisie des animaux, sans prévoir de prise en compte des frais d'entretien dans le calcul du minimum vital. Enfin, le droit français prévoit un droit à réparation pour le propriétaire d'un animal blessé ou tué, et le droit de garder des animaux domestiques en logement locatif.

3

Explication des différentes dispositions

3.1

Article de base (art. 641a [nouveau] CC)

La révision proposée vise en premier lieu à tenir compte de la sensibilité nouvelle développée à l'égard du monde animal et à améliorer le statut juridique des animaux. L'art. 641a (nouveau), qui prévoit que les dispositions applicables aux choses ne sont valables pour les animaux que dans la mesure où il n'existe pas de dispositions contraires, reconnaît ainsi que l'animal est un être vivant et capable de perception et de sensation.

La nouvelle disposition a un caractère essentiellement déclaratoire, car elle ne crée pas de catégorie juridique nouvelle pour l'animal. Le système juridique suisse est fondé en effet sur la distinction entre les personnes ­ soit les sujets de droit, avec leurs droits et leurs devoirs ­ et les choses: l'animal continuera ainsi à l'avenir d'être assimilé à la chose, et ne disposera donc pas de droits civils.

La réserve introduite par l'expression «sauf disposition contraire» renvoie principalement à la législation sur la protection des animaux. Evidemment, sur le plan juridique, il va déjà de soi que ces dispositions limitent ou précisent les droits des propriétaires d'animaux: l'art. 641, al. 1, du code civil prévoit expressément que le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, mais dans les limites de la loi.

3.2

Droit successoral (art. 482, al. 4 [nouveau] CC)

Il arrive qu'une personne rédige un testament par lequel elle fait d'un animal son légataire ou son héritier. Une telle clause pourrait être considérée comme non valable (art. 482, al. 3, CC) au motif que l'animal, ne jouissant pas des droits civils, ne peut être héritier ou légataire, et un autre héritier pourrait par ce biais tenter de s'opposer à la volonté du défunt. Le nouvel al. 4 de l'art. 482 CC définit l'interprétation à donner à une disposition testamentaire instituant un animal comme héritier ou légataire, en la réputant charge imposant aux héritiers ou aux légataires de prendre soin de l'animal de manière appropriée.

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Aujourd'hui déjà, un testament est interprété à la lumière du principe du «favor testamenti», selon lequel le juge compétent doit en interpréter les dispositions de telle sorte que leur application soit conforme à la volonté du défunt, même si elles ne répondent pas formellement aux exigences légales. La nouvelle disposition règle uniquement l'interprétation à donner à une disposition testamentaire faisant d'un animal un héritier ou un légataire, en prévoyant dans un tel cas sa conversion. Ainsi, même un non-juriste pourra comprendre la suite qui sera donnée à une telle disposition testamentaire. Selon l'al. 1 de l'art. 482 CC, tout intéressé, par exemple une association de protection des animaux, a le droit de requérir l'exécution «des charges qui grèvent des dispositions» (ici: de la charge imposant aux héritiers ou aux légataires de prendre soin de l'animal de manière appropriée),. Selon la doctrine et la jurisprudence actuelles, le fait de ne pas remplir une charge n'entraîne toutefois aucune obligation de verser des dommages-intérêts.

La formulation choisie pour l'al. 4 (nouveau) de l'art. 482 CC évite de désigner l'animal comme héritier ou légataire. Conférer à l'animal la jouissance, totale ou restreinte, des droits civils serait en effet incompatible avec notre système juridique.

En résumé, le nouvel alinéa permet de tenir compte des dernières volontés exprimées par un défunt concernant un animal, sans pour autant conférer à celui-ci des droits civils.

3.3

Droits réels

3.3.1

Animaux trouvés: désignation d'une autorité par le canton (art. 720a [nouveau] CC)

L'expérience montre que, lorsqu'un animal a été trouvé et que la police en a été avisée, les recherches ne sont pas toujours couronnées de succès. De plus, beaucoup de cantons ne règlent pas clairement à quel service il convient de communiquer qu'un animal a été trouvé. La nouvelle disposition prévoit que les cantons désignent un service à aviser dans un tel cas, lorsque l'identité du propriétaire ne peut être établie immédiatement. Les cantons peuvent certes continuer de déléguer cette compétence à la police locale, mais ils n'en doivent pas moins, aux termes de l'art. 720a (nouveau,) instituer un service chargé spécialement de centraliser et de traiter les appels concernant les animaux trouvés. Rappelons par ailleurs que ce service ne doit pas forcément être celui à qui sont remis les animaux trouvés. Cette disposition permettra d'établir clairement à quel service signaler un animal trouvé, ce qui augmentera les chances du propriétaire de le retrouver.

La création d'un article spécifique met en évidence que l'art. 720, al. 2, CC, qui prévoit qu'il faut aviser la police lorsque la valeur de la chose est manifestement supérieure à 10 francs, n'est pas applicable aux animaux. Quant à la réserve renvoyant à l'art. 720, al. 3, CC, elle garantit qu'un animal trouvé dans une maison habitée ou dans des locaux et installations affectés à un service public sera remis au maître de la maison, au locataire ou au personnel chargé de la surveillance.

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3.3.2

Réduction du délai d'acquisition de la propriété d'un animal

3.3.2.1

Acquisition de la propriété d'un animal trouvé (art. 722, al. 1bis et 1ter [nouveaux] CC)

Selon le droit en vigueur, une personne qui trouve une chose n'en acquiert la propriété qu'après un délai de cinq ans. L'ancien propriétaire d'une chose perdue peut par conséquent faire valoir ses droits sur celle-ci durant une très longue période.

Lorsqu'un refuge souhaite placer un animal, il doit généralement faire face à de nombreux problèmes s'il ne connaît pas le propriétaire de l'animal ou s'il ne sait pas si l'animal sera réclamé un jour. Or, on sait qu'un animal qui n'a pas été réclamé dans un délai de deux mois ne le sera plus ou que très rarement passé ce délai. Aussi la nouvelle disposition permet-elle à la personne qui a trouvé un animal d'en devenir le propriétaire au terme d'un délai de deux mois. Compte tenu cependant de la brièveté de ce délai, il est prévu que le délai court à nouveau à compter de la remise de l'animal au refuge: ainsi, le propriétaire d'un animal perdu aura deux mois au minimum, et quatre mois au maximum, pour le réclamer.

Cette réduction du délai ne vaut que pour les animaux qui vivent en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain. En ce qui concerne les bêtes qui passent l'été en alpage et dont la perte n'est remarquée qu'à la fin de l'alpage, le délai actuel de cinq ans reste valable.

Par «animaux qui vivent en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain», on entend des animaux auxquels leur propriétaire se sent uni par des liens affectifs étroits: ils peuvent vivre dans la maison, dans le jardin ou même dans une étable ou dans une écurie, mais, encore une fois, ils ne doivent pas être gardés pour des raisons d'ordre financier. Cela dit, il faut également tenir compte de la valeur économique de l'animal: une personne trouvant par exemple un cheval ne pourra pas invoquer cette disposition, ou alors exceptionnellement, même si elle se sent unie à lui par une relation privilégiée.

Il a volontairement été renoncé à qualifier juridiquement le refuge, puisqu'il n'est pas toujours une personne morale et qu'il ne peut de ce fait acquérir la propriété dans tous les cas. Le nouvel al. 1ter prévoit uniquement que le refuge peut disposer librement de l'animal deux mois après que celui-ci lui a été confié. Si, passé ce délai, le refuge remet l'animal à un tiers, il n'est nul besoin d'approfondir la question de la propriété.

3.3.2.2

Délai de la prescription acquisitive (art. 728, al. 1bis [nouveau] CC)

L'art. 728 CC est complété par un nouvel al. 1bis, prévoyant que celui qui, de bonne foi, a possédé un animal à titre de propriétaire en devient effectivement le propriétaire après deux mois. Le délai de la prescription acquisitive est ainsi adapté à celui qui s'applique à l'animal trouvé. Là encore, cependant, sont seuls concernés les animaux auxquels l'homme est uni par une relation affective particulière.

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3.3.2.3

Droit de la possession (art. 934, al. 1, CC)

La réserve qui renvoie à l'art. 722 CC rappelle qu'en ce qui concerne les animaux trouvés, le délai de réclamation est limité dans le temps: la personne ayant trouvé un animal en devient en effet le propriétaire au bout de deux mois.

3.3.3

Attribution judiciaire de la propriété ou de la possession d'animaux (art. 651a [nouveau] CC)

Il convient également d'assurer la protection de l'animal lorsqu'il y a dissolution d'une communauté à laquelle il appartient. Le nouvel art. 651a du code civil prévoit que le juge, lors de l'attribution de l'animal, puisse aussi tenir compte, lorsqu'il procède à la pesée des intérêts, du bien de ce dernier, pour autant qu'il s'agisse d'un animal vivant en milieu domestique et qui n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain. La formulation «... qui, en vertu des critères appliqués en matière de protection des animaux, offre la solution la meilleure pour l'animal» ne vise pas seulement son hébergement et son alimentation, mais aussi la relation qu'il entretient avec l'homme, examinée uniquement sous l'angle de son intérêt à lui.

Lors de la liquidation d'un régime matrimonial, l'un des deux conjoints peut aujourd'hui déjà demander qu'un bien en copropriété lui soit attribué entièrement s'il justifie d'un intérêt prépondérant, à charge de désintéresser son conjoint (art. 205, al. 2, CC). Il est à noter qu'il n'existe pas à ce jour de disposition permettant de prendre en compte l'intérêt de l'animal en cas de partage d'une succession ou de liquidation d'une société simple.

En vertu de l'al. 2 de l'art. 651a (nouveau) du code civil, le juge peut obliger l'attributaire à verser une indemnité. Le montant de cette indemnité doit être raisonnable, et sera fixé notamment en fonction de la valeur objective de l'animal.

L'obligation de verser une indemnité peut se fonder sur d'autres dispositions, par exemple sur l'art. 205, al. 2, CC s'agissant de la reprise de biens, ou encore sur l'art.

608, al. 3, CC prévoyant que l'attribution d'un objet de la succession à un héritier n'est pas réputée legs, mais simple règle de partage, et est imputée sur la part de succession.

Le critère d'attribution énoncé à l'art. 651a (nouveau) du code civil s'applique notamment au régime des biens matrimoniaux, au droit successoral et à la liquidation de sociétés simples. Dans la pratique, il revêtira une importance surtout lors de la dissolution de relations de concubinage.

3.4

Droit des obligations

3.4.1

Art. 42, al. 3 (nouveau) CO

Le droit permet déjà d'exiger une réparation pour les frais de traitement d'un animal blessé dépassant la valeur de l'animal. En effet, la doctrine comme la jurisprudence n'excluent pas que, dans le cas d'un dommage à la propriété, le montant des frais de réparation puisse excéder le prix de l'objet endommagé. Pour des raisons de sécurité juridique, ce principe est toutefois expressément énoncé à l'art. 42, al. 3 (nouveau),

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du code des obligations4 (CO): il est en effet nécessaire que dans un litige de ce genre, où il est très rarement fait appel à un avocat, le profane lui-même puisse comprendre à la simple lecture de la loi la manière dont doit être déterminé le montant de la réparation. Il convient de souligner que, selon la commission, le fait que cette question soit réglée expressément pour les seuls animaux ne doit pas être interprété dans le sens que le principe ne s'applique pas lorsqu'il s'agit du remboursement de frais liés à la réparation ou à la remise en état d'un objet.

Il importe de souligner que le propriétaire ne peut pas profiter de la disposition pour imputer au responsable (ou à son assurance) n'importe quels soins: il s'agit essentiellement d'éviter qu'un animal blessé ne soit soumis à des expérimentations aux frais dudit responsable. Il y a lieu de toujours se demander comment se comporterait dans la même situation un propriétaire raisonnable tenu d'assumer lui-même les frais liés aux soins. Cela résulte par ailleurs déjà du principe de la bonne foi (art. 2 CC).

3.4.2

Art. 43, al. 1bis (nouveau) CO

L'animal, notamment de compagnie, prend dans notre société une place de plus en plus grande: en mentionnant expressément la valeur sentimentale qu'un animal peut avoir pour son propriétaire ou les parents de celui-ci, il s'agit de mettre en évidence que ce rapport affectif constitue un bien à protéger juridiquement dont il incombe au juge de tenir compte dans le cadre de la pesée des intérêts. A ce jour, la valeur purement affective, indépendante de la valeur économique, n'est pas prise en considération dans le calcul des dommages et intérêts: or, si cela peut s'expliquer s'agissant de choses inanimées, cette lacune a quelque chose d'incongru si l'on considère le rapport privilégié qui unit l'homme à l'animal. Aussi, celui qui blesse ou qui tue un animal doit être tenu de dédommager également le propriétaire de l'animal de la perte qu'il a subie sur le plan affectif.

Evidemment, d'une part, la valeur affective n'est pas précisément quantifiable, et d'autre part, la perte d'un animal ne saurait être compensée uniquement sous forme pécuniaire. L'art. 43, al. 1bis (nouveau) CO se rapproche ainsi de l'art. 49 CO, qui prévoit une réparation morale pour atteinte illicite à la personnalité: l'une et l'autre dispositions prévoient en effet une compensation financière au titre de la réparation partielle d'un dommage immatériel. Distinct de l'art. 47, qui règle la réparation à titre moral en cas de lésions corporelles ou de mort d'homme, l'art. 43, al. 1bis, CP règle la réparation de la perte subie spécifiquement sur le plan affectif s'agissant d'un animal.

3.5

Code pénal

3.5.1

Art. 110 CP

Mentionner les animaux dans la liste des définitions légales figurant à l'art. 110 du code pénal5 (CP) est conforme à l'objet même de la révision, qui est de faire apparaître une distinction juridique entre l'animal et la chose.

4 5

RS 220 RS 311.0

3893

3.5.2

Art. 332 CP

L'art. 332 CP est complété par une référence à l'art. 720a du code civil: il est en effet normal d'étendre le champ d'application de l'art. 332 CP aux animaux trouvés, étant désormais régis par un article spécifique. Cette norme ne vise pas celui qui ne signale pas sa trouvaille au propriétaire de l'animal, alors qu'il le connaît: mais il est possible de le sanctionner en vertu de l'art. 137 CP, qui punit l'appropriation illégitime.

3.6

Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 92, ch. 1a [nouveau] LP)

On se rend compte de plus en plus aujourd'hui de l'importance que l'animal peut avoir pour les personnes seules, par exemple pour celles qui se trouvent dans un home ou pour des personnes souffrant de toutes sortes d'affections. Interdire expressément leur saisie clarifie la situation sur le plan juridique, même si les animaux de compagnie sont dans la pratique rarement saisis, d'abord pour des raisons charitables, ensuite parce qu'ils sont malaisés à revendre. Or, compte tenu de la situation économique actuellement difficile, tout porte à croire que le nombre des saisies est appelé à augmenter, et que la question de la saisie des animaux se posera donc de plus en plus souvent et sera même mise sur la place publique. Pour éviter les risques d'abus, la modification proposée concerne elle aussi uniquement les animaux vivant en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain.

Les montants nécessaires à l'entretien et aux soins de l'animal sont prélevés, comme auparavant, sur la somme restant au débiteur. Cette conception est conforme à la pratique du droit des poursuites, selon laquelle les dépenses liées à un loisir n'entrent pas dans le calcul du minimum vital.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le projet n'entraîne pas de conséquences financières pour la Confédération. La situation est différente pour les cantons, qui aux termes de l'art. 720a (nouveau) sont tenus de désigner une autorité à laquelle s'adresser lorsqu'un animal a été trouvé.

S'il est impossible de chiffrer les dépenses que cela implique, celles-ci devraient être peu importantes, compte tenu de ce qu'il est déjà obligatoire aujourd'hui de signaler les choses trouvées lorsque leur valeur est supérieure à 10 francs (art. 720, al. 2, CC), et que les cantons peuvent exiger du propriétaire de la chose trouvée qu'il leur rembourse les frais concernés (art. 722, al. 2, CC).

5

Relation avec le droit européen

Il n'existe pas dans le droit européen de disposition régissant en droit privé la protection des animaux ou de leurs propriétaires. Signalons simplement l'existence de la Convention européenne du 13 novembre 1987 pour la protection des animaux de compagnie (RS 0.456), que la Suisse a ratifiée le 3 novembre 1993, mais dont les 3894

obligations en matière de commerce des animaux de compagnie (art. 6 et 8) sont sans incidence sur la révision proposée du code civil et du code des obligations.

6

Constitutionnalité (conformité avec la nouvelle Constitution)

Le projet s'appuie sur les art. 122 et 123 de la nouvelle Constitution (Cst.), qui prévoient respectivement que la législation en matière de droit civil et la législation en matière de droit pénal relèvent de la compétence de la Confédération. Par ailleurs, l'art. 80 Cst. donne à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions sur la protection des animaux, notamment sur la garde des animaux et la manière de les traiter (art. 80, let. a, Cst.). Enfin, l'art. 120, al. 2, Cst. protège l'intégrité des organismes vivants.

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