01.071 Message relatif à la révision de la loi sur les cartels du 7 novembre 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation, par le présent message, un projet de révision de la loi sur les cartels.

Nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2000 M 99.3307 Loi sur les cartels. Système d'amendes dissuasives (N 24.3.00; [Jans]-Strahm; E 28.9.00) Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 novembre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-2038

1911

Condensé La révision de la loi sur les cartels vise principalement à instaurer des sanctions directes lorsqu'une infraction au droit des cartels est particulièrement nuisible, ce qui devrait également renforcer le caractère préventif de la loi.

Pour des motifs d'ordre constitutionnel, il a été renoncé à l'idée de sanctionner d'une manière générale et directe toute infraction à la loi sur les cartels. Sont surtout visés les «cartels rigides» (à savoir les accords sur la fixation des prix, les accords sur les restrictions quantitatives et les accords de répartition géographique, cf. art. 5, al. 3, LCart) et les abus de position dominante (art. 7 LCart). L'effet préventif de la loi sera donc considérablement accru en ce qui concerne les restrictions à la concurrence particulièrement graves. Pour des raisons de sécurité juridique, les entreprises auront la possibilité d'annoncer à l'avance à la ComCo une pratique qui pourrait s'avérer illicite, avant que celle-ci n'ait effectivement cours. Une entreprise qui en prend l'initiative ne pourra pas être sanctionnée pour pratique illicite. La ComCo pourra également renoncer partiellement ou complètement à prendre des sanctions directes contre une entreprise ayant collaboré à la découverte et à la suppression d'un cartel dont elle fait partie (programme de clémence).

Cela facilitera les enquêtes de la ComCo et permettra d'ébranler durablement la solidarité entre membres d'un cartel. Enfin, la révision règlera certaines questions d'ordre procédural et complètera l'éventail des instruments disponibles (perquisitions, saisie de pièces à conviction).

Les autres modifications concernent: ­

la notion d'«entreprise dominant le marché»: la définition de la notion à l'art. 4 va faciliter dans la pratique la défense des entreprises qui, pour des raisons de structure du marché, sont dépendantes, ce qui peut également s'appliquer aux petites et moyennes entreprises.

­

les valeurs seuils pour la notification de concentrations d'entreprises (art. 9): la loi sur les cartels en vigueur prévoit des valeurs seuils spéciales au-delà desquelles les concentrations d'entreprises de médias doivent être notifiées. En conséquence, les concentrations d'entreprises de médias sont soumises à une obligation de notification plus stricte. L'expérience en matière de concentrations d'entreprises de médias a montré que la concentration de la presse progresse, certes, mais qu'il suffirait pour la maîtriser d'en soumettre les opérations aux critères généraux. Il sera donc renoncé, à l'avenir, à ces valeurs seuils spéciales. Les valeurs seuils au-delà desquelles les concentrations de banques et d'institutions financières doivent être notifiées seront par ailleurs alignées sur les nouvelles prescriptions de l'UE.

­

le prélèvement d'émoluments par les autorités en matière de concurrence est prescrit dans un article spécifique (art. 53a).

1912

Message 1

Partie générale

1.1

Point de la situation

1.1.1

Grandes lignes de la loi sur les cartels

Entrée en vigueur le 1er juillet 1996, la nouvelle loi sur les cartels (LCart; RS 251) a donné aux artisans de la politique suisse en matière de concurrence des instruments efficaces pour lutter contre les conséquences économiques dommageables imputables aux cartels et à d'autres formes de restriction à la concurrence. Les dispositions de droit matériel, celles relatives aux autorités d'exécution, ainsi que les dispositions procédurales ont été revues. L'efficacité de l'application a pu être considérablement augmentée après une phase de démarrage. La LCart présente néanmoins toujours un point faible: les restrictions illicites à la concurrence ne peuvent pas être sanctionnées directement. La présente révision vise donc à augmenter l'effet préventif de la loi en vigueur par l'introduction partielle de sanctions directes.

D'un point de vue matériel, la LCart ­ comme les législations comparables de l'UE et de ses pays membres ­ repose sur trois piliers: premièrement, les accords qui suppriment une concurrence efficace sur le marché ou affectent celle-ci de manière notable sans se justifier par des motifs d'efficacité économique sont illicites (art. 5 LCart); deuxièmement, les pratiques abusives d'entreprises ayant une position dominante sont également illicites (art. 7 LCart); troisièmement, les opérations de concentration d'entreprises d'une certaine importance doivent être notifiées à la Commission de la concurrence, qui peut les interdire ou les autoriser moyennant des conditions ou des charges, lorsqu'elles menacent de supprimer une concurrence efficace (art. 9 et 10 LCart).

L'exécution de ces dispositions incombe à la Commission de la concurrence (ComCo). Celle-ci s'appuie sur un secrétariat qui mène enquêtes et procédures de manière autonome et prépare les décisions à l'intention de la commission. La ComCo ne reçoit d'instructions ni du Conseil fédéral ni des départements. Administrativement parlant, elle dépend du Département fédéral de l'économie (DFE).

En vertu des dispositions de la loi en vigueur (art. 50 et 54 LCart), la ComCo ne peut sanctionner directement les restrictions illicites à la concurrence. Dans un premier temps, elle doit se contenter de constater, dans une décision, qu'il y a violation de la loi. Ce n'est que si cette violation se répète, en d'autres termes, si un comportement illicite donné continue d'être pratiqué en dépit d'une décision des autorités, qu'une sanction peut être prononcée.

1.1.2

Pratique actuelle et constats

Les activités de la ComCo sont réparties en trois secteurs économiques (industrie et production; services; infrastructures) définis dans le règlement interne de la ComCo.

Sur la base de cette répartition, la ComCo est divisée en trois chambres et le secrétariat en trois services. Les activités des autorités en matière de concurrence depuis l'entrée en vigueur de la LCart sont exposées dans l'annexe 1.

1913

Sur la place publique, on reproche souvent aux autorités en matière de concurrence de viser excessivement les petites et moyennes entreprises (PME) et insuffisamment les grands acteurs du marché. L'analyse des procédures classées ou pendantes au cours des années 2000 et 2001 révèle que sur onze procédures classées en 2000, neuf concernaient des grandes entreprises ou des entreprises puissantes sur le marché (Intensiv, Kaladent, le cartel de l'asphaltage, Sanphar, la distribution des articles de marque ­ y compris Migros et Coop ­, Volkswagen, le cartel des vitamines, les éditeurs tessinois, FMB). Seules deux enquêtes concernaient des PME (les moniteurs d'auto-écoles fribourgeois, le prix des boissons dans les restaurants en Suisse romande). En 2001, seize des 17 enquêtes classées ou pendantes concernent des grandes entreprises ou des entreprises puissantes sur le marché (Citroën, Cablecom, les horlogers, les entreprises de cartes de crédit, JC Décaux/Affichage, le cartel bernois de soumission, les CFF, les médecins du canton de Zurich, le marché de l'essence, les assurances maladie dans le canton d'Argovie, la téléphonie mobile, la distribution de médicaments vétérinaires, les entreprises électriques, Feldschlösschen/Coca Cola) et une seule concerne une PME, à savoir l'enquête contre le cartel genevois d'étanchéité et d'asphaltage.

Sous l'angle procédural, il a fallu régler diverses questions d'ordre pratique après l'entrée en vigueur de la LCart actuelle. Ainsi, certaines décisions de la ComCo ont été invalidées par la Commission de recours pour les questions de concurrence pour des motifs relevant du droit procédural. Ceci est dû, comme le relève le Prof. Hangartner dans l'expertise qui lui a été confiée à ce sujet, à un certain manque de clarté dans l'articulation des dispositions de procédure contenues dans la LCart et la loi fédérale sur la procédure administrative. La clarification de telles questions par la jurisprudence après l'entrée en vigueur d'une loi est un processus parfaitement normal. Les incertitudes d'ordre procédural existant alors ont pu être clarifiées depuis, de sorte que les instances de recours peuvent se concentrer sur le jugement de questions de droit matériel.

1.1.3

Evolution à l'étranger

Ces derniers temps, la lutte contre les pratiques commerciales anticoncurrentielles s'est fortement accrue sur le plan international. On notera en particulier la recommandation de l'OCDE concernant une action efficace contre les ententes injustifiables, adoptée en 1998 par le conseil de l'OCDE. Cette recommandation appelle entre autres les Etats à agir efficacement sur le plan national à l'encontre des cartels rigides et à prévoir des mesures et des sanctions sévères à cette fin.

L'examen des pratiques étrangères révèle deux tendances: d'une part, plusieurs pays ont introduit les sanctions directes ou renforcé leur régime de sanctions au cours de ces dernières années, et, d'autre part, un programme de clémence a été instauré dans divers pays ­ c.-à-d. qu'une entreprise qui contribue à la découverte ou à la suppression d'un cartel dont elle est membre ne sera pas sanctionnée, ou se verra infliger une sanction réduite.

Au sein de l'Union européenne, les infractions au droit communautaire de la concurrence font depuis toujours l'objet de sanctions directes. Cependant, une pratique plus stricte se dessine clairement au vu de la jurisprudence récente et des directives concernant la fixation de sanctions pécuniaires, publiées il y a quelques années. La pratique a également donné naissance à la possibilité de réduire la 1914

sanction pécuniaire imposée aux entreprises qui dénoncent l'existence d'un cartel dont elles font partie, ce qui vise à inciter les membres de cartels à briser le silence.

Le but déclaré est de lutter plus efficacement contre les cartels rigides considérés comme particulièrement nuisibles. La commission européenne a édicté une réglementation en ce sens en 1996. D'après cette réglementation, la levée de la sanction n'est pas automatique. Elle fait l'objet d'une appréciation au cas par cas. Il convient par ailleurs de signaler les efforts actuels entrepris au sein de l'UE en vue de réformer le droit communautaire en matière de concurrence. Outre la décentralisation de l'exécution, il s'agit avant tout de remplacer le système actuel d'annonce par un système d'exception légale. Les accords en matière de concurrence qui, sur la base de critères spécifiques, sont considérés comme inoffensifs, seront dorénavant autorisés d'emblée. L'autorisation des autorités (en raison d'une annonce préalable ou par voie d'ordonnance) ne sera plus requise. Ainsi le droit de l'UE en matière de concurrence se rapproche-t-il de celui de la Suisse au niveau de la technique juridique et inversement, la Suisse reproduit le schéma ancré dans le droit européen en proposant, par le présent projet, la possibilité d'appliquer des sanctions directes.

L'Allemagne aussi applique depuis relativement longtemps le système des sanctions directes. L'an dernier, l'Office fédéral des ententes a par ailleurs publié des directives sur la fixation des sanctions pécuniaires à l'encontre des membres de cartels «rigides» dans le cadre du programme de clémence, à savoir des membres se dénonçant d'eux-mêmes aux autorités et contribuant fortement à la découverte d'ententes illicites. Aux termes de ces directives, le premier membre à dénoncer l'existence d'un cartel est en principe exempté de toute sanction, ce qui, sous l'angle de la politique de la concurrence, a en quelque sorte créé une compétition entre les entreprises pour savoir «qui dénoncera le premier». Toutefois, les membres de cartels qui coopèrent avec l'Office fédéral des ententes à une date ultérieure peuvent également bénéficier d'une réduction de la sanction.

En Grande-Bretagne, la nouvelle loi de 1998 sur la concurrence («Competition Act») est entrée en vigueur en 2000. Elle
prévoit également des sanctions directes.

Son entrée en vigueur a été accompagnée de l'introduction du programme de clémence («leniency programme») qui, à l'instar du système américain, garantit automatiquement l'immunité (exception faite des plaintes de droit civil) à l'entreprise qui dénonce en premier l'existence d'un cartel.

Aux Etats-Unis, en cas d'infraction grave au droit de la concurrence, les autorités en matière de concurrence peuvent non seulement prononcer une sanction pécuniaire, comparativement élevée, à l'encontre des entreprises coupables, mais elles peuvent également condamner directement les dirigeants à des amendes pécuniaires, voire à des peines privatives de liberté. Le cadre des sanctions a ainsi été considérablement renforcé et intégralement mis en application au cours des dernières années. Les dirigeants de grandes entreprises membres d'un cartel par exemple, ont été condamnés aussi bien à des peines privatives de liberté qu'à des amendes élevées. Le programme de clémence existe depuis 1978 et a été complété en 1993. Selon les nouvelles directives, ce programme garantit automatiquement l'immunité à celui qui révèle en premier l'existence d'un cartel. L'immunité est applicable tant à l'entreprise qu'à ses dirigeants.

1915

1.1.4

Le point de la situation par l'organe de contrôle de l'administration

A la demande de la sous-commission DFE/DFF de la Commission de gestion du Conseil national, l'organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) a fait le point sur l'application de la loi de 1995 sur les cartels (La situation en droit des cartels. Rapport à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national du 11 octobre 2000; FF 2001 3191). L'OPCA a identifié dix-neuf problèmes concernant la mise en oeuvre de la LCart. Sur la base d'une enquête auprès de dix experts indépendants, il a évalué ces problèmes en fonction de leur acuité et du besoin de révision qu'ils suscitent. Les problèmes les plus importants sont: l'absence de sanctions directes, le caractère de milice de la ComCo, la composition de la ComCo et les valeurs seuils applicables pour la notification des fusions dans le domaine des médias. Le rapport souligne que ces questions appelant obligatoirement une révision trouvent une réponse dans le projet de révision de la LCart envoyé en consultation. S'agissant des autres problèmes ­ comme le travail du secrétariat, les décisions de la ComCo et les procédures de recours ­ le rapport renvoie aux expertises commandées par le DFE, qui révèlent que s'il existait certaines difficultés, elles sont à présent considérées comme résolues.

1.1.5

Bilan intermédiaire

La LCart en vigueur a, dans une large mesure, fait ses preuves. La pratique démontre toutefois que son efficacité demeurera limitée tant que les comportements anticoncurrentiels ne pourront pas être sanctionnés directement. La ComCo ne peut actuellement prononcer des sanctions que si un accord ou un comportement illicite qu'elle a interdit continue d'avoir cours. Sur les marchés les plus importants pour la Suisse (l'UE ­ et surtout l'Allemagne ­, les Etats-Unis) en revanche, les autorités en matière de concurrence peuvent prononcer des sanctions pécuniaires directes en cas de restrictions illicites à la concurrence. Les régimes juridiques ont donc une action préventive et un impact beaucoup plus forts que la LCart.

1.2

Interventions parlementaires

Quatre interventions parlementaires avaient pour objet la proposition de révision de la LCart: ­

Interpellation Strahm (98.3614). « Renforcer le pouvoir de la Commission de la concurrence ». L'auteur critiquait le manque d'efficacité et de pouvoir de la ComCo et remettait sa composition en question. Dans sa réponse du 17 février 1999, le Conseil fédéral a rejeté la critique, mais s'est réservé le droit d'examiner la taille et la composition de la ComCo dans le cadre d'une éventuelle révision de la LCart. L'interpellation a été traitée le 5 juin 2000 au Conseil national.

­

Question ordinaire urgente du groupe socialiste (99.1067). « Pratiques cartellaires du groupe Roche ». L'intervention demandait notamment au Conseil fédéral s'il était prêt à créer les bases légales et à engager du personnel pour que les autorités en matière de concurrence puissent assurer

1916

un contrôle plus efficace. Dans sa réponse du 23 juin 1999, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à prendre les mesures qui s'imposaient si le rapport intermédiaire sur l'application de la LCart, demandé par le DFE, en révélait le besoin.

­

Motion Jans (99.3307). «Loi sur les cartels. Système d'amendes dissuasives.» La motion réclame l'introduction de sanctions directes et une révision en ce sens de la LCart. Le 17 novembre 1999, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à accepter la motion. Le Conseil national l'a adoptée le 24 mars 2000 et le Conseil des Etats, le 28 septembre 2000.

­

Initiative parlementaire Ammann Schoch Regina (99.432). «Interdiction des cartels.» L'auteur de l'initiative demandait que les cartels soient interdits et que l'art. 96, al. 1 de la Constitution soit modifié en conséquence. Le 23 mars 2000, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite.

1.3

Travaux de révision

1.3.1

Nécessité de la révision

Aux termes des art. 50 et 54 LCart, des sanctions administratives et pénales ne peuvent être prises qu'en cas de violation d'une décision entrée en force prononcée par les autorités en matière de concurrence. A la différence de ce qui se passe aux EtatsUnis et dans l'UE, il n'est pas possible dans le droit suisse actuel de sanctionner directement les pratiques cartellaires illicites, ce qui réduit d'autant l'effet préventif de notre droit en comparaison internationale.

Pour remédier à cette situation, il suffirait de compléter la liste existante des sanctions en y introduisant des sanctions directes. Mais ce serait ignorer la multiplication des pratiques illicites cachées, qui entraîneront le durcissement du climat de la politique de la concurrence. Cela appelle une adaptation des instruments de droit procédural existants sur certains points (perquisitions, saisie de pièces à conviction).

Afin de faciliter la poursuite des cartels opérant de manière cachée, un programme de clémence doit être instauré. Celui-ci doit inciter une entreprise membre d'un cartel à en révéler spontanément l'existence et à coopérer en vue de l'éliminer.

Les expériences faites en matière de contrôle de fusion des médias ordonnent que le projet de révision supprime les valeurs seuils spécifiques pour la concentration d'entreprises de médias, bien que ce point soit sans rapport avec l'introduction de sanctions directes. L'art. 9, al. 2 de la LCart en vigueur prévoit des valeurs seuils spécifiques au-delà desquelles les concentrations d'entreprises de médias doivent être notifiées. Ainsi, toute une série de concentrations de médias doivent être notifiées alors qu'elles n'appellent pas réellement l'intervention des autorités en matière de concurrence, ce qui engendre des coûts superflus pour l'économie (PME) et l'administration (coût de la notification).

Certaines autres propositions de modification ont été intégrées au projet au vu des résultats de la procédure de consultation.

1917

1.3.2

Importations parallèles sous l'angle du droit de la propriété intellectuelle et du droit des cartels

Le projet fait l'impasse sur la question de savoir si une révision supplémentaire de la LCart est souhaitable pour empêcher que le droit de la propriété intellectuelle ne soit abusivement utilisé pour s'opposer à des importations parallèles.

Il convient de noter que la LCart règle déjà les rapports entre le droit des cartels et le droit de la propriété intellectuelle à l'art. 3, al. 2. Aux termes de cet article, la LCart n'est pas applicable aux «effets sur la concurrence qui découlent exclusivement de la législation sur la propriété intellectuelle».

Dans le jugement qu'il a rendu dans l'affaire Kodak (ATF 126 III 129), le Tribunal fédéral a retenu la règle de l'épuisement national en matière de droit des brevets.

Cela signifie que le pouvoir dont dispose le titulaire du brevet de mettre en circulation en Suisse le produit sur lequel porte le brevet ne s'épuise que lors de la première mise en circulation en Suisse par le propriétaire du droit de protection (ou avec son consentement). Le pouvoir du titulaire du brevet ne s'épuise pas au niveau national si la mise en circulation a lieu à l'étranger. Le Tribunal fédéral a cependant émis une importante restriction dans la mesure où il a déclaré que la LCart était applicable. En conséquence, le titulaire d'un brevet peut se fonder sur ce jugement pour s'opposer à l'importation parallèle de biens brevetés en Suisse, mais seulement s'il n'en résulte pas une restriction de la concurrence contraire au droit des cartels.

Le tribunal a ce faisant mis des limites au principe de l'épuisement national: le droit qu'a le titulaire du brevet de décider à lui seul de l'importation de marchandises brevetées vise à garantir la protection des inventions, recherchée par le droit suisse, notamment lorsque le produit est mis sur le marché à l'étranger, avec l'accord du titulaire du brevet, à des conditions qui ne sont pas comparables à celles de la Suisse. Le monopole des importations découlant du droit des brevets ne confère cependant à l'ayant-droit une «puissance juridique supérieure» que dans la mesure où la marchandise a été commercialisée à l'étranger, avec le consentement du titulaire suisse du brevet, à des conditions comparables aux conditions nationales.

La restriction de la concurrence en ce qui concerne des marchandises protégées par un brevet ne résulte
pas exclusivement de la législation sur les brevets, mais aussi de la limitation territoriale du droit suisse. La LCart est donc applicable et il lui revient de servir de correctif aux abus en matière de prix fondés sur l'épuisement national.

Dans son rapport du 8 mai 2000 «Importations parallèles et droit des brevets» (http://wwwe-ejpd.root.admin.ch/Doks/PM/2000/000531c-f.htm), le Conseil fédéral, répondant à la question de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national, s'est déclaré prêt à procéder à des études supplémentaires pour clarifier la question de l'épuisement et à examiner les différentes réglementations relatives aux marchés dont les prix sont administrés par l'Etat. Entre temps, le Conseil fédéral a chargé un groupe de travail interdépartemental sur les importations parallèles de fournir les bases de décision avant la fin 2002.

1.4

Procédure de consultation

Le 18 septembre 2000, le Conseil fédéral a autorisé le DFE à organiser une procédure de consultation portant sur l'avant-projet de révision de la LCart. La consultation a duré jusqu'à la fin décembre 2000.

1918

La consultation a obtenu 97 réponses, provenant des ­

cantons (24)

­

partis politiques (7)

­

grandes associations économiques et autres organisations concernées (66).

1.4.1

Grandes lignes de l'avant-projet

L'avant-projet de révision de la LCart reposait sur trois objectifs principaux: ­

L'introduction de sanctions directes en cas d'infractions au droit des cartels Il était prévu que la ComCo pourrait prononcer des sanctions directes. Pour des raisons de sécurité du droit, les entreprises auraient la possibilité de signaler par avance un éventuel comportement illicite à la ComCo. Enfin, la ComCo pourrait renoncer, intégralement ou en partie, à sanctionner une entreprise membre d'un cartel qui a participé à sa découverte et à sa suppression (programme de clémence).

­

La composition de la ComCo L'introduction de sanctions directes renforcera la fonction de contrôle de la ComCo, qui devra appliquer le droit en toute indépendance vis-à-vis des intérêts économiques et suivre une ligne politique claire. L'avant-projet prévoyait une commission composée de sept membres indépendants pour assurer une indépendance politique aussi grande que possible.

­

Les entreprises de médias: approbation et notification La LCart soumet les concentrations d'entreprises de médias à un régime de notification plus strict. L'expérience de la ComCo a montré que la concentration de la presse progresse, certes, mais qu'il suffirait d'en soumettre les opérations aux critères généraux.

1.4.2

Appréciation générale

Les résultats de la procédure de consultation se sont révélés divergents. Les cantons se sont en grande majorité prononcés en faveur de la révision de la LCart, alors que les partis politiques et les organisations concernées étaient plutôt sceptiques, voire opposés à la révision (sans toutefois être unanimes).

Les positions des partis gouvernementaux divergent: le PRD a approuvé le projet, avec certaines réserves. Le PDC, quant à lui, est plus critique et demande notamment des actions plus fermes à l'encontre des coopérations verticales. Le PS ne s'est pas opposé à l'introduction de sanctions directes, mais préférerait un changement de système pour passer du principe de l'abus à celui de l'interdiction pure et simple des cartels avec une liste d'exceptions. Seule l'UDC a rejeté le projet sur le fond parce qu'elle y voit une extension de l'intervention de l'Etat dans la politique de la concurrence.

Au sein des grandes associations et organisations, le projet a trouvé le soutien de Swissmem, de l'Association des banquiers et du secteur des assurances. D'autres organisations intéressées se sont montrées sceptiques: l'Union suisse des arts et 1919

métiers juge le moment mal choisi, de même que l'Union syndicale suisse (qui saluerait le passage à une interdiction sélective des cartels). Economiesuisse a estimé que la révision était prématurée, mais n'a pas totalement exclu la possibilité (limitée) d'introduire des sanctions directes.

1.4.3

Sanctions directes

L'introduction de sanctions directes ne s'est pas heurtée à un refus catégorique. Leur nécessité est en grande partie reconnue, mais des doutes ont été exprimés à plusieurs reprises quant à l'opportunité d'introduire cet instrument à l'heure actuelle, étant donné le manque de jurisprudence relative à la LCart. Des doutes ont par ailleurs été formulés quant à la constitutionnalité des sanctions directes. Tout comme Economiesuisse, divers participants penchent pour une réglementation différenciée: limiter l'application de sanctions directes aux cartels «rigides», au sens de l'art. 5, al. 3, LCart et y renoncer en cas d'abus de position dominante (art. 7 LCart). Le programme de clémence a été jugé étranger au système à diverses reprises.

1.4.4

Composition de la ComCo

La modification de la composition de la ComCo a généralement été rejetée. Si les participants à la consultation se sont montrés favorables à la réduction de la ComCo parce qu'ils estiment que cette réduction pourrait augmenter l'efficacité de son travail, la proposition de ne recourir qu'à des experts indépendants s'est heurtée à un refus quasi unanime. La proposition est donc abandonnée.

1.4.5

Concentrations d'entreprises de médias: approbation et notification

La proposition de supprimer les valeurs seuils spécifiques aux fusions d'entreprises de médias n'a pas suscité de grande réaction. Nombreux sont les participants à la consultation qui n'ont pas pris position à cet égard. Lorsqu'il y a prise de position, elle est généralement positive. Le PS et les syndicats sont opposés à l'élimination des valeurs seuils spécifiques parce que cela donnerait, selon eux, un mauvais signal sur le plan de la politique des médias.

1.4.6

Autres questions soulevées lors de la procédure de consultation

Diverses autres questions ont été soulevées dans le cadre de la procédure de consultation. Plusieurs voix par exemple se sont élevées pour reprocher aux autorités en matière de concurrence de ne pas faire entièrement usage de la marge de manoeuvre que leur accorde la LCart. C'est dans ce sens que certains ont demandé au Conseil fédéral de compléter la loi par des dispositions contraignant les autorités en matière de concurrence à adopter dans la pratique une ligne politique définie. Des dispositions expresses contre l'isolement du marché suisse vis-à-vis de l'étranger, causé en

1920

particulier par des accords verticaux, ainsi qu'une meilleure prise en compte des intérêts des PME ont en outre été souhaitées.

Prévenir les tentatives d'isolement du marché doit demeurer un objectif prioritaire de la politique de la concurrence, comme cela avait déjà été signalé lors de la publication de la LCart (FF 1995 I 472 ss/511). Le simple fait que les politiques libérales de la Suisse en matière de commerce et de concurrence pourraient pâtir d'un éventuel isolement des marchés suisses par des accords verticaux de multinationales suffit à justifier qu'on ne tolère pas ce cloisonnement.

Les accords verticaux peuvent avoir pour effet de cloisonner le marché, et cela notamment si une entreprise puissante sur le marché est partie à l'accord. Mais il existe également des formes d'accords verticaux qui sont judicieuses du point de vue économique puisqu'elles peuvent contribuer à diminuer les frais de commercialisation et de transaction. A cet égard, on peut citer les contrats de distribution exclusive, les contrats de concession de licences sur les droits de propriété intellectuelle, les contrats de franchise et les contrats de distribution sélective, dans la mesure où ces contrats ne prévoient pas de restrictions à la concurrence excessives.

Etant donné la multiplicité des accords verticaux existant en pratique, il n'est pas possible de les déclarer comme fondamentalement dommageables ou judicieux pour l'économie. Il serait quasiment impossible de procéder à une appréciation de certains cas bien précis dans la loi ­ au niveau abstrait ­ de manière concise et appropriée, sans créer de nouveaux problèmes, d'interprétation, notamment. Il ne fait aucun doute que les modifications souhaitées mettraient les questions de définitions juridiques au coeur de la pratique de la politique de la concurrence, au détriment de l'examen du cas particulier, dans son contexte économique. En conséquence, tout comme lors de la révision totale de LCart en 1995, la présente révision n'instaurera pas d'interdiction de principe de certains types d'accords verticaux.

En revanche, une autre proposition ayant trait à la domination des marchés peut être retenue: prendre en compte à l'échelon législatif les diverses possibilités dont disposent les entreprises pour influer sur le marché. En précisant la définition de la
notion d'«entreprise dominant le marché» à l'art. 4, al. 2, LCart, on établira qu'il peut y avoir position dominante si une entreprise dispose d'une position de force sur le marché par rapport à ses concurrentes, notamment si d'autres entreprises sont dépendantes de la première en tant qu'acheteur ou que fournisseur. Cela devrait faciliter, dans la pratique, la défense des entreprises dépendantes pour des raisons de structure du marché, ce qui peut être le cas des PME.

Au vu de la décision de la ComCo visant à supprimer le système des prix imposés dans le commerce des livres, il a également été proposé d'intégrer la protection de la diversité culturelle dans le premier article de la LCart, afin de pouvoir conserver malgré tout le système des prix imposés. Il est toutefois important de rappeler que la LCart est, dans son essence, destinée à servir des objectifs de politique de la concurrence. L'appréciation d'autres enjeux publics n'est pas du ressort des autorités en matière de concurrence mais de celui d'une instance politique. Voilà pourquoi la LCart prévoit que le Conseil fédéral peut autoriser exceptionnellement des accords en matière de concurrence déclarés illicites par les autorités en matière de concurrence s'ils sont nécessaires à la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart). Le Conseil fédéral a par conséquent demandé une expertise qui doit

1921

déterminer les conséquences d'une éventuelle suppression du système des prix imposés dans le commerce des livres.

2

Partie spéciale

2.1

Introduction de sanctions directes en cas d'infraction au droit des cartels

L'efficacité du droit des cartels dépend en premier lieu de son effet préventif, qui peut être induit ­

par la menace de sanctions directes. Les pratiques contrevenant au droit des cartels ne doivent pas être lucratives. En conséquence, le cadre des sanctions doit être suffisamment large afin que, pour les entreprises, la sanction maximale encourue soit supérieure au profit net d'une infraction au droit des cartels.

­

en augmentant les chances de découvrir un cartel par l'introduction d'un programme de clémence. Suite à l'introduction de sanctions directes, les entreprises parties à des restrictions illicites à la concurrence vont essayer de limiter le risque d'être découvertes. Il sera plus difficile de déceler les restrictions illicites à la concurrence. Les expériences faites par des autorités étrangères en matière de concurrence révèlent que la probabilité de mettre le doigt sur des pratiques illicites augmente essentiellement grâce au programme de clémence et à des mesures d'enquête efficaces ­des perquisitions, par exemple.

­

grâce aux conséquences pour la réputation de l'entreprise. Une entreprise participant à des restrictions illicites à la concurrence doit également pâtir du dommage porté à son image. C'est déjà le cas dans une certaine mesure, mais la menace de sanctions directes accroît considérablement le risque. Les expériences faites à l'étranger révèlent que l'intérêt des médias, et donc du public, est nettement plus vif si les entreprises sont sanctionnées directement.

Les principaux objectifs de la révision sont d'introduire des sanctions directes et d'augmenter la probabilité des découvertes de pratiques illicites.

2.1.1

Nature juridique de la sanction

L'art. 49a du projet instaure par une sanction administrative, visant à faire respecter les obligations de droit administratif. Elle ne peut être prononcée que de pair avec une décision finale qui constate l'illicéité d'une restriction à la concurrence. La sanction administrative, contrairement à la sanction pénale, ne présuppose pas de faute, c.-à-d. qu'elle peut être prononcée sans preuve qu'une personne physique se soit rendue coupable d'un comportement enfreignant le droit pénal. Ce n'est qu'à cette condition qu'une entreprise peut être sanctionnée. En effet, d'après la doctrine dominante, les entreprises, en tant que personnes morales, ne peuvent pas commettre de délits parce qu'on ne peut (pénalement) leur attribuer de responsabilité juridique subjective. Les aspects subjectifs qui sont importants dans l'optique de la culpabilité 1922

pénale (en particulier l'aspect répréhensible, le manque de scrupules, etc.) et qui sont en premier lieu liés à la personnalité du délinquant ne peuvent donc pas être pris en compte. D'autres éléments subjectifs en revanche sont pris en compte (p. ex.

le rôle que le membre d'un cartel a joué au sein de ce cartel, sa propension à collaborer, la récidive, etc.) lors de l'évaluation de la gravité de l'infraction et se joignent ainsi aux critères objectifs dans l'appréciation de la sanction.

2.1.2

Constitutionnalité

Le projet de révision s'appuie sur l'art. 96 de la Constitution. Aux termes de cet article, la Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dommageables des cartels et des autres formes de limitation de la concurrence (al. 1). Elle prend notamment des mesures afin d'empêcher la fixation de prix abusifs par des entreprises ou des organisations de droit privé ou de droit public occupant une position dominante sur le marché (al. 2, let. a). Le contenu de cette prescription correspond à l'art. 31bis, al. 3, let. d, de l'ancienne constitution.

La portée et la valeur de l'article sur les cartels sont depuis toujours sujettes à controverse. La notion de «conséquences sociales et économiques dommageables» n'est pas précisée dans la Constitution. Le législateur dispose donc d'une très grande marge d'appréciation. L'élément essentiel est que les mesures légales ne peuvent viser que les «conséquences dommageables» des cartels pour l'ensemble de l'économie. Il est donc souvent dit que la Constitution ne permet qu'une «législation des abus», et non une «législation des interdictions» à proprement parler. On en conclut souvent qu'une interdiction générale des cartels est anticonstitutionnelle alors qu'une interdiction sélective ne l'est pas. Or, de telles classifications sont trop générales et peu convaincantes. Ainsi, une interdiction complète dotée d'exceptions légales d'une vaste portée pourrait en définitive être plus favorable aux cartels et prendre mieux en compte des considérations d'abus qu'une interdiction rigide mais limitée, n'offrant pas de possibilité de se justifier.

Concrètement, le changement d'optique a déjà eu lieu avec l'entrée en vigueur de la LCart: l'article constitutionnel a alors été interprété comme permettant une interdiction sélective des cartels et non générale (message accompagnant la loi sur les cartels; FF 1995 I 472). En conséquence, la loi n'a pas introduit une interdiction générale des cartels mais le principe de l'abus: les accords ne sont illicites que lorsqu'ils éliminent la concurrence ou lui nuisent considérablement à sans être justifiés par des raisons d'efficacité économique. En cas d'accords horizontaux portant sur les prix, les quantités et la répartition géographique, la suppression de la concurrence est présumée de par la loi
(art. 5, al. 3, LCart). La méthode dite du «solde», pratiquée antérieurement, méthode qui laissait de vastes possibilités de justification aux cartels, a été remplacée par de nouveaux critères plus clairs, visant uniquement la protection d'une concurrence efficace, et par la présomption que les cartels rigides suppriment la concurrence et, partant, sont illicites.

Ces considérations doivent également être prises en compte lors de l'introduction de sanctions directes, qui s'appliqueraient en cas d'accords sur les prix, les quantités et la répartition géographique, tels que ceux mentionnés à l'art. 5, al. 3, LCart, et en cas d'abus de position dominante au sens de l'art. 7 LCart.

1923

Avis de droit Rhinow Le professeur René Rhinow a émis un avis de droit sur la constitutionnalité de l'introduction de sanctions directes dans la LCart (cf. Droit et politique de la concurrence DPC, 2001/3, p. 592).

L'avis de droit part de la constatation que la tâche essentielle du législateur, en matière de cartels, consiste à concrétiser la notion constitutionnelle, restée assez floue, de «conséquences sociales et économiques dommageables» en tenant compte du contexte constitutionnel (ou à définir dans la loi un concept organisationnel et procédural servant à la concrétiser) et à établir une série d'instruments juridiques appropriés qui comprennent un régime de sanctions. La question de savoir si certaines pratiques cartellaires ont des conséquences sociales ou économiques dommageables ou si un système de sanctions spécifique est constitutionnel doit également être évaluée sous l'angle des autres intérêts publics reconnus par la Constitution, parmi lesquels le choix inscrit dans la Constitution, d'une économie résolument axée sur la concurrence, mais aussi divers intérêts sociaux et politiques. La Constitution laisse donc au législateur, selon le professeur Rhinow, une grande marge d'appréciation et une grande liberté dans la concrétisation.

L'avis de droit confirme que la présomption selon laquelle les cartels rigides (art. 5, al. 3, LCart) et les pratiques d'entreprises ayant une position dominante (art. 7) suppriment la concurrence et sont donc illicites, est compatible avec l'article constitutionnel sur les cartels. Un régime de sanctions, tel qu'il est prévu à l'art. 49a serait, d'une manière générale, compatible avec la Constitution. En effet, si les sanctions sont destinées à réprimer les pratiques illicites au regard du droit matériel et si elles sont à même d'atteindre cet objectif, l'auteur de l'avis estime que l'art. 96 de la Constitution ne comporte aucun motif de s'y opposer. Au contraire, l'article constitutionnel sur les cartels prévoit qu'il incombe au législateur de faire en sorte que les effets nuisibles de cartels soient combattus efficacement et de manière ciblée. Une analyse des faits, mais surtout le manque d'efficacité des sanctions prévues par la LCart et appliquées à l'heure actuelle, témoignent de la nécessité d'améliorer l'efficacité des instruments institués par la
LCart. Si le législateur arrive à la conclusion que seules les sanctions directes permettent d'atteindre les buts définis par la Constitution, il reste dans les limites de l'art. 96 de la Constitution.

L'avis de droit met l'accent sur la possibilité de clarifier par avance la situation juridique. L'annonce (cf. art. 49a, al. 3, let. a) est un correctif nécessaire à l'imprécision du texte normatif, sans lequel le rattachement de sanctions directes à la présomption d'illicéité au sens de l'art. 5, al. 3, LCart, ou à la présomption d'abus au sens de l'art. 7 LCart, serait délicat du point de vue constitutionnel.

Le professeur Rhinow arrive à la conclusion que le régime de sanctions proposé ne contrevient pas en tant que tel à la Constitution. La possibilité d'annonce préalable apparaît comme cruciale pour compenser, par des règles de procédure, le manque de clarté ­ inéluctable ­ des normes.

2.1.3

Régime de sanctions

Conformément à ces réflexions sur la base constitutionnelle, le nouveau régime prévoit en premier lieu des mesures à l'encontre des cartels rigides, soit des accords entre concurrents directs portant sur les prix, les quantités, ou la répartition 1924

géographique (cf. art. 5, al. 3, LCart). Il s'agit là d'infractions à la concurrence ayant des conséquences particulièrement dommageables pour les consommateurs, les entreprises et l'économie dans son ensemble, et auxquelles, par conséquent, la présomption légale d'illicéité confère déjà un caractère spécial. Les cas relevant de l'art. 7 LCart viennent logiquement compléter le champ d'application des sanctions directes, puisque leurs conséquences dévastatrices sur la concurrence ne sont nullement différentes de celles des cartels rigides. L'introduction limitée de sanctions directes à l'encontre de cartels rigides et des abus de position dominante augmente l'effet dissuasif, jusqu'alors insuffisant, de la LCart dans les cas les plus dommageables pour l'économie.

A contrario, les sanctions directes ne s'appliquent pas aux pratiques illicites au sens de l'art. 5, al. 1, qui n'ont pas pour objet un accord portant sur les prix, les quantités ou la répartition géographique, ni aux accords portant sur les prix, les quantités ou la répartition géographique qui ne nuisent pas considérablement à la concurrence efficace ou ne l'éliminent pas, ou qui se justifient par des motifs d'efficacité économique.

2.1.4

Montant de la sanction

Les pratiques illicites aux termes de l'art. 5, al. 3, et de l'art. 7 LCart peuvent être sanctionnées par une amende pouvant atteindre un montant maximal de 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. Dans cette limite, la ComCo doit également prendre en compte la durée et la gravité de l'infraction pour évaluer le montant de la sanction. Elle doit par ailleurs se fonder sur le gain présumé que l'entreprise a réalisé grâce à la pratique illicite.

Etant donné que le montant de la sanction est en premier lieu fonction de la durée et de la gravité de la restriction à la concurrence, il est possible qu'en cas d'infraction légère, la sanction soit elle aussi modérée. Ainsi, la formulation d'une exception pour les infractions de peu de gravité est superflue.

De prime abord, le gain acquis par le biais de la pratique illicite semble être un critère concevable et approprié pour déterminer le montant de la sanction, dans la mesure où il peut être constaté, ou du moins estimé.

Toutefois, le montant exact de ce gain est généralement difficile à établir. Or l'efficacité des sanctions directes ne doit pas être remise en cause par la difficulté d'apporter des preuves, sans quoi l'effet dissuasif ou préventif recherché ne pourra pas se déployer pleinement. La prise en compte du gain illégal était jusqu'à présent prévue dans les cas d'inobservation d'accords amiables ou de décisions administratives (art. 50 LCart). En vertu du droit en vigueur, on ne tenait compte du chiffre d'affaires (10 % du chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice, le chiffre d'affaires étant déterminé conformément à l'art. 9 LCart, applicable par analogie) que lorsque le gain réalisé grâce à l'infraction ne pouvait pas être constaté ou évalué.

En raison des difficultés rencontrées pour déterminer précisément le gain réalisé par le biais d'un comportement illicite, les art. 49a et 50 du présent projet prévoient une fraction du chiffre d'affaires annuel comme critère de calcul objectif, fiable et facile à fixer pour le montant maximal de la sanction. La base de calcul est le chiffre d'affaires réalisé au cours des trois derniers exercices. Les expériences réalisées à l'étranger révèlent en effet que les entreprises impliquées dans une procédure 1925

relevant du droit des cartels ont tendance à minimiser le chiffre d'affaires de l'exercice précédent.

La nouvelle réglementation est plus facile à appliquer. Si le montant maximal de la sanction, s'élevant à 10% du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices, va moins loin que le droit de l'UE ­ qui prend en compte le chiffre d'affaires mondial ­, il permet néanmoins de prononcer des sanctions sévères sur le plan financier, ce qui est nécessaire pour que ­

la menace de sanction ait bien l'effet dissuasif escompté.

­

le programme de clémence soit suffisamment intéressant pour inciter les membres d'un cartel à rompre la solidarité avec les autres.

Le cadre de sanctions proposé garantit un effet dissuasif dans les cas graves mais permet aux autorités de prononcer des sanctions dont les montants sont symboliques dans les cas de peu d'importance.

2.1.5

Programme de clémence

Les expériences faites à l'étranger révèlent que les cartels rigides se professionnalisent toujours plus et qu'ils affinent leurs méthodes afin d'éviter d'être découverts et sanctionnés. Pour les autorités en matière de concurrence, cela signifie que la poursuite des cartels rigides se complique. Il faut par conséquent donner à la ComCo les instruments adéquats pour venir à bout de ce surcroît de difficultés.

La révision prévoit donc un programme de clémence. La ComCo peut renoncer, intégralement ou en partie, à sanctionner directement une entreprise membre d'un cartel si celle-ci a participé à la découverte et à la suppression dudit cartel. Le programme de clémence offre les avantages suivants: ­

pour les membres qui sont disposés à quitter le cartel, il devient intéressant de le déclarer. Le membre d'un cartel mettra dans la balance les avantages de sa participation au cartel et le risque d'être découvert et de se voir infliger des sanctions. C'est notamment lorsque les autorités en matière de concurrence soupçonnent l'existence d'infractions sur le marché en question que l'option de la coopération devient intéressante;

­

l'incitation à coopérer à la découverte de cartels affaiblit la loyauté et la solidarité entre les membres d'un cartel. Une méfiance réciproque et la compétition pour l'avantage lié à la coopération compromettent la création ou le maintien de cartels rigides et contribuent ainsi à l'aspect préventif de la lutte contre les cartels;

­

enfin, pouvoir coopérer avec un membre du cartel facilite sensiblement le travail des autorités en matière de concurrence. D'une part, la coopération peut contribuer à ce que des cartels qui seraient restés «cachés» soient découverts. D'autre part, l'établissement des faits s'en trouve facilitée puisque les informations qui autrement seraient difficiles d'accès sont fournies de première main.

Cette façon de procéder a fait ses preuves à l'étranger: ­

1926

le programme de clémence («leniency programme») instauré en 1996 par la Commission européenne est appliqué avec succès dans presque toutes les

procédures ayant trait au droit des cartels. Celles-ci se sont multipliées au cours des deux dernières années grâce à l'amélioration du programme; ­

introduit il y a moins d'un an, le programme de clémence s'est également révélé un succès en Grande-Bretagne et en Allemagne. Le dispositif anglais a porté ses fruits dès les premières semaines suivant son introduction. Le constat est similaire en Allemagne.

­

aux Etats-Unis, après une période de démarrage, le programme de clémence s'est révélé particulièrement efficace. Il a mené à la découverte de plus de cartels que toutes les méthodes employées jusque-là. Depuis l'élargissement du programme en 1993, les autodénonciations se sont multipliées par dix. La procédure contre le cartel des vitamines, notamment, l'une des plus importantes affaires de cartel des dix dernières années aux Etats-Unis, s'est notamment appuyée sur la coopération avec des membres du cartel.

Les échos positifs émanant de l'étranger mettent en évidence l'efficacité de la réglementation proposée. Mais contrairement à certaines réglementations étrangères, la réglementation suisse doit être souple. Il doit tout d'abord y avoir davantage de possibilités de réduire les sanctions. Une entreprise doit pouvoir bénéficier d'une réduction de sanction si elle coopère alors que la procédure est déjà engagée, et pas seulement si elle dénonce (la première) l'existence du cartel ­ comme c'est le cas aux Etats-Unis. Le rôle joué par l'entreprise au sein du cartel (instigateur, acteur principal ou simple participant) devra également entrer en ligne de compte. A la différence de ce qui a cours aux Etats-Unis, une autodénonciation ne conduira pas systématiquement à une remise de peine intégrale. En effet, il sera jugé cas par cas dans quelle mesure une entreprise ayant coopéré bénéficiera d'une réduction de la sanction encourue. Une ordonnance permettra aux entreprises d'évaluer dans quelles circonstances elles pourront profiter du programme de clémence.

2.1.6

Annonce

Si une entreprise n'est pas certaine d'avoir une pratique concurrentielle illicite aux termes de l'art. 5, al. 3, ou de l'art. 7 LCart, elle pourra l'annoncer à la ComCo avant que les effets ne s'en fassent sentir. Cela lui permettra de ne pas avoir à supporter le risque d'une erreur d'appréciation de sa pratique. Etant donné qu'une pratique annoncée ne peut être directement sanctionnée, l'entreprise pourra immédiatement écarter une éventuelle insécurité juridique. Les frais administratifs seront limités aussi bien pour les entreprises que pour la ComCo. Le système de notification sera encore simplifié par la création d'un formulaire d'annonce ­ comme il en existe pour la notification des concentrations d'entreprises. Les autorités en matière de concurrence vont par ailleurs créer des instruments qui permettront aux entreprises d'évaluer elles-même si leurs pratiques contreviennent à la LCart.

A la demande des entreprises concernées, le secrétariat de la ComCo examinera sans formalités particulières les projets de coopération, en vertu de l'art. 23, al. 2, LCart.

Le cas échéant, il communiquera aux entreprises concernées ayant donné suffisamment d'informations sur la coopération et sur leur position sur le marché en question que, sur la base des documents et des informations fournis, il n'y a pas lieu d'intervenir.

1927

C'est en cela que le modèle suisse se distingue du modèle européen d'annonce, qui, suite aux efforts de réforme au sein de l'UE, doit être aboli. L'annonce à la ComCo d'un accord en matière de concurrence basée sur le modèle suisse n'altère en rien sa licéité ou son illicéité, mais soustrait les entreprises impliquées aux sanctions prévues par la loi s'il s'avère par la suite que l'accord est illicite. En conséquence, on peut supposer que les cas problématiques seront comparativement peu souvent annoncés tandis que la ComCo aura toute latitude pour engager une enquête ou non.

De plus, la limitation aux cas prévus à l'art. 5, al. 3, et à l'art. 7 LCart devrait encore réduire le nombre des annonces.

2.1.7

Compétence

Plusieurs participants à la procédure de consultation ont demandé qu'une autorité judiciaire (et non la ComCo) soit compétente pour prononcer les sanctions directes.

Les avantages et les inconvénients de cette proposition ont été examinés. L'un des avantages est que la sanction serait prononcée par une instance dont seraient exclus les représentants de groupes d'intérêts. L'inconvénient majeur de cette proposition est que les procédures deviendraient longues et complexes, notamment dans les cas où la ComCo ne pourrait que constater l'infraction à la LCart et demanderait parallèlement à un tribunal de prononcer une sanction. La décision constatant le caractère illicite de la pratique en cause pourrait être contestée de manière indépendante. Ce n'est qu'une fois cette décision exécutoire prise que le tribunal pourrait trancher la question de la sanction dans un jugement qui lui aussi pourrait être contesté. Une autre possibilité serait que la ComCo transmette directement au tribunal les cas qui, sur la base de l'examen préalable, devraient être sanctionnés. Cette solution d'un tribunal aux compétences étendues, qui devrait également établir les faits, présuppose que les juges soient aussi spécialisés que les membres de la ComCo.

Si la ComCo n'est pas une instance judiciaire, elle n'en demeure pas moins une autorité indépendante de l'administration disposant d'une grande compétence technique. Une telle commission n'existe généralement pas à l'étranger, raison pour laquelle les sanctions directes sont prononcées par une instance judiciaire et non par l'unité administrative compétente. En revanche, la solution selon laquelle la ComCo tranche en première instance, sur la base de l'enquête menée par le secrétariat, la question de savoir s'il y a comportement illicite et quelle sanction appliquer, correspond à l'esprit de la LCart. Cette décision peut faire l'objet d'un recours auprès de la Commission de recours, puis être portée devant le Tribunal fédéral, sachant que ces recours peuvent être limités à la question de l'imposition de la sanction.

En somme, cette solution n'est pas si différente des pratiques étrangères et n'est pas incompatible avec les souhaits formulés au cours de la procédure de consultation, à savoir qu'une instance indépendante prononce les sanctions.

Les autorités en matière de
concurrence ont déjà tenu compte, en appliquant le droit actuel, de la requête formulée lors de la procédure de consultation, en séparant plus clairement la procédure d'instruction de la prise de décision. L'élément central de cette requête est que les parties puissent participer personnellement à la procédure (audition devant la ComCo).

1928

La solution proposée n'est par ailleurs pas contestable sur le plan constitutionnel.

L'avis de droit Rhinow commente cet aspect dans la partie «Exigences en matière de procédure»: «Une séparation entre les procédures d'enquête et de décision ne s'impose donc pas, sous l'angle constitutionnel, pas plus qu'il ne semble nécessaire que les décisions de première instance relatives aux sanctions soient rendues par une autorité judiciaire. La Commission de la concurrence est déjà une autorité (administrative) indépendante (art. 19 LCart) et ses décisions sont intégralement soumises au contrôle (c.-à-d. avec pouvoir de cognition complet) de la Commission de recours pour les questions de concurrence, qui est une instance judiciaire (spéciale).»

2.1.8

Appréciation générale

L'introduction de sanctions directes permet de punir des pratiques d'ores et déjà interdites par le droit matériel. Pour l'efficacité du droit de la concurrence, il est particulièrement important que la menace de sanctions renforce l'effet préventif de la LCart. Les acteurs du marché devraient ainsi adopter des pratiques qui ne leur fassent pas craindre les sanctions directes. Il convient donc de faire particulièrement attention à ce que les entreprises ne se heurtent pas à des incertitudes juridiques.

C'est en premier lieu la possibilité d'annoncer, dont l'importance est soulignée dans l'avis de droit Rhinow, qui renforce la sécurité juridique. La révision proposée de l'art. 49a tient par ailleurs compte du souci justifié de sécurité juridique: ­

Contrairement à la réglementation de l'UE, celle proposée en Suisse ne concerne pas toutes les restrictions illicites à la concurrence, notamment pas les accords verticaux, mais uniquement les cas les plus graves. Une entreprise peut clairement identifier la portée de telles restrictions à la concurrence avant d'y prendre part.

En effet, les notions d'accords portant sur les prix, les quantités et la répartition géographique sont suffisamment explicites et n'appellent pas de clarification juridique. La jurisprudence a par ailleurs concrétisé ces notions au travers de plusieurs décisions.

La situation est identique pour les pratiques illicites d'entreprises ayant une position dominante. Ces pratiques sont décrites de manière suffisamment claire à l'art. 7, al. 2, LCart. Dans ce cas également, une entreprise ayant une position dominante ne peut ignorer qu'elle refuse d'entretenir des relations commerciales avec un acteur du marché (art. 7, al. 2, let. a) ou qu'elle essaie de nuire à un concurrent déterminé (art. 7, al. 2, let. d). Les décisions des autorités de l'UE et la jurisprudence portant sur les dispositions quasi identiques de l'UE ont par ailleurs contribué à clarifier ces notions.

­

La sécurité juridique est également garantie eu égard à d'éventuels changements de la jurisprudence. En vertu des règles générales en vigueur, il ne peut y avoir changement de la jurisprudence que si l'intérêt à l'application correcte du droit dépasse le besoin de sécurité juridique des parties concernées. Il faut par ailleurs sauvegarder le principe de la bonne foi, ce qui signifie que la jurisprudence ne peut être modifiée sans préavis aux dépens de celui qui s'en tient de bonne foi à celle suivie jusqu'alors.

1929

­

Lors de l'entrée en vigueur de la révision proposée, il conviendra de régler dans une ordonnance les critères applicables au programme de clémence en s'inspirant des normes et des expériences des législations d'Europe continentale. La ComCo s'assurera également que les entreprises disposées à coopérer, en particulier celles à l'origine de la première dénonciation, puissent obtenir dans les meilleurs délais des informations contraignantes sur l'ampleur de la réduction de peine envisageable.

L'art. 49, al. 3, du projet prescrit que, outre les cas pour lesquels la restriction à la concurrence a été annoncée, aucune sanction n'est prononcée si la restriction à la concurrence a cessé de déployer ses effets plus de cinq ans avant l'ouverture de l'enquête ou si le Conseil fédéral, en vertu de l'art. 8, LCart, a accordé une autorisation exceptionnelle de restriction à la concurrence fondée sur des intérêts publics prépondérants.

2.2

Autres points de la révision

2.2.1

Approbation et notification des opérations de concentration d'entreprises de médias

La LCart en vigueur prévoit à l'art. 9, al. 2, des valeurs seuils spécifiques au-delà desquelles les concentrations d'entreprises de médias doivent être notifiées. Par entreprise de médias, on entend les entreprises dont l'activité commerciale consiste, en totalité ou en partie, à éditer, produire ou distribuer des journaux ou périodiques, ou à diffuser des programmes au sens de la loi fédérale du 21 juin 1991 sur la radio et la télévision (RS 784.40). Pour déterminer si une opération de concentration doit être notifiée aux termes de l'art. 9, al. 1, LCart, la valeur seuil est de vingt fois le chiffre d'affaires réalisé par ces entreprises, ce qui revient à soumettre les concentrations d'entreprises de médias à un contrôle plus strict.

Dans le contexte de la concentration de la presse, cette règle s'explique par des considérations de politique des médias (maintien de la diversité des médias) qui, à l'étranger aussi (notamment en Allemagne et en Autriche), se sont concrétisées par l'introduction de critères spécifiques applicables à la notification des concentrations.

Mais la LCart, portant uniquement sur la concurrence, n'est guère adaptée à la poursuite de considérations de politique des médias. Ses instruments ne doivent servir à examiner les opérations de concentration d'entreprises de médias que si celles-ci ont des conséquences macro-économiques. Or, de ce point de vue, il est suffisant d'appliquer aux entreprises de médias les valeurs seuils ordinaires.

L'examen des décisions prises à ce jour illustre ce fait (annexe 2). Au cours des cinq années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la LCart, la ComCo a traité 36 cas de fusions d'entreprises de médias, qui lui avaient été notifiés. Dans 31 de ces cas, il n'a pas été nécessaire de procéder à un examen approfondi avant d'autoriser la fusion. Dans les cinq autres cas, la ComCo a procédé à un examen approfondi. Une autorisation assortie de certaines charges a été délivrée au journal «Le Temps», tandis que la demande de «Berner Tagblatt Medien AG/Schaer Thun AG» a été retirée sous la menace d'un refus. Les fusions «Gasser/Tschudi Druck» et «Berner Oberland Medien AG» ont été autorisées après examen approfondi. Dans le cas «Tamedia/Belcom», la fusion a été acceptée sous condition.

1930

La décision de la ComCo dans l'affaire «Berner Oberland Medien AG» est importante pour la question des valeurs seuils. La ComCo a constaté qu'une concentration à l'échelle locale et régionale était quasiment inévitable en raison des attentes élevées des lecteurs et des annonceurs, qui exigent des journaux intéressants.

L'augmentation des frais que ces attentes entraînent ne peut être compensée que par des économies d'échelle ou par les économies découlant des coopérations et des fusions. La libre concurrence n'est toutefois pas menacée puisqu'il existe suffisamment d'autres médias écrits (journaux interrégionaux, magasines), de concurrents potentiels et d'autres supports d'information et que le milieu de la publicité exerce aussi un effet régulateur sur les journaux locaux et régionaux. Il existe un danger réel pour la concurrence lorsque des opérations de concentration s'effectuent entre les grandes maisons d'édition de Suisse. Mais généralement, celles-ci devraient être notifiées, en raison du chiffre d'affaires réalisé, même en application des critères généraux énoncés à l'art. 9, al. 1, LCart, et elles seraient par conséquent soumises au contrôle de la ComCo.

Les chiffres montrent que les opérations de concentration n'atteignant pas la valeur seuil de l'art. 9, al.1, ont été jugées insignifiantes dans la plupart des cas. Les valeurs seuils en termes de chiffre d'affaires, fixées à un niveau relativement bas, ont cependant occasionné aux entreprises désireuses de fusionner (généralement des petites entreprises) des coûts de notification élevés. L'annexe 2 révèle que si les critères généraux de l'art. 9, al. 1, avaient été applicables, sur les 36 fusions notifiées, 31 n'auraient pas été soumises à l'obligation de notification ; le cas du journal «Le Temps», pour lequel la ComCo a imposé des charges, aurait par contre dû être notifié. Dans quatre des cas qui n'auraient pas été soumis à l'obligation de notification, la ComCo a procédé à un examen approfondi. Trois de ces cas avaient une importance purement régionale et ne suscitaient pas d'objection, et dans le cas «Tamedia/Belcom», la fusion a été autorisée quand bien même une condition a été imposée.

2.2.2

Calcul des valeurs seuils pour les opérations de concentration de banques et d'établissements financiers soumises à notification

La disposition spéciale de l'art. 9, al. 3, actuel (calcul de la valeur seuil pour les assurances et les banques) s'inspire principalement d'une disposition ­ applicable dans l'UE jusqu'en 1998 ­ du règlement sur les concentrations. Elle prévoit que, pour les banques soumises à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.0), le calcul de la valeur seuil au sens de l'art. 9, al. 1, LCart, repose sur la somme du bilan.

Le 1er mars 1998, une nouvelle disposition est entrée en vigueur dans l'UE. Elle prévoit de prendre en compte les revenus bruts plutôt que la somme du bilan pour les banques et autres établissements financiers. En Suisse, l'utilisation du principe de la somme du bilan a aussi posé problème. Ainsi, les experts et les milieux bancaires sont d'avis que les revenus bruts traduisent mieux la capacité économique d'un établissement financier que la somme du bilan (consolidée), notamment eu égard aux affaires hors bilan et aux avoirs des clients. Par ailleurs, les fusions de banques ayant leur siège à l'étranger ont montré que le fait de considérer comme réalisées en Suisse les créances découlant d'opérations avec des banques et des 1931

clients ayant leur siège en Suisse, comme le prévoit l'art. 9, al. 3, LCart, pose des problèmes considérables aux entreprises concernées. En outre, elles se heurtent à des difficultés supplémentaires depuis la modification du règlement européen sur les concentrations, les notifications devant être faites sur des bases de calcul différentes aux autorités suisses et européennes.

Il est donc judicieux de s'adapter au droit européen pour ce qui est du calcul de la valeur seuil. Concernant les prestations financières, la terminologie impose de conserver le critère de produit brut de l'activité ordinaire parce que le terme de «chiffre d'affaires» peut être ambigu dans le contexte bancaire. Le produit brut est par ailleurs clairement défini pour les banques à l'art. 25a de l'ordonnance sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.02).

La question s'est posée de savoir s'il serait judicieux d'étendre l'art. 9, al. 3, LCart, à d'autres fournisseurs de services financiers (négociants en valeurs mobilières, gérant de fortunes, cambistes, etc.), comme c'est le cas dans le règlement européen sur les concentrations. Cela a semblé indiqué afin de tenir compte de la spécificité des fournisseurs de services financiers. Pour des raisons d'égalité de traitement et de sécurité du droit, cette disposition spéciale ne s'appliquera toutefois qu'aux fournisseurs de services financiers dont la comptabilité est soumise à la loi sur les banques et les caisses d'épargne et à ses ordonnances d'exécution.

2.2.3

Mesures d'enquête

En vertu de l'art. 42 LCart, les autorités en matière de concurrence peuvent ordonner des perquisitions et saisir des pièces à conviction. Ces mesures coercitives procédurales seront renforcées par la mise en place des sanctions directes. Il semble donc judicieux de prévoir les garanties précises d'un Etat de droit à cet égard, en renvoyant aux dispositions correspondantes de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0).

2.2.4

Ouverture d'une enquête

Jusqu'à présent, les autorités en matière de concurrence se contentaient de supprimer les cartels existants. Dorénavant, il est prévu que les entreprises répondent de pratiques anticoncurrentielles ayant eu lieu dans le passé et n'ayant plus cours au moment de la décision. Autrement, les entreprises qui violent le droit des cartels peuvent éviter que les enquêtes des autorités en matière de concurrence ne débouchent sur une décision ayant force obligatoire.

En vertu du droit en vigueur, (art. 27, al. 1, LCart) le secrétariat ouvre une enquête, d'entente avec un membre de la présidence de la commission, s'il existe des indices d'une restriction illicite à la concurrence. Mais cette restriction doit encore avoir cours. Les autorités en matière de concurrence n'ont donc pas la possibilité de sanctionner efficacement les infractions à la LCart si les entreprises cessent leurs pratiques anticoncurrentielles avant ou pendant l'enquête. Dans le cas du cartel des vitamines, par exemple, les parties, en accord avec les autorités américaines en matière de concurrence, ont mis un terme à leurs pratiques illicites et se sont déclarées prêtes à payer une amende. Les autorités suisses en matière de concurrence

1932

n'auraient pas pu ouvrir d'enquête si les parties n'avaient pas coopéré, puisque le cartel avait déjà été dissous.

La révision de la version allemande de l'art. 27 LCart permettra d'examiner et, le cas échéant, de sanctionner, les infractions à la LCart qui cessent avant l'enquête. C'est notamment dans la perspective de l'introduction des sanctions directes que cette révision constituera une règle appropriée.

2.2.5

Notion d'entreprise ayant une position dominante

Lors de la consultation, il a notamment été suggéré de mieux prendre en compte, à l'échelon législatif, le fait que les PME sont en partie dépendantes de plus grandes entreprises, que ce soit en amont ou en aval. Cette proposition est reprise à l'art. 4 du projet, qui précise la notion d'entreprise dominant le marché. En revanche, la nouvelle formulation ne protégera pas les structures qui, au regard de la concurrence, ne sont plus viables. La LCart vise toujours à prévenir les conséquences économiques ou sociales dommageables des restrictions à la concurrence (cf. art. 1).

La révision de l'art. 4, al. 2, LCart prévoit que pour constater la position dominante d'une entreprise, les données concernant la structure du marché ne sont pas les seuls critères, mais qu'il faut également examiner les liens de dépendance réels sur le marché. Il peut notamment y avoir position dominante quand une entreprise occupe une place prépondérante sur le marché ou quand d'autres entreprises dépendent d'elle en qualité de demandeurs ou de fournisseurs, par exemple.

2.2.6

Emoluments

Les autorités en matière de concurrence prélèvent déjà des émoluments sur les procédures administratives, les avis et les autres prestations. Les bases légales de cette pratique sont l'art. 47, al. 2, LCart, l'ordonnance sur les émoluments LCart (RS 251.2) et la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales (RS 611.010). Par souci de transparence et afin de clarifier certaines incertitudes découlant de l'application du droit actuel, la question des émoluments sera dorénavant traitée dans une norme légale spécifique.

L'art. 53a règlera l'objet et la base de calcul des émoluments et autorisera le Conseil fédéral à fixer le taux des émoluments et à en réglementer les modalités de perception.

2.3

Commentaire article par article

Les modifications apportées aux art. 4, 9, al. 2, 49a et 50 ont déjà été commentées.

Concernant les autres révisions, il convient de noter les éléments suivants: Art. 9, al. 3 Le calcul du chiffre d'affaires des intermédiaires financiers en vertu de l'art. 9, al. 1, et en relation avec l'art. 9, al. 3, (exception faite des sociétés d'assurance) reposera dorénavant sur le produit brut de l'activité ordinaire. Pour les banques, ce critère est 1933

déjà défini plus en détail dans les prescriptions sur l'établissement des comptes de l'ordonnance sur les banques. Ainsi, ­ en accord avec les dispositions de l'UE ­ les revenus suivants sont à prendre en compte pour le calcul du chiffre d'affaires: ­

produit des intérêts et des escomptes;

­

produit des intérêts et des dividendes des portefeuilles destinés au négoce;

­

produit des intérêts et des dividendes des immobilisations financières;

­

produit des commissions sur les opérations de crédit;

­

produit des commissions sur les opérations de négoce de titres et les placements;

­

produit des commissions sur les autres prestations de services;

­

produit des opérations de négoce;

­

produit des aliénations d'immobilisations financières;

­

produit des participations;

­

produit des immeubles;

­

autres produits ordinaires.

Le Conseil fédéral réglera les détails dans l'ordonnance. Il arrêtera en particulier que le produit brut est aussi valable pour les postes du compte de résultats pour lesquels l'ordonnance sur les banques prévoit uniquement l'obligation de déclarer le résultat (résultat des opérations de négoce, résultat des aliénations d'immobilisations financières et résultat des immeubles). Il définira également le critère permettant de déterminer quels sont les produits bruts réalisés en Suisse, conformément à l'art. 9, al. 1, LCart.

Le caractère spécial des fournisseurs de services financiers, notamment concernant les prescriptions sur l'établissement des comptes, est reconnu par le droit suisse des cartels ­ tout comme par le droit européen. Ainsi, pour des raisons relevant de l'égalité de traitement, la norme spéciale doit être appliquée au moins aux fournisseurs de services financiers soumis aux mêmes prescriptions sur l'établissement des comptes que les banques. Afin de ne pas limiter le champ d'application de la norme, le terme d'«intermédiaire financier», déjà employé dans la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier, est introduit. A l'heure actuelle, aux termes de l'ordonnance sur les banques, les prescriptions sur l'établissement des comptes sont également applicables aux négociants en valeurs mobilières.

Art. 18, al. 1 Vu les résultats de la procédure de consultation, il n'est pas proposé de modifier la composition de la ComCo. La seule modification à l'art. 18 est la suppression du passage établissant que les membres de la présidence sont au nombre de trois. Il sera possible de désigner seulement un vice-président, afin de permettre une organisation en deux chambres, par exemple.

Art. 27, al. 1 L'introduction des sanctions directes doit être accompagnée de la possibilité de sanctionner les restrictions à la concurrence qui n'ont plus cours. Si tel n'est pas le 1934

cas, les entreprises concernées risquent de cesser leurs pratiques illicites peu avant ou après l'ouverture de l'enquête afin de se soustraire aux sanctions. La formulation de l'art. 27, al. 1, est modifiée en conséquence dans la version allemande. Les entreprises ne pourront toutefois pas être sanctionnées si elles cessent leurs pratiques illégales lors de l'entrée en vigueur des sanctions directes, comme le prévoient les dispositions transitoires.

Art. 42 L'al. 1 reprend telles quelles les 1ère et 2e phrases de l'article actuel. L'al. 2 prévoit une réglementation en matière de perquisitions et de saisie plus précise que dans le droit en vigueur. Les perquisitions et les saisies peuvent être ordonnées par un membre de la présidence, sur demande du secrétariat. Les art. 45 à 50 de la DPA sont applicables par analogie à ces mesures procédurales coercitives. Ces dispositions comportent les garanties procédurales les plus importantes. Elles prescrivent notamment que les perquisitions et les saisies doivent être opérées avec les égards dus à la personne concernée et à sa propriété (art. 45 DPA). Ne peuvent être saisis, pour l'essentiel, que des objets pouvant servir de pièce à conviction (art. 46, al. 1, let. a, DPA). Les perquisitions ne peuvent être opérées qu'en présence de l'occupant des locaux et de certains officiers publics. S'il y a péril en la demeure, il peut être renoncé à la présence des officiers publics (art. 49, al. 2, DPA). Les perquisitions visant des papiers doivent être opérées avec les plus grands égards. Les papiers ne sont par ailleurs examinés que s'ils contiennent apparemment des écrits importants pour l'enquête (art. 50, al. 1, DPA). La perquisition doit être opérée de manière à sauvegarder les secrets de fonction et d'affaires (art. 50, al. 2, DPA).

Art. 47, al. 2, et art. 53a L'art. 53a règle le prélèvement d'émoluments par les autorités en matière de concurrence. L'al. 1 définit les prestations soumises à émoluments et l'al. 2 le mode de calcul. L'al. 3, enfin, délègue au Conseil fédéral le pouvoir de fixer par ordonnance le taux des émoluments et de régler les modalités de perception. Le taux des émoluments dépendra de l'importance économique de l'affaire. Le Conseil fédéral pourra également déterminer les procédures et prestations non soumises aux émoluments. Il serait
notamment indiqué d'exonérer les enquêtes au sens de l'art. 27 LCart si les indices de départ ne se confirment pas et que la procédure est classée.

En conséquence, l'art. 47, al. 2, qui règle actuellement le prélèvement d'émoluments pour les avis rendus par la ComCo, peut être abrogé.

Art. 59a L'art. 170 de la Constitution prescrit que l'efficacité des mesures prises par la Confédération doivent faire l'objet d'une évaluation. La révision de la LCart doit donc également servir à remplir ce mandat constitutionnel dans son domaine. Une concurrence efficace joue un rôle prépondérant pour la place économique suisse.

L'objectif principal de la révision est d'augmenter l'effet préventif en introduisant des sanctions directes en cas d'infraction au droit des cartels particulièrement dommageable. C'est donc là-dessus que portera principalement l'évaluation. Ce point sera examiné systématiquement et par le biais de méthodes scientifiques.

1935

Dispositions transitoires Les dispositions transitoires autoriseront les entreprises à annoncer une restriction à la concurrence existante dans les six mois à compter de l'entrée en vigueur de la révision, moyennant quoi ­ comme pour l'annonce de nouvelles restrictions illicites à la concurrence au sens de l'art. 49a, al. 3 ­ aucune sanction ne pourra être prononcée. Bien évidemment, il n'y aura pas de sanction si la restriction à la concurrence est supprimée durant cette période, même si elle n'est pas annoncée.

Si une restriction à la concurrence ayant déployé ses effets avant l'entrée en vigueur de l'art. 49a n'est ni annoncée, ni interrompue durant le délai transitoire, une sanction au sens de l'art. 49a peut être prononcée. En pareil cas, étant donné le principe de non-rétroactivité, la sanction ne pourra être calculée que sur la période postérieure à l'entrée en vigueur de la révision de la loi.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

L'intérêt principal de l'introduction des sanctions directes réside dans leur effet préventif. Mais des sanctions élevées et les atteintes portées à la réputation des entreprises se livrant à des restrictions illicites de la concurrence ne sont dissuasives que si le risque d'être découvert est lui aussi important.

Pour être efficace, la mise en oeuvre de la révision appelle donc la création de 15 postes supplémentaires au sein du secrétariat de la ComCo (autorité chargée des enquêtes).

A n'en pas douter, avec l'introduction des sanctions directes, les procédures d'enquête deviendront plus coûteuses. Afin d'atteindre un taux de découverte suffisamment élevé, le secrétariat sera appelé à opérer des enquêtes en employant parfois de nouvelles méthodes (perquisitions). L'élargissement des méthodes d'enquête appelle une cellule d'intervention de trois spécialistes et l'engagement d'un spécialiste dans chacun des trois services.

La menace de sanctions devrait suffire à amener de nombreuses entreprises à consulter les autorités en matière de concurrence au sujet de la licéité de certaines pratiques. Pour des raisons de sécurité juridique, il est important que les autorités en matière de concurrence et les instances de recours, après l'introduction des sanctions directes, indiquent rapidement quelles pratiques sont licites, et lesquelles sont prohibées. C'est dans cet objectif qu'il faudra publier des avis explicatifs pour compléter les décisions de la ComCo. Il incombera également au secrétariat, dans des cas d'espèce, de conseiller les entreprises rapidement et sans excès de bureaucratie et de les aider à trouver une interprétation claire des normes. Afin d'éviter que les autres tâches du secrétariat n'en pâtissent, il faut, dans l'intérêt des entreprises, prévoir deux postes supplémentaires dans chacun des trois services.

Du fait de l'introduction des sanctions directes, il conviendra d'accorder une importance particulière aux droits des parties (cf. ch. 2.1.7). Afin de garantir le droit d'être entendu, il faudra séparer clairement les instances d'instruction et de décision, ce qui, à l'échelle de la ComCo (autorité de décision fonctionnant selon un système de milice) nécessite trois secrétaires juridiques.

1936

Compléter les ressources en personnel engendre un besoin en locaux. Au total, il faut compter avec des coûts récurrents de 3 millions de francs pour 15 postes.

D'un autre côté, la révision engendrera des rentrées supplémentaires dans les caisses de l'Etat. Cet aspect revêt néanmoins une importance secondaire.

3.2

Conséquences dans le secteur informatique

La création de postes engendre un besoin en matériel informatique. Il faut par ailleurs prévoir un nouveau système informatique de collecte et de traitement des informations supplémentaires.

3.3

Conséquences économiques

En 1995, la nouvelle LCart avait pour objectif de revitaliser l'économie nationale et de renforcer sa position dans la concurrence internationale. L'efficacité de cette politique se trouvera renforcée par les sanctions directes et les autres modifications de la loi qui leur sont liées.

3.3.1

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat

L'introduction de sanctions directes présuppose une intervention du législateur.

A cet égard, le projet de révision se distingue en particulier par sa mesure. Les sanctions directes ne s'appliqueront qu'aux restrictions à la concurrence les plus graves et les entreprises auront désormais le droit, mais non l'obligation, d'annoncer leurs accords en matière de concurrence.

3.3.2

Conséquences pour les différents types d'entreprises

Pour que la LCart atteigne ses objectifs, la politique en matière de concurrence doit être menée sur un large front. En principe, toutes les entreprises sont donc potentiellement concernées par les sanctions directes.

Il serait possible de penser que l'économie nationale (construction et métiers apparentés, services, etc.) sera dans la ligne de mire de la ComCo parce qu'elle se prête, en raison de son champ d'action restreint, aux ententes de nature cartellaire. Mais les cas comme le cartel des vitamines, par exemple, sont là pour montrer que les grands groupes et les multinationales, soumis à une concurrence internationale toujours plus rude, essaient eux aussi de s'y soustraire en adoptant des pratiques restreignant la concurrence. L'introduction des sanctions directes doit également servir à contrecarrer cette tendance. Les grands bénéficiaires de cette révision seront les consommateurs et les entreprises, qui, grâce au renforcement de la lutte contre les cartels, bénéficieront de la baisse des prix des biens de consommation, des services et des biens intermédiaires.

1937

3.3.3

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Une politique efficace en matière de concurrence est dans l'intérêt de l'économie dans son ensemble. Or, la politique de la concurrence n'est efficace que s'il est vraisemblable qu'elle sera effectivement appliquée, comme l'introduction des sanctions directes et du programme de clémence le laisse entendre. En d'autres termes, les acteurs du marché seront peu enclins à enfreindre les dispositions de la LCart s'il ne fait pas de doute que ces dispositions seront effectivement appliquées avec fermeté.

L'introduction des sanctions directes aura donc un effet positif sur l'ensemble de l'économie.

Pour les autorités en matière de concurrence et les entreprises, le gain en rentabilité ira toutefois de pair avec une augmentation des coûts liée à l'introduction des sanctions directes. Mais ce surcoût sera sans aucun doute compensé par le profit des améliorations obtenues en matière de concurrence pour l'ensemble de l'économie, quand bien même le gain net pour l'économie ne peut pas être chiffré.

3.3.4

Solutions de rechange

Il n'existe pas d'alternative à l'introduction des sanctions directes dont les effets pourraient être jugés équivalents. Il en est de même pour le programme de clémence.

Sans lui, les sanctions directes n'auraient qu'un effet (préventif) limité.

3.3.5

Adéquation au but

La révision est faite dans un but précis et elle reste mesurée. La possibilité d'annoncer une restriction à la concurrence en étant libéré de toute sanction et la mise en place de certaines incitations, par exemple abandonner des pratiques anticoncurrentielles avant que l'administration n'intervienne, vont permettre à l'autorité en matière de concurrence de se concentrer sur la lutte et l'élimination des formes les plus graves d'infractions à la loi sur les cartels.

4

Programme de la législature

Dans le rapport sur le programme de la législature 1999­2003 (FF 2000 2183, 2224), au chapitre «La Suisse, pôle économique et intellectuel ­ améliorer les chances des générations futures», le Conseil fédéral a rappelé qu'il se prononcerait sur la nécessité de réformer le droit de la concurrence et annoncé au Parlement qu'il lui soumettrait un projet de révision (objet des grandes lignes R11).

5

Relation avec le droit européen

L'eurocompatibilité du droit suisse de la concurrence n'est pas directement visée par le projet de révision. Mais comme les restrictions à la concurrence sont également passibles de sanctions directes dans l'UE, la révision contribue à rapprocher le niveau de protection offert par la législation suisse en matière de concurrence de 1938

celui de l'UE. Comme les deux conceptions demeurent différentes (c'est le principe de l'interdiction, et non celui de l'abus qui prévaut dans l'UE), les éléments du projet sont difficilement comparables à leurs équivalents européens. Un bon exemple en est le système d'annonce, qui se distingue fondamentalement de la procédure d'exemption telle qu'elle est appliquée dans l'UE. Dans l'ensemble pourtant, le droit suisse en matière de concurrence correspond bien au droit étranger, notamment à celui de l'UE.

Nous avons étudié en particulier la question de savoir si les sanctions directes proposées constituent des accusations en matière pénale au sens de l'art. 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) et si, le cas échéant, les règles de procédure de la LCart répondent aux exigences de la CEDH ­ telles que le droit à un procès équitable ou le droit à un jugement par un tribunal établi par la loi.

Dans la mesure où les sanctions directes ont un caractère dissuasif autant que répressif, l'art. 6 CEDH est applicable. Un examen méticuleux des droits en découlant pour l'accusé lors de la procédure d'enquête préalable et d'enquête (par exemple le droit à ce que la procédure soit menée dans un délai raisonnable ou le droit à ne pas s'incriminer soi-même) d'une part et lors de la procédure devant la Commission de recours pour les questions de concurrence d'autre part aboutit à la conclusion qu'il n'est pas nécessaire de modifier la LCart, mais tout au plus d'adapter la pratique des autorités en matière de concurrence (cf. ch. 2.1.7). En conséquence, les autorités en matière de concurrence ont d'ores et déjà procédé à une séparation plus nette des procédures d'instruction et de décision.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité

Les dispositions proposées se fondent sur l'art. 96, al. 1, de la Constitution. Cet article prévoit que la Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dommageables des cartels et des autres formes de restrictions à la concurrence. Cette norme constitutionnelle correspond, quant au fond, à l'art. 31bis, al. 3, let. d, de l'ancienne constitution.

La constitutionnalité de l'introduction de sanctions directes dans la loi sur les cartels, en particulier, a été confirmée dans l'avis de droit Rhinow (cf. ch. 2.1.2).

6.2

Délégation de compétences législatives

En vertu de la clause de délégation de l'art. 53a, le Conseil fédéral fixera le taux des émoluments et règlera les modalités de perception. Il édictera par ailleurs des dispositions d'exécution, en particulier concernant les sanctions directes (montant de la sanction et programme de clémence) et le calcul des valeurs seuils au-delà desquelles les concentrations de banques et d'intermédiaires financiers devront être notifiées.

1939

Annexe 1

Statistique des activités de la Commission de la concurrence (y compris celles de son secrétariat) (cf. ch. 1.1.2.)

(état fin 2000) Les activités de l'autorité en matière de concurrence sont regroupées en fonction de leur finalité.

­

Procédures à l'encontre des cartels et des pratiques illicites d'entreprises occupant une position dominante sur le marché, c'est-à-dire enquêtes et enquêtes préalables (art. 26 ss LCart) (I).

­

Procédures d'examen préliminaire et d'examen des concentrations d'entreprises (art. 32 ss LCart) (II).

­

Recommandations, avis et préavis aux autorités concernant l'élaboration de nouveaux actes normatifs ou l'application des actes existants (art. 15 et 45 ss LCart) (III).

­

Procédures basées sur la loi sur le marché intérieur (LMI) (IV).

­

Procédures diverses (V).

Il n'existe pas de statistiques concernant les procédures informelles, l'activité de conseil au sens de l'art. 23 LCart, et les procédures de recours (devant la Commission de recours).

Activité

I Procédures à l'encontre de cartels et des abus de position dominante Enquêtes, dont a) Ouvertures (y compris les enquêtes reprises de la Commission des cartels) b) Accords amiables c) Décisions d) Mesures provisionnelles e) Sanctions

19961

1997

1998

6

8

0 0 5 0

Enquêtes préalables, dont f) Ouvertures (y compris les enquêtes 45 reprises de la Commission des cartels) g) Clôture sans ouverture d'une enquête 7 h) Clôture avec ouverture d'une enquête 2 Communications

1

1er semestre

1940

0

1999

2000

Total

7

12

12

45

0 5 4 0

1 2 4 0

0 8 2 2

2 11 0 0

3 26 15 2

44

20

22

20

151

38 5

20 3

14 10

11 9

90 29

0

2

0

0

2

Activité

II Procédure d'examen des concentrations d'entreprises a) Notifications au total b) Clôture après examen préliminaire c) Clôture après examen d) Décision après examen (charges, conditions, interdiction) e) Retrait de la notification (renonciation au projet) en cours d'examen f) Réalisations anticipées g) Sanctions III Recommandations, avis et préavis aux autorités a) Avis (art. 15 LCart) b) Recommandations (art. 45 LCart) c) Préavis (art. 46 LCart) d) Avis (art. 47 LCart) e) Avis sur demandes de concessions LRTV f) Prise de position (art. 11 LTC) IV Procédures basées sur la LMI a) Recommandations (art. 8 LMI) b) Expertise (art. 10 I LMI) c) Expertise (art. 10 II LMI) d) Conseils du secrétariat V Divers a) Suivi des affaires b) Décisions en constatation

19961

1997

1998

1999

2000

Total

1 1 0 0

22 19 2 1

26 22 4 2

33 31 0 0

54 52 1 1

136 125 7 4

0

0

1

0

0

1

0 0

1 1

1 3

0 1

0 2

2 7

0 0 22 0 0

0 4 30 0 0

1 0 62 2 13

4 3 24 1 14

1 3 64 1 22

6 10 202 4 49

0

0

2

1

3

6

1 0 0 1

1 0 0 5

4 1 0 4

1 0 0 2

2 0 0 2

9 1 0 14

10 0

8 0

12 1

5 2

0 1

35 4

1941

Explications La plupart des procédures d'enquête (art. 27 ss LCart) sont menées à bien en moins d'une année. En ce qui concerne les autres, des questions complexes de droit procédural ou matériel se sont posées; dans certains cas, le contexte économique a changé, de sorte qu'une nouvelle appréciation s'imposait. On constate que l'attitude des parties change selon la direction dans laquelle s'oriente la procédure.

Les enquêtes préalables (art. 26 LCart) servent à examiner si un état de faits déterminé pourrait constituer une infraction aux dispositions de la LCart, auquel cas il convient d'ouvrir une enquête. Il est évident que le nombre des enquêtes préalables est bien supérieur à celui des enquêtes. Sur 151 enquêtes préalables, 29, soit 19%, ont débouché sur une enquête. Cette proportion n'a cessé d'augmenter ces dernières années. En effet, si en 1996, 5 % des enquêtes préalables débouchaient sur une enquête, ce pourcentage est passé à 11 % en 1997, à 15 % en 1998, à 45 % en 1999 et à 45 % en 2000. La même tendance se dégage si l'on prend pour base toutes les enquêtes préalables achevées. La proportion est de 22 % en 1996, de 11 % en 1997, de 13 % en 1998, de 42 % en 1999 et de 24 % en 2000. Le nombre des ouvertures d'enquêtes préalables diminue, tandis que le nombre des nouvelles enquêtes augmente. Ce phénomène s'explique notamment par l'application de la «procédure de tri». Le secrétariat examine les indications fournies par les personnes s'estimant «lésées» pour voir si leurs allégations de violation de la LCart sont plausibles. Si tel n'est pas le cas, il renonce à ouvrir une enquête préalable.

Fin 2000, 136 concentrations d'entreprises avaient fait l'objet d'une notification avant leur réalisation. Ce nombre n'a cessé d'augmenter: de 18 % en 1998 par rapport à 1997, de 50 % en 1999 par rapport à 1998, et de 63 % par rapport à 1999.

A l'étranger, on peut observer la même évolution2. Environ 8 % des concentrations d'entreprises notifiées ont été soumises à un examen approfondi. Jusqu'ici, la ComCo n'en a interdit aucune. Dans un cas, les parties ont retiré leur notification à la perspective d'une interdiction. En d'autres termes, elles ont elles-mêmes renoncé à leur projet. Ce cas y compris, on constate que 4 % des concentrations notifiées ont été sujettes à caution du point de vue du droit
de la concurrence. La ComCo et le secrétariat ont simplifié et rationalisé les procédures et ainsi réduit à un minimum la charge de travail que constitue l'examen d'une concentration d'entreprises. Il n'empêche que cette charge reste relativement lourde.

2

La comparaison avec les conditions qui prévalent à l'étranger, et plus particulièrement dans l'UE, n'a de sens que si l'on considère uniquement le contrôle des concentrations, étant donné que les dispositions légales ne sont comparables que dans ce domaine. Les réglementations concernant les procédures à l'encontre des cartels sont par contre si différentes que toute comparaison avec l'UE serait aberrante.

1942

Annexe 2

Concentrations d'entreprises de médias; valeurs seuils au sens de l'art. 9, al. 2, LCart (cf. ch. 2.2.1) (période allant du 1er juillet 1996 au 1er octobre 2001) Concentration (chiffre d'affaires en millions)

DPC

Résultat

Art. 9, al. 1, LCart

1. Gasser (40) ­ Tschudi (15.5)

1997/1, 179

2. Anzeiger Uster (5.5)/Druckerei Wetzikon (30) 3. Edipresse (300)/JG (>100) ­ Le Temps 4. Post (5544)/Bevo (10 + 600 TA Media und BTM) 5. BTM (175)/Schaer Thun AG (35)

1997/4, 519

pas d'objection non (après modification) pas d'objection non

1998/1, 40 1998/2, 265

charge oui pas d'objection oui

­

non

6.

7.

8.

9.

Soc. neuchâteloise de presse (19.5 + 12.7) Axel Springer (7.5)/Handelszeitung (21) TA Media AG (590)/Radio Zürisee (52) Tribune de Genève/SDP

1999/1, 133 1999/1, 177 1999/1, 179 1999/2, 259

retiré (sinon interdiction) pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection

10. Valora Holding (2400)/Melisa (14) 11. CSG (82 565)/Belcom (34) 12. TA Media AG (590)/Belcom (34) ­ Tele Züri AG (13) 13. Holtzbrinck (9.5)/Dow Jones (6.4) 14. Buchdruckerei Buchs (8)/NZZ (450) 15. Dow Jones (303) Reuters Business (20.3) 16. Sat.1 (21.6)/Ringier (895) 17. Südostschweiz Pressevertrieb (1030 + 40) 18. TA Media (600)/F&W (27) 19. EM.TV Merchandising AG (6.4 + 50) 20. Radio RI (450 + 13) 21. Berner Oberland Medien AG (170 + 14.5 + 12) 22. NZZ (480)/Bertelsmann (26 000) - SSB 23. BTM (175)/Schaer Thun AG II (35) 24. Banner.ch (2000 + 5,5) 25. Bertelsmann (2000)/EMAP (>5) 26. Thurgauer Medien AG (>30 + >5) 27. St. Paul SA (>30)/Le Pays SA (> 10) 28. Bertelsmann (2000)/Schück (>5) 29. Edipresse/Senger Media

1999/3, 468 1999/3, 476 1999/3, 479

non non non oui (art. 9, al. 4, LCart) pas d'objection non pas d'objection non pas d'objection non

1999/4, 601 2000/1, 41 2000/1, 43 2000/1, 46 2000/2, 230 2000/3, 398 2000/2, 233 2000/2, 249 2000/3, 414

pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection

non non non non non non non non non

2000/2, 253 2000/4, 646 2000/4, 650 2000/4, 653 2000/4, 662 2000/4, 671 2001/1, 115 2001/1, 128

pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection

oui non non non non non non oui (art. 9, al. 4, LCart)

1943

Concentration (chiffre d'affaires en millions)

DPC

Résultat

30. Hallwag AG (>5)/Büchler Grafino (BTM 175) 31. Bertelsmann (2000)/RTL (>10) 32. Mittelland Zeitung 33. NZZ / Benteli Verlag 34. Ringier - Druckerei Winterthur/Color Serv 35. Ziegler Druck- und Verlags AG/Zürcher Oberland Medien/Kiebitz 36. Tamedia/Belcom

2001/1, 136

pas d'objection non

2001/3, 537 2001/3, 540 2001/3, 560 2001/3, 531 2001/3, 569

pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection pas d'objection

non non non non non

2001/4, 721

condition

non

1944

Art. 9, al. 1, LCart