98.411 Initiative parlementaire LP. Recouvrement des primes de l'assurance-accidents obligatoire Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 27 mai 2002

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose par 13 voix et 5 abstentions d'adopter le projet de loi ci-joint.

27 mai 2002

Au nom de la commission: La présidente, Anita Thanei

6622

2002-1888

Rapport 1

Situation initiale

1.1

Initiative parlementaire

Le 20 mars 1998, le conseiller national Peter Baumberger a déposé une initiative parlementaire visant à modifier l'art. 43 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP; RS 281.1), afin d'exclure de la poursuite par voie de faillite le recouvrement des primes de l'assurance-accidents obligatoire.

L'auteur de l'initiative motive sa démarche par le fait que la réglementation en vigueur oblige les établissements d'assurance-accidents privés à ouvrir des poursuites par voie de faillite pour obtenir le recouvrement de primes et ce, à la différence de la procédure prévue pour la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et les caisses publiques.

Il estime que l'obligation d'ouvrir une poursuite par voie de faillite ne se justifie pas. D'une part, les montants faisant l'objet de poursuites dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire sont souvent assez modestes. D'autre part, la poursuite par voie de faillite a des conséquences graves sur le plan social pour les petites et moyennes entreprises, et tout particulièrement pour leurs employés. Afin que la législation sur la poursuite remplisse son rôle ­ qui est de servir à rendre effectif le droit matériel ­ et que les intérêts des petites et moyennes entreprises et de leurs employés soient sauvegardés, il faut modifier l'art. 43 LP dans le sens indiqué.

Il ressort des documents concernant la dernière révision de la LP que le législateur n'avait pas pris conscience du problème à l'époque. La notion de caisses publiques (art. 43, ch. 1, LP) a été reprise telle quelle dans le nouveau droit. Une poursuite qui oblige à procéder à une liquidation totale de la fortune devrait être évitée, de l'avis du législateur, lorsqu'une personne est forcée de payer des primes d'assurance. Or ceci est un cas relevant de l'obligation de s'assurer et non uniquement de l'organe administratif.

1.2

Examen préalable par la Commission des affaires juridiques

La commission a constaté que lors de la révision totale du 16 décembre 1994 de la LP, la question soulevée par l'initiative n'avait pas été abordée. La règle actuelle crée une inégalité de traitement entre les caisses publiques (incluses dans les exceptions à la poursuite par voie de faillite de l'art. 43, ch. 1, LP) et les assurances privées qui doivent agir par la voie de la faillite pour poursuivre un débiteur. Cette différence de traitement se fondant uniquement sur la qualité du créancier, et non pas sur le type de créance, ne paraît pas justifiée. Par ailleurs les montants en jeu sont souvent relativement peu élevés. La poursuite par voie de saisie permet dès lors d'éviter, notamment aux petites et moyennes entreprises et à leurs employés, les conséquences sociales importantes découlant de la liquidation totale de la fortune d'une entreprise qu'entraîne une poursuite par voie de faillite.

6623

La commission a en outre envisagé la possibilité d'entreprendre une révision plus large de l'art. 43 LP en cas d'élaboration d'un projet législatif (2e phase), en faisant une exception à la poursuite par voie de faillite pour d'autres dettes fondées sur le droit public.

1.3

Décision du Conseil national

Le 21 avril 1999, le Conseil national, se ralliant à la proposition de la majorité de la Commission des affaires juridiques, a décidé de donner suite à l'initiative sans opposition.1 Conformément à l'art. 21quater, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le Conseil national a chargé la Commission des affaires juridiques d'élaborer un projet d'acte législatif. En application de l'art. 21quater, al. 2, LREC, la commission a demandé au Département fédéral de justice et police de la seconder dans ses travaux.

La commission a traité cet objet au cours de ses séances des 31 janvier, 3 juillet et 29 août 2000. Le 22 avril 2002, elle a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et adopté le projet de modification de l'art. 43 LP.

2

Les grandes lignes du projet

2.1

La révision de la LP de 1994

La LP a fait l'objet, récemment, d'une large révision2, entrée en vigueur le 1er janvier 1997. Si l'art. 43 LP a effectivement fait l'objet de discussions3, celles-ci n'ont cependant pas porté sur l'objet de l'initiative parlementaire, mais uniquement sur les modalités de la poursuite pour les contributions périodiques d'entretien et d'aliments découlant du droit de la famille (art. 43, ch. 2, LP) ainsi que sur la constitution de sûretés (art. 43, ch. 3, LP). En ce qui concerne les prétentions de droit public, la révision a maintenu l'ancien droit, sans autre explication. Pour le reste, l'art. 43 LP n'a fait l'objet que d'une modification rédactionnelle.

2.2

Le droit en vigueur

La LP part de l'idée qu'un débiteur, même s'il est susceptible d'être mis en faillite (art. 39 LP), ne doit pas l'être pour des dettes de droit public (art. 43, ch. 1, LP). Le but visé par cette disposition protectrice est que personne ne doit voir sa situation économique anéantie, en particulier en raison de dettes fiscales. L'art. 43 LP rompt ainsi avec le système de la LP selon lequel les «débiteurs qui sont des commerçants» (en particulier les sociétés commerciales et les commerçants indépendants) sont en principe poursuivis par voie de faillite, alors que tous les autres débiteurs (les 1 2 3

BO 1999 N 734 Cf. Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991; FF 1991 III 1 ss, BO 1993 N 19, BO 1993 E 643.

Cf. Message, p. 56 s.

6624

employés et les personnes sans revenus notamment) le sont par voie de saisie4. Dans la mesure où il forme une exception rompant avec ce système légal, la jurisprudence interprète l'art. 43 LP de manière très étroite5.

Cependant, la définition légale de l'exception ne couvre pas tous les cas: les prestations de droit public ne tombent sous le coup de l'art. 43 LP et ne peuvent donc être poursuivies par voie de faillite que si, en même temps, elles sont dues à un créancier de droit public, «une caisse publique» comme le prévoit la loi6. Des créances de droit public peuvent toutefois être dues ­ selon le degré de privatisation d'une tâche publique ­ également à des créanciers ayant un statut privé; il en va ainsi des primes d'assurance-accidents, expressément visées par l'initiative. Le même problème se pose toutefois, par exemple, pour les montants des primes d'assurance-maladie obligatoire, ainsi que pour les taxes d'électricité et de télécommunication, lorsque les prestations sont fournies par des prestataires de service privés.

2.3

Consultation

Conformément à l'art. 21quater, al. 2, LREC, la commission a décidé de charger le Conseil fédéral de procéder à une consultation permettant aux milieux concernés de prendre connaissance de l'avant-projet relatif à la modification de l'art. 43 LP. Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police d'ouvrir la procédure auprès des cantons, du Tribunal fédéral, des partis politiques et des milieux intéressés. Le délai de réponse était fixé pour fin février 2001. Les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures et d'Obwald, le Tribunal fédéral ainsi que l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire et, pour partie, le concordat des assureurs-maladie suisses ont expressément renoncé à prendre position.

L'avant-projet envoyé en consultation prévoyait l'exclusion de la poursuite par voie de faillite pour toutes les créances fondées sur le droit public ainsi que pour les créances de droit privé jusqu'à 1000 francs. Les résultats de la procédure de consultation se résument comme suit: La quasi-totalité des cantons7, tous les partis politiques et une large majorité des organisations concernées ont approuvé l'avant-projet visant l'exclusion de la poursuite par voie de faillite pour les créances de droit public. Deux organisations ont toutefois rejeté la proposition en ce qui concerne la prévoyance professionnelle LPP8. Une organisation propose que le créancier puisse choisir le mode de poursuite9. Un canton souhaiterait que l'office des poursuites puisse choisir le mode de poursuite pour les créances d'un montant compris entre 1001 et 5000 francs10.

4 5 6 7 8 9 10

S'agissant des modalités de poursuite, cf. Kurt Amonn/Dominik Gasser, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., Berne 1997, § 9.

Domenico Acocella, in: Staehelin/Bauer/Staehelin (Hrsg.), Kommentar zum SchKG, Bâle 1998, art. 43 n 3.

ATF 125 III 250 ss.

sauf BL, ZH CAMS et ASA (qui a uniquement approuvé la proposition initiale de l'iv.pa.)

CP JU

6625

L'exclusion de la poursuite par voie de faillite pour les créances de droit public a été rejetée par deux cantons11 et deux organisations12. Ces adversaires de l'avant-projet estiment que ce changement affaiblirait la position des autres créanciers13 et font en outre remarquer que le règlement proposé augmenterait la charge de travail, du fait que les offices des poursuites devraient d'abord examiner la nature des créances14.

La proposition visant à exclure de la poursuite par voie de faillite les créances de droit privé de peu d'importance a, quant à elle, été approuvée par douze cantons15, trois partis16 et six organisations17. La limite maximale de 1000 francs a toutefois été jugée arbitraire par certains18 et il a été proposé de la fixer à 200019, 300020, voire 500021 francs.

Douze cantons22, deux partis23 et six organisations24 se sont prononcés contre l'exclusion de la poursuite par voie de faillite pour les créances de droit privé de peu d'importance. La majorité d'entre eux est d'avis que toute entreprise incapable de rembourser une créance d'un montant peu élevé doit être mise en faillite et cesser de participer à la vie économique25. Les opposants ont en outre estimé que la réglementation proposée risque d'affaiblir la position des créanciers devant récupérer une somme d'un montant supérieur à 1000 francs26 et de conduire à des abus27.

3

Commentaire du projet

3.1

Créances de droit public

La majorité de la commission propose d'exclure d'une manière générale les primes de l'assurance-accidents obligatoire de la poursuite par voie de faillite (art. 43, ch. 1bis, LP); ainsi, même les débiteurs normalement poursuivis par voie de faillite le seraient par voie de saisie, que les primes soient dues à une institution d'assurance de droit public ou de droit privé. Cette solution résout le problème en matière d'assurance-accidents, mais laisse ouverte la question pour d'autres domaines où des prestataires de droit privé accomplissent des tâches publiques (voir ch. 22 ci-dessus).

11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27

BL, ZH Verband der zugerischen Betreibungs- und Konkursbeamten, Association LP BL ZH, VD (approuvent cependant le projet) AG, AR, FR, GL, GR (avec réserve), JU NE, SG, SZ, TG, UR, VS PDC, PCS, UDC JDS, HEV, UPS, USS, CNSAA, vsi (avec réserves) GR Union patronale suisse (proposition toutefois controversée au sein de l'UPS) PDC, HEV JDS BL, BS, BE, GE, LU, NW, SH, SO, TI, VD, ZG, ZH PRD et PLS CP, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, USAM, ASA, Verband der zugerischen Betreibungs- und Konkursbeamter et Association LP NW, SO, TI, ZG, ZH, PRD, PLS, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse BL, VD, CP, usam et aussi GR BE, LU, SO, ZH

6626

La majorité est cependant d'avis que l'extension à toutes les créances fondées sur le droit public risque d'entraîner des difficultés. Ainsi, le Tribunal fédéral28 a jugé que les primes dues par l'employeur qui sont destinées à la prévoyance professionnelle des salariés assurés selon la LPP29 étaient fondées sur le droit public. Ces cotisations dues par les employeurs peuvent atteindre des montants considérables. Si les institutions de prévoyance privées n'ont plus à disposition la menace de la mise en faillite pour réclamer aux employeurs les montants dus, leur situation en sera grandement obérée et le financement du deuxième pilier mis en danger. Ainsi, alors que pour les primes de l'assurance-accidents les montants en jeu, souvent faibles, justifient une modification de l'art. 43 LP, il ne s'impose pas de l'étendre à d'autres domaines.

La minorité de la commission est d'avis qu'il serait préférable d'envisager une solution plus large et plus générale, valable pour toutes les créances de droit public, afin d'éviter de devoir compléter une nouvelle fois dans un proche avenir la liste des exceptions de l'art. 43 LP. Le nouveau ch. 1 de l'art. 43 LP ne fait plus mention de la qualité du créancier, qui peut donc indifféremment être public ou privé. L'élément déterminant est la nature de la créance. Si celle-ci découle du droit public, l'art. 43 LP s'applique et la voie de la poursuite par voie de faillite est exclue. Cette solution répond à une meilleure systématique; en effet, la solution ponctuelle proposée par l'initiative exigerait une adaptation périodique de la liste des exceptions, ce qui n'est guère convaincant. Comme dans le droit actuel, aucune limite supérieure n'est fixée pour les créances de droit public.

3.2

Créances de droit privé

La motivation de l'initiative parlementaire consiste à exclure les créances relativement modestes de la lourde procédure de l'exécution générale par voie de faillite. Ce principe peut aussi être envisagé pour les créances de droit privé, en ce sens que toutes les créances peu importantes de droit privé sont soustraites à la procédure de faillite. Une telle solution présente indéniablement l'avantage d'une économie de procédures.

L'exclusion de la poursuite par voie de faillite profite au débiteur en évitant les conséquences économiques et sociales, notamment pour les employés, d'une mise en faillite d'une petite ou moyenne entreprise. Mais cette exclusion permet aussi au créancier qui procède à la poursuite par voie de saisie de bénéficier d'avantages procéduraux pratiques (procédure plus rapide et moins coûteuse, pas de partage obligé des éléments saisis avec tous les autres créanciers)30. Dans ce sens, l'art. 43 LP a une portée ambivalente: il épargne le débiteur d'un côté et privilégie le créancier de l'autre.

Ce privilège procédural n'est toutefois pas absolu. En effet, si le débiteur est mis en faillite suite à une réquisition de poursuite émanant d'un autre créancier ou dans les cas de faillite sans poursuite préalable (art. 190 ss LP), les objets saisis préalable-

28 29 30

ATF 115 III 89 et 118 III 13 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.40.

Cf. Amonn/Gasser, op. cit., § 9 N 17.

6627

ment rentrent également dans la masse et sont distribués entre tous les créanciers, sauf si la réalisation a déjà eu lieu (art. 199 LP).

Il est nécessaire d'introduire un montant maximal pour les créances de droit privé.

Selon la majorité de la commission, ce montant doit rester modeste afin d'éviter que la poursuite par voie de faillite soit vidée de son contenu. La pratique montre en effet qu'une grande partie des prétentions se situent en dessous de 5000 francs. La somme de 1000 francs, comme limite supérieure permettant de procéder par voie de saisie pour des dettes de droit privé, paraît adéquate (art. 43, ch. 1ter, LP). Le fait que pour chaque poursuite distincte des émoluments sont perçus dissuadera certainement un créancier de diviser, pour des gros montants, ses prétentions en de nombreuses tranches de 1000 francs.

La minorité de la commission propose de porter le montant à 5000 francs (art. 43, ch. 1bis, LP). Les conséquences sociales pour les employés perdant leur travail, la longueur des procédures ainsi que leur coût plaident en faveur d'une limite supérieure allant au-delà de 1000 francs. La minorité remarque que lorsqu'une société ne peut vraiment plus faire face à ses obligations financières, et qu'elle doit donc être mise en faillite, les créances dépassent généralement largement le montant de 5000 francs.

On remarquera que les risques inhérents à cette nouvelle réglementation ne sont pas différents de ceux qui existent pour des débiteurs soumis uniquement à la poursuite par voie de la saisie; si de nombreux créanciers font saisir en même temps les biens du débiteur, la situation de ce dernier est comparable à celle d'une faillite.

C'est le montant de la poursuite désigné par le créancier qui est déterminant pour savoir s'il sera procédé à une poursuite par voie de la saisie en vertu de l'art. 43 ch. 1ter, LP (art. 43, ch. 1bis, dans la version de la minorité).

L'art. 43, ch. 1ter, LP (art. 43, ch. 1bis, dans la version de la minorité) réserve expressément, comme dans le droit actuel, les prestations selon les ch. 2 et 3. Ainsi, quel que soit le montant de la prétention, la poursuite par voie de faillite est exclue pour le recouvrement de contributions périodiques d'entretien et d'aliments découlant du droit de la famille (art. 43, ch. 2, LP) et pour la constitution de sûretés (art. 43, ch. 3, LP).

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Pour la Confédération comme pour les cantons, la modification envisagée n'entraînerait aucune conséquence financière ou sur l'état du personnel.

5

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 122 Cst., la compétence législative en matière de droit civil incombe à la Confédération.

6628