ad 98.411 Initiative parlementaire LP. Recouvrement des primes de l'assurance-accidents obligatoire Rapport du 27 mai 2002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil National Avis du Conseil fédéral du 4 septembre 2002

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 4, de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), nous vous soumettons notre avis sur le rapport du 27 mai 2002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil National (FF 2002 6622) qui demande la révision de l'art. 43 de la loi du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 septembre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger Le chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002-1532

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Avis 1

Contexte

Le 20 mars 1998, le conseiller national Peter Baumberger a déposé une initiative parlementaire visant à ce que les primes de l'assurance-accidents obligatoire soient aussi exclues de la poursuite pour faillite lorsqu'elles ne sont pas dues à une «caisse publique» mais à une assurance privée. L'initiative demande que l'art. 43 LP soit révisé dans ce sens.

Suivant à l'unaminité la proposition de sa Commission des affaires juridiques, le Conseil national a donné suite à l'initiative le 21 avril 1999. Sur cette base, la Commission des affaires juridiques a travaillé sur un avant-projet de modification de la loi étendant le contenu de l'initiative: non seulement les primes de l'assuranceaccidents obligatoire sont exclues de la poursuite par voie de faillite mais également toutes les créances de droit public ainsi que les créances de droit privé jusqu'à 1000 francs. Le Département fédéral de justice et police a soumis cette proposition à une procédure de consultation qui s'est achevée à la fin du mois de février 2001.

S'agissant de l'exclusion générale de toutes les créances de droit public, l'avantprojet de la Commission a été approuvé à la majorité. En revanche, les opinions concernant l'exclusion de certaines créances de droit privé sont clairement divisées.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a retravaillé l'avantprojet sur la base de ces appréciations et présente la solution de la majorité ainsi que celle de la minorité.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

En général

Le but premier de l'initiative est de garantir l'égalité de traitement au plan juridique des assureurs accident. En effet, le type de poursuite varie dans le droit actuel selon qu'une assurance privée ou une assurance publique recouvre la créance: une assurance privée doit poursuivre le débiteur de la contribution par voie de faillite (si le débiteur est sujet à la faillite) alors que l'assurance publique (par ex. la CNA) procède par voie de saisie (art. 43 LP). Cette différence a sa source dans les réflexions du législateur de l'époque de l'élaboration de la LP, réflexions selon lesquelles personne, même un débiteur sujet à la faillite (art. 39 LP), ne doit tomber en faillite à cause de dettes de droit public (cela concernait surtout les impôts). C'est la raison pour laquelle la LP actuelle exclut les créances de droit public de la poursuite par voie de faillite ­ à la condition que la titularité de ces créances appartienne à une «caisse publique». C'est parce que l'assurance-accidents obligatoire n'est pas uniquement proposée par la «caisse publique» CNA mais également par des assurances privées (art. 58 LAA; RS 832.20) qu'il existe à présent une différence dans le type de poursuite applicable à ces créances, différence qu'il convient sans aucun doute d'éliminer.

De prime abord, le fait d'exclure les assureurs privés de la poursuite par voie de faillite, comme le propose l'initiative, semble devoir entraîner un affaiblissement de 6632

leur position: les débiteurs de primes échappent ainsi à la menace que constitue la commination de faillite (art. 159 ss LP). Cette impression est cependant trompeuse car à tous égards l'exécution spéciale est moins chère, plus rapide et plus efficace.

L'art. 43 LP procure au créancier concerné un avantage procédural concret, ce qui n'est pas sans poser des problèmes à l'égard des créanciers possédant une créance de droit privé. L'art. 43 LP est, de ce fait, appliqué avec beaucoup de retenue (voir p. ex. l'ATF 125 III 250) ­ une circonstance dont le législateur doit tenir compte et qui plaide en défaveur d'un allongement trop important de la liste des exceptions de l'art. 43 LP.

2.2

Exclusion des créances de droit public

La majorité de la Commission s'est ralliée à l'initiative telle qu'elle avait été initialement formulée. Dans la liste des exceptions de l'art. 43 LP, il ne convient d'ajouter que les primes de l'assurance-accidents obligatoire (art. 43, nouveau ch. 1bis, LP). Pour toutes les autres créances de droit public, il faut s'en tenir au droit actuel (l'art. 43, ch. 1, LP demeure inchangé): celles-ci ne sont ainsi exclues de la poursuite par voie de faillite que lorsqu'elles sont dues à un créancier de droit public. Dans l'assurance-accidents au contraire, le statut juridique du créancier ne devrait plus jouer aucun rôle. Cette intervention législative ponctuelle permettrait de supprimer l'inégalité de traitement dans le domaine de l'assurance-accidents.

La minorité de la Commission va considérablement plus loin: selon sa proposition, il faudrait exclure de la poursuite par voie de faillite toutes les créances de droit public, que le créancier soit une entité de droit public ou de droit privé. Sinon, l'art. 43 LP nécessiterait bientôt une autre révision car toujours plus de services publics sont fournis par des entités privées. Il faudrait donc supprimer la notion de «caisse publique» de la loi.

Bien que cette proposition de la minorité ­ du point de vue systématique ­ se justifie dans une certaine mesure, il convient de la rejeter: l'exclusion générale de toutes les créances de droit public de la poursuite par voie de faillite irait clairement à l'encontre des intérêts des créanciers possédant une créance de droit privé car ces derniers ne pourrait qu'intenter la procédure d'exécution générale qui est beaucoup plus chère et plus compliquée. De plus, l'efficacité de celle-ci serait sensiblement affaiblie: d'abord en raison des conditions restrictives qui la régissent mais ensuite et surtout en raison de la diminution prévisible du patrimoine sujet à l'exécution forcée due aux poursuites antérieures par voie de saisie. Accorder un tel privilège au droit public ne serait pas justifié, dans l'intérêt de l'égalité de traitement des créanciers. Il convient enfin de se poser la question fondamentale de la compatibilité de telles exceptions avec le système général de la LP, selon lequel le débiteur «commerçant» est sujet à la poursuite par voie faillite et non pas par voie de saisie (art. 39 LP).

Compte tenu
de toutes ces considérations, le Conseil fédéral est d'avis que s'agissant des créances de droit public, seule la solution restrictive de la majorité de la Commission entre en considération: exclure uniquement les primes d'assuranceaccidents de la poursuite par voie de faillite. Les créances portant sur les primes sont en principe suffisamment basses pour ne pas causer une réduction du patrimoine sujet à la poursuite. Cette solution n'est certes pas totalement satisfaisante du point 6633

de vue systématique, mais elle est pragmatique et ses effets sont prévisibles. La solution plus radicale de la minorité doit être écartée. La solution de la majorité est en outre conforme au résultat de la procédure de consultation.

2.3

Exclusion des créances de droit privé au-dessous d'un certain montant

Comme il a été dit plus haut, la poursuite par voie de saisie peut offrir au créancier d'une créance de droit public un avantage sur le plan procédural. Dans cette perspective, les aspirations de la commission sont compréhensibles: pour «compenser» cet avantage, elle propose de soumettre aussi certaines créances de droit privé à la poursuite par voie de saisie. Il arrive en effet souvent qu'un créancier qui possède une créance de droit privé de quelques centaines de francs (par ex. pour la livraison de nourriture à la cantine d'une entreprise en difficulté) renonce à poursuivre son débiteur par la voie de l'exécution forcée en raison de l'avance de frais (élevée) nécessaire à l'ouverture de la faillite (art. 169 LP) ou parce qu'il sait que dans la faillite il devra partager avec tous les autres créanciers et par conséquent ne pourra obtenir qu'un dividende minimum. La procédure par voie de saisie ouvre des perspectives bien différentes à un créancier attentif: entamée et poursuivie à temps, cette procédure est payante. La majorité de la Commission propose donc d'exclure de manière générale les créances jusqu'à 1000 francs de la poursuite par voie de faillite; la minorité de la Commission porte même cette limite supérieure à 5000 francs.

Bien qu'il comprenne cette proposition, le Conseil fédéral recommande son rejet, d'autant plus que cette partie de l'initiative a rencontré une vive résistance lors de la procédure de consultation. Les reproches principaux étaient qu'imposer une limite supérieure est toujours arbitraire et que la proposition ­ ainsi que l'aménagement d'exceptions pour les créances de droit public ­ réduirait la masse en faillite comme peau de chagrin. Les effets de cette proposition causeraient également du tort au débiteur car les personnes morales (comme par ex. les sociétés de capitaux) ne profitent d'aucune protection dans la saisie: elles n'ont pas de biens insaisissables ni de minimum vital garanti. En outre, les résultats de la procédure de consultation ont mis en évidence le fait qu'un débiteur qui ne paye plus ses petites dettes est au bord de la faillite et qu'il ne devrait pas pouvoir bénéficier artificiellement d'un répit grâce à la poursuite par voie de saisie. De plus, une grande partie des créances poursuivies concerne des montants de moins de 5000 francs si bien
que l'initiative mènerait à une abolition masquée de la poursuite par voie de faillite. Enfin, et pour la même raison, il convient d'écarter la possibilité de donner au créancier le droit de choisir le type de poursuite à laquelle serait soumis le débiteur.

2.4

Conclusion

Le Conseil fédéral propose de revenir à l'initiative telle qu'elle avait été proposée par le Conseiller national Peter Baumberger. Il convient donc de compléter la liste d'exceptions prévues à l'art. 43 LP, de manière ponctuelle et pratique, uniquement en matière d'assurance-accidents obligatoire (en ajoutant un ch. 1bis à l'art. 43 LP).

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Il convient de renoncer à faire d'autres exceptions car leurs conséquences pour le système de la LP, qui a fait ses preuves, seraient dangereuses.

Si, dans un avenir proche, d'autres exceptions devaient être proposées, comme le craint la minorité de la Commission, il conviendrait de mener une réflexion sur la suppression totale de la réglementation prévue à l'art. 43 LP. Loin d'atteindre son but historique ­ la protection du débiteur ­ cette disposition peut favoriser certains créanciers. En effet, de nombreux débiteurs estiment que la poursuite par voie de saisie est plus rigoureuse que la faillite. Par conséquent, une grande partie des débiteurs sujets à la poursuite par voie de saisie choisissent la faillite (environ la moitié de toutes les faillites sont des déclarations d'insolvabilité au sens de l'art. 191 LP).

Et tout porte à croire que cette tendance ne va pas s'inverser.

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